Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de hugo,

emplois

In Valentina Lucania We Trust, lutter contre les discriminations dans le secteur de la construction

17 Février 2024, 05:59am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 In Valentina Lucania We Trust, lutter contre les discriminations dans le secteur de la construction

© Tous droits réservés

10 févr. 2024 à 12:08

Temps de lecture6 min
Par Jehanne Bergé pour Les Grenades
PARTAGER

Écouter l'article
Dans la série In… We Trust (en français : "Nous croyons en"), Les Grenades vont à la rencontre de femmes arrivées là où personne ne les attendait. Dans cet épisode, nous retrouvons Valentina Lucania, initiatrice de L Trans Form, une association qui promeut la mise en place de chantiers participatifs à destination de personnes minorisées par la société.

33 rue Dony, Liège. En arrière-cour, un vaste bâtiment géré par le Comptoir des Ressources Créatives. Ici, une multitude d’artisan·es se partagent les lieux et les outils. À l’étage, un grand atelier. "Là, c’est une panneauteuse pour couper les panneaux, ça, c’est une dégauchisseuse et derrière, il y a une raboteuse", lance Valentina Lucania (que tout le monde appelle Val’) en nous faisant la visite.

C’est au cœur de cette fourmilière que cette pro de la construction qui vit à 100 à l’heure a installé l’association L Trans Form qu’elle a initiée il y a quelques années.

Mais pour l’heure, le travail attendra. Entre deux chantiers et une restauration de portes endommagées par les inondations, elle prend le temps de confier aux Grenades son parcours tissé de résilience et de combativité.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe


© Tous droits réservés
"Les filles doivent servir"
Valentina Lucania voit le jour dans un village de Sicile en 1984. "Je suis la quatrième fille de la lignée tandis que mon père rêvait d’un garçon. Nous sommes arrivé·es en Belgique en 1990 en quête de meilleures conditions de vie ; les débuts ont été très précaires." La famille s’installe à Liège.

Cet exil impacte fortement Valentina, qui n’est alors encore qu’une enfant. Elle grandit en recevant une éducation très genrée. Elle garde son intérêt pour le foot et son esprit bagarreur pour les secrets de la cour de récré, tandis qu’à la maison, avec ses sœurs, elle est sommée de bien se tenir et d’être aux petits oignons pour son père. "Il était très sévère et répétait souvent ‘j’ai fait des filles, des fourchettes et elles doivent servir’ !"

Malgré ces rapports complexes, la jeune fille cherche à tisser des liens avec lui en le suivant partout dans ses travaux de construction et de mécanique. "Je lui passais les outils. Plus tard, mon petit frère est né, mais pendant longtemps, je crois que d’une certaine manière j’ai voulu incarner le fils qu’il rêvait d’avoir. Il m’appelait d’ailleurs ‘mon petit lion’."

C’est comme ça que depuis sa place "d’acolyte", au fil du temps, elle observe les gestes de son père dans le garage, sur les chantiers et tente de retenir dans son corps et son cœur son savoir-faire.

Pas de femmes en mécanique !
En secondaire, ses parents l’inscrivent en section professionnelle. Face aux choix d’options, l’adolescente se décide pour la mécanique, on lui refuse sous prétexte que "la mécanique, c’est pour les hommes". "J’ai alors proposé d’étudier l’électricité, mais mon père a répondu ‘non, couture' !"

Valentina Lucania se retrouve donc en couture, avant de pouvoir changer et de se diriger vers le cursus d’aide-soignante. Elle s’épanouit dans cette nouvelle formation, jusqu’à ce qu’au cours d’un stage en maison de repos, elle prenne conscience des violences dues au manque de moyens alloués aux soins. "Les effectifs étaient beaucoup trop réduits par rapport au nombre de personnes. Je me faisais réprimander par les chef·fes si je prenais un moment pour discuter avec les gens. On n’avait pas assez de temps pour réaliser les toilettes correctement et ça pouvait entraîner de la maltraitance. Il m’était impossible de travailler dans ces conditions. J’ai décidé d’arrêter mes études et de quitter le secteur."

À lire aussi
In Kate Houben We Trust : soigner les morts, accompagner les vivants

Les chantiers pour se relever
Alors qu’elle est en plein questionnement quant à son futur professionnel, en 2005, en apprenant son homosexualité, son père la met à la porte. "Pendant trois ans, j’ai vécu de petits boulots à gauche à droite. Je me débrouillais, mais j’étais franchement précaire et sans horizon d’avenir."

Elle retape un camion avec sa compagne, et elles prennent la route direction le sud de la France. "On a débarqué dans une ferme collective. Je suis devenue éleveuse de poules et maraîchère." Après cette période de calme, le couple se sépare. "Cette rupture a été difficile. J’avais besoin de soins médicaux, je suis rentrée en Belgique, mais je n’étais plus du tout en ordre administrativement. Ça a été une galère pas possible pour récupérer mes droits, parce qu’en plus je n’ai pas la nationalité belge, je suis italienne…"

Après cette période de troubles, mais encore dans une situation fragile, elle est embauchée pour des petits contrats. "C’est à ce moment-là que j’ai commencé à comprendre que ma voie c’était le bâtiment. J’ai été prise sur des chantiers où j’appliquais ce que j’avais intégré plus jeune en observant mon père. Un jour, un homme de métier, Albert Thomas a vu comment je bossais et m’a proposé de venir travailler avec lui. Pendant deux ans et demi, il a vraiment été un père de chantier ! Il m’a appris les techniques, m’a encouragée à m’autonomiser et à acheter mes propres outils."


© Tous droits réservés
T’es capable, t’es certaine ?
Si elle trouve sa place dans le secteur de la construction, Valentina Lucania est néanmoins victime de sexisme, et ce au quotidien. "C’était la folie ! Quand je débarquais, on me disait ‘vous, si petite ?’. Ou des mecs me regardaient faire, en me répétant ‘T’es certaine que tu vas y arriver ?’.  Aussi, les client·es s’adressaient souvent à mes collègues hommes plutôt qu’à moi, alors même que j’étais plus expérimentée."

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

Un jour, elle entend parler d’un chantier participatif en mixité choisie en France et décide d’y prendre part. "Dès le début, je me suis sentie complètement déstabilisée : personne ne me regardait travailler, personne n’était derrière moi pour remettre en question mes compétences et pourtant nous étions soixante ! Il y avait aussi des espaces pour réfléchir ensemble, échanger."

Après ces deux semaines qui lui offrent une autre vision sur le secteur, retourner sur chantier en tant que seule femme au milieu de dizaines d’hommes lui fait l’effet d’une claque. "Directement, ils ont à nouveau mis mes compétences en doute. Les discriminations dans le bâtiment ont véritablement commencé à me peser."


© Tous droits réservés
À lire aussi
In Célia Torrens We Trust : "Il faut arrêter de faire croire aux femmes qu’elles sont des petites choses fragiles"

L Trans Form, la force du collectif et de l’inclusion
Petit à petit germe en elle l’idée de créer une association pour permettre plus d’inclusion dans le secteur de la construction. "Pour les femmes et les personnes trans, c’est super compliqué de se faire engager dans des équipes. Et sans accès au terrain, impossible d’apprendre, or le secteur est porteur et en pénurie de main-d’œuvre. Je voulais combattre les discriminations ; j’ai rassemblé des ami·es queers et nous avons réfléchi ensemble."

Les discriminations dans le bâtiment ont véritablement commencé à me peser

En 2019, L Trans Form naît et des partenariats sont créés avec différentes associations. L’objectif du projet ? Mettre en place des chantiers participatifs, safe, inclusifs, pour permettre à qui le souhaite de s’essayer au métier de la construction. "On veille à ce que personne ne retire les outils des mains d’une autre personne", souligne Valentina Lucania. "On a à cœur d’expliquer au maximum le fonctionnement des choses. On tente également de veiller à ce que chacun·e se sente inclus·e et qu’il n’y ait pas de blagues graveleuses."

Récemment, L Trans Form a notamment géré le chantier des Grands Carmes, l’espace pluridisciplinaire LGBTQIA +. "Nous avons aussi travaillé avec le Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion ou le Fondation Ihsane Jarfi qui lutte contre l’homophobie. On collabore également régulièrement avec la coopérative immobilière à finalité sociale Les Tournières."

Autant de lieux où le choix de faire appel à L Trans Form se révèle un acte éthique et politique. "L Trans Form m’a fait grandir, sa vocation collective me porte. Il y a eu des périodes fragiles dans mon parcours, mais je suis contente de moi. L’association me donne confiance pour construire d’autres projets…. Mais ça, ce sera pour une autre histoire…", souffle-t-elle.

Dans le reste de la série In We Trust
In Laura De Pauw We Trust, "en tant que femme mécano, je dois constamment prouver ma légitimité
In Madeleine Dembour We Trust, changer de vie à 55 ans pour devenir mécanicienne vélo
In Sandrine Kelecom We Trust, "en tant que femme dans le bâtiment je dois en faire deux fois plus"
In Odile Gérard We Trust, la chauffagiste qui dézingue les stéréotypes
In Véronique Wouters We Trust, cheffe féministe d’une entreprise de menuiserie
In Chantal-Iris Mukeshimana We Trust, la cyclodanse comme renaissance
Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be.

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/article/in-valentina-lucania-we-trust-lutter-contre-les-discriminations-dans-le-secteur-de-la-construction-11326558
 

Voir les commentaires

L’entrepreneuriat au féminin progresse mais manque d’appui des pouvoirs publics

20 Septembre 2023, 04:02am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 L’entrepreneuriat au féminin progresse mais manque d’appui des pouvoirs publics

16 sept. 2023 à 08:00

2 min
Par Hugues Angot avec Maurizio Sadutto via

La Une
PARTAGER


Écouter l'article
En Belgique, seul un entrepreneur sur trois est une femme, selon les chiffres du SPF Economie. Un résultat encore bien loin de l’égalité à atteindre dans le monde du travail. Cependant, ces dernières années, les femmes ont créé proportionnellement plus d’entreprises que les hommes. La tendance est donc positive, mais il faudrait sans doute en faire plus en termes de soutien des pouvoirs publics. Reportage dans un espace de coworking dédié uniquement à ces entrepreneuses.

Il faut encore aujourd'hui, en tant que femme, prouver sa légitimité
Voici des femmes aux compétences très variées. Dans la vente, les assurances, le droit, le marketing ou encore le conseil. Leur point commun ? Elles ont créé leurs activités. Elles sont toutes patronnes. De plus en plus de femmes se lancent, même si elles ne représentent que 35% des indépendants belges. Il y a encore des freins et souvent beaucoup de questionnements.

