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Le blog de hugo,

 Congé menstruel : ça avance aussi en France

29 Mars 2023, 00:40am

Publié par hugo

 Congé menstruel : ça avance aussi en France
St Ouen, dans le nord de Paris, est la première ville de France à instaurer un congé menstruel destiné à ses employées. L'association Règles élémentaires lance une pétition pour la création d'un émoji "règles" pour lutter contre le tabou et rendre visible les douleurs menstruelles.
St Ouen, dans le nord de Paris, est la première ville de France à instaurer un congé menstruel destiné à ses employées. L'association Règles élémentaires lance une pétition pour la création d'un émoji "règles" pour lutter contre le tabou et rendre visible les douleurs menstruelles.
Capture d'ecran internet
27 MAR 2023
 Mise à jour 27.03.2023 à 12:35 par 
TerriennesIsabelle Mourgere
 
avec afp
Instauré en Espagne depuis plusieurs mois, petit à petit, le congé menstruel fait son chemin aussi en France. Si le monde de l'entreprise a déjà commencé à prendre en compte les douleurs des femmes pendant leurs règles, une municipalité donne le coup d'envoi. Dans le nord de Paris, la ville St Ouen devient la première ville à instaurer un congé de deux jours ou un aménagement de travail.
La ville de St Ouen devient ce 27 mars 2023 la première à instaurer en France un congé menstruel pour les employées municipales qui souffrent de règles douloureuses ou d’endométriose.

Les femmes concernées pourront aller chez le médecin, obtenir un certificat médical et bénéficier d’une autorisation spéciale d’absence de deux jours ou encore d’un aménagement de leur temps et de leur poste de travail (télétravail notamment), aucune journée de carence ne sera décomptée, précise Le Parisien.
 

Sur les 2 000 agents de la mairie de Saint-Ouen, plus de 1 200 sont des femmes. Cette mesure pourrait concerner 500 d’entre elles.

Karim Bouamrane, maire de St Ouen
Cette annonce avait été faite par le maire socialiste de la commune, Karim Bouamrane, le 8 mars dernier lors de la Journée internationale des droits des femmes. "C’est en échangeant avec les agentes de la Ville que je me suis rendu compte que beaucoup souffraient en silence", a confié l’élu au quotidien, "Sur les 2 000 agents de la mairie de Saint-Ouen, plus de 1 200 sont des femmes. Cette mesure pourrait concerner 500 d’entre elles." 

"Jusque-là, quand j’avais mal, je venais mais je n’étais pas opérationnelle. Les antidouleurs n’ont aucun effet. Mais je ne peux pas me permettre de m’absenter et de perdre 70 euros (l’équivalent d’une journée de travail)", confie l'une des employées municipales de St Ouen dans Le Parisien, se réjouissant de cette "très belle initiative".


Un an déjà dans une petite entreprise toulousaine
Mis en place il y a un an dans l'entreprise Louis, fabrique de meubles à Labège, dans le sud-ouest de la France, le congé menstruel s'est imposé comme une évidence et une fierté.

"Je trouve ça super!", lance Margot Racaud, 24 ans. "Avant je me forçais à venir, mais je n'étais pas efficace. Je restais accroupie de douleur derrière mon atelier (...) et je finissais par poser un jour" de repos, se souvient-elle.

Rien que le fait de savoir que cela existe et qu'on peut, si on ne se sent pas bien, le poser, nous fait du bien.

Clothilde Soulé, employée chez Louis
La mesure est née à l'initiative d'une employée. "Elle s'était rendu compte qu'une de ses collègues travaillant en production posait tous les mois une demi-journée ou une journée de congé car elle souffrait", explique le directeur, Thomas Devineaux. "Chaque femme a la possibilité tous les mois de poser une journée de congé payé ou de télétravail menstruel si elle le désire" avec anticipation ou pas et sans justificatif médical, précise-t-il à l'AFP.


L'enjeu n°1 pour nous, c'était de casser le tabou des menstruations (...) qui est autant un tabou pour les hommes que pour les femmes, autant à la maison qu'en entreprise.

Thomas Devineaux, directeur de l'entreprise
Un an après, "on voit que ça marche", salue Clothilde Soulé, responsable de l'équipe production. "Personne ne veut en abuser (...) Rien que le fait de savoir que cela existe et qu'on peut, si on ne se sent pas bien, le poser, nous fait du bien", expose-t-elle, précisant que seulement 11 journées de congé menstruel ont été posées dans l'année. "Cela m'a beaucoup aidé à ne pas culpabiliser car avant ça me frustrait énormément, j'avais l'impression d'abandonner l'équipe", expliquede son côté Margot Racaud, qui constate même une diminution des crises de douleur: "J'en ai moins, je vomis moins et je m'évanouis moins".

"L'enjeu n°1 pour nous, c'était de casser le tabou des menstruations (...) qui est autant un tabou pour les hommes que pour les femmes, autant à la maison qu'en entreprise", souligne le directeur. "Cela m'a permis d'en parler autour de moi, dans ma vie perso (...) Jamais je n'avais parlé de règles avant avec des collègues", confirme Clothilde Soulé. Les hommes aussi en ont discuté entre eux et avec leurs proches, ajoute Hugo Vabre, ébéniste de 24 ans. "Ma grand-mère m'a dit qu'elle aurait bien aimé avoir ça aussi à l'époque", sourit-il.

Si d'autres entreprises se sont montrées intéressées par le projet, des critiques ont aussi été émises, et beaucoup dans l'équipe se disent dubitatifs quant à une éventuelle généralisation du dispositif.


Avancée ou "fausse bonne idée" ?
Dans le quotidien Le Monde, Ophélie Latil, la cofondatrice du collectif Georgette Sand, qualifie le congé menstruel de "fausse bonne idée". Réagissant à la création de ce congé à St Ouen, la militante féministe estime qu'il s'agit d'"une mesurette qui occulte la nécessité d’une vision d’ensemble concernant la santé des femmes au travail, un chantier bien plus vaste". 


En 2020, dans un manifeste pour la révolution menstruelle, Elise Thiebaut, autrice du livre précurseur en France Ceci est mon sang dénonçant le tabou sur les règles écrivait : "Toute entreprise devra désormais prévoir un congé menstruel (aussi appelé journées lunaires) de douze jours par an, quel que soit le sexe de la personne salariée, susceptible d’être pris ou capitalisé en vue d’une activité si possible non productive et relaxante. Ce congé pour indisposition ne devra pas faire l’objet d’un justificatif. Il pourra être offert ou partagé au même titre que les RTT. Tous les lieux de travail devront par ailleurs prévoir une salle de détente et des pauses adaptées aux besoins des personnes qui ont leurs règles".


Au lendemain du vote en Espagne, en décembre 2022, des députés écologistes français ont annoncer vouloir lancer une "concertation" avec les organisations féministes et syndicales. 

Si l'unanimité n'est pas acquise sur le congé menstruel, la priorité reste la lutte contre le tabon des règles. Règles élémentaires, une association qui lutte contre la précarité menstruelle, a lancé une pétition en ligne pour qu'un nouvel émoji règle soit créé pour "normaliser, et rendre visible aux yeux de tous et toutes que oui les règles existent et ont des conséquences directes dans la vie de millions de personnes". 


À lire aussi dans Terriennes :

►"Ceci est mon sang", un livre d'Elise Thiébaut pulvérise le tabou des règles
►Congé menstruel, vraie ou fausse bonne idée ?
►Endométriose : on en parle enfin à mots ouverts
►Que faire contre l'endométriose, une maladie encore mal connue ?
►Manifeste pour la révolution menstruelle, d'Elise Thiébaut
TerriennesIsabelle Mourgere
 
avec afp
 Mise à jour 27.03.2023 à 12:35
SUR LE MÊME THÈME


https://information.tv5monde.com/terriennes/conge-menstruel-ca-avance-aussi-en-france-493293

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Sarah Bernhardt, superstar, femme libre dans un siècle d'hommes

