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Les Journées de l'égalité
Événement 16 mai 2014 17 articles Laure Menanteau
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Pub : « Les femmes ont toujours une fonction d’illustration érotique »
À l’occasion des Journées de l’égalité, la Région organise, le 23 mai de 9h30 à 11h30, une table ronde sur les stéréotypes dans la communication et la publicité.
La table ronde sur les stéréotypes sexistes dans la communication et la publicité aura lieu le 23 mai, de 9h30 à 11h30, à l’hémicycle régional, au 57, rue de Babylone, à Paris 7e.
Dans un premier temps, les professionnels de la communication et de la publicité (représentants de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, du Conseil paritaire de la publicité, de l’Association des agences conseil en communication ou encore de l’Union des annonceurs) s’exprimeront.
Puis, dans un second temps, associations, chercheurs et étudiants en communication présenteront leurs réflexions et actions et lanceront le débat.
Stéphanie Kunert © DR
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19 mai 2014
Natacha CZERWINSKI
Photo : Visuel de la publicité Dove © DR
Fini l’époque où Moulinex se vantait de « libérer » la femme ? Pas sûr… Les campagnes de publicité actuelles, loin de plaider en faveur de l’égalité hommes-femmes, ne sont pas avares de clichés sexistes. Même s’ils s’affichent de façon plus subtile… A l’occasion des Journées de l’égalité, la Région organise le 23 mai (9h30-11h30) une table ronde sur les stéréotypes dans la communication et la publicité. Le point avec Stéphanie Kunert, enseignante-chercheure en sciences de l’information et de la communication, auteure de l’ouvrage Publicité, genre et stéréotypes (éditions Lussaud, collection « L’impensé contemporain »).
Quel état des lieux feriez-vous aujourd’hui sur la place des stéréotypes sexistes dans la publicité et la communication ?
Stéphanie Kunert : La façon dont ceux-ci se manifestent a évolué depuis les années 1970, époque où le mouvement des femmes et les associations féministes naissantes ont adressé de façon intensive des critiques à la sphère publicitaire. De nos jours, il est plus difficile pour un annonceur de lancer des slogans du type « Vous avez la voiture, vous aurez la femme » (comme dans cette publicité Audi datant du début des années 1990, ndlr). Mais il n’empêche que les femmes ont toujours globalement une fonction d’illustration érotique dans les messages à destination des hommes (pour des produits aussi divers que l’automobile, les produits de rasage, le café, etc.). La représentation des femmes dans les publicités – que celles-ci s’adressent aux hommes ou aux femmes – se fait aussi principalement à travers la séduction ou le soin à autrui (les enfants). Certes, la valeur de performance est de plus en plus présente dans les annonces à destination des femmes (comme dans les publicités pour déodorants), mais cette valeur est alors généralement associée au produit. Le but est que la femme puisse continuer à être impeccablement séduisante…
Récemment, quelles publicités vous ont particulièrement choquée ?
S.K. : Je suis à titre personnel assez gênée par la façon dont les publicités automobiles montrent les femmes au volant. Lorsqu’elles sont la cible, celles-ci sont montrées comme ayant trois principaux soucis : soit posséder une voiture assez petite pour pouvoir se garer facilement en ville pour faire du shopping, soit assortie à la couleur de leurs vêtements (le véhicule se fait accessoire de beauté), soit assez pratique pour aller chercher les enfants à l’école… Si les femmes sont de plus en plus la cible d’annonces pour des produits auparavant « destinés » principalement aux hommes, leurs préoccupations sont dépeintes comme relevant exclusivement du futile (shopping) ou du domestique (enfants).
Pourquoi la pub joue-t-elle sur ces clichés-là ?
S.K. : La publicité commerciale n’a jamais eu pour vocation de représenter la société de façon diverse, progressiste ou même simplement nuancée. Elle a avant tout des objectifs d’impact et ses formats rhétoriques sont courts (annonces de 30 secondes, affiches, encarts presse), car l’espace publicitaire est onéreux. De plus, les messages ont pour vocation d’être diffusés de façon répétitive et le plus souvent dans les médias de grande audience. Tout cela favorise la stéréotypie, car le stéréotype se forme à travers la réduction et la répétition. La publicité est donc, par ses formats mêmes, amenée à produire et reproduire des représentations caricaturales du monde social. Cela dit, il est sans doute important de sensibiliser les annonceurs et les agences à la violence symbolique du stéréotype. Les professionnels de la communication ont une responsabilité sociale, ils contribuent à élaborer et diffuser des messages qui participent des imaginaires collectifs.
Comment les publics perçoivent-ils ces messages caricaturaux ?
S.K. : Ils ne sont pas passifs et de plus en plus critiques, car ils sont habitués aux formats et contenus publicitaires. Depuis les années 1970, des initiatives contre le sexisme dans la publicité et les médias se sont mises en place. Aujourd’hui, il y a les actions du CCP (Collectif contre le publisexisme) ou celles de La Meute des Chiennes de garde (qui décerne ainsi le prix Femino des annonces les moins sexistes). Ces discours critiques et militants sont un symptôme du fait que les publics et les consommateurs ont une posture plus distanciée vis-à-vis des imaginaires sociaux véhiculés dans les médias. D’ailleurs, un grand nombre de campagnes ont vu des groupes antipub, antisexistes ou de « simples passants » réagir en taggant ou arrachant des affiches. Sur les réseaux sociaux, on observe également des détournements, parodies créatives et critiques d’annonces.
Comment lutter contre la propagation des stéréotypes sexistes ?
S.K. : Certaines agences de conseil en communication se sont spécialisées ces dernières années dans la lutte contre les discriminations et les marques intègrent de plus en plus la question des discriminations et de l’inégalité entre les sexes à leur communication commerciale. On se souvient de Dove qui a ainsi fait campagne sur le thème de la « diversité des beautés » et des normes imposées aux femmes par l’industrie cosmétique. Ces campagnes permettent aux entreprises d’endosser publiquement des valeurs perçues comme positives et progressistes. Mais les sociétés qui communiquent sur ces sujets doivent appliquer concrètement les principes et outils de la lutte contre les discriminations dans leurs pratiques de recrutement et de management, sinon cette incohérence est tout de suite pointée par les publics. Les pratiques doivent évoluer en même temps que les discours.
Tags Égalité femmes-hommes Lutte contre les discriminations
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