Il faut montrer que ça peut marcher pour ouvrir la voie. Donc tout est possible.

Stéphanie Gheysen, coach en entreprise.
Stéphanie Gheysen, coach en entreprise, nous fait part de quelques-uns de ces questionnements qui ont jalonné son parcours : "C’est vraiment : Est-ce que je suis capable ? Est-ce que je peux ? Est-ce que ça va s’adapter à ma vie de famille ? Est-ce que je vais pouvoir donner le temps et l’énergie de développer cette activité ? Comment je vais faire pour pousser certaines portes ? Vers qui je vais me tourner ?"

Valérie Renier, conseillère marketing.
"Je pense que les femmes ont encore beaucoup de choses à gérer, même si ça évolue à la maison." nous explique quant à elle Valérie Renier, conseillère en marketing. "Et donc il y a effectivement ce principe de devoir prouver qu’on est compétente, qu’on est légitime, ce qui est peut-être plus compliqué. Et en même temps, je crois que comme tout, il faut montrer que ça peut marcher pour ouvrir la voie. Donc tout est possible."

Travailler ensemble est un atout
Ces entrepreneuses se retrouvent régulièrement dans les bureaux de "Womanly", installés à Bruxelles. Il s’agit d’un espace de coworking qui leur est dédié. Un plus indéniable, à les entendre.

Véronique Cartuyvels, coach en réorientation professionnelle.
"On a toutes eu une vie professionnelle avant. Et quand on partage nos projets et qu’on reçoit des questions de clarification ou des suggestions d’autres personnes, c’est très nourrissant." confie Véronique Cartuyvels, coach en réorientation professionnelle.

Des rencontres et des échanges enrichissants qui favorisent encore un peu plus la construction de projets.

Claire Chardon, énergéticienne, cofondatrice de Well-being.
"Plutôt que d’être toute seule, on s’est mises à plusieurs pour aller plus loin. Donc c’était vraiment le but de la création de cette coopérative et oser aller dans le monde de l’entreprise." explique Claire Chardon, cofondatrice de Well-being. "C’est vrai que moi, énergéticienne toute seule, taper à la porte des grandes entreprises, je ne suis pas sûre qu’on m’ouvre la porte. Alors que là on a un vrai projet qui est complet, cohérent, assez unique. Donc on peut se dire : voilà, on y va !"

Manque d’appui de la part des pouvoirs publics
Des études tendent à démontrer que les projets portés par les femmes ont plus de chances d’aboutir. Pour Marie Buron, la créatrice de "Womanly", il faut donc plus les soutenir, notamment en Région wallonne :

Marie Buron, responsable de Womanly.
"Je ne vois pas de la part des politiques vraiment d’accent mis sur l’entrepreneuriat féminin. Il y a des initiatives privées comme la mienne. Mais de mon point de vue, les politiques n’en font pas encore assez du côté wallon."

Un espace de coworking similaire ouvrira prochainement ses portes à Namur, preuve que l’entrepreneuriat féminin prend de plus en plus son essor.


 https://www.rtbf.be/article/lentrepreneuriat-au-feminin-progresse-mais-manque-dappui-des-pouvoirs-publics-11256405

Voir les commentaires

In Sylvianne Modrie We Trust, l’archéologie pour raconter la ville

29 Mars 2023, 04:13am

Publié par hugo

 LES GRENADES

In Sylvianne Modrie We Trust, l’archéologie pour raconter la ville

© Tous droits réservés

25 mars 2023 à 12:57

Temps de lecture7 min
Par Jehanne Bergé pour Les Grenades
Les Grenades
Belgique
Regions
Regions Bruxelles
Patrimoine
Vivre ici - Gens d'ici
Sexisme
Archéologie
Bruxelles-Ville
PARTAGER


Dans la série In… We Trust (en français : "Nous croyons en"), Les Grenades vont à la rencontre de femmes arrivées là où personne ne les attendait. Aujourd’hui, place à Sylvianne Modrie, archéologue attachée à la Direction du patrimoine culturel de la Région bruxelloise. Les mains dans le cambouis et l’œil avisé, la spécialiste participe à la sauvegarde et la préservation des matériaux de notre passé.

Publicité

Pour les non-initié·es, l’image de l’archéologue renvoie probablement à des fouilles d’ossements préhistoriques dans la terre, et ce, parfois loin de nos contrées…

Pourtant, pratiquer l’archéologie en plein centre-ville, par ici, c’est possible aussi. C’est même le quotidien de Sylvianne Modrie. Nous la retrouvons au Mont des Arts, à quelques pas d’urban.brussels, l’administration de la Région de Bruxelles-Capitale en charge de l’urbanisme et du patrimoine. Entre deux chantiers de fouilles, pour Les Grenades, elle revient sur son parcours.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

De la cour de récré aux premiers chantiers
Née en 1972, Sylvianne Modrie grandit dans les environs de Bruxelles. "Enfant, je ne sais pas si j’avais vraiment une idée précise de ce que je voulais faire plus tard… Dans la cour de récréation, je jouais souvent seule, j’étais dans mon monde…" C’est un peu par hasard que l’archéologie entre dans sa vie. "J’aimais bien chipoter dans la boue… Ma mère avait entendu parler de l’asbl Archelo-J qui proposait (et propose toujours !) des stages en Belgique pour que les jeunes puissent participer à des chantiers de fouilles." Dès l’âge de 12 ans, sans savoir qu’elle en fera un jour son métier, elle rejoint cette association de sensibilisation à l’existence et à la sauvegarde du patrimoine archéologique et architectural.

Tandis qu’à l’école, elle se distingue par les sciences, en s’inscrivant à l’université, c’est finalement vers l’histoire de l’art et l’archéologie qu’elle décide de se diriger. À l’issue de ses études, elle est engagée comme archéologue par la Région bruxelloise, le service lié aux compétences de gestion du patrimoine est alors en plein développement. Année après année, elle aiguise son regard et se spécialise dans le passé des sols et des bâtiments de la capitale. "Les archives ont brûlé en 1695 lors du bombardement de Bruxelles par Louis XIV. Lorsque certains documents ont disparu, pour certaines périodes il n’y a plus que l’archéologie pour apporter des réponses", explique-t-elle.

Bruxelles à travers les âges
Concrètement, travailler en tant qu’archéologue à Bruxelles, qu’est-ce que ça signifie ? La mémoire de celles et ceux qui nous ont précédé·es nous entoure, partout, tout le temps. Parfois de manière visible, par exemple, à travers les églises, les palais, les vestiges toujours debout malgré les siècles. Et parfois de façon moins visible : sous les fondations, à l’intérieur des caves, dans la terre.


© Tous droits réservés
Si la meilleure manière de préserver le patrimoine est de le maintenir en place, lors de travaux de démolition, d’aménagement ou de construction, des éléments enfuis peuvent être mis au jour tandis que d’autres courent le risque d’être détruits…

Je reconnais la matière au son et à la résonance

Pour préserver et sauver ces pièces, la Direction du patrimoine culturel de la Région, service où opère Sylvianne Modrie, organise des recherches et des fouilles préventives. "En fouillant, on a accès à des matériaux caractéristiques qui couvrent des époques allant de la préhistoire jusqu’au siècle dernier. Ces éléments nous donnent une grille de lecture de l’histoire des bâtiments, des parcelles. Par exemple, par des analyses, on peut retrouver des traces de potagers. Tout ça, c’est important dans l’histoire d’une ville", explique-t-elle.

Sauver, répertorier, préserver pour les générations futures
C’est durant l’examen des demandes de permis d’urbanisme que la Direction du patrimoine culturel décide d’organiser des fouilles préalables ou concomitantes aux phases de travaux. "Depuis 2005, nous avons la possibilité d’ajouter des clauses archéologiques dans les permis. Lorsqu’on reçoit les demandes sur une zone à potentiel archéologique reconnu, il faut nous laisser l’opportunité de fouiller avant les travaux et nous permettre de suivre les travaux."

Ces fameuses zones sont reprises dans l’atlas archéologique régional qui fournit les données archéologiques et historiques de la préhistoire au XVIIIe siècle… Aujourd’hui, toutes ces infos sont compilées sur la plateforme interactive Brugis, qui offre la possibilité aux professionnel·les de la construction comme aux citoyen·nes de découvrir les lieux à hauts potentiels archéologiques de la région.

"On accompagne une cinquantaine de chantiers par an, parfois des énormes comme sur l’ancien Parking 58, ou des plus petits. Au sein de l’administration, j’ai longtemps été toute seule sur le terrain, aujourd’hui, nous sommes deux archéologues. Franchement, c’est rare qu’on ne trouve rien." Dans les faits, sur les chantiers, Sylvianne Modrie doit parfois arrêter des pelleteuses prêtes à détruire un élément patrimonial. "Souvent, on s’arrange avec l’architecte ou l’entrepreneur dans les réunions, mais quand on débarque, en général la première personne que l’on rencontre, c’est le démolisseur, un sous-traitant qui veut juste avancer et qui peut n’avoir que faire des accords…. Alors oui, il arrive que je me retrouve à faire barrage face à une grue."

Un métier physique dans un monde d’hommes
L’archéologue ne compte plus les situations épiques qu’elle a connues dans ce milieu particulièrement masculin qu’est celui de la construction. Aussi, qui dit monde d’hommes, dit angles morts quant à la réalité biologique des femmes. "Nous, on installe notre chantier dans le chantier, mais au début, il n’y a même pas encore de toilettes. Comme il n’y a que des hommes, eux, ils urinent dans des bouteilles… Moi, je dois aller dans un café à chaque fois que je veux passer aux toilettes… Pendant le confinement, c’était l’enfer…"

Si elle n’explique pas sentir de discriminations sexistes à son égard, elle note cependant des différences de traitement en fonction de son genre. "Quand il s’agit par exemple de demander un service qui requiert l’utilisation de la grue pour ouvrir une fondation à observer, ou de demander une l’aide pour porter quelque chose, ça passe mieux quad on est une femme. Il y a une forme de sexisme bienveillant."

Outre le travail intellectuel, les fouilles se révèlent très physiques. Il y a les poids à soulever, la terre à pelleter, le tout sur des chantiers accidentés où il faut parfois se faufiler entre deux poutres ou dans un petit trou. "À force, j’ai développé une sorte de regard-scanner. Je vois tout : les potentiels dangers, comme les pièces à fouiller. Au contact de la truelle sur certains éléments, je reconnais la matière au son et à la résonance."