29 Mars 2023, 00:33am

Publié par hugo

 TERRIENNES
Femmes, artistes, défricheusesChansons, artistes, variétés et diversité francophone
Sarah Bernhardt, superstar, femme libre dans un siècle d'hommes
"Sarah Bernhardt, 1980" dans l'exposition "Andy Warhol - The Original Silkscreens" à l'Avantgarde House of Art, à Apolda, Allemagne, le mercredi 17 janvier 2018. 
"Sarah Bernhardt, 1980" dans l'exposition "Andy Warhol - The Original Silkscreens" à l'Avantgarde House of Art, à Apolda, Allemagne, le mercredi 17 janvier 2018. 
©AP Photo/Jens Meyer
"Sarah Bernhardt, 1980" dans l'exposition "Andy Warhol - The Original Silkscreens" à l'Avantgarde House of Art, à Apolda, Allemagne, le mercredi 17 janvier 2018. Sarah Bernhardt a consacré sa vie à la scène, elle jouera ses derniers rôles jusqu'à la fin, malgré sa santé défaillante, jusqu'au jour de sa "vraie" mort, le 26 mars 1923.  Sarah Bernhardt, icône française de la tragédie sur les scènes du monde entier, avait pour devise "Quand même". Née au milieu du 19e siècle, elle est morte le 26 mars 2023 et fut la première femme à avoir droit à des funérailles quasi-nationales.
24 MAR 2023
 Mise à jour 24.03.2023 à 08:52 par 
TerriennesIsabelle Mourgere
Extravagante, fascinante, sulfureuse, Sarah Bernhardt affiche une carrière digne d'une superstar. Celle que l'on considère comme la plus grande tragédienne de tous les temps a porté la langue française sur les scènes du monde entier. Cent ans après sa disparition, un programme de commémoration baptisé "Sarah dans tous ses états" lui rend hommage. 
Sarah Bernhardt savait jouer la mort comme personne. Aujourd'hui, on pourrait la qualifier de "drama queen", (reine du drame). Les foules venaient l'écouter déclamer jusqu'à feindre l'agonie sur les scènes du monde entier. 
 

Quand elle défaille, quand elle s'évanouit, parfois elle s'évanouit vraiment.

Laurence Cohen, présidente du collectif "Sarah dans tous ses états"
"On vient la voir mourir en scène. Quand elle défaille, quand elle s'évanouit, parfois elle s'évanouit vraiment et quand elle sanglote, c'est son exutoire pour sa propre souffrance qui n'apparait pas quand elle est en société", confie Laurence Cohen, présidente du collectif "Sarah dans tous ses états".

"Voix d'or" pour Victor Hugo, ou "monstre sacré" - expression inventée pour elle par Jean Cocteau - elle fut l'Interprète mythique des plus grands dramaturges comme Racine, Shakespeare, Rostand et même Guitry. "C'est une femme qui s'inscrit dans un siècle d'hommes, mais c'est surtout une femme à hommes !", se plaît à dire cette admiratrice intarissable qui a tenu à organiser un festival pour commémorer le centenaire de la disparition de la comédienne. "Dans son sillage, nous retrouvons Edmond Rostand, Victor Hugo, Emile Zola, Gambetta, Ferdinand Foch, Oscar Wilde etc ...", ajoute-t-elle. "Aujourd'hui, on se doit de la réhabiliter pour qu'elle soit connue du plus grand nombre", insiste-t-elle. 


Une petite-fille oubliée
Née à Paris le 22 octobre 1844, Sarah Bernardt connait une enfance austère et marquée par l'abandon, un sentiment qui l'accompagnera tout au long de sa longue vie. Née de père inconnu et d'une demi-mondaine, une "cocotte". Celle-ci n'a pas envie de l'avoir "dans ses jupons" et "s'en débarrasse" en la confiant à un couple de Bretons qui deviennent ses parents d'adoption.

C'est une petite fille juive élevée par des Bretons, d'ailleurs jusqu'à l'âge de 6 ans, elle ne parle que breton.

Laurence Cohen
"C'est une petite fille juive élevée par des Bretons, d'ailleurs jusqu'à l'âge de 6 ans, elle ne parle que breton", précise Laurence Cohen. "Dans son livre, intitulé 'La double vie', elle s'invente justement une double vie et raconte que son père est parti en Chine, mais ça c'est un fantasme".


Elle ira ensuite au couvent. Une période marquée par de violentes crises de colère, où elle en fera voir de toutes les couleurs aux religieuses. L'une d'elles, soeur Sophie, malgré tout, la prend sous son aile, voyant dans cette petite fille abandonnée par sa mère, une petite flamme qui ne demande qu'à s'embraser. Elle lui confie un petit bout de terrain où Sarah va construire des maisons pour  insectes et s'attirer ainsi l'amitié de ses co-pensionnaires. "Nulle en maths et dans toutes les matières, elle ne travaille pas et fait beaucoup de bêtises, elle rend tout le monde dingue". 

Lors d’une pièce de fin d'année, elle découvre le théâtre et sa vocation. Elle ne doit pas jouer, mais sa meilleure amie est paralysée par le tract. Sarah récupère son rôle. Il s'avère qu'elle connait toute la pièce par coeur. "Preuve de son incroyable mémoire, dans sa vie, elle jouera près de 120 pièces !", souligne Laurence Cohen. 

Elevée par un couple de Bretons à qui l'a confiée sa mère, Sarah Bernhardt passe son adolescence au couvent.
Elevée par un couple de Bretons à qui l'a confiée sa mère, Sarah Bernhardt passe son adolescence au couvent.
DR
Des rôles d'hommes
Après avoir réussi l'examen d'entrée au Conservatoire d'Art dramatique, elle rejoint la Comédie-Française, "pistonnée par le duc de Morny, l'amant de sa mère", et joue son premier rôle en 1869. Si certains se moquent de son jeu, Alexandre Dumas lui prédit :"Tu es pleine d'émotion, tu seras une petite étoile". Elle deviendra d'ailleurs la première femme professeure au Conservatoire, et écrit un livre sur l'art du théatre. 

On m'a souvent demandée pourquoi j'ai souvent interprété des rôles d'hommes, en réalité je ne préfère pas les rôles d'hommes mais les cerveaux d'homme !

Sarah Bernhardt
"Dès le départ elle se démarque des autres femmes, elle est libre, audacieuse. Là où on a l'impression qu'on se saisit d'elle, Sarah Bernhardt nous échappe", estime Laurence Cohen.

Sarah Bernhardt interprète l'Aiglon d'Edmond Rostand.
Sarah Bernhardt interprète l'Aiglon d'Edmond Rostand.
DR
Lorenzaccio, l'Aiglon, ou Hamlet ... Tout au long de sa carrière, elle multiplie les rôles masculins. Elle le dit elle-même : "On m'a souvent demandée pourquoi j'ai souvent interprété des rôles d'hommes, en réalité je ne préfère pas les rôles d'hommes mais les cerveaux d'hommes et parmi tous les caractères celui d'Hamlet m'a tenté entre tous car il est le plus original, le plus subtil, le plus torturé et en même temps le plus simple pour l'unité de son rêve".


"En disant cela, elle parle d'elle, ça lui permet d'exprimer toute sa sensibilité et son rapport à la mort qui est très particulier chez elle", analyse Laurence Cohen. 

Lorsque la guerre avec la Prusse éclate, à 26 ans, elle devient infirmière pour la Croix Rouge et transforme le théatre de l'Odéon en hôpital, elle y croise la mort en face, des soldats blessés, et leur fournira de quoi manger.
 

Laurence Cohen, directrice de la compagnie du "théâtre à bulles" et présidente du collectif "Sarah dans tous ses états". 
Laurence Cohen, directrice de la compagnie du "théâtre à bulles" et présidente du collectif "Sarah dans tous ses états". 
©terriennes
"Sarah dans tous ses états"

Laurence Cohen, directrice de l'association la Compagnie à Bulles est habitée par Sarah Bernhardt. Depuis un an, elle s’est mise au défi de réunir tous ceux qui, comme elle, sont amoureux du monstre sacré pour commémorer le centenaire de sa mort.

Lectures, conférences, dîner spectacle, bal "Bel Epoque", le collectif "Sarah dans tous ses états" organise une série d'évènements du 22 au 26 mars 2023 à Paris,  suivis, à Belle-Île-en-mer, de huit journées (30 avril-8 mai).
C'est à Belle-Île que se trouve la maison fascinante de l’artiste, labellisée « Maison des Illustres » par le ministère de la Culture.
 

Sarah superstar
Bien avant que naisse cette expression, la légendaire comédienne française est à l'origine de ce qui est devenu le star-system. Visage de la France à l'étranger depuis sa première tournée américaine, elle est souvent accueillie par la Marseillaise. 

