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Démission de Sarah Schlitz : une prévalence du double standard en politique ?

28 Avril 2023, 03:15am

Publié par hugo

 Démission de Sarah Schlitz : une prévalence du double standard en politique ?

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hier à 10:38

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Par Camille Wernaers pour Les Grenades
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Sarah Schlitz
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La secrétaire d’État à l’Égalité des Chances, des Genres et à la Diversité Sarah Schlitz (Ecolo) a annoncé sa démission ce mercredi 26 avril. Elle se trouvait depuis plusieurs semaines au cœur d’une polémique concernant l’utilisation de son logo personnel dans des communications publiques d’associations subsidiées par le secrétariat.

Une erreur qu’elle a reconnue au Parlement, ce qui ne s’est pas avéré suffisant, car La DH a révélé l’existence d’un guide qui précise qu’il faut apposer le logo de la secrétaire d’État pour toucher des subsides dans le cadre de l’appel à projets "Tant qu’il le faudra", ce guide aurait été validé par la secrétaire d’État fédérale. Le député N-VA Sander Loones a rebondi sur ces révélations et a accusé la secrétaire d’État d'avoir menti plusieurs fois au Parlement.

"La polémique a pris trop d’ampleur. Elle occupe toute la presse, tout l’espace médiatique. Pour moi, ce qui compte, c’est que les dossiers avancent", a expliqué Sarah Schlitz à la suite de sa démission, estimant qu’elle avait été attaquée par la N-VA pour "le symbole" qu’elle représente.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

"Sarah Schlitz est le symbole des personnes pour qui on travaille, c’est-à-dire de la lutte contre les discriminations, pour le féminisme, contre le racisme, pour les droits LGBT. La N-VA ne partage pas vraiment ce programme", a renchéri son porte-parole, Oliviero Aseglio, qui a rappelé que Sarah Schlitz n’était pas la première femme à démissionner du gouvernement.

Il fait ainsi référence au fait que ces derniers mois, la N-VA s’est attaquée à trois des dix femmes qui composent le gouvernement Vivaldi : Eva De Bleeker, alors secrétaire d’État au Budget (Open VLD), a démissionné en novembre dernier et Ludivine Dedonder (PS) a été ciblée par Théo Francken qui avait par exemple trouvé "peu approprié" qu’elle porte des baskets pour aller travailler (comme le souligne Le Vif).


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Deux poids, deux mesures ?
Certaines analyses concernant cette démission ont mis en évidence le sexisme qui sévit en politique et qui aurait justifié un acharnement contre la secrétaire d’Etat écolo et féministe.

Cette affaire serait-elle alors un exemple du double standard qui pèse sur les femmes dans le monde politique ? "Je pense qu'il s'agit d'un des facteurs qui a pu jouer, mais ce n'est pas le seul", souligne Clémence Deswert, chercheuse au Centre d’Etude de la Vie Politique (CEVIPOL). "II existe effectivement un double standard en politique. Dans cette affaire cependant, d’autres éléments entrent en jeu, comme la lutte entre les partis à l’approche des élections de 2024 et des problèmes internes au sein d‘Ecolo. Cela dit, Sarah Schlitz défendait une certaine vision de la société, et j’ai l’impression qu’il s’agit peut-être aussi pour la N-VA de politiser la question du soi-disant ‘wokisme’ (ou de ce qu’ils estiment être du wokisme), pour le mettre à l’agenda politique en vue des élections qui arrivent", continue-t-elle.

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Comment définir ce double standard ? "C’est l’idée qu’on en attend davantage des femmes politiques. On exige d’elles une certaine forme d’exemplarité. J’ajoute également qu’il y a cette idée qu’elles doivent être actrices de changement et de bonne gouvernance, ce qu’on n’attend pas forcément des hommes politiques. Comme si pour être acceptées dans ce milieu encore masculin, elles doivent être exemplaires et ouvrir le champ à autre chose", analyse Clémence Deswert.

"C’est le principe du deux poids deux mesures", explique quant à elle Marlène Coulomb-Gully, chercheuse française en communication politique qui a travaillé sur la place des femmes dans ce milieu. "Ce double standard se retrouve dans toute la société, et donc également en politique. Je me suis rendu compte de mille façons de la pertinence de ce concept et de sa réalité. Les actions et les paroles des femmes politiques ne sont pas interprétées de la même manière que celles des hommes. Par exemple, quand un homme politique fait quelque chose d’imprévu dans son programme, on va estimer qu’il fait preuve d’initiative. S’il s’agit d’une femme politique, on dira d’elle qu’elle est incontrôlable."

Le travail acharné mené par la N-VA pour obtenir la démission de Sarah Schlitz nous semble s’apparenter davantage à du marchandage politique voire carrément à un backlash contre une femme politique

La compétence est un "sujet central" pour les femmes politiques. " Elles sont plus souvent taxées d’incompétences, précise Marlène Coulomb-Gully. "Il n’y a aucune indulgence à leur égard, ce qui signifie qu’elles jouent gros en cas d’erreur. Pour autant, cela reste difficile à prouver. On va systématiquement rétorquer qu’un homme politique aurait été traité de la même manière. Je constate aussi que les femmes politiques démissionnent plus rapidement, elles s’accrochent moins au pouvoir que les hommes. Ce n'est pas essentialiste de le mettre en exergue. Il s'agit d'une question de socialisation genrée."

Début janvier par exemple, Jacinda Ardern avait démissionné de son poste de Première ministre en Nouvelle Zélande. "Je pars parce qu’un poste aussi privilégié s’accompagne d’une grande responsabilité. La responsabilité de savoir quand vous êtes la bonne personne pour diriger, et aussi quand vous ne l’êtes pas", avait-elle expliqué. En Belgique, la ministre de la Coopération au développement, Meryame Kitir (Vooruit), a quitté la gouvernement pour raison médicale en 2022. Marlène Coulomb-Gully poursuit : "Je pense que certaines femmes politiques n’ont pas envie d’encaisser les violences engendrées par la vie politique. Elles se disent parfois que cela ne vaut pas le coup. Et je suis assez d’accord avec elles…"

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Se jeter dans la gueule du loup
Les femmes politiques sont en effet, comme d’autres femmes qui prennent la parole publiquement, plus souvent la cible de certaines violences : outre le sexisme en politique, elles sont par exemple fréquemment cyberharcelées. Des concepts comme la falaise de verre, qui les concernent, ont été théorisés.

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Opaline Meunier (MR), conseillère communale à Mons, peut également attester de l’existence de ce double standard. "Il y a un double standard qualitatif : la moindre erreur des femmes politiques va être montée en épingle, alors que les hommes politiques bénéficient d’une sorte de solidarité, entre hommes ", observe-t-elle. " Il y a aussi un double standard quantitatif : plus on monte dans les responsabilités, moins on trouve de femmes. Nous sommes un certain nombre de conseillères communales, il y a nettement moins de vice-Première ministres… Plus les femmes atteignent des hautes responsabilités plus va se poser la question de leur mari et de leurs enfants, de leur supposée ‘fragilité’. Il y a aussi certaines matières considérées comme féminines, la petite enfance, la santé, etc., qui vont plus souvent leur être attribuées, à la place de la fiscalité par exemple, ou d’autres compétences régaliennes."

Les personnalités politiques féministes portent un message qui dérange : elles rappellent que l’égalité n’est pas acquise

La femme politique libérale explique par ailleurs s’être "volontairement tenue à l’écart de l’affaire Sarah Schlitz sur les réseaux sociaux", une affaire qui a entrainé de nombreuses réactions en ligne.