Il arrive que je me retrouve à faire barrage face à une grue

Chaque matériel récolté sur le terrain est ensuite enregistré, traité en laboratoire et conservé. Autour de Sylvianne Modrie gravitent toute une série d’ultras spécialistes par exemple en archéozoologie (étude des ossements animaux), archéobotanique (études des vestiges d’origine végétale), paléopalynologie (l’archéologie des pollens) ou encore en anthropologie physique (l’étude de l’histoire naturelle de l’espèce humaine).


© Tous droits réservés
Comprendre le passé pour se tourner vers l’avenir
À force de travail, notre interlocutrice porte un regard tout singulier sur la ville et ses interactions avec les communes limitrophes. Pour observer l’évolution de notre environnement au fil du temps, la région propose par ailleurs l’outil Bruciel qui permet à tout un chacun·e de comparer des lieux depuis 1935 à aujourd’hui.

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

On y découvre notamment, certains quartiers autrefois agricoles désormais complètement construits. Plonger dans l’histoire du bâti, c’est aussi prendre du recul par rapport à notre place contemporaine. D’où vient-on ? Vers où nous diriger ? "En fouillant des constructions humaines, la relation avec celles et ceux qui nous ont précédé·es est immédiate. Chaque brique a été posée une à une…. La plus ancienne charpente à Bruxelles date du XIIe siècle et se trouve à l’église Saint-Lambert à Woluwe. C’est pour moi un endroit assez touchant. Ces bois majestueux ont été montés jusque-là haut avec un système de roues et de poulies et on peut toujours les admirer aujourd’hui…"


© Tous droits réservés
Depuis sa position, l’experte observe mieux que personne la matérialisation du temps qui passe. "Aujourd’hui, on détruit des bâtiments en béton qui ont trente ans alors que certaines maisons tiennent depuis 500 ans. Avant, les méthodes de construction étaient basées sur le réemploi. Désormais, on se réintéresse à ces pratiques circulaires. Les architectes réfléchissent vraiment à ça. Ça coute plus cher, mais c’est important pour la planète."

Lorsque nous lui demandons si elle se sent fière aujourd’hui de son parcours depuis ses premiers chantiers à l’âge de 12 ans, Sylvianne Modrie répond par la positive : "C’est agréable de sentir que j’évolue dans mon domaine, je regrette juste de ne pas avoir le temps de plus communiquer mes recherches. Il y a tant à partager…" Pour découvrir quelques histoires autour des matériaux issus des fouilles, rendez-vous par ici.

Dans la série In… We Trust (Nous croyons en) :
In Laura De Pauw We Trust, "en tant que femme mécano, je dois constamment prouver ma légitimité"
In Sandrine Kelecom We Trust, "en tant que femme dans le bâtiment je dois en faire deux fois plus"
In Jeanette Van der Steen We Trust, première femme maître de chai en Belgique
In Zofia Wislocka We Trust, cheffe d’orchestre à la baguette libre
In Sukma Iryanti We Trust, rebondir face à toutes les difficultés
Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/article/in-sylvianne-modrie-we-trust-larcheologie-pour-raconter-la-ville-11173103

In Sylvianne Modrie We Trust, l’archéologie pour raconter la ville - rtbf.be

Voir les commentaires

Les femmes cheffes encore une fois snobées par le Guide Michelin

20 Mars 2023, 05:06am

Publié par hugo

 Les femmes cheffes encore une fois snobées par le Guide Michelin
Publié le Mardi 07 Mars 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.

Les femmes cheffes encore une fois snobées par le Guide Michelin
Moins de 10 % de femmes cheffes ont été étoilées au sein de l'édition nouvelle du très réputé Guide Michelin. Un chiffre lourd de sens qui en dit long sur les inégalités.
À lire aussi
Cheffe, humoriste, wonder women : ces femmes qui vont nous épater en 2020
NEWS ESSENTIELLES
Cheffe, humoriste, wonder women : ces femmes qui vont...
 
Les femmes cheffes snobées par "Top Chef" ?
NEWS ESSENTIELLES
Les femmes cheffes snobées par "Top Chef" ?
 
La réponse piquante de la cheffe Anne-Sophie Pic au manque de femmes dans "Top Chef"
NEWS ESSENTIELLES
La réponse piquante de la cheffe Anne-Sophie Pic au...
Parmi les 44 nouvelles étoiles du Guide Michelin édition 2023 dévoilées le 6 mars dernier, l'on ne dénombrera que 10 % de femmes. 10 % seulement de cheffes, parmi lesquelles Georgiana Viou (le restaurant "Rouge" à Nîmes), Jeanne Satori pour (le "de:ja" à Strasbourg), Camille Pailleau (le "Rozo" à Marcq-en-Baroeul), Nidta Robert (le "Arborescence" à Croix) ou encore Cybèle Idelot (le "Ruche" aux Yvelines).

Des professionnelles inspirantes, mais un pourcentage qui fait peine à voir en 2023. D'autant plus que parmi ces femmes sacrées par le très réputé guide, il faut encore préciser l'on ne compte qu'une seule cheffe en solo étoilée, Georgiana Viou. Les autres cheffes l'ont effectivement été dans le cadre d'un duo de cuisiniers - elles partageront leur étoile avec leur conjoint. Un détail qui ne fait qu'exacerber cet écart.

ACTUALITÉ DES MARQUES
Au quotidien, prenez les transports en commun. #SeDéplacerMoinsPolluer
Inspired by
"Moins de 10 % de femmes étoilées, ça ne fait toujours pas la différence, malgré leur présence toujours accrue en cuisine ou la parité observée dans les prix spéciaux, notamment du côté de la sommellerie avec la présence de Gaby Benicio pour "l'Aponem" (Hérault) qui partage son prix avec Cyril Kocher de "Thierry Schwartz" à Obernai", déplorent les pages fooding de Télérama.

"Donner de la place aux cheffes"

ACTUALITÉ DES MARQUES

gamme Renault E-Tech 100% électrique

je découvre
souvenez-vous à quel point vous aimiez les voitures électriques.
découvrez Renault Twingo E-Tech 100% électrique

Inspired by
Ces données ont de quoi faire grincer des dents. Les disparités au sein de la restauration et de la gastronomie, et surtout de ce qui est mis en avant et valorisé, s'avèrent encore flagrantes. On se rappelle par exemple que l'édition 2022 de l'émission "Top Chef" ne présentait que trois femmes sur quinze candidats. "Il y a moins de femmes en cuisine que d'hommes, c'est un fait", assurait alors le chef et juré Glenn Viel. En ressortant victorieuse, la cheffe stylée et féministe Louise Bourrat devenait la 3e femme (seulement) à remporter "Top Chef".

Cependant, une enquête menée par la plateforme de réservations en ligne TheFork révélait en 2021 que les femmes représentent entre 31 et 50% des effectifs au sein de la majorité des brigades de cuisine. Parmi les sondées concernées par l'enquête, 51,3% de ces femmes déclaraient même avoir connu "une évolution professionnelle positive ces 5 dernières années". "Des chiffres encourageants qui laissent espérer la possibilité d'une véritable parité dans l'univers de la cuisine pour les années à venir", s'enthousiasmait dès lors TheFork.

Demeure également l'attrait inspirant des cheffes étoilées cette année. Comme Georgiana Viou, que vous connaissez certainement en tant que jurée au sein de la dernière saison de l'émission "MasterChef", où elle jugeait aux côtés des cuistots Yves Camdeborde et Thierry Marx. Passée par diverses maisons et autrices de plusieurs livres de cuisine, propriétaire du bar-restaurant Rouge, à Nîmes, depuis 2021, la cheffe met un poing d'honneur à défendre une cuisine "de l'instinct, de l'âme et du coeur", où c'est avant tout l'émotion qui l'emporte.

Dans les colonnes de Terrafemina, la cheffe étoilée, qui vante les vertus d'une cuisine "zéro gaspi", affirmait l'an dernier : "J'ai des copines qui ont vraiment souffert du fait d'être une femme noire, je ne suis pas dans le déni. Il faut donner de la place et la parole aux femmes et arrêter de les stigmatiser comme une minorité. Il faudrait arriver à un moment où l'on ne soit pas obligée de se justifier parce qu'on est une femme cheffe".

SOCIÉTÉ NEWS ESSENTIELLES SEXISME ÉGALITÉ HOMMES-FEMMES CUISINE ET GASTRONOMIE FOODING


https://www.terrafemina.com/article/guide-michelin-2023-les-femmes-cheffes-encore-trop-peu-representees_a368768/1

Voir les commentaires

Présence des femmes dans l'audiovisuel français : des progrès mais peut mieux faire

20 Mars 2023, 04:49am

Publié par hugo

 TERRIENNES
Présence des femmes dans l'audiovisuel français : des progrès mais peut mieux faire

©Arcom

10 MAR 2023
 Mise à jour 10.03.2023 à 09:12 par 
TerriennesLiliane Charrier
Si les expertes et les présentatrices sont plus nombreuses à l'écran, les femmes restent trop rares au micro et à l'écran dès qu'il s'agit de sport ou de politique. Davantage présentes dans le paysage audiovisuel français en 2022, elles disposent pourtant d'un temps de parole bien moindre. Voici quelques conclusions du rapport 2022 sur la place des femmes dans les médias. Laurence Pécaut-Rivolier, juriste et spécialiste de la diversité, commente ces résultats pour Terriennes. 

Le travail sur l'égalité entre les femmes et les hommes passe aussi par la représentation que les médias en font. S'assurer que "ce qui est reflété par les radios et les télévisions soit en lien avec la représentation de la société française, que les médias donne une image réaliste et réelle de la société française, explique Laurence Pécaut-Rivolier, c'est l'une des missions essentielles de l'Arcom." 

"Il est tout simplement inacceptable que les femmes qui représentent plus de 52% de la population française ne soit pas représentées de manière paritaire", renchérit Roch-Olivier Maistre, président de l'Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, lors de la présentation de son rapport 2022 sur la représentation des femmes dans les médias, en présence de la ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, Isabelle Lonvis-Rome, et la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak.