Claquant la porte de la Comédie française, dont elle se fait exclure pour avoir giflé une sociétaire, elle part en tournée aux Etats-Unis. "On va y construire des chapiteaux rien que pour elle, pouvant accueillir 4000 personnes", rapporte Laurence Cohen. La légende dit qu'à New York, des hommes jettent leur manteau par terre afin qu'il soit piétiné par l'actrice, qui passe trois heures à dédicacer leurs manchettes de chemise. Elle perçoit des cachets inédits pour l'époque, une véritable petite fortune : 5.000 francs-or par représentation, soit l’équivalent de 20.000 euros aujourd’hui. Elle ira aussi en Russie, en Australie, où l'on rapporte des scènes d'hystérie à son passage, et aussi en Amérique du Sud. À Paris, on disait qu'on venait voir deux choses: la tour Eiffel et Sarah Bernhardt.

Sarah Bernhardt est encore aujourd'hui décrite comme "une pionnière ayant jeté les bases de la célébrité moderne qui sont encore des références aujourd’hui. (...) Elle était aussi connue de son vivant que Charlie Chaplin, Marilyn Monroe ou Michael Jackson à leur époque", lit-on dans Le Drame de la célébrité, de Sharon Marcus, cité dans The Times of Israël.

Sarah Bernhardt, une tragédienne inventrice du "star system".
Sarah Bernhardt, une tragédienne inventrice du "star system".
©The Hampden-Booth Theatre Library of The Players Foundation for Theatre Education)
Succès et extravagance
L'actrice s'entraînait à dormir dans un cercueil, pour mieux s'imprégner de la mort...
L'actrice s'entraînait à dormir dans un cercueil, pour mieux s'imprégner de la mort...
DR
La tragédienne sait alimenter sa légende. Elle ne part pas en tournée sans emmener avec elle des centaines de paires de chaussures et ses incroyables tenues rangées dans une quarantaine de malles stockées dans un wagon Pullman aménagé spécialement pour elle, et accompagnée d'une véritable ménagerie. "Dans les rues de Londres, elle se promène avec son guépard en laisse. Chez elle, elle a des caméléons et toute sorte d'animaux exotiques", raconte Laurence Cohen. 

Sarah Bernhardt doit aussi sa célébrité à une machine d'autopromotion inédite. Son nom devient quasimment une marque sur des affiches publicitaires. Parfois même à son insu, comme sur une affiche pour une absinthe. Son manager estime que c'est le meilleur moyen d'entretenir sa renommée. Créant la polémique, elle se fait photographier dans un cercueil. La légende raconte qu'elle y dormait pour mieux s'imprégner de la mort...

Sarah Bernhardt était très mince, pas du tout dans les codes de beauté du moment.(...) Elle ne s'aimait pas, elle n'avait pas une bonne estime d'elle-même.

Laurence Cohen
Elle devient icône de mode, sorte d'influenceuse avant l'heure. Ses fabuleuses tenues fascinent et inspirent les créateurs de l'époque, notamment ses robes serpentines avec de larges ceintures servant à soutenir une hernie dont elle souffrait, et qui influencèrent la silhouette féminine de la fin du XIXe siècle. "Sarah Bernhardt était très mince, pas du tout dans les codes de beauté du moment. Les cheveux crêpus, c'était une femme différente, pas très grande, elle mesurait 1m54 !", précise l'admiratrice de la tragédienne. "Elle ne s'aimait pas, elle n'avait pas une bonne estime d'elle-même. Sa mère, qui préférait ses deux petites soeurs, disait qu'elle était laide".

L'image de Sarah Bernhardt apparaît sur de multiples affiches, comme celle-ci signée Mucha.
L'image de Sarah Bernhardt apparaît sur de multiples affiches, comme celle-ci signée Mucha.
©DR
Une vie au service de la scène
Sarah Bernardt passe la plus grande partie de sa vie au service du théâtre puis du cinéma. Amputée de la jambe droite suite à une tuberculose osseuse, c'est assise qu'elle continue à jouer sur scène. Elle ira aussi se faire acclamer par les soldats de la Grande Guerre, à 70 ans, dans une chaise à porteurs. 

En 1898, dans ses mémoires, elle écrit : "La vie est courte, même pour ceux qui vivent longtemps. Il faut vivre pour quelques-uns qui vous connaissent, vous apprécient, vous jugent et vous absolvent et pour lesquels on a même tendresse et indulgence".

Alors qu'elle est en train de tourner un film pour Sacha Guitry, La Voyante, elle meurt d'une insuffisance rénale aiguë le 26 mars 1923. Après avoir joué maintes fois sa mort au théâtre, c'est chez elle dans son hôtel particulier situé au 56 boulevard Péreire à Paris que la tragédienne qu'elle rend son dernier souffle. Spontanément, une foule se rassemble dans la rue. Elle aura droit à des funérailles quasi-nationales. Plus de 600 000 personnes se rassemblent au coeur de Paris pour accompagner son cercueil recouvert de camélias blancs jusqu'au cimetière du Père Lachaise. 


Libre et féministe ? 
Pourrait-on la qualifier de féministe aujourd'hui ? "Non, mais, c'est une femme qui s'impose, qui prend sa place et qui réhabilite l'image de la femme au 19e siècle" répond Laurence Cohen.
 
Si on devait voir en elle une féministe aujourd'hui, c'est parce qu'elle a toujours revendiqué le fait d'être une femme plurielle.

Laurence Cohen
"Tout en étant une courtisane, elle restera fidèle à son fils Maurice et à Jacques Damala, son mari, ils vont la ruiner mais ils sont les deux hommes de sa vie.", rappelle Laurence Cohen, "Certains biographes lui attribuent plus de mille amants. C'est une femme qui fait ses choix, et qui est extrêmement infidèle à ses amants. Elle a souffert aussi dans sa relation aux hommes. Si on devait voir en elle une féministe aujourd'hui, c'est parce qu'elle a toujours revendiqué le fait d'être une femme plurielle."  

Après la sanglante Commune de Paris, la comédienne défend Louise Michel. Lors de l'affaire Dreyfus, elle fera connaitre publiquement son soutien à son ami Zola. 

À (re)lire notre article ►​Il y a 150 ans, les femmes de la Commune de Paris étaient sur les barricades
"Nature morte aux pêches" signée Sarah Bernhardt.<br />
 
"Nature morte aux pêches" signée Sarah Bernhardt.
 
©CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet
En quoi ça gêne aujourd'hui nos contemporains qu'une femme soit multi-talentueuse, faudrait-il qu'il y ait une loi qui interdise à une femme d'avoir cette personnalité multi-facettes et ces talents démultipliés.

Emile Zola
Mars 1923, dernière photo de Sarah Bernhardt, un mois avant sa mort.
Mars 1923, dernière photo de Sarah Bernhardt, un mois avant sa mort.
©Photos AP
Comédienne, elle était aussi peintre, sculptrice. Lors de ses tournées à Londres, elle emporte ses oeuvres pour les vendre. Un talent multiple qui dérange certains, comme Rodin qui l'accuse de ne pas être l'autrice de ses sculptures.

Pour la défendre, Emile Zola dira : "En quoi ça gêne aujourd'hui nos contemporains qu'une femme soit multi-talentueuse, faudrait-il qu'il y ait une loi qui interdise à une femme d'avoir cette personnalité multi-facettes et ces talents démultipliés."

Une vie incroyablement bien remplie pour une femme née dans un siècle d'hommes, et au regard de tout ce qu'elle a accompli, on a envie de dire "Quand même !", car telle était sa devise. 
 
Et Sarah créa la star
Sarah Bernhardt, peinte par son ami Georges Clairin.
Sarah Bernhardt, peinte par son ami Georges Clairin.
©DR-exposition Petit Palais
Du 14 avril 2023 au 27 août 2023, exposition au Petit Palais "Sarah Bernhardt Et la femme créa la star". Près de 400 œuvres exposées pour donner une idée du succès de l’interprète mythique des plus grands dramaturges sur les scènes du monde entier (costumes de scène, photographies, tableaux, affiches), mais aussi de ses talents de sculptrice et de sa vie intime : son intérieur, sa garde-robe, son goût pour les excentricités et les bizarreries.

