Le 8 mars, balance tes casseroles !
Le 8 mars, balance tes casseroles ! - © Vagafeminista/2019
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Le 8 mars, balance tes casseroles !
Le 8 mars, balance tes casseroles !
Publié le jeudi 20 février 2020 à 11h10
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Une carte blanche d'Hafida Bachir
Le 8 mars 2019, la Belgique a connu sa première grève féministe[1] initiée par le Collecti.e.f 8 maars qui avait appelé les femmes à un arrêt du travail rémunéré mais aussi à arrêter d’étudier, de prendre soin, de consommer. Des actions qui ont donné sens au concept de grève féministe qui invite les femmes, à une date et à un moment choisi de tout lâcher et de le faire savoir. En incluant le travail "reproductif", la grève féministe élargit ainsi la définition traditionnelle du travail en intégrant toutes les tâches effectuées par les femmes.
Et ce 8 mars 2020, Journée internationale des droits des femmes, on remet ça ! C'est une manière de visibiliser tout ce que les femmes font au quotidien pour le bon fonctionnement de l’ensemble de la société. Un quotidien où s’entremêlent tâches liées aux soins aux autres, à la consommation, au travail domestique, au travail rémunéré sans oublier la charge mentale. En d’autres termes : "Si on s’arrête, tout s’arrête !".
Pour accompagner le travail de sensibilisation autour de ces thématiques, Vie Féminine a choisi d’utiliser le symbole puissant et subversif des casseroles qui renvoie à cet ordre maintes fois lancé aux femmes de "retourner à leurs casseroles". Sauf qu’ici, il s’agira de se réapproprier ce stigmate, de refuser ces injonctions et de balancer toutes ces casseroles qui entravent l’autonomie économique des femmes.
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La casserole des tâches invisibilisées
Les femmes consacrent 1 heure et 20 minutes de plus que les hommes aux tâches ménagères, et 15 minutes de plus aux enfants. En moyenne, un jour de semaine normal, les hommes de 18 ans et plus consacrent 1 heure et 23 minutes de plus que les femmes à effectuer un travail rémunéré, mais ils ont néanmoins 44 minutes de temps libre en plus qu’elles.
L'écart entre hommes et femmes concernant le temps voué à ces tâches s'est réduit depuis quinze ans, mais uniquement parce que les femmes y consacrent moins de temps. La durée des périodes que les hommes destinent aux tâches ménagères n'a pas changé depuis 1999.
La "double journée" reste plus que jamais une réalité pour les femmes pendant que les hommes, toujours selon le SPF Economie, disposent de plus de temps pour les loisirs (31,5 heures par semaine) que les femmes (25 heures et 13 minutes par semaine).
De plus, la charge mentale de l’organisation des différents temps de vie de la famille repose toujours sur les femmes. En plus d’assumer le principal des tâches, elles doivent jongler pour coordonner les horaires de crèches ou d’école, les activités extrascolaires ou de loisirs, les rencontres sociales et familiales, les temps de repas, de soin, de sommeil, etc., ce qui relève du défi avec des rythmes professionnels et scolaires aussi peu articulés entre eux.
S’il n’est plus à démontrer que ces tâches incarnent une fonction sociale essentielle, on ne peut que dénoncer la persistance d’une conception des rôles sociaux qui attribue naturellement ces tâches aux femmes. D’autant que cela a des conséquences sur leur vie : perte d’autonomie financière, culpabilité, souffrances psychiques, sentiment de dévalorisation, problèmes de santé.
La casserole à pression sexiste, capitaliste et raciste
Alors que la Belgique s’est engagée à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer les discriminations à l’égard des femmes, on peut faire le constat qu’en matière de droits socioéconomiques, la situation des femmes est loin d’être une évidence.
Chez nous, l’écart salarial entre hommes et femmes calculé sur une base annuelle atteint 19%. Les pensions des femmes sont quant à elles en moyenne 35% plus basses que celles des hommes. Les femmes se retrouvent massivement dans les emplois à temps partiels (44% pour 9,6 % d’hommes). Ce sont encore elles qui prennent en majorité les "congés" en début de carrière (congés parentaux, crédit-temps), ce qui fragilise leur position sur le marché du travail. Elles se retrouvent dans des emplois et statuts qui sont insuffisants en matière de protection contre la précarité, voire qui sont eux-mêmes précarisant. C’est le cas dans les secteurs féminisés (nettoyage, vente et grande distribution, métiers du soin aux autres et aide aux personnes dépendantes, etc.). La toute récente grève des aides ménagères en titres services exigeant une revalorisation salariale témoigne de cette précarité.