"J’ai exprimé mon opinion via des canaux parallèles. Je n’ai pas tweeté à ce sujet. Que je tweete ou non n’aurait rien changé à l’affaire. En revanche, je risquais de subir plusieurs jours de cyberharcèlement. Je me suis donc tue. Mais je n’allais pas spontanément me jeter dans la gueule du loup, précise Opaline Meunier. "C’est une vraie question démocratique et de silenciation des femmes, selon moi. De nombreuses femmes ont quitté Twitter et Facebook à cause des violences qui y règnent. Les statistiques sont claires : les femmes politiques sont plus harcelées par des menaces ou des commentaires sexualisés. Cela m'est déjà arrivé. Être insultée n’est jamais agréable, mais recevoir des menaces de viols 50 fois par jour et apprendre que des internautes recherchent votre adresse, c’est encore autre chose. C’est complètement effrayant". D’autres personnes approchées nous ont également expliqué craindre du cyberharcèlement si elles s’exprimaient dans notre article.

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L’association Garance a partagé sa réponse sur les réseaux sociaux après avoir été directement sollicitée par le député Sander Loones (N-VA), à l’initiative de la motion appelant à la démission de la secrétaire d’État à l’Égalité des Genres.

L’asbl qui défend les droits des minorités et ayant bénéficié de l’appel d’offres qui a entrainé la démission de Sarah Schlitz précise : "L’intensité de notre travail de terrain ne nous laisse de toute façon que peu de temps pour ce type d’exercices, mais le travail acharné mené par la N-VA pour obtenir la démission de Sarah Schlitz nous semble s’apparenter davantage à du marchandage politique voire carrément à un backlash contre une femme politique qu’à une réelle question de transparence".

De son côté, l’association féministe Fem&Law, qui rassemble des juristes et avocates, a publié le 26 avril à la suite de la démission de Sarah Schlitz un texte en soutien "aux féministes qui ont le cran de se lancer en politique". "Dans tous les cénacles et quelle que soit leur orientation partisane, les personnalités politiques féministes se trouvent en plus grande difficulté que leurs collègues […] Pourquoi ? Parce que ces personnalités politiques féministes portent un message qui dérange : elles rappellent que l’égalité n’est pas acquise. Et que le genre est un système de domination", écrivent-elles, ajoutant que cela est encore plus compliqué en période de backlash.

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https://www.rtbf.be/article/demission-de-sarah-schlitz-une-prevalence-du-double-standard-en-politique-11189441

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Lutte contre le sexisme : quel rôle pour les journalistes ?

23 Avril 2023, 02:54am

Publié par hugo

 Lutte contre le sexisme : quel rôle pour les journalistes ?
De gauche à droite : Safia Kessas, Rose Lamy, Anne-Marie Impe
© Olivia Droeshaut et Romain Garcin

hier à 13:00

Temps de lecture12 min
Par Amélie Bruers, journaliste à la rédaction Info, pour Inside
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"Dérapages", jeux de mots graveleux et empathie avec l’accusé : les journalistes font-ils le jeu du sexisme ? C’est la question que se pose Rose Lamy depuis 2019 sur son compte Instagram "Préparez-vous pour la bagarre". Elle y recense des exemples de traitements médiatiques sexistes, en France d’abord et dans l’ensemble de la francophonie, ensuite.

►►► Cet article n’est pas un article d’info comme les autres : tout sur la démarche Inside de la rédaction ici.

Rose Lamy est française mais elle est venue écrire son troisième essai en Belgique. Je l’ai rencontrée à Bruxelles. Nous avons discuté de l’impact de son compte Instagram et de son livre "Défaire le discours sexiste dans les médias" sur les rédactions et les écoles de journalisme. Pour croiser son propos avec ce qu’il se passe en Belgique, j’ai également parlé du traitement médiatique des violences faites aux femmes avec Anne-Marie Impe, journaliste indépendante, essayiste et co-rédactrice du guide pratique "Comment informer sur les violences contre les femmes ?" et Safia Kessas, journaliste, réalisatrice, responsable du média féministe Les Grenades et responsable Diversité à la RTBF.


© Tous droits réservés
L’humour qui déshumanise
"Six mois de prison pour le boulanger de Rebecq qui aimait (trop) les miches", c’est l’un des exemples belges que pointe Rose Lamy. Ce titre fait référence à la condamnation pour violences sexuelles d’un boulanger envers l’une de ses employées. "C’est dénigrant pour les victimes, c’est déshumanisant", déplore Rose Lamy.

"Le fait de blaguer des violences, ça les banalise. On ne parle pas des faits juridiques quand on fait ça. Un journaliste doit rapporter des faits, des plaintes, des instructions en cours ou des procès rendus. On ne peut pas appeler 'pétrissage de miches' ce qui relève d’une agression sexuelle. En déshumanisant de la sorte la victime, on ne peut même pas se connecter le cerveau en se disant qu’elle a souffert. On rit de la blague, on ne voit pas la violence. Ça devient un moyen de rire plutôt que d’informer".


© photo du Guide pratique édité par l’AJP
Casser les mythes autour des violences sexistes et sexuelles
Hors du monde académique, Rose Lamy décrypte l’impact des mots choisis par les journalistes pour parler des affaires de féminicides, de violences psychologiques, physiques et sexuelles envers les femmes. Cette ancienne communicante pour la SNCF a commencé à s’intéresser au traitement des violences sexistes sur une page Instagram, créée pour "arrêter de ne parler que de ça à ses proches".

Aujourd’hui, la page est suivie par 220.000 personnes et est devenue une référence dans l’observation et le décryptage du langage médiatique autour des violences sexistes et sexuelles. "Je me suis lancée sans grand projet, juste avec l’idée de collecter et partager. Ma thèse de départ, c’est qu’il y a un langage dominant à l’endroit du sexisme. Dans les faits, cela empêche la prise en compte de la réalité des violences et cela empêche la recherche de la vérité. Le fait de minimiser les violences, de déresponsabiliser les agresseurs nous abreuve de mythes porteurs d’une idéologie et nous empêche de voir la réalité d’une situation".

Capture d’écran du compte Instagram "Préparez-vous pour la bagarre"
Capture d’écran du compte Instagram "Préparez-vous pour la bagarre" © Rose Lamy
Romantisation et victim blaming
Dans les observations de Rose Lamy, il y a notamment le fait de romantiser les agressions sexistes et sexuelles ; nous avons tous déjà lu des phrases telles que 'Il était fou amoureux', 'Il la trouvait jolie' ou encore 'Il n’a pas supporté la rupture' pour contextualiser ou justifier des féminicides. Cet exemple est encore sorti récemment dans un journal français pour relater un féminicide à Paris ; les morceaux du corps de la victime ont été retrouvés dans un sac-poubelle dans le parc des Buttes-Chaumont.

"Le journaliste a repris la justification de l’accusé : 'Il l’a mise là parce que c’est l’un des plus beaux parcs de Paris'", détaille Rose Lamy. "Cette phrase n’est absolument pas remise en question dans la suite de l’article pour expliquer que cela romantise et enlève la dimension violente. À long terme, ce genre de justifications peut orienter la justice. Ça prépare l’opinion en cas de procès aux Assises, ça prépare les futurs jurés à avoir de l’empathie pour l’accusé. Et ça enferme cette idée que dans les féminicides, il y a de l’amour. Ce n’est absolument pas rationnel ni neutre. C’est presqu’idéologique".