À lire aussi dans Terriennes :

►Il y a 150 ans naissait Colette, l'immortelle
►L'écrivaine Colette : scandaleuse, éprise de liberté et féministe paradoxale
►Alice Guy, pionnière oubliée du cinéma mondial
►Joséphine Baker : une femme pionnière et inspirante entre au Panthéon
►En France, les pionnières du cinéma muet enfin honorées
►Simone Gouzé, artiste et exploratrice : portrait d'une pionnière
►Femmes pionnières : Marga d’Andunrai, profession aventurière
►Sabina Spielrein, de la Russie à la Suisse, pionnière de la psychanalyse, effacée par ses confrères


https://information.tv5monde.com/terriennes/sarah-bernhardt-superstar-femme-libre-dans-un-siecle-d-hommes-492498

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Avortement : le Salvador poursuivi pour "torture" devant la Cour interaméricaine des droits humains

29 Mars 2023, 00:28am

Publié par hugo

TERRIENNES
Le droit à l'avortement, entre avancées et reculs
Avortement : le Salvador poursuivi pour "torture" devant la Cour interaméricaine des droits humains
Forte mobilisation au Salvador pour réclamer justice pour "Beatriz", une jeune femme empêchée de mettre fin à une grossesse à risque au Salvador. Elle est décédée depuis dans un accident de la route. 
Forte mobilisation au Salvador pour réclamer justice pour "Beatriz", une jeune femme empêchée de mettre fin à une grossesse à risque au Salvador. Elle est décédée depuis dans un accident de la route. 
©DR
Forte mobilisation au Salvador pour réclamer justice pour "Beatriz", une jeune femme empêchée de mettre fin à une grossesse à risque au Salvador. Elle est décédée depuis dans un accident de la route. Les femmes exigent que le gouvernement libère les prisonnières qui purgent des peines de 30 ans de prison pour avoir avorté, devant un tribunal de San Salvador en décembre 2017. Ce pays d'Amérique centrale possède l'une des lois les plus restrictives du continent en matière d'avortement. Les femmes qui pratiquent une IVG risquent de 8 ans à 30 ans de prison. 
23 MAR 2023
 Mise à jour 23.03.2023 à 10:06 par 
Terriennes
 
avec AFP
"Violation des droits humains", "torture" : le Salvador comparait devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme après avoir empêché une jeune femme d'avorter, malgré une grossesse à risque. Une première historique dans ce pays d'Amérique centrale où l'avortement est interdit depuis 1908. 
"Ce combat est pour Beatriz et pour toutes" les femmes, "Le jugement de la Cour peut rendre justice à Beatriz et changer l'avenir des femmes d'Amérique latine", voici ce qu'on pouvait lire sur les pancartes brandies par les militantes féministes rassemblées devant le siège costaricain de la Cour interaméricaine des droits humains à San Salvador.

Les médecins lui avaient dit qu'elle ne pouvait pas poursuivre sa grossesse.

Maman de "Beatriz"
Pendant deux jours, le Salvador doit s'expliquer devant la représentation costaricaine de la Cour interaméricaine des droits de l'homme après avoir forcé une femme, identifiée sous le prénom fictif de "Beatriz", à porter un foetus non viable en dépit de risques pour sa vie. Ce pays d'Amérique centrale est accusé de "violation présumée des droits humains et  de "torture". 

Son jugement devrait être rendu dans environ six mois. En 2022, cette même cour avait  jugé que le gouvernement salvadorien avait violé les droits d'une femme, Manuela qui a été arrêtée en 2008, soupçonnée d'avoir enfreint la loi sur l'avortement d'El Salvador après avoir subi une obstétrique urgence. Elle est décédée d'un cancer en 2010 alors qu'elle purgeait une peine de 30 ans pour homicide aggravé. La Cour des droits de l'homme avait ordonné de verser des dommages et intérêts à ses deux fils devenus orphelins.


Devant la Cour, la mère de "Beatriz", dont l'anonymat n'a pas été levé, a expliqué que "les médecins lui avaient dit qu'elle ne pouvait pas poursuivre sa grossesse" mais qu'ils n'avaient pas le droit de pratiquer une interruption de grossesse. 

En face, de l'autre côté de la rue, une vingtaine de militants opposés à l'avortement manifestent aussi, en silence ou en priant à voix basse.

L'audience de la Cour interaméricaine des droits humains à San Salvador est retransmise en direct, un épisode inédit dans le combat pour le droit à l'avortement dans ce pays d'Amérique centrale.
L'audience de la Cour interaméricaine des droits humains à San Salvador est retransmise en direct, un épisode inédit dans le combat pour le droit à l'avortement dans ce pays d'Amérique centrale.
capture d ecran/internet
Notre article ►​Au Salvador, une fausse couche peut mener en prison

Condamnées à la prison pour avoir avorté
Le Salvador interdit formellement l'avortement depuis 1998 sous peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 8 ans. Les tribunaux du pays condamnent même souvent les femmes qui avortent pour homicide aggravé et leur infligent des peines pouvant aller jusqu'à 50 ans de prison.

"Le fait que la Cour ait accepté d'entendre cette affaire indique clairement que le refus de tout service de santé, y compris ceux qui sont controversés comme l'avortement, constitue une violation des droits humains", estime Maria Antonieta Alcalde, de l'ONG de défense des droits génésiques Ipas, qui figure parmi les plaignants.

Beatriz, décédée dans un accident de la route en 2017, souffrait d'une maladie auto-immune lorsqu'elle est tombée enceinte pour la deuxième fois en 2013, à l'âge de 20 ans, après un premier accouchement compliqué.

Le fœtus s'est avéré non viable en raison d'une grave malformation congénitale et, selon des documents judiciaires, Beatriz a été informée qu'elle risquait de mourir si elle menait à terme la grossesse. La jeune femme s'est alors tournée vers la justice afin d'être autorisée à avorter mais sa demande a été rejetée par la Cour constitutionnelle. Elle est entrée en travail prématurément, a subi une césarienne et le fœtus est mort cinq heures après l'accouchement. 

Jesús tient une photo d'un dessin de sa mère, Manuela, qui a été arrêtée en 2008, soupçonnée d'avoir enfreint la loi sur l'avortement d'El Salvador après avoir subi une obstétrique urgence. Sa mère est décédée d'un cancer en 2010 alors qu'elle purgeait une peine de 30 ans pour homicide aggravé. La Cour interaméricaine des droits de l'homme a récemment jugé que le gouvernement salvadorien avait violé les droits de Manuela et lui a ordonné de verser des dommages et intérêts à ses deux fils devenus orphelins.
Jesús tient une photo d'un dessin de sa mère, Manuela, qui a été arrêtée en 2008, soupçonnée d'avoir enfreint la loi sur l'avortement d'El Salvador après avoir subi une obstétrique urgence. Sa mère est décédée d'un cancer en 2010 alors qu'elle purgeait une peine de 30 ans pour homicide aggravé. La Cour interaméricaine des droits de l'homme a récemment jugé que le gouvernement salvadorien avait violé les droits de Manuela et lui a ordonné de verser des dommages et intérêts à ses deux fils devenus orphelins.
©AP Photo/Jessie Wardarski
Une forme de torture
La famille de la jeune femme, originaire de La Noria Tierra Blanca, à une centaine de kilomètres au sud-est de la capitale San Salvador, a décidé de poursuivre l'affaire en justice après sa mort afin "qu'aucune autre femme ne vive ce qu'elle a vécu", selon son frère Humberto, 30 ans, qui a requis l'anonymat pour préserver celui de sa soeur.

Les souffrances auxquelles elle a été soumise, sachant que son droit à la vie était menacé, constituent une forme de torture.

Gisela de Leon, du Centre pour la justice et le droit international
Gisela de Leon, du Centre pour la justice et le droit international (Cejil), une ONG de défense des droits humains qui figure également parmi les plaignants, estime que l'Etat salvadorien a "violé son droit à la vie et à l'intégrité personnelle" en l'obligeant à porter le fœtus pendant 81 jours, sachant qu'il ne pourrait pas vivre. "Les souffrances auxquelles elle a été soumise, sachant que son droit à la vie était menacé, constituent une forme de torture", assure-t-elle. 

"Le fait que la Cour ait accepté d'entendre cette affaire indique clairement que le refus de tout service de santé, y compris ceux qui sont controversés comme l'avortement, constitue une violation des droits humains", estime Maria Antonieta Alcalde, de l'ONG de défense des droits génésiques Ipas, qui figure parmi les plaignants.

Début 2022, plusieurs femmes qui purgeaient de lourdes peines de prison pour avoir avorté avaient été libérées. 