De gauche à droite face au public lors de la présentation du rapport de l'Arcom, le 6 mars 2022 à Paris : Isabelle Pécaut-Rivolier, Rima Abdul Malak, ministre de la Culture ; Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom ; Isabelle Lonvis-Rome, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, Isabelle Lonvis-Rome.
De gauche à droite face au public lors de la présentation du rapport de l'Arcom, le 6 mars 2022 à Paris : Isabelle Pécaut-Rivolier, Rima Abdul Malak, ministre de la Culture ; Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom ; Isabelle Lonvis-Rome, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, Isabelle Lonvis-Rome.
©LC
​Huit ans de progression constante
La proportion de femmes visibles ou audibles sur les chaînes de télévisions et radios a progressé en 2022 par rapport à l'année précédente : elle est désormais de 44% en moyenne – 46% à la télévision, 42% à la radio, toutes catégories confondues.

"Depuis la première édition de ce rapport, c'est-à-dire huit ans maintenant, les chiffres augmentent chaque année. C'est-à-dire que nous sommes vraiment dans un système de progression constante," se félicite Laurence Pécaut-Rivolier, membre du collège de l'Arcom et présidente du Groupe de travail sur la diversité et la protection des publics dans les médias. Il y a toujours un moment où on peut craindre d'arriver à un plateau. On était à 43 % de présence des femmes en 2011 ; on est maintenant à 44 %. Le but serait 51 % pour être à l'égal des chiffres démographiques. Mais nous n'en sommes plus si loin..."

L'Arcom n'espérait pas bouleverser l'ordre des choses du jour au lendemain. Laurence Pécaut-Rivolier explique que cela n'aurait même pas été souhaitable pour assurer la perennité du système : "Il faut mettre en place des mécanismes, modifier les formations, les recrutements, la mise à l'écran..."


Mieux représentées, mais pas mieux entendues
Toujours plus présentes à l'antenne ou au micro, les femmes ne sont, en revanche, pas plus entendues : leur temps de parole, mesuré automatiquement par l’INA, stagne à 36 %, selon le rapport de l'Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l'Arcom, réalisé avec la participation de l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA. "Nous avons travaillé avec l'INA qui a développé un outil algorithmique permettant de mesurer le temps de parole. C'est une donnée que nous n'avions pas les années précédentes, explique Laurence Pécaut-Rivolier. Nous avons donc essayé, au-delà des premiers chiffres, de faire un vrai travail sur une représentation des femmes qui soit conforme à ce qu'on attendrait d'une société égalitaire véhiculant nos valeurs."

Ce n'est pas pareil d'être présente statiquement devant un écran sans parler, que d'avoir un rôle d'experte, de sachante.

Laurence Pécaut-Rivolier

La présidente du Groupe de travail sur la diversité explique pourquoi il est important de ne pas en rester au pourcentage de présence des femmes au micro ou à l'antenne, et d'aller vérifier, derrière, le taux réel de prise de parole concrète des femmes dans les médias audiovisuels : "C'est dans les gènes de l'Arcom d'imaginer le plus d'indicateurs efficients pour pouvoir faire progresser les choses. Le temps de parole effectif est essentiel, car sinon, les leviers d'action que nous avons sur les médias consistent essentiellement à exploiter les données quantitatives et qualitatives sur la présence des femmes dans les émissions qu'ils nous fournissent. Puis à revenir vers eux pour travailler ensemble sur l'amélioration de la situation quand il y a lieu."

Laurence Pécaut-Rivolier préside le groupe de travail "Protection des publics et diversité de la société française" de l'Arcom.
Laurence Pécaut-Rivolier préside le groupe de travail "Protection des publics et diversité de la société française" de l'Arcom.
©Arcom
Les limites de l'exercice
La présidente du Groupe de travail sur la diversité fait de ce constat sur le temps de parole des femmes l'un de ses chevaux de bataille et se promet d'interpeller les chaînes en ces termes : "Vous avez bien fait progresser le taux de présence, mais là il y a un décrochage au détriment des femmes, qui semble montrer que sur le plateau, pour une raison ou pour une autre, elles s'expriment moins. C'est là-dessus qu'il faut travailler maintenant".

La limite de l'intervention de l'Arcom, c'est qu'il ne peut pas être impliqué dans la manière dont les chaînes conçoivent leurs émissions, qui reste leur entière liberté. "Nous pouvons leur donner des objectifs, en convenir avec elles, attirer leur attention sur le fait qu'il y a certains soucis qui requièrent une attention particulière, explique Laurence Pécaut-Rivolier. Sachant que le temps parole n’est pas si facile à formuler en termes d'objectifs, on peut juste le poser sur la table et souligner qu’il faut que l'année prochaine, il se soit amélioré. Pour l’instant, à chaque fois que nous avons posé les problèmes sur la table avec les médias, on a réussi à faire émerger des solutions ensemble," précise-t-elle.

De fait, les médias audiovisuels, désormais très sensibilisés à la question de la parité à l'antenne et au micro, attendent les rapport de l'Arcom : "Ils leur donnent des indicateurs qui leur permettent d'évoluer et de faire évoluer leurs équipes, explique a présidente du Groupe de travail sur la diversité. Les chaînes sont motivées. Elles ont envie de progresser. De plus en plus d'événements sont en lien avec une évolution positive sur cette question des femmes et des hommes."

Médias publics, plus féminins ? 
En représentation, tout comme en temps de parole des femmes, les femmes sont mieux loties dans l'audiovisuel public que dans le privé – elles sont 47% contre 45% – et leur temps de parole y est nettement plus élevé – 42% contre 32%. "De toute évidence, le service public, que ce soit télévisuel ou radiophonique, a de l'avance et a pris des engagements plus forts d'emblée. Il a effectivement largement dépassé les 51 % dans certains domaines, notamment sur le taux d'expertes," confirme Laurence Pécaut-Rivolier.

Pourtant, certaines grandes chaînes privées, comme TF1, M6 ou Canal+, ont elles aussi pris des engagements très forts, de sorte que "sur les chaînes généralistes, le décalage entre chaînes privées et chaines publiques n'est pas si flagrant que ça, constate-t-elle. Mais sur les chaînes thématiques, il y a encore un gros travail à faire à partir du modèle économique et des profils des personnes qui payent pour accéder aux services."


Expertes, spécialistes, sachantes
La présence des expertes en plateau et au micro augmente, elle, pour la septième année consécutive : en 2022, elles représentent 45% des spécialistes consultés à la radio et à la télévision. Avec une part d’expertes de 43 %, les radios ont réalisé des progrès notables en 2022. "C'était pour nous quelque chose d'essentiel d’évaluer le rôle que les femmes jouent à l'écran. Ce n'est pas pareil d'être présente statiquement devant un écran sans parler, que d'avoir un rôle d'experte", explique la présidente du Groupe de travail sur la diversité.

Les femmes sont désormais valorisées dans leur savoir et pas seulement dans leur présence.

Laurence Pécaut-Rivolier

Pour Laurence Pécaut-Rivolier, ces augmentations sont un élément fondamental  : "Non seulement les femmes sont maintenant présentes à l'écran de manière quasi paritaire, mais en plus, elles occupent une vraie place de connaisseuses, de sachantes. Elles sont désormais valorisées dans leur savoir et pas seulement dans leur présence.

En 2022, les expertes restent néanmoins minoritaires dans les trois domaines qui représentent plus de la moitié des sujets traités : international, société et culture/loisirs. Néanmoins, contrairement à 2021 où seule la thématique "justice" réunissait une majorité d’expertes, elles sont également majoritairement consultées en 2022 en matière d'éducation et de faits divers – thématiques qui ne représentent respectivement que 2 % et 0,3 % de l’ensemble des domaines déclarés.

Présentateurs et présentatrices à parité
De manière générale, la part des présentatrices a augmenté et la parité est désormais atteinte avec 50% de femmes à la présentation. En revanche, la proportion de femmes journalistes ou chroniqueuses a un peu reculé en un an à 42%. Elles sont davantage représentées à la radio qu’à la télévision. La parité en plateau est atteinte dans les magazines, télévisions et radios confondues.

Reste que les femmes sont moins présentes aux heures de forte audience à la télévision, entre 18 heures et 23 heures, alors qu’elles le sont plus à la radio, entre 6 heures et 9 heures par rapport au reste de la programmation.


Politique : la parole aux hommes
Contrairement aux autres catégories, les invitées politiques sont les seules à ne pas avoir décollé à l'antenne : les femmes représentent 32% des invitées politiques en 2022, comme en 2016. En cette année d'élections présidentielle et législatives, le temps de parole politique des femmes n'a pas progressé. Il a même été largement inférieur à celui des hommes, s'élevant à 29% en moyenne sur l'année, selon l'Arcom. 

Durant l’élection présidentielle, alors que le temps de parole des candidates correspondait à la proportion de candidatures féminines, soit un tiers, le temps de parole des soutiens était très majoritairement occupé par des hommes. Pendant le premier tour des élections législatives, la part de temps de parole des femmes se situait entre 24 % et 32 % selon le type de média. Les deux semaines précédant le premier tour de la présidentielle, les femmes n'ont représenté que 20% du temps de parole des soutiens aux candidats à l'Elysée, puis 18% durant l'entre-deux tours. 

Le temps de parole des femmes au sein du gouvernement, du 16 mai au 31 décembre 2022, était en moyenne de 36,7%

Arcom

"Malgré la nomination d'Elisabeth Borne au poste de Première ministre et la parité stricte mise en place au sein du nouveau gouvernement, le temps de parole des femmes au sein du gouvernement, du 16 mai au 31 décembre 2022, était en moyenne de 36,7%", relève l'Arcom. Enfin, au second semestre 2022, les femmes ne représentaient que 5 des
20 personnalités politiques les plus présentes dans les médias audiovisuels, hors Président de la République et Première ministre. En moyenne, les hommes figurant dans ce classement ont eu 20 % de temps de parole en plus que les femmes. Des progrès sont tout de même à constater puisque ce chiffre a évolué favorablement depuis 2017, lorsque les femmes ne représentaient que 3 des 20 personnalités politiques les plus présentes sur les antennes...
Laurence Pécaut-Rivolier durant la présentation du rapport de l'Arcom, à Paris, le 6 mars 2022. 
Laurence Pécaut-Rivolier durant la présentation du rapport de l'Arcom, à Paris, le 6 mars 2022. 
©LC
Laurence Pécaut-Rivolier souligne que la responsabilité de ce déficit est partagée : "Il faut voir quel est le pourcentage de personnes politiques pouvant venir en plateau, en plus du pourcentage de femmes qui sont invitées." La représentation des femmes politiques dans les médias est, pour l'Arcom, un travail  sensible, car "en la matière, notre mission de diversité s'ajoute à notre mission de pluralisme. Il faut donc que tous les acteurs se mettent devant la table pour faire progresser les choses," précise la présidente du Groupe de travail sur la diversité.

