Les pensions alimentaires impayées: un danger de précarité pour les mères,femmes,enfants,economie,
La situation financière des familles monoparentales, gérées à plus de 80% par des mamans solos, est plus précaire que les autres groupes selon le Conseil de L'Europe. Le divorce et la séparation constituent des moments où les femmes s'appauvrissent, car, dans notre société, il subsiste des inégalités économiques (les femmes sont moins bien rémunérées, elles sont majoritaires dans les emplois à mi-temps, etc.).
"Dans la majorité des cas, une séparation se traduit donc pour les femmes par une baisse du revenu et du niveau de vie plus importante que pour les hommes", constate Hafida Bachir, secrétaire politique de Vie Féminine, dans une chronique.
"Le rôle fondamental du SECAL"
C'est autour de ces questions que se concentre l'enjeu des pensions alimentaires impayées. Depuis 2003, le Service des créances alimentaires (SECAL) du SPF Finances octroie des avances aux bénéficiaires d'une pension alimentaire qui n'est pas payée. Le service se charge ensuite de récupérer les montants non payés auprès du parent qui doit fournir cette pension alimentaire suite à une décision de tribunal ou une autre décision à portée équivalente.
En avril 2019, ce plafond de revenus était passé de 1.800 à 2.200 euros net par mois et 7.500 nouvelles personnes allaient pouvoir prétendre à des avances du SECAL. C’était déjà une victoire pour de nombreuses femmes affectées par le non-paiement des pensions alimentaires mais aussi pour les associations de terrain, dont Vie Féminine, qui sont actives sur ces questions. En Belgique, plus de 90% des démarches entamées pour recouvrir des pensions alimentaires impayées sont entamées par des femmes.
Dans la majorité des cas, une séparation se traduit pour les femmes par une baisse du revenu et du niveau de vie plus importante que pour les hommes
"De nombreuses familles, essentiellement des femmes avec enfants, sont plongées dans la précarité et celle-ci tend à s'accentuer lorsque des créances alimentaires ne sont pas payées. La crise sanitaire que nous vivons aujourd'hui impacte d'autant plus durement ces familles monoparentales. Selon la Ligue des familles, plus de huit familles monoparentales sur dix ont de plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois. Dès lors, le rôle du SECAL, fondamental en tout temps, est encore plus essentiel en cette période qui plonge de nombreuses familles monoparentales dans la précarité", a expliqué l'auteure de l'amendement, Sophie Thémont (PS), à l’agence de presse Belga. La proposition de loi doit encore être approuvée en séance plénière à la Chambre.
La pension alimentaire réduit la pauvreté des mères
La Plateforme des Créances Alimentaires a publié un communiqué de presse dans lequel elle exhorte la Chambre "à voter la proposition de loi au plus vite". "Outre le fait que ce système de plafond avait pour conséquence de stigmatiser les femmes puisqu’elles devaient apporter la preuve qu’elles se trouvaient dans le besoin, celui-ci était fixé de manière arbitraire sans tenir compte du seuil de pauvreté, des frais de logement, de la situation particulière des familles monoparentales, etc. […] À partir du moment où une décision judiciaire a été prise, la pension alimentaire est un droit pour tout enfant, quels que soient les revenus de la personne qui en a la charge principale. Il est temps que cette loi retrouve son objectif initial : être un service accessible à toutes et tous", écrit encore la Plateforme.
Il s’agit aussi d’une avancée importante pour Fatma Karali, l’une des fondatrices du collectif Des Mères Veilleuses : "Si cet amendement est effectif, cela va permettre de réduire les violences à l'égard des femmes car certains pères utilisent ce moyen pour continuer à exercer des violences à l'égard de leur ex-compagne. Or, la pension alimentaire permet de réduire la pauvreté des mères".
À partir du moment où une décision judiciaire a été prise, la pension alimentaire est un droit pour tout enfant, quels que soient les revenus de la personne qui en a la charge principale
Lila Jibran est une de ces mamans célibataires dont l’ex-conjoint ne paie pas la pension alimentaire. "Je suis active dans un groupe de femmes et quand on a appris la suppression possible de ce plafond de revenu, nous avions toutes les larmes aux yeux. Certaines étaient face à des situations horribles, par exemple devoir rester en mi-temps pour ne pas gagner trop et pouvoir continuer à bénéficier des avances", explique-t-elle. Ce collectif, le "groupe familles monoparentales solidaires", a milité pour que le plafond de revenus du SECAL disparaisse.
Pour autant, sa joie est gâchée par un "goût amer". Selon elle, son ex-conjoint a organisé son insolvabilité, c’est-à-dire qu’il ne déclare aucun revenu, ni chômage, ni même de mutuelle. Comme le SECAL ne peut pas récupérer les montants auprès du parent qui devrait s’acquitter de la pension alimentaire, il ne fournit pas d’avances à cette maman. "Il faudra attendre que monsieur touche un héritage ou se déclare avant de pouvoir prétendre aux avances, autant dire jamais. Je pense que les pères se sont passés le mot, ils savent que s’ils ne déclarent rien, ils sont tranquilles. J’aurais pourtant bien besoin de ces avances parce que je suis en règlement collectif de dettes, je dois éponger les 60.000 euros des dettes du ménage, dont celles de mon ex-mari. On me demande d’être solidaire avec lui, mais lui ne me paie pas de pension alimentaire depuis 4 ans, il n’est donc pas solidaire avec moi, ni avec nos enfants. Un seul salaire ne permet pas de tout gérer quand on a une famille à charge. Mon travail ne me permet pas d’échapper à la précarité", souligne-t-elle.
Des violences économiques
Lila Jibran souhaite alerter sur les violences économiques qui accompagnent les violences conjugales. "Il y a une décision de justice qui l’oblige à payer cette pension alimentaire mais c’est à moi toute seule de devoir me rendre au commissariat pour porter plainte pour abandon de famille s’il ne s’acquitte pas de la pension alimentaire. J’en suis déjà à ma 7ème plainte. C’est à nous de prouver que les pères sont de mauvaise foi. En plus, cela nous met en danger, on réveille le chat qui dort en portant plainte contre eux. Certains de ces pères sont des hommes violents. On ne leur met pas assez la pression. Si moi je ne paie pas mon loyer, j’aurais la visite d’un huissier. Il y a un deux poids deux mesures. Je rappelle qu’on ne mendie pas d’argent, c’est notre droit !", s’insurge-t-elle.
Un seul salaire ne permet pas de tout gérer quand on a une famille à charge. Mon travail ne me permet pas d’échapper à la précarité
Selon cette maman, plusieurs choses pourraient être mises en place : "Il faudrait pouvoir gracier les mères des dettes du ménage. Je connais des mamans qui doivent choisir entre payer les factures d’hôpital ou acheter à manger. Je pense aussi à la création d’une caisse de solidarité pour les autres femmes dans mon cas. Peut-être aussi adosser le SECAL au Ministère de la Justice au lieu des Finances parce que pour l’instant, les pères ont un vrai sentiment d’impunité", résume-t-elle.
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Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d'actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.
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