De gauche à droite, Elsy, Kenia, Evelyn et Karen posent pour une photo lors de leur conférence de presse à San Salvador, El Salvador, le mardi 22 février 2022. Elsy, Kenia, Evelyn et Karen sont quatre des cinq femmes qui ont été libérées après avoir purgé de longues peines de 30 ans de prison pour avoir prétendument interrompu leur grossesse, dans un pays qui interdit l'avortement en toutes circonstances.
De gauche à droite, Elsy, Kenia, Evelyn et Karen posent pour une photo lors de leur conférence de presse à San Salvador, El Salvador, le mardi 22 février 2022. Elsy, Kenia, Evelyn et Karen sont quatre des cinq femmes qui ont été libérées après avoir purgé de longues peines de 30 ans de prison pour avoir prétendument interrompu leur grossesse, dans un pays qui interdit l'avortement en toutes circonstances.
©AP Photo/Salvador Melendez
En Amérique latine, l'avortement est autorisé en Argentine, en Colombie, à Cuba, en Uruguay et dans certains Etats du Mexique. Dans d'autres pays, comme au Chili, il est autorisé dans certaines circonstances telles que le viol, les risques pour la santé de la mère ou dans les cas de malformation du foetus, tandis que des interdictions totales s'appliquent au Salvador mais aussi au Honduras, au Nicaragua et en République dominicaine, ainsi qu'en Haïti.
 

À lire aussi dans Terriennes : 
►Au Salvador, une fausse couche peut mener en prison
►Salvador : libération de Cindy Erazo après 5 ans de détention pour une fausse couche
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Terriennes
 
avec AFP
 Mise à jour 23.03.2023 à 10:06
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Interdiction de la pilule abortive : "un scandale" selon son inventeur Etienne-Emile Baulieu

28 Mars 2023, 23:27pm

Publié par hugo

TERRIENNES
Droit des femmes à l'avortement aux Etats-Unis : une affaire publiqueLe droit à l'avortement, entre avancées et reculs
Interdiction de la pilule abortive : "un scandale" selon son inventeur Etienne-Emile Baulieu
Des manifestantes viennent défendre la pilule abortive devant le tribunal fédéral d'Amarillo, au Texas, où un juge fédéral conservateur doit étudier la demande d'un groupe chrétien cherchant à annuler l'autorisation, vieille de plus de deux décennies, de la RU-846.
Des manifestantes viennent défendre la pilule abortive devant le tribunal fédéral d'Amarillo, au Texas, où un juge fédéral conservateur doit étudier la demande d'un groupe chrétien cherchant à annuler l'autorisation, vieille de plus de deux décennies, de la RU-846.
©AP Photo/David Erickson
22 MAR 2023
 Mise à jour 22.03.2023 à 18:47 par 
Terriennes
 
avec AFP
Vous ne connaissez sans doute pas son nom, mais son invention est au coeur de la nouvelle bataille sur l'avortement aux Etats-Unis. Il y a quarante ans, Etienne-Emile Baulieu a mis au point la pilule abortive. Sa récente interdiction par l'Etat du Wyoming aux Etats-Unis est scandaleuse, s'insurge le biologiste français. 

Elle est au coeur de la nouvelle bataille qui fait rage aux Etats-Unis autour du droit à l'avortement. Alors que la liste des Etats interdisant la pratique de l'IVG s'allonge depuis l'annulation de l'arrêt Roe V. Wade, c'est maintenant la pilule abortive qui se retrouve dans la ligne de mire des pro-vie. Ces derniers viennent d'enregistrer une nouvelle victoire. Le 17 mars dernier, le Wyoming est devenu le premier Etat à interdire la pilule abortive.


En même temps, au Texas, le juge fédéral d'Amarillo doit bientôt rendre sa décision concernant une demande d'interdiction de cette pilule déposée par un groupe d'ultra-conservateurs chrétiens. 

Notre article ►​La pilule abortive : dernier enjeu pour le droit à l'avortement aux Etats-Unis

C'est un recul pour la liberté des femmes, surtout pour les plus précaires qui n'auront pas les moyens d'aller dans un autre Etat pour se la procurer.

Etienne-Emile Baulieu
"C'est un recul pour la liberté des femmes, surtout pour les plus précaires qui n'auront pas les moyens d'aller dans un autre Etat pour se la procurer". Etienne-Emile Baulieu ne mâche pas ses mots, lui qui a consacré une bonne partie de sa vie à l'exact opposé : "accroître la liberté des femmes".

Une femme tient une pancarte lors d'une manifestation contre un projet de vente de pilules abortives devant le siège de Walgreens Deerfield à Deerfield, Illinois, le mardi 14 février 2023.
Une femme tient une pancarte lors d'une manifestation contre un projet de vente de pilules abortives devant le siège de Walgreens Deerfield à Deerfield, Illinois, le mardi 14 février 2023.
©AP Photo/Nam Y. Huh
Accroître la liberté des femmes
Etienne-Emile Baulieu, aujourd'hui âgé de 96 ans, est l'inventeur de la pilule abortive, en 1982.
Etienne-Emile Baulieu, aujourd'hui âgé de 96 ans, est l'inventeur de la pilule abortive, en 1982.
©wikimedia
Fils d'un néphrologue qui meurt alors qu'il n'a que 3 ans, élevé par sa mère, féministe, il est résistant à 15 ans. Ce "médecin qui fait de la science", comme il aime se définir, se spécialise dans l'étude des hormones stéroïdes.

Invité à travailler aux Etats-Unis, il est remarqué en 1961 par Gregory Pincus, le père de la pilule contraceptive, qui le convainc de travailler sur les hormones sexuelles.

De retour en France, il conçoit une anti-hormone, qui permet de s'opposer à l'action de la progestérone, essentielle à l'implantation de l’œuf dans l'utérus. "Je voulais en faire un contragestif", explique-t-il à l'AFP, c'est-à-dire un moyen de contrer la gestation.

"La pilule de la mort" selon les pro-vie
La molécule RU-846, mise au point en 1982 avec le laboratoire Roussel-Uclaf avec qui il s'est associé, est une alternative médicamenteuse à l'avortement chirurgical, sûre et peu onéreuse.

Mais la bataille pour sa commercialisation sera rude, les puissantes ligues américaines anti-avortement l'accusant notamment d'avoir inventé une "pilule de la mort".

"Vous, juif et résistant, on vous a accablé des plus atroces injures et on vous a comparé aux savants nazis (...) Mais vous avez tenu bon, par amour de la liberté et de la science", a rappelé début mars le président Emmanuel Macron en lui remettant la Grand-Croix de la Légion d'Honneur.

"L'adversité glisse sur lui comme l'eau sur les plumes d'un canard, il est extrêmement solide", confie la productrice Simone Harari Baulieu, qui partage sa vie depuis plus de 30 ans.

Des boîtes de médicament misoprostol sont posées sur une table du West Alabama Women's Center, le 15 mars 2022, à Tuscaloosa (Etats-Unis). De plus en plus difficiles à se procurer, un réseau de femmes s'est mis en place pour fournir la pilule abortive à celles qui le souhaitent, par correspondance, ou via un médecin, et qui ne peuvent pas pratiquer l'IVG dans l'Etat où elles habitent. 
Des boîtes de médicament misoprostol sont posées sur une table du West Alabama Women's Center, le 15 mars 2022, à Tuscaloosa (Etats-Unis). De plus en plus difficiles à se procurer, un réseau de femmes s'est mis en place pour fournir la pilule abortive à celles qui le souhaitent, par correspondance, ou via un médecin, et qui ne peuvent pas pratiquer l'IVG dans l'Etat où elles habitent. 
©AP Photo/Allen G. Breed, File)
Un retour en arrière entre fanatisme et ignorance
Ce "retour en arrière" décidé aux Etats-Unis trahit, selon lui, "fanatisme et ignorance".

Dans son bureau de l'unité 1195 de l'Inserm au CHU du Kremlin-Bicêtre près de Paris, qu'il continue d'occuper trois fois par semaine, et où s'entassent photos, diplômes, classeurs renfermant "le travail de toute une vie", ou encore des sculptures offertes par son amie Niki de Saint-Phalle, il a encore envie d'"être utile".

S'il arbore discrètement sa récente décoration sur son costume bleu, il assure n'avoir "jamais espéré sérieusement recevoir de tels honneurs": "ça m'a fait plaisir mais ce qui m'intéresse c'est d'améliorer la santé des gens".
 

Ses chevaux de bataille : les femmes, la santé cérébrale, la longévité.
Dans son labo, ses équipes poursuivent les recherches qu'il a entamées il y a des années pour prévenir le développement de la maladie d'Alzheimer mais aussi pour traiter les dépressions sévères: un essai clinique chez l'homme se déroule jusqu'à l'été dans une dizaine de CHU et à l'AP-HP (hôpitaux de Paris).


"Il n'y a pas de raison qu'on ne trouve pas de traitements", avance ce grand optimiste. "Ça fait du bien de trouver quand on fait ce métier", complète-t-il, énumérant ses chevaux de bataille: "les femmes, la santé cérébrale, la longévité".