Cette romantisation va souvent de pair avec le "victim blaming", le fait de faire porter à la victime la responsabilité de la violence. "Si je devais pointer un fait précis, je mettrais en évidence le traitement médiatique de l’affaire Daval. Un vrai cas d’école", raconte Safia Kessas, journaliste et créatrice du média féministe Les Grenades. "J’ai écrit un papier à cette époque en 2018. On a présenté l’assassin d’Alexia comme un 'homme en larmes', 'la deuxième victime', on a dit qu’il était 'sous pression', que c’était arrivé 'par accident'. Le drame conjugal a été utilisé pour décrire les faits. Certains médias ont servi de caisse de résonance, voire de tribune au discours de victimisation de l’avocat de la défense : 'Jonathan va être jugé pour 3-4 secondes de sa vie, ce n’est pas un mauvais homme'. Mais pour étrangler, déplacer le corps de sa femme et le brûler, il a fallu plus que 3-4 secondes. La victime a été blâmée pour son comportement qui aurait poussé à bout l’assassin. Bref, ce cas-là, c’était un festival", se souvient la réalisatrice.

Rose Lamy développe cette responsabilisation de la victime dans son essai : "La violence physique et la mort sont présentées comme moins importante que les souffrances narcissiques de l’homme jaloux, et ce relativisme est très présent dans les médias". L’autrice illustre ce positionnement avec cet exemple sur les agressions sexuelles dans le milieu du judo français : "'Les témoignages de violences sexuelles qui fragilisent le judo français'. Vous avez bien lu : ce sont les témoignages et non les violences des agresseurs qui portent atteinte au bon fonctionnement de judo français".

Extrait du livre de Rose Lamy "Défaire le discours sexiste dans les médias"
Extrait du livre de Rose Lamy "Défaire le discours sexiste dans les médias" © Rose Lamy
Échanger avec les journalistes
Depuis quatre ans, à chaque fois qu’elle observe un contenu problématique, Rose Lamy poste l’extrait concerné sur son compte Instagram et analyse le problème en interpellant directement la rédaction concernée. "Au début, les journalistes ne venaient pas du tout me parler. Mais il y a eu des modifications d’articles, des échanges avec des femmes journalistes qui font partie des rédactions incriminées qui me disaient 'merci' d’avoir abordé cette question car elles n’osaient pas".

La sortie de son livre en 2021 a changé la donne et offert une certaine légitimité à l’autrice. "Il y a quelque chose de sacré dans le livre et en plus, le mien est sorti chez un éditeur reconnu. Je ne l’ai pas sorti chez une toute petite maison d’édition taxée de 'wokisme'. J’étais contente d’avoir ces discussions avec les journalistes mais je préfèrerais discuter en amont du problème global plutôt que de perdre du temps à faire du cas par cas", relève l’autrice.

Photo de couverture du guide pratique de l’AJP édité en 2021
Photo de couverture du guide pratique de l’AJP édité en 2021 © AJP
Un guide pratique pour les journalistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Ce problème structurel, il existe aussi en Belgique et c’est pour arrêter de mal-informer sur les violences sexistes que l’AJP a sorti un guide inédit, en novembre 2021 : "Comment informer sur les violences contre les femmes : dix recommandations à l’usage des journalistes".

"Ce guide existe d’abord grâce aux associations féministes", insiste Safia Kessas, qui a participé aux discussions qui ont précédé la rédaction de cet ouvrage à destination des journalistes. "Ce travail collaboratif entre les associations de terrain, le monde académique et les organisations professionnelles est fondamental pour avancer sur ces sujets".

Le guide met à disposition des journalistes dix fiches thématiques qui vont de la prise de conscience du système de violences à l’égard des femmes (qu’est-ce que la culture du viol, le continuum des violences, le masculinisme ?) à l’usage des bons mots (par exemple : pédocriminalité à la place de pédophilie, féminicide et non crime passionnel, victime déclarée à la place de victime présumée) en passant par l’information sur les solutions pour les victimes (insérer des numéros d’aide dans les articles de presse, par exemple).

"La structure du manuel permet deux niveaux de lecture : rapide, grâce aux résumés figurant sous la rubrique 'en bref' qui proposent une série de conseils très concrets, ou approfondie, grâce aux nombreuses explications, exemples et références qui y figurent", explique Anne-Marie Impe, journaliste et rédactrice de ce guide.

Les membres de l’AJP et les rédactions l’ont reçu dans leur boite aux lettres mais il n’est pas contraignant pour les journalistes. "C’est un outil destiné à faciliter la compréhension du phénomène des violences faites aux femmes et à favoriser la réflexion sur la manière de mieux en parler dans les médias", explique Anne-Marie Impe.

"Chaque journaliste reste libre de se saisir – ou pas – des conseils qui y figurent. Toutefois, le fait que le Conseil de déontologie journalistique ait publié en 2021 une recommandation sur le traitement journalistique des violences de genre, renforce le caractère incitatif des conseils qui figurent dans le guide de l’AJP".

Malgré la publication de ce guide, certains médias continuent de mal-informer sur les violences faites aux femmes. "C’est sans doute par méconnaissance du sujet car si tous les journalistes affiliés à l’AJP ont reçu le guide, tous ne l’ont bien sûr pas lu", commence Anne-Marie Impe. "Mais c’est aussi par opportunisme : certains médias savent qu’un titre sensationnaliste voire voyeuriste va leur attirer des clics. Il y a une demande pour ce type de journalisme. Les lecteurs portent donc aussi une part de responsabilité dans les dérives médiatiques", nuance l’essayiste.

Les Grenades, un média pour ne plus ignorer le prisme du genre
À la RTBF, Safia Kessas a amené le sujet du genre sur la table en 2017. "Le genre était impensé dans les rédactions. J’ai décidé de monter ce projet en constatant que ces questions créaient le débat. Un moment, j’ai préféré agir et développer une information avec un traitement médiatique juste plutôt que de pointer les manquements réguliers. C’est ainsi qu’en novembre 2017, la rédaction de la RTBF a pris une recommandation pour l’ensemble de ses journalistes en vue de combattre les violences faites aux femmes. La RTBF a été la première rédaction à s’engager formellement en ce sens".

Les Grenades sont nées en 2019 et ont fait réagir quelque temps après leur lancement. "Certains journalistes nous ont attaqués, sans jamais chercher le dialogue et en essayant de nous discréditer sous prétexte qu’ils détenaient les savoirs et la neutralité. Un concept mis en cause par bon nombre d’experts et d’expertes. Alice Coffin dit de ce concept que c’est la subjectivité des dominants et qu’il vise à maintenir le statu quo. Elsa Dorlin parle de 'prétendue neutralité' qui est en réalité selon elle une posture politique", souligne Safia Kessas.

Récemment, la rédaction des Grenades a pu apporter un autre regard sur un double féminicide à Gouvy, en province de Liège : celui de Ann Lawrence Durviaux et Nathalie Maillet par le mari de cette dernière. "Le traitement médiatique a été problématique", analyse Safia Kessas. "On pouvait lire des choses comme ‘Nathalie Maillet tuée par son mari : il l’a surprise au lit avec sa maîtresse !’ ou un autre article évoquant un ‘secret de polichinelle’sur l’attirance de Nathalie Maillet pour les femmes. Les Grenades ont été à contrecourant. La journaliste Camille Wernaers a parlé aux proches et nous avons raconté une tout autre histoire, nous avons nommé la potentielle portée lesbophobe des assassinats. Ce traitement médiatique a d’ailleurs été récompensé par un OUTd’OR en 2021".