Préjugés sexistes et violences faites aux femmes
48  %  des  sujets  déclarés  par  les  chaînes  d’information portaient sur les violences faites aux femmes. Plus  d’un  tiers  des  sujets  déclarés par les chaînes d’informations et plus de  la  moitié par  les radios présentaient des exemples de solutions aux discriminations faites aux femmes, ou des modèles de femmes brisant les stéréotypes sexistes. Selon  les  déclarations  des  chaînes, 42 % des  fictions diffusées  en  2022  pouvaient  se  prévaloir  d’un  caractère non stéréotypé, en progression depuis 2021.

Sport : où sont les femmes ?
Les programmes sportifs demeurent les plus fermés aux femmes : 21% de présence en plateau en moyenne dans les émissions dédiées au sport et 11% du temps de parole ; seulement 9% de présentatrices, journalistes et chroniqueuses sportives à la radio, et 13 % d’exposition visuelle à la télévision. "On est largement en deça du chiffre de 45 % et de 36 % qui sont les moyennes sur l'ensemble des émissions. Le sport fait partie des sujets qui sont largement à la traîne sur la présence des femmes," admet Laurence Pécaut-Rivolier

Si les hommes sont nombreux à commenter le sport féminin professionnel, amateur ou de loisir – 35 % contre 65 % de femmes – rares sont les femmes qui s’expriment au sujet du sport masculin 9 % contre 91 % d’hommes. Par ailleurs, la proportion d’athlètes professionnels est plus importante chez les intervenants masculins (41 %) que parmi les intervenantes féminines (32%).

Dans le domaine du sport, il y a vraiment tout un écosystème à faire bouger.

Laurence Pécaut-Rivolier

Quant au taux de retransmission des événements sportifs purement féminins, il reste terriblement bas, puisque qu'il est de moins de 5 % – pour un taux de retransmission des émissions sportives dédiées au sport masculin qui est de 64 %, le reste étant mixte.


"Il y a un véritable travail à faire. Un travail très lourd, puisque il n'y va pas que de la responsabilité des médias, mais aussi des écoles de formation. Il y a vraiment tout un écosystème à faire bouger. C'est notre chantier prioritaire. Et il l'est d'autant plus qu'il y a un événement majeur en 2024. Et nous voudrions que les médias soient prêts à accueillir cet événement majeur en respectant les principes d'égalité," insiste Laurence Pécaut-Rivolier, alors qu'approchent les Jeux olympiques de Paris. 

Ce travail, TV5MONDE en a fait une partie, puisque Karine Henry et Lise-Laure Etia y sont des commentatrices sportives de longue date :

Publicité : moins potiches, mais toujours des clichés

En six ans, la publicité a fait elle des progrès ? Selon l'Arcom, les femmes y sont devenues majoritaires en 2022, tous rôles confondus, à 51% contre 46% en 2017, s'approchant ainsi de la réalité sociale.

Elles y font aussi moins office de plantes vertes : elles ont tenu des rôles esthétiques ou inactifs dans 18% des publicités diffusées en 2022 contre 50% en 2017. Elles représentent désormais environ un tiers des "expert(e)s" – 34% contre 18% il y a six ans.

La pub s'amuse aussi à tordre les clichés en représentant plus les femmes que les hommes dans des activités scientifiques ou au volant de véhicules. A l'inverse, les hommes sont majoritaires quand il s'agit de montrer des personnes faisant le ménage ou s'occupant seules des enfants.

Malgré ces progrès, les stéréotypes de genre continuent d'être véhiculés avec la surreprésentation des femmes dans certaines catégories de publicité, comme le luxe, l'habillement ou la cosmétique. Les femmes y restent aussi beaucoup plus sexualisées et dénudées que les hommes.
(AFP)


Cap 2024
Si l'essentiel, désormais, semble avoir été fait, si les choses évoluent positivement en matière de parité dans l'audiovisuel français, la vigilance, toujours, reste de mise : "Il faut tenir le cap pour ne pas que ça régresse. L'étude de l'Arcom sur les femmes dans l'audiovisuel est essentielle pour que, chaque année, la sensibilisation persiste, que la progression continue et que l'on continue à avoir envie d'aller de l'avant," insiste Laurence Pécaut-Rivolier.

Sur la base du rapport qui vient d'être publié, "nous allons discuter avec chacun des acteurs, c'est-à-dire toutes les chaînes et toutes les radios. Nous ne pouvons pas fixer un objectif commun, car toutes les chaînes ne sont pas au même niveau, précise-t-elle. En revanche, nous pouvons formuler des objectifs qui soient à la fois raisonnables et tenables, pour qu'en 2024  les chiffres soient meilleurs. Chez l’un, ça va être un taux de présence, chez l'autre le temps de parole, ailleurs encore le temps d'expertes…" 

Du cas par cas, donc, avec une grande idée directrice, comme ces huit dernières années : que 2024 soit meilleur que 2023.

Lire aussi dans Terriennes : 

► Plus de visibilité des femmes dans les médias francophones, Michèle Léridon en figure de proue
► Michèle Léridon, première patronne de l'AFP : le journalisme au coeur
► Médias en France et égalité entre les sexes : les journalistes femmes passent à l'offensive
► Femmes photojournalistes, un parcours de combattantes dans un monde d'hommes
► Femmes journalistes en première ligne face à la répression

TerriennesLiliane Charrier
 Mise à jour 10.03.2023 à 09:12
SUR LE MÊME THÈME


https://information.tv5monde.com/terriennes/presence-des-femmes-dans-l-audiovisuel-francais-des-progres-mais-peut-mieux-faire-491027

Voir les commentaires

Avoir des enfants entrave davantage la carrière des mères que celles des pères (infographies)

10 Mars 2023, 04:06am

Publié par hugo

 DÉCRYPTE

Avoir des enfants entrave davantage la carrière des mères que celles des pères (infographies)
Image d’illustration
© Getty Images

08 mars 2023 à 11:30 - mise à jour 08 mars 2023 à 16:05

Temps de lecture
6 min
Par Romane Bonnemé
Décrypte
Belgique
Economie
Suggestion de la rédac'
On n'est pas des pigeons
Les Grenades
Emploi
Info
Accueil
Vie pratique
Droits des femmes
Egalité hommes-femmes
PARTAGER


Aujourd’hui, les femmes et les hommes sans enfant ont, à peu près, le même salaire. Mais dès que le couple a son premier enfant, l’interruption de carrière ou le passage à temps partiel incombe davantage aux femmes, au détriment de leurs revenus. Une inégalité qui se creuse avec le nombre d’enfants, preuve que ces derniers ont toujours un impact sur les carrières de leurs mères.

Publicité

Prenons un couple belge hétérosexuel sans enfant. En 2021, l’homme gagnait en moyenne 10% de plus que sa compagne selon Statbel. Autrement dit, un homme gagnait 3236 euros quand sa femme, 2842 euros.

S’il décide d’avoir un enfant, cet écart va fortement se creuser.

Huit ans après la naissance du premier enfant, deux chercheurs de l’ULB ont calculé une réduction 43% du revenu de la mère par rapport à celui du père.

Ces chercheurs appellent cet écart la "pénalité de l’enfant" ("Child penalty").

L’Equipe Décrypte a tenté de comprendre les raisons pour lesquelles, économiquement, avoir un enfant bénéficie à la carrière du père, là où il entrave celle de la mère.


Moins de temps de travail rémunéré pour les mères
En 2021, sur 100 femmes belges, 43 occupaient un emploi à temps partiel, selon Eurostat. Du côté des hommes, seuls 7,3% d'entre eux ne sont pas à temps plein.

La part des femmes belges à temps partiel parmi l'ensemble des femmes actives dépasse la moyenne européenne (32,4% des femmes européennes sont à temps partiel).

En Europe, et a fortiori en Belgique donc, l’écart de temps de travail rémunéré entre hommes et femmes est flagrant. Et il a un lien indubitable avec le fait d’avoir des enfants.

Toujours selon Eurostat en 2021, 24,8% des femmes Belges travaillaient à temps partiel pour s’occuper de leurs enfants ou d’adultes handicapés contre 9,9% de leurs homologues masculins.


La recherche de plus de "flexibilité" professionnelle
Pour Laurène Thil, économiste à HIVA – KU Leuven, il convient d’abord de regarder du côté des choix de carrière des femmes, souvent par anticipation d’une future grossesse et maternité. "Puisque les femmes sont plus susceptibles d’être confrontées à des interruptions d’emploi, elles sont moins enclines à rechercher une formation ou à être mieux rémunérées à des postes à plus grande responsabilité", explique Laurène Thil.

Sur ce point, les données d’Eurostat sont claires : les femmes qui ont un diplôme moins élevé travaillent davantage à temps partiel, surtout si elles ont des enfants. En 2021, 26% des mères qui avaient un niveau de diplôme supérieur étaient à temps partiel contre 36% des mères avec un plus faible niveau de diplôme.

Le salaire des femmes à temps partiel est 38% moins élevé que celui d’un homme à temps plein en Belgique.

Données Statbel, 2021

À titre de comparaison, le salaire brut moyen d’une femme avec trois enfants à temps partiel est de 2294 euros/mois en Belgique selon les données fournies par Statbel, tandis que celui d’un homme avec le même nombre d’enfants à temps plein est à 3697 euros/mois, soit 38% de plus.

C’est aussi ce qu’a observé Lola Galer, chargée d’études au service études et action politique de La Ligue des Familles : "Les mères favorisent des occupations plus proches de leur domicile, qui leur offrent de la flexibilité nécessaire pour assumer leur vie familiale et l’éducation de leurs enfants, quitte à ce qu’elles soient moins rémunératrices."

Ce choix d’une carrière flexible incombe donc davantage aux femmes notamment car "l’offre de services de garde est plus ou moins adaptée au travail à temps plein des mères en Belgique. Si on regarde chez nos voisins, en France ou en Europe de l’Est, la part des femmes qui travaillent à temps plein est plus élevée que chez nous" rapporte Laurène Thil.

Les femmes restent (encore) à la maison
Dans le couple, les femmes vont ainsi faire le choix de leur vie personnelle parfois plutôt que de leur vie carrière. Mais pour Lola Galer, le problème est qu’elles n’en ont pas forcément le choix et qu’elles "sont contraintes d’opérer un compromis entre le fait d’avoir des enfants et de poursuivre une vie professionnelle", résume Lola Galer qui n’hésite pas à dénoncer les stéréotypes de genre.