"Toujours enthousiaste, il est un moteur pour nous; quand il vient on discute de nos avancées", livre Julien Giustiniani, chef d'équipe à l'Institut Baulieu, créé pour financer les recherches sur les démences séniles.

S'il doit s'aider d'une canne pour marcher, Etienne-Emile Baulieu semble infatigable. Cet utilisateur de la DHEA, une hormone naturelle dont il pense qu'elle peut retarder le vieillissement et dont il avait décrit la sécrétion par les glandes surrénales en 1963, va encore régulièrement assister à des spectacles, et avoue, l'oeil rieur, être "stimulé par les sujets difficiles". "Si je ne travaillais plus, je m'ennuierais je crois", souffle-t-il.
 

À lire aussi dans Terriennes : 

►La pilule abortive : dernier enjeu pour le droit à l'avortement aux Etats-Unis
►États-Unis : la Caroline du Sud sanctuarise le droit à l'avortement
►Avortement : un droit fondamental bientôt inscrit dans la Charte de l'Union européenne ?
►De plus en plus d'entreprises américaines s'engagent pour défendre le droit à l'avortement, un choix à double tranchant
►Le Chili rate l'occasion d'inscrire le droit à l'avortement dans sa Constitution


https://information.tv5monde.com/terriennes/interdiction-de-la-pilule-abortive-un-scandale-selon-son-inventeur-etienne-emile-baulieu

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31 EME FEMINICIDES DEPUIS LE DEBUT DE L ANNEE 2023

27 Mars 2023, 03:44am

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30 EME FEMINICIDES DEPUIS LE DEBUT DE L ANNEE 2023

21 Mars 2023, 13:53pm

Publié par hugo

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Quatre étudiantes portent plainte pour "violences sexuelles par dépositaire de l’autorité publique" contre des policiers

21 Mars 2023, 13:29pm

Publié par hugo

 Quatre étudiantes portent plainte pour "violences sexuelles par dépositaire de l’autorité publique" contre des policiers
Par LR Médias pour marieclaire.fr Publié le 21/03/2023 à 11:32
Police manifestation


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Contrôlées par la police lors d'une opération de blocage le 14 mars 2023, les jeunes femmes dénoncent des gestes "à caractère sexuel" de la part des forces de l'ordre. Le 17 mars 2023, elles ont porté plainte pour "violences sexuelles par dépositaire de l’autorité publique".

Les manifestations continuent contre la réforme des retraites, et les actions se multiplient en France. En participant au blocage du périphérique nantais le mardi 14 mars 2023, quatre étudiantes ont été contrôlées par les forces de l'ordre, contre qui elles ont décidé de porter plainte. Leurs avocates dénoncent des gestes "inappropriés", "à caractère sexuel", ainsi que la tenue de propos "dégradants et à caractère sexistes et sexuels".

Des gestes inappropriés pendant un contrôle de police
Les quatre jeunes femmes concernées ont déposé plainte contre X pour "violences sexuelles par dépositaire de l’autorité publique" le 17 mars 2023, dénonçant une fouille au corps lors d'une nasse s'étant déroulée dans la matinée du 14 mars.


Maître Anne Bouillon, avocate de l'une des plaignantes, évoque dans les colonnes de Mediapart "l'émotion considérable" de sa cliente : "Elle a subi une fouille sur le corps, sur les parties intimes, de la part d’une policière. Elle vit les choses sur le registre de l’agression intime. L’objectif premier était a minima d’humilier, et d’impressionner. Les gestes décrits sont inexplicables, et on ne peut en aucun cas les rattacher à une opération de contrôle. Comment, est-ce qu’en manifestant calmement, on peut être amenée à subir une fouille de cette nature-là ? C’est extrêmement grave."

Vidéo du jour :

Interrogée par nos consoeurs de France Bleu Océan, maître Aurélie Rolland, l'avocate de deux des plaignantes, rapporte quant à elle avoir reçu dans son cabinet "des jeunes femmes choquées par ce qui leur était arrivé." Âgées d'une vingtaine d'années, les deux étudiantes sont "sidérées par ces gestes extrêmement inadaptés, et sont désormais stressées et anxieuses." "Les faits que les jeunes filles décrivent, des palpations avec les mains à l’intérieur des sous-vêtements, m’apparaissent hallucinants. Ils s’accompagnent de propos inadaptés, insultants, humiliants, dans un contexte de grande tension", précise-t-elle à Mediapart.

Lire aussi :
Violences sexuelles à bord des VTC : comment les femmes tentent de se protéger
Une enquête a été ouverte
Face à la situation, le procureur de la République a indiqué que l'IGPN (inspection générale de la police nationale) avait été saisie. Une enquête est en cours. La police conteste la version des quatre plaignantes et évoque de simples palpations.

Suspendre le ciblage publicitaire Adyoulike

Pour rappel, la fouille au corps est strictement encadrée par des articles du Code de la sécurité publique. Le site du ministère de l'Intérieur précise que "la palpation de sécurité est une recherche extérieure, au-dessus des vêtements, d'objets dangereux pour la sécurité." La fouille au corps, quant à elle, "consiste à rechercher sur le corps d'une personne des objets pouvant servir à commettre une infraction." Le texte précise que la fouille au corps est "possible uniquement si la palpation de sécurité ou les moyens de détections électroniques ne sont pas suffisants", et doit être "pratiquée par un officier de police judiciaire (OPJ) du même sexe que la personne dans un local retiré et fermé."

Lire aussi :


https://www.marieclaire.fr/quatre-etudiantes-portent-plainte-pour-violences-sexuelles-par-depositaire-de-l-autorite-publique-contre-des-policiers,1445326.asp

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Féminicides politiques : tuées parce que femmes et militantes

21 Mars 2023, 13:25pm

Publié par hugo

TERRIENNES
Femme et journaliste : le prix à payerViolences faites aux femmes : féminicides, coups, viols et autres agressions sexuelles
Féminicides politiques : tuées parce que femmes et militantes
Une bannière avec une image de la conseillère assassinée Marielle Franco et un message qui se lit en portugais ; "Justice pour Marielle" est accrochée sur la façade du Musée d'art de Rio, marquant les cinq ans de son assassinat, à Rio de Janeiro, Brésil, le mardi 14 mars 2023.<br />
 
Une bannière avec une image de la conseillère assassinée Marielle Franco et un message qui se lit en portugais ; "Justice pour Marielle" est accrochée sur la façade du Musée d'art de Rio, marquant les cinq ans de son assassinat, à Rio de Janeiro, Brésil, le mardi 14 mars 2023.
 
©AP Photo/Bruna Prado
Une bannière avec une image de la conseillère assassinée Marielle Franco et un message qui se lit en portugais ; "Justice pour Marielle" est accrochée sur la façade du Musée d'art de Rio, marquant les cinq ans de son assassinat, à Rio de Janeiro, Brésil, le mardi 14 mars 2023.<br />
 Ciudad Juarez : au Mexique, les féminicides sont symbolisés par des croix roses. 43 % des victimes recensées par la base de donnée du projet « Femmes à abattre », qui a concentré son enquête sur les féminicides politiques, ont été « sur-tuées ».Parmi les féminicides politiques, l'un des cas les plus emblématiques est celui de Marielle Franco au Brésil. La conseillère municipale et son chauffeur Anderson Gomes, ont été tués le 14 mars 2018. Cinq ans après, leurs meurtres restent toujours non résolus. Ici, un panneau leur rend hommage devant le Musée de demain à Rio de Janeiro, Brésil, le mardi 14 mars 2023.<br />
 
20 MAR 2023
 Mise à jour 20.03.2023 à 11:25 par 
TerriennesFlorencia Valdés Andino
Il s'agit de la première enquête internationale sur les féminicides politiques. Le collectif de journalistes d'investigation « Femmes à abattre » met au jour les mécanismes d’effacement, d'élimination, de femmes qui ont osé s’engager pour défendre leurs droits, leur communauté, l’environnement, les minorités ou tout à la fois : 300 partout dans le monde. L’assassinat de la militante brésilienne Marielle Franco, il y a tout juste 5 ans, est un cas d’école.
« Nommer c’est politiser », écrit la philosophe féministe et théoricienne espagnole Celia Amoros. Les dix journalistes de Youpress s’y emploient en faisant l’autopsie d’« un crime invisible », négligé par la police, la justice, et ignoré par la société.