Compte instagram "Préparez-vous pour la bagarre"

« La neutralité des dominants »
Ce recours à une supposée neutralité, Rose Lamy l’analyse à plusieurs reprises dans son essai et l’illustre notamment dans la couverture médiatique des procès de violences sexistes et sexuelles. "Dans cette histoire de se croire neutre et objectif dans la manière de raconter les violences, on peut très vite voir qu’un point de vue est défendu. Et je pense que ça échappe complètement à la conscience des gens qui écrivent", commence l’autrice. "Il y a, par exemple, le choix de mettre le point de vue de l’accusé en titre ou en exergue. Je prends l’exemple d’un agriculteur accusé d’agression sexuelle sur sa stagiaire. Le jugement est rendu : il est coupable. Dans un média, on lit : 'le dérapage de l’agriculteur'. Ce mot 'dérapage', c’est le mot de l’agriculteur, du coupable qui reconnait le jugement et qui présente ses excuses dans l’article. 'Dérapage', ce n’est pas un terme juridique. Mais le journaliste décide de mettre ça en titre. Ce n’est ni objectif ni neutre. C’est un récit orienté par un point de vue externe. C’est exactement la même chose quand le journaliste fait le choix de prendre les paroles d’un avocat pour un fait. Il est logique qu’un avocat défende son client. Ce n’est pas logique qu’un journaliste reprenne cette défense comme un fait".

Former les futurs journalistes
Pour les trois expertes, si l’on veut sortir du traitement médiatique sexiste, il faut continuer à informer les journalistes en activité et évidemment, mieux former les étudiants. "Ce sujet n’est pas suffisamment pris en compte dans les écoles de journalisme", déplore Anne-Marie Impe. "Elles organisent des tables rondes et autres événements de sensibilisation à l’occasion du 8 mars, par exemple, ce qui est un premier pas dans la bonne direction. Toutefois, je pense qu’il faudrait intégrer dans les programmes de cours de toutes les écoles de journalisme un atelier ou un module de quelques heures qui aborderait comment couvrir de manière éthique et pertinente les violences faites aux femmes".

En France, Rose Lamy a été approchée par des associations d’étudiants pour apporter son expertise au cursus de journalisme mais elle s’est retrouvée confrontée au refus des directions. "C’est toujours cette histoire de fausse neutralité. Quand des associations d’étudiants veulent faire rentrer mon livre, il y a un refus des institutions de faire rentrer quelque chose qui serait d’idéologique dans les écoles. C’est le mythe de la neutralité. C’est la neutralité et l’objectivité d’une partie de la population face à tout le reste qui serait militant. Ils ont des formations et des usages qui se transmettent, qui ont une histoire. Tout ce qui les confronte peut être jugé comme militant. Mais je pense qu’on a des choses à dire en dehors du cursus universitaire. Je ne sais pas si c’est ma place d’aller dans les écoles. Je ne rêve pas du tout d’être journaliste, j’aime mon point de vue de citoyenne, de lectrice de médias et de femme qui refuse qu’on parle de moi comme ça publiquement".

« Ringardiser le crime passionnel »
En Belgique, le vocabulaire et le traitement médiatique des violences sexistes et sexuelles va de pair avec l’évolution de la loi. Dernièrement, plusieurs avancées demandées par les associations de victimes et féministes ont abouti à un projet de loi : le mot 'féminicide' est rentré dans le vocabulaire, la notion de consentement fait partie de la réforme du code pénal. "Il est évident que depuis #metoo, certaines choses ont évolué dans le bon sens", salue Safia Kessas.

"Les efforts en matière de prise en charge institutionnelle, judiciaire et de réparation ont été faits même si les obstacles sont encore nombreux. #metoo a permis l’objectivation de situations avec une caisse de résonnance dans d’autres milieux que le cinéma (la politique, le monde de la nuit, l’enseignement, …). Aujourd’hui nous constatons que les sujets que les Grenades traitaient à leurs débuts sont traités par les rédactions aujourd’hui. On inclut une dimension genre dans les sujets économiques et sociétaux également. Je pense que les choses évoluent. Mais le chemin est encore long".

En France aussi, les journalistes qui hier, dénonçaient un 'militantisme féministe', utilisent aujourd’hui les bons mots pour parler des violences sexistes. "Le terme 'Crime passionnel' a, par exemple, été bien ringardisé", se réjouit Rose Lamy. "Les gens s’en rendent compte maintenant. Récemment, un homme a dit que les féminicides constituent un crime de possession. On a failli tomber par terre. On a réussi à politiser le féminicide. C’est dans la tête de tout le monde que ce ne constitue pas un crime d’amour et ça, c’est central. En utilisant le bon mot, tu visibilises un phénomène de société et le décompte devient insupportable à lire".

Extrait du livre "Défaire le discours sexiste dans les médias"
Extrait du livre "Défaire le discours sexiste dans les médias" © Rose Lamy
Un problème de société, pas seulement de médias
Car si les médias ont la responsabilité de traiter correctement les faits de violences sexistes et sexuelles, c’est aussi parce que cette violence ne faiblit pas. "Les médias jouent un rôle essentiel dans la formation des imaginaires collectifs", confirme Anne-Marie Impe. "Un traitement journalistique éthique et pertinent des violences contre les femmes peut donc contribuer à changer la perception que les citoyens ont du phénomène : non, les violences ne sont pas des affaires intrafamiliales privées, mais bien un problème de société, grave et récurrent. En prendre conscience constitue un premier pas pour lutter contre ces violences. Il ne faut toutefois pas se tromper de cible en s’en prenant exclusivement aux médias, parfois sans nuances. C’est la violence contre les femmes qui est systémique et qu’il faut dénoncer. Les médias ne sont que le reflet de la société, dont tous les corps institués (police, justice, universités…) ont tendance à minimiser les violences, à mettre la parole des femmes en doute, à étouffer leurs plaintes ou à les classer sans suite. C’est contre cette posture patriarcale qu’il faut lutter", conclut la journaliste.

►►► Cet article n’est pas un article d’info comme les autres… Sur INSIDE, les journalistes de l’info quotidienne prennent la plume – et un peu de recul – pour dévoiler les coulisses du métier, répondre à vos questions et réfléchir, avec vous, à leurs pratiques. Plus d’information : là. Et pour vos questions sur notre traitement de l’info : c’est ici.


https://www.rtbf.be/article/lutte-contre-le-sexisme-quel-role-pour-les-journalistes-11185414

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Lâchée par la Banque Populaire après sa grossesse, Clarisse Crémer a un nouveau sponsor

22 Avril 2023, 05:03am

Publié par hugo

 Lâchée par la Banque Populaire après sa grossesse, Clarisse Crémer a un nouveau sponsor
Elisa Covo
 20 avril 2023 à 17h49

MADMOIZELLE  SOCIÉTÉ
La navigatrice, abandonnée en février dernier par son sponsor Banque Populaire suite à sa grossesse, a annoncé le 19 avril avoir trouvé une nouvelle équipe et un bateau pour concourir sous les couleurs de L’Occitane en Provence lors du Vendée Globe 2024.
Elle sera finalement de la partie. Clarisse Crémer, qui avait annoncé en février dernier être lâchée par son sponsor Banque Populaire après avoir accouché de son premier enfant quelques mois plus tôt, participera bien aux sélections pour le Vendée Globe 2024, grâce au soutien de L’Occitane en Provence.