Selon elle, "à la naissance du premier enfant, ces stéréotypes de genre vont pousser les femmes à rester à la maison tandis que les hommes iront vers le marché du travail".

Pour preuve : en Belgique, lorsqu’une femme devient mère, son taux d’emploi diminue légèrement à 79,2% tandis que celui-ci augmente pour les nouveaux pères. Selon Statbel, 90% des hommes ayant un enfant de moins de 17 ans sont au travail.


L’âge et le nombre d’enfants : facteurs "aggravants"
C’est aussi dans le couple que vont s’opérer "des arbitrages dans les ménages en fonction de celle ou celui qui gagne le moins", à savoir, plus souvent, la femme, remarque l’économiste Laurène Thil.

C’est d’autant plus frappant lorsque les femmes ont plusieurs enfants ou qu’ils sont encore jeunes. Au-delà de trois enfants, un peu plus d’une mère belge sur deux travaille, contre 80% des pères, selon Eurostat.

Chez les femmes, le taux d’emploi en 2021 est nettement supérieur si le plus jeune enfant a entre 6 et 16 ans, révèlent les données de Statbel.


Marché du travail inadapté
La surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel dépasse le cadre strict du ménage. Selon les recherches, le marché du travail reste encore discriminant envers les femmes, qui sont souvent perçues, dès l’embauche, comme des futures mères, qui auront potentiellement une carrière discontinue.

"Dans certains secteurs, on ne propose que des emplois à temps partiel aux femmes" remarque Gaëlle Demez, responsable des Femmes au sein de La Confédération des syndicats chrétiens (CSC). Elle ajoute : "les employeurs vont jouer avec les temps partiel pour avoir plus de flexibilité, notamment en termes d’horaires, ils se disent que les femmes ne tiendront pas une carrière à temps plein, et donc ils ne leur proposent que des contrats à temps partiel".

C’est surtout le cas de la grande distribution, des maisons de repos et de soins, du secteur des titres services "qui sont occupés en très grande majorité par des travailleuses" note Gaëlle Demez. A titre d’exemple, 90,3% des aides soignantes en institution en Belgique étaient des femmes en 2021 selon Statbel.

Des employeurs prennent en compte l’interruption des femmes en favorisant leurs collègues masculins, même si c’est très difficile à prouver.

Laurène Thil, économiste à HIVA – KU Leuven

Outre l’accès à l’emploi, c’est aussi le retour à l’emploi, suite à une grossesse, qui est compliqué pour les femmes. Laurène Thil analyse ainsi qu' "une fois qu’elles s’arrêtent pour un congé de maternité, les femmes vont manquer des opportunités de promotion ou de formation. Il arrive aussi, ajoute la chercheuse, que les employeurs prennent en compte cette interruption en favorisant des collègues masculins, même si, bien sûr, ce sera très difficile à prouver."

Perceptions culturelles différentes
Pour Laurène Thil, il faut aussi prendre en compte des motifs culturels pour expliquer la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel. La Belgique se place à la 4e place des pays européens où la proportion de femmes qui ne travaillent pas à temps plein est la plus élevée, selon Eurostat, derrière les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche.

"Selon les pays, retourner travailler rapidement et à temps plein après avoir un enfant est plus ou moins bien accepté socialement. En Belgique, notamment en Flandre, les femmes ont davantage tendance, après l’accouchement, à s’arrêter plus longtemps qu’en France par exemple, ou à reprendre partiellement" indique ainsi la chercheuse de la KU-Leuven.


La solution de l’allongement du congé paternité
C’est donc dès la naissance du premier enfant que tout se joue : la tendance montre que les femmes s’arrêtent davantage que leur compagnon ou prennent des postes à temps partiel. Un écart qui, selon Lola Galer de La Ligue des Familles, "n’est jamais récupéré".

En quittant le marché du travail temporairement ou non après sa grossesse, une femme va, de facto, réduire ses revenus et encore davantage creuser l’écart avec ceux du père de leur enfant.

Les femmes vont notamment recourir quatre fois plus au congé parental à temps plein que les hommes et 10 fois plus au congé parental à mi-temps, selon l’ONEM.

Seule solution selon Lola Galer, "que les hommes et les femmes aient le même congé suite à la naissance d’un enfant".

L’étude des deux chercheurs de l’ULB, théoriciens de la "pénalité de l’enfant", a notamment démontré l’impact bénéfique d’un congé paternité sur le taux d’emploi des mères. Selon ces auteurs, "le congé paternité permet, d’une part, d’augmenter l’espacement des naissances et, d’autre part, d’accroître l’implication des pères dans la garde des enfants, il s’avère être un moyen utile pour diminuer l’écart de probabilité entre pères et mères d’être en incapacité suite à la naissance d’un enfant".

En Belgique depuis le 1er janvier 2023, le congé paternité est passé à 20 jours ouvrables, contre trois mois pour les mères.


https://www.rtbf.be/article/avoir-des-enfants-entrave-davantage-la-carriere-des-meres-que-celles-des-peres-infographies-11163284

Voir les commentaires

PLEIN EMPLOI Garantir une retraite digne

10 Février 2023, 14:18pm

Publié par hugo

 PLEIN EMPLOI
Garantir une retraite digne
  

 Index du chapitre
Au hasard !
 PLAN DU LIVRE
SECTION SUIVANTE
45 . Mettre fin au pillage économique de la Nation
SECTION PRÉCÉDENTE
43 . Reconnaître la citoyenneté dans l'entreprise et des droits nouveaux aux salariés
PRÉFACE DE LA PARTIE
PLEIN EMPLOI Unir pour bien vivre
En décembre 2019, notre pays a connu une des grèves les plus longues de son histoire contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron. Pour l’affronter, le gouvernement a même choisi de détourner le Conseil des ministres dédié au Covid-19 pour annoncer l’utilisation de l’article 49.3 et l’adoption de la réforme sans vote. Malgré les mensonges proférés dans les médias, les Français ont compris que la retraite à points signifie « travailler toujours plus longtemps et subir une baisse des pensions ». Rien ne justifie de renoncer au système actuel, de solidarité intergénérationnelle avec garantie du niveau des pensions. Pour vivre plus longtemps, dans des conditions dignes et en bonne santé, il faut pouvoir s’arrêter de travailler suffisamment tôt.

 MESURE CLÉ :
RESTAURER LE DROIT À LA RETRAITE À 60 ANS À TAUX PLEIN POUR 40 ANNUITÉS DE COTISATIONS
Porter a minima au niveau du SMIC revalorisé toutes les pensions pour une carrière complète, et le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté
Prendre en compte le revenu de solidarité active (RSA) pour valider des trimestres en vue de la retraite
Augmenter de 0,25 point par an durant le quinquennat le taux de cotisation vieillesse et soumettre à cotisation les revenus d’intéressement, de participation, d’épargne salariale, ainsi que les revenus financiers des entreprises
Indexer le montant des retraites sur les salaires
Interdire au Fonds de réserve pour les retraites d’investir dans des secteurs polluants
 A SAVOIR
83% des Français sont pour que chaque retraité touche au minimum une pension égale au SMIC (Harris Interactive, juillet 2021)

68% des Français sont pour la retraite à 60 ans ou moins (Harris Interactive, mars 2019)


https://www.laec.fr/section/44/garantir-une-retraite-digne?q=retraites,retraite

Voir les commentaires

Sarah Baatout : "C’est important de réduire les biais de genre dans les sciences et les technologies"

5 Février 2023, 20:23pm

Publié par hugo

 Sarah Baatout : "C’est important de réduire les biais de genre dans les sciences et les technologies"

© Tous droits réservés

hier à 12:28

Temps de lecture
6 min
Par Jehanne Bergé pour Les Grenades
Les Grenades
Sciences et Techno
Vivre ici - Gens d'ici
FEMME
science
scientifique
stéréotype de genre
PARTAGER


En Belgique, selon le top 100 des professions de Statbel, on ne compte que 13% d’ingénieures civiles, 19% de femmes managers TIC, 12% de spécialistes féminines des sciences techniques de la production et de l’industrie et seulement 11% de conceptrices de logiciels. Pour lutter contre ces écarts et déconstruire les stéréotypes genrés, Les Grenades réalisent chaque mois le portrait de femmes actives dans le monde des sciences, de la tech’ ou de l’ingénierie.
Publicité


Direction le centre d’étude nucléaire (SCK-CEN), à Mol. Nous retrouvons la professeure Sarah Baatout, cheffe de l’unité de radiobiologie. Mère de deux enfants, patineuse artistique et scientifique de renommée internationale, elle nous reçoit avec entrain et nous fait visiter d’un bon pas les différentes salles de son laboratoire. "Nous étudions l’impact des rayonnements sur la santé. Ces recherches couvrent diverses applications", introduit-elle.

Outre son poste au sein de l’unité, la chercheuse enseigne à l’université, tout en assurant son rôle de représentante de la Belgique auprès de l’UNSCEAR, le Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants.

Infatigable, elle partage pour nous son parcours et sa vision d’une science de demain où les femmes ont toute leur place.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Un besoin accru de comprendre les pathologies
"J’ai toujours eu beaucoup d’intérêt pour les sciences. Depuis un très jeune âge, j’ai ressenti ce besoin de comprendre les mécanismes des pathologies. Je me souviens, mes parents avaient racheté une bibliothèque de livres médicaux, je passais des heures à lire ces ouvrages." Après son cursus de biologie à Louvain-la-Neuve, elle effectue sa thèse de doctorat en biochimie au sein des services d’oncologie de deux grands hôpitaux. "J’ai toujours évolué entre la biologie et la médecine afin de trouver des solutions au niveau moléculaire et cellulaire."

Ce qui tue dans le domaine des sciences, c’est de rester dans sa bulle

Son profil spécifique la conduit ensuite vers le centre d’étude nucléaire où elle entre en 1995 comme post-doctorante. C’est au cœur de cette institution fédérale qu’elle mènera toute sa carrière. "Dans mon unité, nous travaillons essentiellement sur les radiations. Au niveau sociétal, nous œuvrons à la source pour améliorer les traitements radiothérapeutiques contre le cancer, développer de nouveaux radiopharmaceutiques et diminuer les effets secondaires. Nous développons la médecine personnalisée en fonction de la génétique de chaque patient·e. Il s’agit véritablement de la médecine de demain, car la proportion de patient·es atteint·es de cancer ne fait qu’augmenter."