L’assassinat politique genré, comme l’écrivent les dix journalistes du collectif « Femmes à abattre », a toutes les caractéristiques de la persécution politique et du féminicide « classique », même « conjugal ». Mais la violence avec laquelle les crimes sont commis et la nature des menaces, négligées ou occultées, font dire aux auteures de l’enquête que « tout féminicide est politique, mais pas forcément un assassinat politique genré». «Un assassinat politique genré, c'est une femme engagée dans la vie publique et qui va être tuée pour son combat politique mais également pour son genre », tient à préciser la journaliste Sophie Boutboul.

►(Re)voir les journalistes Sophie Boutboul et Leïla Minano du collectif « Femme à abattre » invitées du 64' sur TV5monde à l'occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.


Marielle Franco, 5 ans après, et ?
Si ce type de violence politique extrême n’a été inclus dans aucun cadre légal ou judiciaire, ou même totalement théorisé comme un concept à part -et non pas comme une variante du féminicide ou de la violence politique- les défenseures de l'environnement, les syndicalistes, les militantes LGBTQI+, les élues locales sont parfaitement conscientes de l’enjeu. Quand la conseillère municipale et militante brésilienne Marielle Franco est abattue le 14 mars 2018 à Rio, ainsi que son chauffeur, cela fait au moins un an qu’elle est menacée, intimidée, ses prises de parole sont chahutées. « Je ne serai pas interrompue », répondait-elle.

Les auteurs de son crime en ont décidé autrement. Lorsqu’elle a été tuée par balle en sortant d’une réunion publique, elle s’efforçait d’alerter les habitants d’une favela de leurs droits de propriété menaçant ainsi les intérêts fonciers de groupes criminels, elle dénonçait également les policiers corrompus et les milices. « Je suis parce que nous sommes. Je suis favela parce que nous sommes une résistance », était son slogan de campagne.

Son engagement était vaste : en février 2018, un mois avant sa mort, la militante avait également pointé du doigt les 943 féminicides ayant eu lieu en 2017 dans son pays.

Cinq ans après sa mort, l’enquête chaotique est « entravée », selon diverses organisations internationales, ONG et des journalistes du journal O Globo ayant enquêté sur l’affaire, les commanditaires n’ont pas été trouvé. En 2019, Ronnie Lessa et de Élcio Queiroz ont été néanmoins arrêtés et condamnés. Le premier est le tireur présumé ; le second est un policier militaire. Ils font partie d’une milice et affirment avoir tué la militante en raison de ses engagements politiques.

Le clan Bolsonaro a été évoqué mais rien n'a pour autant pu clairement établir sa responsabilité dans ce crime. En février 2020, un des maillons clé de l’enquête, qui aurait pu contribuer à faire ce lien, a été retrouvé mort.

Parmi les féminicides politiques, l'un des cas les plus emblématiques est celui de Marielle Franco au Brésil. La conseillère municipale et son chauffeur Anderson Gomes, ont été tués le 14 mars 2018. Cinq ans après, leurs meurtres restent toujours non résolus. Ici, un panneau leur rend hommage devant le Musée de demain à Rio de Janeiro, Brésil, le mardi 14 mars 2023.<br />
 
Parmi les féminicides politiques, l'un des cas les plus emblématiques est celui de Marielle Franco au Brésil. La conseillère municipale et son chauffeur Anderson Gomes, ont été tués le 14 mars 2018. Cinq ans après, leurs meurtres restent toujours non résolus. Ici, un panneau leur rend hommage devant le Musée de demain à Rio de Janeiro, Brésil, le mardi 14 mars 2023.
 
©AP Photo/Bruna Prado
Notre article ►Brésil : Marielle Franco, femme politique et militante féministe, assassinée

Penser l’intersectionnalité dans les crimes politiques
Marielle Franco n’était pas seulement une femme politique de gauche et une défenseure des plus marginalisés, ainsi qu'une militante féministe reconnue, elle était noire, et LGBTQ+. Elle était la définition même de l’« intersectionnalité ». Et c’est ce qui est profondément négligé par les enquêtes, rappelle Sophie Boutboul.

« Femmes à abattre » décrit avec précision comment ces figures politiques sont harcelées comme les hommes et éliminées comme les hommes défenseurs des droits. Sauf que le fait d’être femmes ou comme dans le cas de Marielle Franco, une fière représentante de tant de minorités, les rend profondément haïssables aux yeux de leurs persécuteurs et des cibles d’autant plus vulnérables.


« Overkilled » : un acharnement au-delà de la mort
Quand un défenseur des droits sera abattu d’une balle à sang froid, la militante sera « surtuée », « overkilled ». Après avoir subi une campagne de diffamation à caractère sexiste, elle sera cruellement exécutée, mutilée ; sans parler des femmes trans qui subissent un acharnement difficilement descriptible. S’en suivra une campagne de diffamation de leur personne et de dissimulation de la nature du crime.

43 % des victimes recensées par la base de donnée du projet ont été « sur-tuées ».

Collectif « Femmes à abattre »
« Selon la base de données de « Femmes à abattre », 43 % des victimes recensées par la base de donnée du projet ont été « sur-tuées », peut-on lire sur le site de Mediapart où plusieurs volets de l’enquête sont publiés.

La mort de Marielle Franco est emblématique de ce qu’est un féminicide politique, compris comme tel par des milliers de Brésiliens qui se mobilisent depuis cinq ans pour faire pression sur la police et la justice dont les défaillances dans cette affaire sont criantes. Les proches de la militante, dont sa compagne, ne cessent d’exiger justice et poursuivent son combat. Sur le Twitter brésilien, pas un jour ne passe sans lire « Qui a tué Marielle Franco ? ».

La docteure brésilienne en démographie Jackeline Romio fait remonter cette violence politique genrée à la dictature militaire et aux disparitions de femmes politisées entre 1964 et 1984 et avance que « les violences documentées ses dernières quinze années sont un continuum de ces pratiques d’élimination ».

La chercheuse fait état, par exemple, de l’assassinat de la leader guarani Marinalva Manoel en 2015 dans un contexte de titularisation de terres en faveur des populations autochtones. Elle a été enlevée, violée, poignardée. Son corps a été retrouvé abandonné au bord d'une autoroute. Tableaux démographiques à l’appui, Jackeline Romio écrit que les femmes noires et indigènes engagées dans une quelconque lutte courent un risque exponentiel d’être « sur-tuées ».

Marinalva Manoel, indienne guarani de 27 ans, violée et poignardée à mort. Son corps a été retrouvé sur le bord d'une autoroute brésilienne en 2015.
Marinalva Manoel, indienne guarani de 27 ans, violée et poignardée à mort. Son corps a été retrouvé sur le bord d'une autoroute brésilienne en 2015.
©Survival international
Le courage d’Elizabeth Ekaru
À des milliers de kilomètres de Rio, au Kenya, il est aussi question de terres et de mutilation. Sophie Boutboul a enquêté sur le meurtre d’Elizabeth Ekaru. Cette militante était une figure de la défense des droits des femmes, des terres, de l’accès à l’héritage des femmes et de l’environnement. Son travail de plusieurs décennies était connu et reconnu au niveau national. Les mots manquent pour décrire l’impact qu’Elizabeth Ekaru a eu dans la vie de milliers de Kenyans. « Car elle transmettait son savoir », rappelle la journaliste.

Le 3 janvier 2022, elle a été tuée par son voisin à coups d’épée. Il lui réclamait « un changement de frontière dans une parcelle de terre ».

Le procès de ce meurtre documenté par Youpress, qui a débuté en décembre 2022, est devenu « une tribune pour dénoncer les féminicides politiques au Kenya ». Lors du procès « le genre n’a pas été pris en compte » et le mot « féminicide » n’a pas été prononcé puisque celui-ci n’est pas inscrit dans la loi. C’est l’éléphant dans la pièce.


Causes locales, luttes globales
Comme au Brésil, le meurtre d’Elizabeth Ekaru a provoqué une immense vague d'indignation. Les militantes venues en force malgré les menaces ont dit haut et fort « stop aux féminicides » et se sont souvenues de Marielle Franco. Mais aussi de la défenseure de l’environnement hondurienne, Berta Caceres, assassinée en 2016.

Rares sont les féminicides politiques à atteindre le stade du procès : seuls 15 % d’entre eux, selon la base de données.

Rapport d'enquête du collectif « Femmes à abattre »
Aussi imparfaits - et parfois scandaleux - soient les procès de meurtre de ces militantes, ils ont le mérite d’exister. Car ce sont des espaces qui permettent d’exposer toutes les étapes qui ont précédé le crime, le caractère genré des attaques et le danger qu’encourent d’autres militantes. « Rares sont les féminicides politiques à atteindre le stade du procès : seuls 15 % d’entre eux, selon la base de données », affirme l’enquête.