Garder la tête hors de l’eau
La nouvelle était tombée tel un couperet. À l’approche des qualifications pour le Vendée Globe, la Banque Populaire avait laissé tomber la navigatrice, qui, suite à son accouchement, avait dû se mettre en pause temporairement, accumulant de fait un retard jugé trop risqué par le géant bancaire. Pourtant détentrice du meilleur temps féminin autour du monde, Clarisse Crémer s’était donc retrouvée sans bateau, équipe, ni sponsor.

Voilà chose révolue : dans un communiqué publié mercredi 19 avril, l’athlète a annoncé rejoindre le navigateur Alex Thomson, récent acquéreur de l’ex-Apivia que Banque populaire destinait à Clarisse Crémer initialement. Suite à la polémique, le groupe bancaire avait renoncé à lui trouver un•e remplaçant•e, et avait cédé son bateau au skipper britannique, habitué du Vendée Globe.

Nouvelle dont la navigatrice s’est réjouie à travers un post publié sur son compte Instagram, dans lequel elle se dit « heureuse et fière » de cette nouvelle aventure.


Défendre un sport plus équitable
L’occitane en Provence s’est alors joint au projet afin de « promouvoir le leadership féminin dans la voile, univers compétitif qui reste encore trop largement masculin », a expliqué son directeur général dans le communiqué » peut-on lire dans le communiqué.


La ligne de départ du Vendée Globe est encore loin, les défis à relever encore nombreux mais je mets toute mon énergie à la réussite de ce projet pour prouver qu’avec de l’envie, de la détermination et les bons partenaires, on peut rendre la société, les entreprises et le sport plus équitables.

Clarisse Crémer, communiqué « Clarisse Crémer s’associe à L’OCCITANE en Provence pour le Vendée Globe 2024 », 20 avril 2023
Le message a le mérite d’être clair.

Crédit photo de la une : Jean-Pierre Bazard Jpbazard — Travail personnel, CC BY 4.0,


https://www.madmoizelle.com/lachee-par-la-banque-populaire-apres-sa-grossesse-clarisse-cremer-a-un-nouveau-sponsor-1520991

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Harcèlement et agressions à la salle de sport : elles racontent ce qu'elles subissent | Speech

17 Avril 2023, 21:48pm

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Harcèlement et agressions à la salle de sport : elles racontent ce qu'elles subissent | Speech

Konbini
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14 256 vues  17 avr. 2023
"Quand on fait notre séance de sport, on n'a pas envie d'être dérangées"

Mansplaining, propos, gestes et regards déplacés : trois jeunes femmes racontent le harcèlement et les agressions qu’elles subissent à la salle de sport.

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"Ecoute !" d’Ifeoma Fafunwa, au Théâtre de Namur : la parole de toutes les femmes

16 Avril 2023, 21:57pm

Publié par hugo

 "Ecoute !" d’Ifeoma Fafunwa, au Théâtre de Namur : la parole de toutes les femmes

Fatou Traoré et Judith Ribardière au micro de Christine Pinchart
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14 avr. 2023 à 10:18

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Par Christine Pinchart
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Le Théâtre de Namur accueille la parole des femmes, par le biais du spectacle "Ecoute !".
Ifeoma Fafunwa est une metteuse en scène nigériane qui crée pour la première fois en Belgique avec des comédiennes belges, un spectacle qui traduit le choc culturel qui l’a marquée en tant qu’artiste et en tant que femme.
Une parole qui raconte la violence faite aux femmes, qu’elle soit physique, psychologique, qu’elle relève du sexisme ou des préjugés liés à la différence.

Sur scène quatre comédiennes de quatre générations différentes, qui avec leurs mots et leur vécu, témoignent d’histoires à la fois personnelles et universelles.

Rencontre avec Fatou Traoré la chorégraphe et metteuse en lien, et Judith Ribardière, traductrice et assistante à la mise en scène…

"Ecoute !" au Théâtre de Namur jusqu’au 15 avril, et au Théâtre Varia du 19 au 22 avril. Un spectacle en Français et en Anglais surtitré.


https://www.rtbf.be/article/ecoute-difeoma-fafunwa-au-theatre-de-namur-la-parole-de-toutes-les-femmes-11182807

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Violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur : 1 élève sur 2 se sent en insécurité

12 Avril 2023, 14:17pm

Publié par hugo

 Violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur : 1 élève sur 2 se sent en insécurité
Elisa Covo
 12 avril 2023 à 12h37

MADMOIZELLE  SOCIÉTÉ  ACTUALITÉS  ACTU EN FRANCE
Dans un nouveau Baromètre dévoilé le 11 avril, l’Observatoire Étudiant des Violences Sexuelles et Sexistes alerte sur l’ampleur de la culture sexiste qui persiste au sein des établissements supérieurs et appelle les ministères concernés à prendre les mesures nécessaires.
Mardi 11 avril 2023, l’Observatoire Étudiant des Violences Sexuelles et Sexistes dans l’Enseignement Supérieur a publié son Baromètre 2023. Pour cette enquête, l’organisme a collecté les réponses de plus de 10 000 personnes ayant étudié en 2020-2021 ou en 2021-2022 dans un établissement français de l’enseignement supérieur. Les résultats sont sans appels : « plus d’1 étudiant·e sur 2 ne se sent pas réellement en sécurité dans son établissement au regard des violences sexistes et sexuelles ». Une situation qui concerne particulièrement les femmes et les étudiant·es transgenres.

Des violences systémiques
L’enquête de l’Observatoire montre que ces violences s’inscrivent dans une culture de sexisme systémique, qui ne se cantonne ni à un type d’établissement ni à un profil d’agresseur : « Elles se perpétuent aussi bien lors des événements festifs que durant la vie quotidienne des étudiant·es et elles s’étendent à tout type d’établissement, public comme privé. Elles sont commises par d’autres étudiant·es, mais aussi par des enseignant·es et des membres du personnel. »

Mais si tous les plans de l’enseignement supérieur sont touchés, certains contextes sont particulièrement concernés. Le rapport note ainsi que la moitié des viols ont lieu en première année, particulièrement lors d’événements festifs (comme les semaines d’intégration, pour 16%), et dans les résidences étudiantes. Par ailleurs, les cursus ayant une forte vie en communauté sont en tête de liste : « Plus de 2 étudiant·es sur 3 victimes ou témoins d’au moins l’une des violences citées dans le rapport étudiaient dans une école de commerce (72%), une école paramédicale (72%), une école d’ingénieur·es (70%), un lycée (CPGE ou BTS)(67%), une école vétérinaire (66%), un IEP (65%) ou un grand établissement universitaire (63%) ».

À lire aussi : Contre les violences sexuelles, le ministère de l’Enseignement supérieur renforce son action

Des défaillances dans l’accompagnement des victimes au sein des établissements
« Dans l’ensemble, les établissements échouent à accueillir la parole des victimes et à les accompagner correctement. On dénombre d’ailleurs de multiples établissements sans aucun dispositif de lutte contre les violences », écrit la présidente de l’Observatoire Iris Maréchal, dans un communiqué de presse.


Pourtant, près d’1 étudiant·e sur 10 (9%) déclare avoir été victime de violence sexuelle
depuis son arrivée dans l’enseignement supérieur. Et parmi les victimes et témoins de viol ayant fait remonter les faits à leur établissement, un tiers n’a reçu ni soutien psychologique, ni soutien juridique. Pire, une victime sur quatre ne s’est pas vu proposer le déclenchement d’une procédure disciplinaire, les établissements préférant, pour 44% d’entre eux, conditionner le déclenchement d’une enquête interne à un dépôt de plainte, contrairement à ce que prévoit la loi.