© Tous droits réservés
Depuis 2002, son laboratoire compte également la médecine spatiale comme aire de recherche. L’équipe œuvre à la préparation des astronautes pour les missions vers la lune et vers mars. "Nous mesurons les effets des dommages induits par les rayons cosmiques. Dans l’espace profond, les doses sont jusqu’à 1000 fois plus importantes que sur terre. Toutes les connaissances concernant les patient·es sont directement adaptables pour les astronautes."

À lire aussi
Yaël Nazé, les femmes et l’étude des étoiles

Réduire les freins dès l’enfance
Sensible à la place des femmes dans les domaines scientifiques, Sarah Baatout s’ancre dans une logique sororale. Malgré son agenda chargé, l’experte tient à participer à des initiatives de promotion des sciences auprès des jeunes filles. "Même si de gros changements ont été opérés ces dernières années, dans tous les milieux sociaux, il demeure des biais de genre autour des sciences et des technologies." Selon elle, pour y remédier, l’éducation se révèle une clé. "Dès l’école, il est important de développer tous les outils possibles pour stimuler les jeunes filles à ces domaines."

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

En plus de freiner les vocations, la socialisation et l’éducation genrée de nos sociétés engendrent un syndrome d’imposture, celui-ci serait trois fois plus répandu chez les femmes. "Je l’observe dans mon laboratoire où je reçois beaucoup d’étudiantes. Nombre d’entre elles ont un énorme potentiel, mais de manière récurrente, je remarque qu’elles ont besoin, pour gagner en confiance, d’un petit push en plus par rapport aux étudiants masculins. Aussi, les chercheuses continuent de poser plus souvent des choix en fonction de leur famille que leur partenaire. C’est important de mettre en place les outils pour leur donner confiance et qu’elles puissent poursuivre leur carrière si elles le désirent."

Toute une série de problèmes ont été mis en évidence dans les universités. Le mouvement #metoo a fait bouger les lignes

Outre la moindre présence des femmes dans le domaine des sciences, la spécialiste pointe d’autres enjeux liés au genre. "La plupart des médicaments qu’on retrouve sur le marché n’ont été testés que sur des hommes. Très souvent lors des recherches cliniques, on ne teste pas les molécules sur les femmes en raison entre autres des variations du cycle hormonal. Résultat les femmes reçoivent des doses sans qu’elles aient été testées préalablement. Il y a vraiment un biais de genre criant dans la médecine. Il faut continuer d’en parler et essayer de trouver des solutions."

À lire aussi
Ce que les femmes doivent savoir avant de choisir la personne qui va les opérer

L’importance des modèles
Dans les couloirs de son laboratoire, sur un mur bleu, quatre cadres en l’honneur de Marie Curie, dont sa citation "Rien dans la vie n’est à craindre, tout doit être compris. C’est maintenant le moment de comprendre davantage, afin de craindre moins." "Pour moi, Marie Curie est une 'role model’très important. Elle a mené une carrière scientifique extraordinaire, c’est une personnalité que j’admire au plus haut point."

Parmi les contemporaines, dans le domaine spatial, Sarah Baatout s’enthousiasme de la manière de communiquer de l’astronaute italienne Samantha Cristoforetti, première femme européenne commandante de la Station spatiale internationale. "Elle est un modèle extraordinaire pour de nombreuses jeunes filles. Les astronautes ont un rôle d’éducation."

La plupart des médicaments qu’on retrouve sur le marché n’ont été testés que sur des hommes. Très souvent lors des recherches cliniques, on ne teste pas les molécules sur les femmes

La scientifique se réjouit d’ailleurs de la nouvelle cohorte de l’Agence spatiale européenne qui compte trois hommes et deux femmes. "C’est un grand pas en avant. Aussi, lors de la sélection, nous avons assisté à un véritable shift. En 2008, seulement 15% de femmes avaient postulé. Grâce notamment à Samantha Cristoforetti, lors de la dernière sélection, sur les 23000 candidat·es il y avait cette fois 24% de femmes. C’est déjà mieux, mais surtout en dernière sélection sur les 25 finalistes, on comptait autant de femmes que d’hommes. Les femmes hésitent plus à postuler, mais elles sont plus compétentes !"

À lire aussi
Rania Charkaoui, pour plus de diversité dans les STEM dès l’université

Au plus près d’une jeunesse post #metoo
Au quotidien, Sarah Baatout partage son temps entre son laboratoire à Mol et les auditoires des universités de Gand et de Leuven. "Je donne plusieurs cours en médecine spatiale, en biologie spatiale et en radioprotection." Le contact avec les étudiant·es est l’une des facettes de son métier qui lui plait le plus. "Quand je supervise un·e étudiant·e, je souhaite faire le maximum pour cet·te étudiant·e."

Concernant le sexisme au sein du monde académique, réalité qui peut se révéler un frein majeur pour étudiantes, la professeure observe également d’importants changements. "Les choses évoluent pour le bien ! Toute une série de problèmes ont été mis en évidence dans les universités. Le mouvement #metoo a fait bouger les lignes. Grâce aux nouvelles générations de femmes aujourd’hui, les comportements sexistes ne sont plus tolérés. Au-delà du monde académique, ce type d’agissements doit être banni partout. Ça devrait faire partie des chartes éthiques de chaque entreprise."

 

À lire aussi
À l’Université, combien de femmes devront encore souffrir et être réduites au silence ?

Enfin, aux jeunes qui voudraient se lancer dans une carrière scientifique, voici sa recommandation : "Osez approcher les scientifiques. C’est la meilleure manière de recevoir des conseils pertinents, intéressants. Ce qui tue dans le domaine des sciences, c’est de rester dans sa bulle. La science de demain, c’est une science de collaboration", conclut-elle.

À lire aussi
Soapbox Science : une initiative pour mettre les femmes scientifiques en valeur

Dans la série de portraits Les Grenades de femmes scientifiques
Yasmina Abakkouy, multiplier les représentations pour encourager les vocations
Rosanna Kurrer, pour plus de diversité dans le secteur de la cybersécurité
Marwa ElDiwiny, entre soft robotics et soif de connaissances
Aline Sinzobahamvya, la tech’au service des projets pédagogiques
Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/article/sarah-baatout-cest-important-de-reduire-les-biais-de-genre-dans-les-sciences-et-les-technologies-11147407

Voir les commentaires

In Sandrine Kelecom We Trust, "en tant que femme dans le bâtiment je dois en faire deux fois plus"

5 Février 2023, 19:45pm

Publié par hugo

 In Sandrine Kelecom We Trust, "en tant que femme dans le bâtiment je dois en faire deux fois plus"

© Tous droits réservés

28 janv. 2023 à 12:05

Temps de lecture
5 min
Par Jehanne Bergé pour Les Grenades
Les Grenades
Regions
Vivre ici - Gens d'ici
Travail
Bâtiment
Peintre
carriere
stéréotype de genre
PARTAGER


Dans la série In… We Trust (en français : "Nous croyons en"), Les Grenades vont à la rencontre de femmes arrivées là où personne ne les attendait. Pour ce premier épisode de l’année 2023, plongeons dans l’univers de Sandrine Kelecom, peintre en bâtiment qui doit se battre pour exister dans un secteur très masculin où les stéréotypes de genre restent ancrés.
Publicité


Mardi 24 janvier, 9h30, Liège. Nous retrouvons Sandrine Kelecom entre deux chantiers. "C’est super de parler des femmes dans la construction. Il y a encore du boulot pour faire changer les mentalités", avait-elle livré préalablement par téléphone. Aujourd’hui, autour d’un café, elle revient sur son parcours.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

De la pharmacie au chantier
"Petite, je ne me serais jamais imaginé travailler dans le bâtiment… Je me rêvais médecin", introduit-elle. À l’âge de 17 ans, elle quitte le foyer familial. Après de quelques galères sur les bancs de l’université, elle préfère se diriger vers l’assistance technique en pharmacie et c’est dans ce domaine qu’elle entame sa carrière. Les années passent. Elle se sent stagner dans son métier. Quelle voie emprunter désormais ?

En plein questionnement, à l’occasion de la rénovation d’un bien immobilier, elle se découvre un grand intérêt pour la construction. "Je n’avais pas grand-chose à perdre, j’ai décidé de me reconvertir dans la peinture en bâtiment à l’âge de 28 ans." Pour ce faire, elle passe par ConstruForm Liège, un centre de compétence du Forem dédié aux métiers de la construction. Elle est alors la seule femme du cursus. Après une formation de 6 mois, elle est engagée comme ouvrière par l’un des instructeurs. "Assez rapidement, je me suis dit ‘si je peux travailler pour un patron, je peux travailler pour moi-même.’ L’accès à la profession étant protégé par certaines règles, j’ai dû passer le jury central."

Son diplôme en poche, en 2011, elle prend le statut d’indépendante. Déterminée à poursuivre ses aspirations, elle fait fi des stéréotypes et des appréhensions. "Je crois que parmi mon entourage, beaucoup se sont dit que j’allais me casser la figure. À l’époque, il y avait vraiment peu de femmes dans le bâtiment. Heureusement, j’ai reçu le soutien de ma maman et de mon frère."

Contrainte de "prouver" sa valeur
Alors qu’elle commence sa carrière en tant qu’indépendante, elle tombe enceinte. "Ça a été compliqué. J’étais maman solo… Je jonglais entre les chantiers, les nuits sans dormir, les soins au petit…" Elle persévère. Ensuite, elle rencontre celui qui deviendra son compagnon. Ensemble, le couple a un deuxième enfant. "Il est menuisier, je peux comparer directement nos réalités et j’observe de grandes différences liées au genre dans le bâtiment. Par exemple, très peu d’architectes font appel à mes services. Je dois en faire deux fois plus pour qu’on me fasse confiance."

Notre interlocutrice explique que constituer sa clientèle lui a pris beaucoup plus de temps. "J’ai trouvé les client·es par le bouche-à-oreille, mais au début c’était franchement galère. J’ai dû prouver que j’étais aussi capable que mes collègues masculins. Encore aujourd’hui, comme il n’y a pratiquement que des hommes dans ce milieu, ils forment une espèce de club et se renseignent l’un à l’autre. Je vois bien, personne ne me dit ‘j’ai un chantier à te donner.’"