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D’autre part, les mesures gouvernementales de ces dernières années n’ont pas arrangé les casseroles des femmes, bien au contraire ! Elles ont imposé une flexibilité accrue et des mesures d’activation obligeant les travailleurs et travailleuses à accepter un emploi de moins en moins rémunérateur ou de plus en plus éloigné de chez soi. En matière de chômage, les femmes ont été visées très particulièrement, avec la suppression de la dispense d’activation pour les chômeuses avec enfant en bas âge, dans un contexte où les places d’accueil de l’enfance restent en nombre insuffisant ou sont trop chères. Il y a également eu un rabotage dans le calcul de l’allocation de garantie de revenus (AGR), un revenu complémentaire du chômage pour les travailleur.ses à temps partiel, considéré·es comme "involontaires" alors que les statistiques de l’IWEPS montrent que moins de 10% des travailleuses à temps partiel le font par réel choix.
Il faut aussi rajouter que le marché de l’emploi peut aussi être raciste, discriminant les femmes racisées en leur limitant l’accès à des emplois ou stages (notamment pour les femmes portant le voile) ou en les orientant vers des emplois peu valorisés et peu rémunérés.
Quant aux travailleuses migrantes en situation irrégulière et travaillant sur le marché informel, elles cumulent des difficultés spécifiques qui les empêchent de bénéficier de certains droits fondamentaux (se soigner, se loger, se protéger, etc.).
Si le travail reste un moyen d’autonomie et d’émancipation pour les femmes, sa place dans la société doit être néanmoins repensée. Le travail doit donner accès à des revenus garantissant l’autonomie financière, des droits complets en matière de sécurité sociale et permettre un équilibre entre les différents temps de vie des personnes. L’accessibilité, sans discrimination, aux femmes issues de toutes les couches et catégories sociales est un impératif.
Et toi, qu’est-ce que tu balances ?
Ce sont toutes ces injustices, et beaucoup bien d’autres, que les femmes veulent voir disparaître. Ce 8 mars, munies de nos casseroles, celles de la contestation, nous rejoindrons toutes celles qui manifesteront leur ras-le-bol face à l’invisibilisation des rôles et des responsabilités que les femmes assument au détriment de leur autonomie économique et parfois de leur santé physique et mentale.
Cette mobilisation à la grève est mondiale comme l’annonce Women’s Global Strike sur son site : "Nous, organisations féministes et alliées du monde entier, appelons à une grève mondiale des femmes le 8 mars 2020. Nous demandons aux féministes et à leurs alliées de cesser de travailler ce jour-là, reconnaissant ainsi le droit au travail enraciné dans la Journée internationale de la femme, et montrant ainsi au monde entier que lorsque les femmes s’arrêtent, le monde s’arrête".
Alors dès maintenant, préparons nos casseroles, chaudrons, cocottes, marmites, poêlons, sauteuses, gamelles, faitouts, tajines, lèche frites, woks, écuelles, …. Sans oublier nos batteries de revendications pour rappeler nos exigences pour une société égalitaire, solidaire et juste !
[1] Depuis 2016, de la Pologne à l’Argentine, ces mobilisations s’inscrivent dans un contexte international de grèves féministes.
Hafida Bachir, Secrétaire politique de Vie Féminine
Cette grève est mondiale. Traductions du slogan "Quand les femmes s'arrêtent, le monde s'arrête"
Anglais If women stop, the world stops
Arabe عندما تُضرب النساء، يتعطل العالم
Bahasa Indonésien Jika perempuan berhenti, dunia berhenti
Bengali নারী থামলে দুনিয়া থামবে
Bulgare Когато жените спрат, спира исветът
Chinois 女性停工,世界停摆/ 女性停工,世界 停擺
Coréen 여성이 멈추면, 세상도 멈춘다
Espagnol Si las mujeres paran, el mundo se detiene
Fidjien Kera tu vadua na marama, era tu vakadua talega na vuravura taucoko
Français Quand les femmes s’arrêtent, le monde s’arrête
Hindi जब महिलाएं थमती हैं, तो दुनिया रुक जाती है
Japonais 女たちが抗議すれば、世界は動きを 止める
Kinyarwanda Iyi abagore bahagaze, isi irahagarara
Luo Wen piny, ka gigomo to piny be ochung
Néerlandais Als vrouwen stoppen, staat de wereld stil
Népalais महिला रोकिए , संसार रोकिन्छ
Polonais Gdy kobiety zatrzymuja sie, swiat sie zatrzymuje
Russe Если женщины остановятся – остановится мир
Swahili Ikiwa wanawake wataacha, dunia yote yataaacha
Tagalog Kapag huminto ang kababaihan, hihinto rin ang sandaigdigan
Tamoul பெண்கள் வேலைசெய்வதை நிறுத்தினால் உலகம் நின்றுவிடும்
Thaï ถ้าผู้หญิงหยุด โลกจะหยุดชะงัก
Ourdou اگر عورت رک جائے تو دنیا رک جائے گی۔
Vietnamien Khi phụ nữ dừng, cả thế giới ngừng.
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