Comment faire confiance, dès lors, à son université ? Pour bon nombre d’étudiant·es, la réponse est simple : c’est impossible. À ce titre, seul 12% des victimes de viols décident d’alerter leur établissement, 14% préfèrent changer de fac ou d’école, et 13% pensent à arrêter leurs études. 

Face à ces chiffres édifiants, l’Observatoire a dénoncé un « manque d’ambition des politiques publiques de lutte contre ces violences » et a appelé les ministères concernés, ainsi que les établissements de l’enseignement supérieur, à « déployer des moyens financiers, humains et politiques à la hauteur des enjeux ». Davantage de prévention, une écoute bienveillante, un accompagnement adapté, des cellules de veille plus efficaces… les pistes d’amélioration proposées par l’Observatoire sont multiples. Reste à savoir si les autorités compétentes prendront la mesure de l’urgence.


https://www.madmoizelle.com/violences-sexistes-et-sexuelles-dans-lenseignement-superieur-1-eleve-sur-2-se-sent-en-insecurite-1517727

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Marlène Schiappa en Une de "Playboy" : une "énorme publicité" pour un média qui prône "la culture de la femme-objet" ?

9 Avril 2023, 17:54pm

Publié par hugo

 Marlène Schiappa en Une de "Playboy" : une "énorme publicité" pour un média qui prône "la culture de la femme-objet" ?
Par Juliette Hochberg Publié le 06/04/2023 à 19:36
Marlène Schiappa
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En Une du numéro de la revue paru ce jeudi 6 avril 2023, Marlène Schiappa prend la pose. Les photographies et son entretien pour "Playboy" suscitent le débat depuis plusieurs jours. Si lsabelle Rome rappelle que le fondateur de ce média hyper-sexualisait les jeunes filles et fut poursuivi pour agression sexuelle, certains dénoncent l'écran de fumée que constitue ce "buzz", alors que de graves informations viennent d'être révélées sur le fonds Marianne créé par la secrétaire d'État.

Sommaire
Élisabeth Borne et Isabelle Borne ont réagi
Marlène Schiappa revendique sa liberté
Un journal fondé par un homme accusé de viols
Marlène Schiappa, accusée de "faire diversion"
Sur la couverture, le titre de la revue "de charme" est exceptionnellement inscrit en bleu, blanc, rouge. Sur les quatre photos inédites du nouveau numéro de Playboy,en kiosque depuis jeudi 6 avril 2023, Marlène Schiappa arbore elle aussi les couleurs nationales, dans plusieurs robes. En "Une", elle en tient une longue et blanche devant elle.

Ces portraits accompagnent douze pages d'entretien sur le féminisme, les violences sexistes et sexuelles ou l'écologie, tentait de rassurer l'entourage de l'ancienne secrétaire d'État à l'égalité femmes-hommes interrogé par Le Parisien, dans l'article qui a révélé cette parution, le 30 mars dernier.

Élisabeth Borne et Isabelle Borne ont réagi
Au lendemain de la publication de cette information, Marlène Schiappa se serait entretenue avec la Première ministre, qui n'était jusqu'alors pas au courant de cette interview et de ce shooting.

Vidéo du jour :

D'après l'Agence France-Presse (AFP), Élisabeth Borne lui aurait indiqué que cette démarche n'était "pas du tout appropriée, à plus forte raison dans la période actuelle", où de nombreux·se Français·es en colère descendent dans la rue pour proteste contre la réforme des retraites, adoptée par la cheffe du gouvernement via un recourt au 49.3.

Dans une interview accordée au Figaro, et publiée mercredi 5 avril, Isabelle Rome, actuelle secrétaire d'État à l'égalité femmes-hommes, estime, que, "quand on est ministre, on doit avoir le sens des responsabilités". 

"Défendre les droits des femmes dans Playboy reviendrait à lutter contre l’antisémitisme en accordant un entretien à [l'hebdomadaire d'extrême droite] Rivarol", compare la femme politique, qui taxe par cette tournure la revue "de charme" de sexisme.

"Je m’interroge : pourquoi avoir choisi Playboy pour faire avancer le droit des femmes alors que ce magazine est un condensé de tous les stéréotypes sexistes ?", questionne plus directement, celle qui ne souhaite pas "distribuer les bons et les mauvais points". "Nous sommes en plein dans la culture de la femme-objet", déplore-t-elle encore, craignant que cet entretien surprenant et le buzz qu'il a engendré fassent "une énorme publicité" à ce média.

Marlène Schiappa revendique sa liberté
"Prétendre que poser dans Playboy fera avancer la liberté des femmes, j’en doute sérieusement. La sienne, peut-être. Celle des autres, non", assène la collègue de Marlène Schiappa.

Cette dernière, secrétaire d'État chargée de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative auprès de la Première ministre depuis juillet 2022, a répondu par un tweet aux critiques formulées par des membres de la majorité, comme de l'opposition, ou encore de l'opinion.

"Défendre le droit des femmes à disposer de leurs corps, c’est partout et tout le temps, écrit-elle sur la plateforme, le 1er avril. En France, les femmes sont libres. N’en déplaise aux rétrogrades et aux hypocrites." 


Marlène Schiappa revendique cette liberté - Playboy a même choisi "une ministre libre" pour titre de cette Une -, son droit d'être photographiée comme elle le souhaite, pour la revue qu'elle le souhaite, et certain·es saluent cette démarche. 

"Si [les femmes] veulent s’habiller en nonnes et ne jamais rencontrer d’hommes c’est leur choix, et il faut les soutenir. Si elles ont envie de poser nues dans un magazine aussi", défend l'interviewée de Playboy, citée par l'AFP.

Un journal fondé par un homme accusé de viols
Auprès du Figaro, Isabelle Rome considère que Playboy ne contribuera "jamais" à la cause des femmes, rappelant aussi que son fondateur, Hugh Hefner, fut poursuivi pour agression sexuelle. Ajoutant : "À un moment donné, il faut choisir ses supports".

Hugh Hefner n'était pas qu'un éditeur de presse, il était aussi un homme d'affaires qui a bâti un empire autour du logo aux deux oreilles. Dont des clubs Playboy, où de très jeunes femmes hypersexualisées, déguisées en lapines (oreilles, queue), servaient les clients.

Dans l'édifiante série-documentaire La face cachée de Playboy, deux anciennes conjointes d'Hugh Hefner témoignent de viols en réunion dans son manoir, avant lesquels, les jeunes victimes étaient parfois droguées à leur insu. Les sédatifs en question étaient même surnommés des "écarteurs de cuisse", comme l'avoue l'ancienne secrétaire et assistante du fondateur de Playboy.


https://www.marieclaire.fr/marlene-schiappa-en-couverture-de-playboy-une-enorme-publicite-pour-un-media-qui-prone-la-culture-de-la-femme-objet,1449314.asp

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L'outrage sexiste va devenir un délit : ça change quoi ?

31 Mars 2023, 03:09am

Publié par hugo

 L'outrage sexiste va devenir un délit : ça change quoi ?
Publié le Jeudi 30 Mars 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.