Dans bien d’autres cas, les zones grises de ces meurtres politiques sont si denses que les enquêteurs, la police et la justice passent complètement outre. C’est le cas des faux suicides, des meurtres maquillés, des suicides advenus après une intense campagne de harcèlement, ou encore les « féminicides conjugaux » où le compagnon tue la militante en raison de son activité politique.

Peu importe le continent, les causes défendues par les activistes ou leur notoriété, le message est toujours le même : « Taisez-vous, restez chez-vous ». Et les messagers, toujours des hommes, selon la base de données du projet « Femmes à abattre ». Ces violences menacent sans équivoque la participation politique des femmes et laissent de graves séquelles dans le militantisme.

La militante hondurienne Berta Caceres, militante écologiste issue de la minorité Lenca, assassinée à La Esperanza le 3 mars 2016. L'un des commanditaires de son meurtre a été condamné en 2020, mais ses meurtriers courent toujours. 
La militante hondurienne Berta Caceres, militante écologiste issue de la minorité Lenca, assassinée à La Esperanza le 3 mars 2016. L'un des commanditaires de son meurtre a été condamné en 2020, mais ses meurtriers courent toujours. 
©wikicommons
Notre article ►Honduras : assassinat de la militante écologiste Berta Caceres

Trente ans de féminicides théorisés
C’est en 1996 que la Mexicaine Marcela Lagarde a décrit et établi le concept de « féminicide ». La députée et militante féministe présidait la Commission spéciale de la chambre des députés mexicains pour mieux connaître et combattre la mécanique du féminicide quand Ciudad Juarez devenait tristement célèbre avec ses croix roses. Et c’est en 2012 que le crime a été inscrit dans la loi du pays.

Notre article ►Mexique : le drame sans fin des femmes disparues

Ciudad Juarez : au Mexique, les féminicides sont symbolisés par des croix roses. 43 % des victimes recensées par la base de donnée du projet « Femmes à abattre », qui a concentré son enquête sur les féminicides politiques, ont été « sur-tuées ».
Ciudad Juarez : au Mexique, les féminicides sont symbolisés par des croix roses. 43 % des victimes recensées par la base de donnée du projet « Femmes à abattre », qui a concentré son enquête sur les féminicides politiques, ont été « sur-tuées ».
©Wikicommons
Trente ans après les travaux de Marcela Lagarde, une poignée de pays a pris en compte cette typologie de crime. Ce n’est pas -encore- le cas de la France.

Peu importe la latitude, la police et la justice sont encore très loin d’être à la hauteur de l’enjeu. Mais il y a urgence car des ONG comme Amnesty International s’alarment des statistiques macabres, notamment en Colombie, où les défenseures de l’environnement sont une cible privilégiée d’entreprises extractivistes, du crime organisé et des paramilitaires. « Femmes à abattre » consacrera d’ailleurs une enquête au cas colombien.

Mais c’est aussi en Amérique latine qu’une voie à une véritable réflexion sur le sujet existe. L’avocate mexicaine Digna Ochoa, qui défendait les droits des prisonniers politiques, a été retrouvée morte en octobre 2001. Deux ans après, l’enquête a conclu au suicide. Mais sa famille n’a jamais accepté ces conclusions et s’est battue.

Digna Ochoa, avocate et militante des droits de l'homme mexicaine, retrouvée morte le 19 octobre 2001 chez elle à Mexico. Les autorités ont conclu à un suicide, sa famille continue à se battre pour obtenir justice. 
Digna Ochoa, avocate et militante des droits de l'homme mexicaine, retrouvée morte le 19 octobre 2001 chez elle à Mexico. Les autorités ont conclu à un suicide, sa famille continue à se battre pour obtenir justice. 
©Musée de la femme/Mexico
En 2021, la Cour interaméricaine des droits humains a condamné l’État mexicain pour les « graves irrégularités » commises durant l’enquête. Les journalistes du collectif retranscrivent la décision de la CIDH : « les enquêteurs se sont fondés sur des éléments de la vie personnelle – elle suivait une thérapie et avait une relation de couple conflictuelle – de Mme Ochoa pour considérer qu’il s’agissait plus probablement d’un suicide que d’un meurtre. Autrement dit, Mme Ochoa a été présentée comme une femme fragile et instable émotionnellement, et donc sujette au suicide ».

« Il revient aux États d’adopter une perspective de genre et une approche intersectionnelle afin d’appréhender les différentes formes de violence que les défenseuses peuvent subir en raison de leur profession et de leur genre », ajoute la Cour.

Ils ont voulu nous enterrer mais ils ne savaient pas que nous étions des graines.

Militantes du collectif « Femmes à abattre »
Pour Sophie Boutboul, la jurisprudence Ochoa est fondamentale pour éclairer les cas de féminicides politiques, pour les combattre au niveau institutionnel ainsi que pour lutter contre les biais genrés du travail policier. Car comme dans le cas du féminicide « intime » de nombreux signaux d’alerte précèdent les crimes et la police se montre incapable de recevoir les plaintes ou fait tout pour l’être, sacrifiant ainsi les femmes qui se battent.

« Femmes à abattre » est un projet ambitieux qui s’appuie bien entendu sur le travail de terrain mais aussi sur la recherche universitaire, les ONG ainsi que sur les institutions qui ont déjà l’intuition de nommer l’assassinat politique genré. C’est le cas de l’ONU lorsque Michelle Bachelet, ancienne présidente chilienne et ex présidente d’ONU femmes, était à la tête du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits humains .

Les chiffres rapportés par l’enquête sont vertigineux et le degré d’impunité est écrasant. À ce constat tristement édifiant, Sophie Boutboul aime opposer la ténacité et le courage de celles qui restent. « Ils ont voulu nous enterrer mais ils ne savaient pas que nous étions des graines », répètent les militantes qui ne se laisseront pas intimider.
 

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TerriennesFlorencia Valdés Andino
 Mise à jour 20.03.2023 à 11:25
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QUATRE FEMMES ACCUSENT LA POLICE D'AGRESSIONS SEXUELLES À NANTES: L'IGPN SAISIE

21 Mars 2023, 03:53am

Publié par hugo

 QUATRE FEMMES ACCUSENT LA POLICE D'AGRESSIONS SEXUELLES À NANTES: L'IGPN SAISIE
A.G avec AFP
Le 21/03/2023 à 2:09
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Un badge de la police sur une veste (illustration)
Un badge de la police sur une veste (illustration) - Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Des femmes qui participaient à une opération de barrage filtrant contre la réforme des retraites accusent un policier d'avoir commis des agressions sexuelles. Le dossier a été confié à la police des polices, indique Renaud Gaudeul, procureur de la République de Nantes.
Quatre jeunes femmes ont déposé plainte pour "agressions sexuelles" lors d'un contrôle de police effectué à Nantes le 14 mars après une opération de barrage filtrant contre la réforme des retraites et l'IGPN a été saisie, a-t-on appris lundi auprès du procureur de la République.

"Mercredi soir", quatre jeunes femmes, "âgées de 18 à 20 ans", sont "venues au commissariat afin de déposer plainte pour dénoncer des faits d'agressions sexuelles qu'elles auraient subies lors d'un contrôle effectué par les services de police à Nantes, et j'ai immédiatement confié le dossier à l'IGPN (Inspection générale de la police nationale)", a expliqué Renaud Gaudeul, procureur de la République de Nantes.


"Des agressions sexuelles et non pas une palpation de sécurité"
Le contrôle de police a eu lieu le long de l'Erdre, "alors qu'elles revenaient de ce qu'on appelle une opération de filtrage" dans le cadre du mouvement de contestation contre la réforme des retraites, a poursuivi le procureur.

"Ce qui a été réalisé par les services de police, c'est une opération de palpation de sécurité lors d'un contrôle de police", mais "ces quatre jeunes femmes indiquent qu'en réalité, au moins une fonctionnaire de police, aurait commis des agressions sexuelles et non pas une palpation de sécurité", a détaillé Renaud Gaudeul.

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L'IGPN a été saisie jeudi matin "du chef d'agression sexuelle par personne abusant de l'autorité conférée par sa fonction" et les quatre "plaintes proprement dites ont été recueillies vendredi matin", a également précisé le procureur.

A.G avec AFP


https://www.bfmtv.com/police-justice/quatre-femmes-accusent-la-police-d-agressions-sexuelles-a-nantes-l-igpn-saisie_AD-202303210034.html

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30 EME FEMINICIDES DEPUIS LE DEBUT DE L ANNEE 2023

21 Mars 2023, 03:28am

Publié par hugo

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