Beaucoup se sont dit que j’allais me casser la figure


© Tous droits réservés
Comme de nombreuses femmes, en plus de devoir assurer professionnellement, elle assume la majorité de la charge mentale du foyer. "Je dois être une femme, un homme sur chantier, une mère… On nous attend au tournant dans tous nos rôles. Au travail, si on se casse la gueule, on va dire ‘oui, mais c’est une femme’, si à la maison on n’assure pas, ça nous retombe dessus et on finit en burn-out parental… La charge et la pression que la société exige de nous, c’est vraiment compliqué !"

Une société qui ne s’adapte pas au corps des femmes
Très concrètement, depuis plus de quinze ans maintenant, le métier de Sandrine Kelecom est de peindre les murs intérieurs ou extérieurs, de réaliser des enduits, des sols en béton ciré… Des activités physiques où jour après jour elle porte, supporte, transporte. "Je vais avoir 45 ans, et mon corps s’use prématurément. Je souffre d’arthrose cervicale et de l’épaule. Aussi, je dois porter des bas de contention en permanence ; nous les femmes sommes plus sujettes à des problèmes de circulation."

Très peu d’architectes font appel à mes services. Je dois en faire deux fois plus pour qu’on me fasse confiance

Au-delà des spécificités liées au secteur, trop souvent, les caractéristiques biologiques des femmes telles que les menstruations sont encore taboues dans le milieu professionnel, et dès lors ne sont pas prises en compte. Cette réalité est particulièrement marquée dans les domaines très masculins comme la construction.

"Quand tu as tes règles et que tu travailles sur un chantier, si les toilettes sont sales et qu’il n’y a pas d’évier, c’est parfois franchement compliqué. Aussi, moi je souffre énormément pendant cette période, mais je vais quand même bosser. Rien n’est prévu pour nous puisque le sujet demeure tabou. Nos souffrances sont gardées sous silence." Selon elle, tant que le monde professionnel sera imaginé pour et par les hommes, les problématiques liées à la santé des femmes resteront un impensé. Une société plus inclusive requerrait qu’une plus grande attention soit portée à la mise en place d’espaces qui conviennent aux corps de toutes et tous.


© Tous droits réservés
Rester positive, mais réaliste
En Belgique, selon Statbel, 96,6% des ouvrier·es dans le bâtiment sont des hommes. Les modèles féminins dans le secteur restent très rares. Lorsqu’on questionne notre interlocutrice sur sa manière de se percevoir, sa réponse ne se fait pas attendre : "Je ne prétends pas être un modèle. Mais je veux rappeler aux femmes de bien réfléchir avant de se lancer parce que ce n’est pas facile. Malheureusement, il faut avoir du caractère pour ne pas se laisser démonter."

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

Malgré tous les obstacles, Sandrine Kelecom garde espoir. Selon elle, l’évolution des mentalités et des pratiques ne se révélera envisageable que par la création d’outils concrets : des espaces adaptés, des modèles féminins, la déconstruction des stéréotypes de genre… "Ce n’est pas normal qu’en 2023, on doive encore se battre en tant que femme pour exercer le métier qu’on souhaite. Il faut faire bouger les lignes. La prochaine personne que je prendrai en stage d’apprentissage, j’aimerais que ce soit une femme pour qu’à travers moi, elle voie les difficultés, mais comprenne que c’est possible d’y arriver", conclut-elle.

Dans la série In… We Trust (Nous croyons en)
In Laura De Pauw We Trust, "en tant que femme mécano, je dois constamment prouver ma légitimité"
In Odile Gérard We Trust, la chauffagiste qui dézingue les stéréotypes
In Astrid Genette We Trust, maman solo et maraîchère
In Sukma Iryanti We Trust, rebondir face à toutes les difficultés
In Jeanette Van der Steen We Trust, première femme maître de chai en Belgique
In Euphrasie Mbamba We Trust, la passion du chocolat
Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/article/in-sandrine-kelecom-we-trust-en-tant-que-femme-dans-le-batiment-je-dois-en-faire-deux-fois-plus-11143986

Voir les commentaires

Manifestations contre la réforme des retraites en France : les femmes en première ligne

5 Février 2023, 13:09pm

Publié par hugo

 TERRIENNES
Conditions des femmes au travail
Manifestations contre la réforme des retraites en France : les femmes en première ligne
Illustration postée par <a href="https://www.instagram.com/ji.artivist/" tabindex="0">ji.artivist</a> sur Instagram.
Illustration postée par ji.artivist sur Instagram.
01 FÉV 2023
 Mise à jour 01.02.2023 à 14:45 par 
Terriennes
 
avec AFP
"Femmes je vous haine", "les grandes perdantes", "injustice" : parmi les dizaines de milliers de manifestants descendus dans la rue ce 31 janvier 2023 en France pour la deuxième grande mobilisation nationale, les femmes dénoncent une réforme des retraites "injuste" qui tombe comme "un coup de marteau".
A Marseille, la crainte de travailler "encore plus" 
"Les femmes vont travailler encore plus alors qu'il faudrait qu'elles arrêtent avant, parce que partout il est reconnu qu'elles travaillent plus !", estime Brigitte Cateddu, 63 ans, infirmière à la retraite. 

"C'est toujours pareil, les femmes sont désavantagées. Même si je n'ai pas d'enfant, ce sont toujours les mêmes qui payent pour les autres", tranche Laura Marceau, 35 ans, sans emploi.

A Rouen, "les grandes perdantes"
"Les femmes seront les grandes perdantes de cette réforme. Ce sont elles qui exercent le plus des métiers précaires avec plus de coupures liées aux enfants. Elles mettront plus de temps pour obtenir tous leurs trimestres", juge Juliette, 47 ans, cadre, membre du groupe d'action féministe de Rouen.

"Les femmes seront encore plus pénalisées à cause des congés maternité, du temps partiel imposé et des carrières hachées", dit Bernadette Paimparé, retraitée de la fonction publique hospitalière, 63 ans.

A Toulouse, "c'est abusé!"
Fatima Adhal, 36 ans, AESH (accompagnante d'élève en situation de handicap) dans un collège de Toulouse, dénonce une réforme qui "impacte plus les femmes que les hommes. 64 ans c'est abusé ! Nous faire partir deux ans plus tard, c'est pas normal", dit-elle dans le cortège où des pancartes clament "Retraites dévalorisées, femmes je vous haine".

A Rennes, l'"injustice"
"Ça a été prouvé que la réforme est inégalitaire et défavorise les femmes, notamment au niveau des congés maternité. Un peu à l'image de ce que fait le gouvernement en général", critique Marine Lecrubier, 30 ans, psychomotricienne.

A Nice, "où cela peut s'arrêter" ?
Jeanne Aigle, 27 ans, designer graphiste estime que "la réforme va aggraver la situation des femmes qui ont souvent des carrières interrompues ou travaillent à temps partiel. Si on commence à repousser l'âge de la retraite, on ne sait pas où cela peut s'arrêter".


Au Havre, "est-ce que l'on aura une retraite ?"
Juliette, 19 ans, Elsa, 20 ans, en BUT (ex-DUT) Carrières sociales ont raté leurs cours pour manifester pour la première fois : "Est-ce que l'on aura une retraite ? C'est la grande question. On fait des métiers passion mais on ne sait pas comment ça va finir. Et puis on se dit que l'on sera plus âgées que les personnes dont on s'occupera en Ehpad !! C'est symbolique d'être là."

A Brest, "un coup de marteau sur la tête"
Marie-Laure Plouhinec, 58 ans, aide-soignante en Ehpad, ne s'imagine pas travailler jusqu'à 64 ans avec "un métier très très lourd". "Je me suis projetée à 62 ans, j'ai fait mon calcul, j'aurai tous les trimestres. Mais 2 ans de plus, non. C'est un coup de marteau sur la tête. Déjà qu'on a mal partout".

A Paris, un "repos mérité"
Nadège Filliatre, 60 ans, manipulatrice en radiologie, n'était pas venue manifester depuis "très, très longtemps". "Je vais devoir travailler 6 mois de plus", dit-elle. "J'ai travaillé toute ma vie, sans jours maladie, sans chômage, sans garde de mes enfants, j'ai fait des gardes, des heures supp’, je n'ai pas envie de travailler plus! Ce repos, je l’ai mérité !"
Photo postée sur <a href="https://twitter.com/xthree75">Twitter</a>.
Photo postée sur Twitter.
A Orléans, la "double peine"
Michèle Durand, 58 ans, conseillère gestion dans un organisme associatif, constate qu'elle va devoir travailler six mois de plus. "Déjà qu'on est payées 20% de moins que les hommes, c'est la double peine", dit-elle. "C'est insupportable. Ce sont toujours les pauvres et les femmes qui doivent travailler plus longtemps".

Alia Alourafi, 39 ans, 2 enfants, conseillère gestion et financement dans un organisme associatif, porte une pancarte "Maman solo et aidante isolée = pas de retraite avant le décès". "Je suis une femme, c'est moi qui ai pris les congés parentaux pour mes deux enfants. L'un de mes enfants est handicapé, j'ai repris seulement à 80% (...) Le statut d'aidant n'existe pas, c'est la double peine".

A Lille, "c'est écoeurant"
Carine Loeille, enseignante de 50 ans, souligne qu'"en tant que femmes, on a des vies compliquées, parfois on s'arrête. Je me suis retrouvée seule à la mort de mon mari et j’ai l'impression de devoir travailler jusqu'à ce que je meure. C'est écœurant."

A Lyon, de la "poudre aux yeux"
Sabine Conjard, comptable de 54 ans est venue "contester ce qui se passe contre notre gré. Cette réforme me rajoute six mois. Si c’était pour une cause juste je les ferais, mais c’est injuste. (...) Le gouvernement se dit ouvert au dialogue mais c’est de la poudre aux yeux".

(Re)lire aussi dans Terriennes : 

► Réforme des retraites en France : les femmes, éternelles laissées pour compte
►Accidents et maladies du travail : pourquoi les femmes sont de plus en plus
►Covid-19 : et si on rémunérait le travail des femmes à la maison pendant la crise ?
►Journée de l'égalité salariale : 59 jours de travail en plus pour les Françaises
►Négligé par le féminisme : le travail invisible des femmes touchées

Terriennes
 
avec AFP
 Mise à jour 01.02.2023 à 14:45
SUR LE MÊME THÈME


https://information.tv5monde.com/terriennes/manifestations-contre-la-reforme-des-retraites-en-france-les-femmes-en-premiere-ligne

Voir les commentaires

1 2 3 > >>