L'outrage sexiste va devenir un délit : ça change quoi ?
A partir du 1er avril, ce que l'on appelle dans la loi française "l'outrage sexiste" va devenir un délit pur et simple. Mais ça change quoi au fond ?
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Mise en place en 2018 sous l'impulsion de Marlène Schiappa, la loi dite de 'l'outrage sexiste" punit d'une amende de 90 euros de multiples formes de violences sexistes et sexuelles, qui ont un rapport direct au harcèlement de rue : sifflements, attitudes et questions déplacées, poursuite insistante...

Il y a cinq ans, l'ancienne ministre de l'égalité femmes/hommes souhaitait par ce biais lutter contre ce fléau qui exclue les femmes de l'espace public, engendre craintes, conflits et humiliations en tout genre. Et combattre globalement "tout comportement qui constitue une atteinte à la liberté de circulation des femmes dans les espaces publics et porte atteinte à l'estime de soi et au droit à la sécurité", précisait alors la Ministre.


Jusqu'ici, l'incidence de cette faute, pour celui qui en était le coupable, se limitait donc à une simple contravention. Et ça, c'est fini. Le 1er avril prochain l'outrage sexiste deviendra effectivement un délit.

Mais ça change quoi au juste ?

Un chiffre "d'outrages" toujours en hausse
C'est simple. Ce faisant, "l'outrage sexiste aggravé" passe donc du statut de contravention à celui de véritable amende. Plus précisément, quiconque en sera reconnu coupable devra s'amender de 3 750 euros. Une manière de bousculer quelque peu la loi originelle : "si sa définition ne change pas, son niveau de gravité légal quant à lui augmente", synthétise le magazine Elle. Idéal pour contrer cette manifestation du sexisme ?

On l'espère. Car le harcèlement de rue n'a jamais cessé.

Selon les derniers chiffres dévoilés par le ministère de l'Intérieur, le nombre d'outrages sexistes aurait encore augmenté en 2021 : 2 300 auraient effectivement été dénombrés en France. Un chiffre en hausse par rapport à celui de l'année précédente, qui était... De 1 405. 91 % des victimes d'outrages sexistes sont des femmes, alertait le rapport, et parmi elles, 61 %... n'ont même pas la trentaine.

Flippant.


https://www.terrafemina.com/article/sexisme-l-outrage-sexiste-va-devenir-un-delit-ca-change-quoi_a369056/1

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Les femmes cheffes encore une fois snobées par le Guide Michelin

20 Mars 2023, 05:06am

Publié par hugo

 Les femmes cheffes encore une fois snobées par le Guide Michelin
Publié le Mardi 07 Mars 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.

Les femmes cheffes encore une fois snobées par le Guide Michelin
Moins de 10 % de femmes cheffes ont été étoilées au sein de l'édition nouvelle du très réputé Guide Michelin. Un chiffre lourd de sens qui en dit long sur les inégalités.
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Parmi les 44 nouvelles étoiles du Guide Michelin édition 2023 dévoilées le 6 mars dernier, l'on ne dénombrera que 10 % de femmes. 10 % seulement de cheffes, parmi lesquelles Georgiana Viou (le restaurant "Rouge" à Nîmes), Jeanne Satori pour (le "de:ja" à Strasbourg), Camille Pailleau (le "Rozo" à Marcq-en-Baroeul), Nidta Robert (le "Arborescence" à Croix) ou encore Cybèle Idelot (le "Ruche" aux Yvelines).

Des professionnelles inspirantes, mais un pourcentage qui fait peine à voir en 2023. D'autant plus que parmi ces femmes sacrées par le très réputé guide, il faut encore préciser l'on ne compte qu'une seule cheffe en solo étoilée, Georgiana Viou. Les autres cheffes l'ont effectivement été dans le cadre d'un duo de cuisiniers - elles partageront leur étoile avec leur conjoint. Un détail qui ne fait qu'exacerber cet écart.

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"Moins de 10 % de femmes étoilées, ça ne fait toujours pas la différence, malgré leur présence toujours accrue en cuisine ou la parité observée dans les prix spéciaux, notamment du côté de la sommellerie avec la présence de Gaby Benicio pour "l'Aponem" (Hérault) qui partage son prix avec Cyril Kocher de "Thierry Schwartz" à Obernai", déplorent les pages fooding de Télérama.

"Donner de la place aux cheffes"

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Ces données ont de quoi faire grincer des dents. Les disparités au sein de la restauration et de la gastronomie, et surtout de ce qui est mis en avant et valorisé, s'avèrent encore flagrantes. On se rappelle par exemple que l'édition 2022 de l'émission "Top Chef" ne présentait que trois femmes sur quinze candidats. "Il y a moins de femmes en cuisine que d'hommes, c'est un fait", assurait alors le chef et juré Glenn Viel. En ressortant victorieuse, la cheffe stylée et féministe Louise Bourrat devenait la 3e femme (seulement) à remporter "Top Chef".

Cependant, une enquête menée par la plateforme de réservations en ligne TheFork révélait en 2021 que les femmes représentent entre 31 et 50% des effectifs au sein de la majorité des brigades de cuisine. Parmi les sondées concernées par l'enquête, 51,3% de ces femmes déclaraient même avoir connu "une évolution professionnelle positive ces 5 dernières années". "Des chiffres encourageants qui laissent espérer la possibilité d'une véritable parité dans l'univers de la cuisine pour les années à venir", s'enthousiasmait dès lors TheFork.

Demeure également l'attrait inspirant des cheffes étoilées cette année. Comme Georgiana Viou, que vous connaissez certainement en tant que jurée au sein de la dernière saison de l'émission "MasterChef", où elle jugeait aux côtés des cuistots Yves Camdeborde et Thierry Marx. Passée par diverses maisons et autrices de plusieurs livres de cuisine, propriétaire du bar-restaurant Rouge, à Nîmes, depuis 2021, la cheffe met un poing d'honneur à défendre une cuisine "de l'instinct, de l'âme et du coeur", où c'est avant tout l'émotion qui l'emporte.

Dans les colonnes de Terrafemina, la cheffe étoilée, qui vante les vertus d'une cuisine "zéro gaspi", affirmait l'an dernier : "J'ai des copines qui ont vraiment souffert du fait d'être une femme noire, je ne suis pas dans le déni. Il faut donner de la place et la parole aux femmes et arrêter de les stigmatiser comme une minorité. Il faudrait arriver à un moment où l'on ne soit pas obligée de se justifier parce qu'on est une femme cheffe".

SOCIÉTÉ NEWS ESSENTIELLES SEXISME ÉGALITÉ HOMMES-FEMMES CUISINE ET GASTRONOMIE FOODING


https://www.terrafemina.com/article/guide-michelin-2023-les-femmes-cheffes-encore-trop-peu-representees_a368768/1

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Florence Montreynaud sur la double morale sexuelle : "Les femmes et les hommes sont égaux en droits, mais pas en dignité"

10 Mars 2023, 11:25am

Publié par hugo

Florence Montreynaud sur la double morale sexuelle : "Les femmes et les hommes sont égaux en droits, mais pas en dignité"
Par Stella Roca Publié le 08/03/2023 à 16:38
Salopes livre
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Historienne, autrice et féministe engagée depuis plus de 50 ans, Florence Montreynaud dédie son dernier ouvrage à la double morale sexuelle. Une idéologie sexiste qui imprègne notre société patriarcale en dégradant la sexualité des femmes tout en valorisant celle les hommes. Rencontre.


Connaissez-vous la "double morale sexuelle" ? Ce terme désigne une énième discrimination sexiste muée en système, qui sans surprise, opprime les femmes et bride leur épanouissement et leur liberté sexuelle.

Pour faire simple : les femmes à l'aise avec leur sexualité sont jugées et pointées du doigt par la société, tandis que les hommes sont glorifiés pour les mêmes comportements. 

Une dissymétrie genrée qu'a voulu étudier l'autrice engagée Florence Montreynaud dans son dernier livre Les femmes sont des salopes, les hommes sont des Don Juan (Hachette, 2023), qui sort ce 8 mars 2023.

Marie Claire : Vous êtes l'autrice de Les femmes sont des salopes, les hommes sont des Don Juan, un ouvrage qui décrypte ce qu'on appelle "la double morale sexuelle". Qu'est-ce que cela désigne précisément ? 

Florence Montreynaud : "La double morale sexuelle, c'est le fait de traiter - pour le même comportement - les hommes avec indulgence et les femmes avec sévérité. Par exemple, coucher le premier soir, prendre l’initiative, avoir une vie sexuelle très remplie... sont des comportements tout à fait admis pour les hommes, et encore trop souvent condamnés pour les femmes. 

C’est l’un des fondements du patriarcat et donc de notre société machiste. Et c’est pour moi un concept capital. Il a été formulé pour la première fois au 19e siècle par des féministes britanniques.

Pourtant, à ma grande surprise, je n’ai jamais vu d’études documentées sur ce concept et ses applications dans notre vie de tous les jours. Pourtant, c’est bien cette double morale sexuelle qui est la base de raisonnements, de comportements et de jugements sur les femmes et les hommes, les filles et les garçons. 

Pourquoi avoir voulu écrire un livre à ce sujet ? 

Vidéo du jour :

Après des décennies d’engagement et de réflexion féministes, il m’est apparu que de nombreux sujets relatifs à l’oppression des femmes convergeaient là. J’ai eu envie d’étudier ce phénomène à la racine, dans ses causes et ses conséquences. 

Tout est parti de l’histoire que je raconte dans les premières lignes, au sujet de mes filles toutes petites. Une voisine me dit : "Quand je lâcherai mes coqs, vous ferez bien de rentrer vos poules". J’ai compris que dès l'enfance, et même dès la naissance, les filles sont assignées à la prudence : on leur fait peur, on les culpabilise. Tout ce qui pourra leur arriver de fâcheux sera de leur faute. En ce jour de 1977, je me suis dit : "Quel est ce monde, avec ces coqs et ces poules ; ce monde qui impose la loi des coqs ?"


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Mon engagement féministe remonte, lui, à août 1970, quand j’ai lu dans Le Monde un article sur la toute première action du Mouvement de Libération des Femmes : le dépôt d’une gerbe sous l’Arc de triomphe à la femme du soldat inconnu. En lisant cela, j’ai ressenti qu’une force me soulevait de mon fauteuil. Depuis, je ne me suis plus jamais arrêtée d’avancer pour la cause des femmes. Je le raconte dans mes Mémoires féministes, Chaque matin, je me lève pour changer le monde. Du MLF aux Chiennes de garde (Eyrolles, 2014).

Pourquoi avoir choisi ce ton qu'on pourrait définir comme ''impertinent'', voire ''provoquant'' pour parler d'un sujet si important ? 

C’est quelque chose de typiquement féministe. Si on examine l'histoire, les féministes sont peu nombreuses, elles ont peu d’argent, peu de moyens et peu de temps. Alors elles suppléent par l’intelligence, l'astuce et l'humour. Cela aide à faire passer des vérités sur des sujets difficiles, comme les violences.


Vous dites : "La double morale sexuelle n'a pas disparu avec le temps mais s'est déplacée et recomposée autrement". Qu'est-ce que ça signifie ? 

Quand j’ai commencé à travailler là-dessus, je pensais que les choses s’étaient améliorées car j’ai un tempérament optimiste. Mais j’ai constaté que chez les enfants, même aujourd’hui, même à l'école primaire, la double morale sexuelle est toujours à l’œuvre. Par exemple, dans une boum, si un garçon embrasse deux filles, c’est un tombeur, un super mec, un Don Juan. Si une fille embrasse deux garçons, c’est une fille facile. On peut croire que les choses se sont améliorées, mais cela reste superficiel et très limité. 

À l'image du mot "pute", ou de l’emploi de la forme "se faire violer", comment le langage sert-il cette discrimination sexiste ? 


Dans mon livre Le Roi des cons (Le Robert, 2018) je donne 100 exemples de ces expressions qui desservent la cause des femmes. Dire "se faire violer" est dangereux. Dans le langage courant, on dit "se faire masser", "se faire cambrioler". Et "elle s’est fait violer" est absurde, car il s’agit d’une action que le sujet fait volontairement. Est-ce parce qu’on veut inconsciemment insinuer que la femme violée est responsable de ce viol, qu’elle l’a "cherché" ? Trop de femmes sont culpabilisées alors que le seul responsable d’un viol, c'est le violeur. 

Le mot "pute", lui, n’a pas d’équivalent masculin. Mais il y a plus grave : c’est la sexualité qui imprègne ces insultes, et qui est toujours utilisée pour salir les femmes. Les hommes, eux, ont droit à une vie sexuelle, à des fantasmes, à des débordements, et on considère qu’ils doivent prendre l’initiative. Mais pour les femmes, dès qu’il s’agit de sexualité, c’est sale, c’est mal vu, c’est une souillure.

Plus généralement, la pénétration est vue en termes de victoire pour l’homme et de défaite pour la femme. La sexualité, ce domaine qui peut être celui d’immenses plaisirs, est trop souvent un moyen pour salir l’autre.  

Comment la libération des femmes de cette double morale sexuelle pourra-t-elle se faire ?  

Aujourd'hui, dans les pays riches, les femmes et les hommes sont égaux en droit, même si l’application de ces droits est encore très imparfaite. Ils ne sont pas égaux en dignité. Les filles et les femmes sont salies et souillées par leur sexualité. Elles ne sont pas considérées dans leur complexité, dans leur éveil progressif, avec leurs pudeurs et leurs désirs. Elles sont entravées dans leur curiosité, leurs recherches, leurs essais. Une seule solution contre ça : éduquer les garçons.  

Les filles ne sont pas coupables d’avoir un corps qui excite le désir masculin. Ce n’est pas à elles de se couvrir, de se cacher, d’éviter de sortir. C’est aux garçons d’apprendre à se maîtriser, à accepter un refus, une rupture, à dialoguer en respectant l’autre, ses désirs ou ses non-désirs, le rythme de ses découvertes. Il faut dire et répéter qu’une personne n’est pas une chose, que les filles et les femmes doivent être respectées, qu’un acte sexuel est le résultat d’une négociation, d’un échange entre deux personnes ayant chacune ses désirs. 

Il faut développer l’éducation sexuelle à l’école : elle est pourtant obligatoire depuis 2001, mais la loi n’est pas appliquée. C’est un scandale, car la curiosité des enfants est normale, et ils cherchent des réponses dans la pornographie, qui fait des dégâts terribles avec ses images brutales et dégradantes pour les femmes. Expliquer que la sexualité, ce sont des plaisirs, des joies, des découvertes fabuleuses, des merveilles inouïes, tout au long de la vie. 

Il y a un énorme travail à faire, et il faut s’y mettre vite si on veut inverser la tendance, car la double morale sexuelle s’aggrave en cette époque si difficile. J’espère une amélioration… pour le 23e siècle. Et encore, parce que je suis très optimiste… "

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