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feminisme

Ces femmes que l’histoire de la musique a effacées

1 Février 2024, 01:42am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 Ces femmes que l’histoire de la musique a effacées

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29 janv. 2024 à 11:24

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Par RTBF La Première

La Première
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Comment expliquer la relation paradoxale que la musique entretient avec les femmes ? Dans son livre Les femmes musiciennes sont dangereuses, Annie Coste dresse le portrait de celles qui, pionnières, révolutionnaires, invisibilisées ou maudites ont fait l'histoire de la musique, quand les hommes voulaient leur faire jouer les seconds violons. 


Les femmes dans la musique se sont heurtées à une multitude d’obstacles, à la fois réels et symboliques. Pourtant, beaucoup ont réussi à les surmonter pour parvenir à un haut niveau de création et d'innovation, telles Kassia, Maddalena Casulana, Marie Jaëll, Ethel Barns ou encore Sister Rosetta Tharpe, Nina Simone, Amy Winehouse, Lady Gaga... Cet ouvrage remet au premier plan les musiciennes et leurs oeuvres restées trop souvent invisibles et inaudibles.

Les femmes musiciennes sont dangereuses, par Annie Coste, est publié chez Flammarion, dans la collection Les Femmes qui..., de Laure Adler. 

La musique, vecteur de supériorité pour les hommes depuis l'Antiquité grecque...
Les Grecs anciens se sont rendu compte des pouvoirs extraordinaires de la musique, de son pouvoir d'influencer individuellement et collectivement, explique Annie Coste. "Les femmes ont été évincées de la musique mais aussi de tous les rôles à responsabilité, de pouvoir, prestigieux. Donc, la musique a vraiment représenté un fort enjeu politique".

Dès le début de l'Antiquité, on essaie par tous les moyens d'évincer les femmes de la musique. La mythologie, les obstacles symboliques vont jouer un rôle très important. Deux figures vont être opposées :

les sirènes, des êtres libres et indépendants, qui ont un désir propre, mais qui sont présentées comme terriblement maléfiques
les muses, des êtres très gracieux, qui jouent de la musique, mais qui ne sont que des intermédiaires avec les dieux. Elles sont assujetties, vertueuses, mais elles n'ont pas d'existence ou de désirs propres. "Et quand vous imaginez que le mot musique tient son origine étymologique de ce mot 'muse', c'est une façon de condamner à jamais l'expression des femmes dans ce domaine artistique qu'est la musique".
Les religions monothéistes vont aller encore plus loin. Pour les religions, la femme est, de base, vue comme dangereuse. Les musiciennes vont être considérées comme doublement dangereuses car la musique est vue comme une concurrente capable de toucher les âmes à distance et donc d'échapper aux commandements divins.

On déshonore donc les femmes, dégrade leur statut, les assimile à des prostituées, les bannit.  En France, les chanteuses sont interdites de chant dans les églises jusqu'en 1965. Et les instrumentistes ne sont pas mieux loties.

Annie Coste a observé que la pratique instrumentale est considérée comme une métaphore de l'acte sexuel : "Les assignations ont donc été la passivité. Hors de question qu'elles jouent de la flûte, qu'elles soient actives, qu'elles jouent du tambour qui connote la force, la puissance".

... et pourtant féminine, à l’origine
Pourtant, les tout premiers musiciens pourraient bien avoir été des musiciennes. Pour Darwin, la musique serait apparue avant le langage parlé, à l'initiative des mères qui auraient eu besoin de tranquilliser leur enfant à distance, tout en continuant leurs occupations.

Il y a 5000 ans, dans l'ancienne Mésopotamie, on sait qu'il y avait des musiciennes, des percussionnistes qui avaient un haut statut, une fonction dans la vie spirituelle, administrative et juridique. Chez les Égyptiens encore, on voit une égalité de pratique entre les femmes et les hommes. C'est à l'Antiquité grecque que tout a basculé.

Les blues women, ces pionnières
Annie Coste dresse le portrait de dizaines de musiciennes, des 'héroïnes' qui ont dû pousser des portes à travers le temps. À différentes périodes, les compositrices ont été reconnues de leur vivant et célébrées, mais c'est l'histoire de la musique qui les a effacées. 

Au 20e siècle, les femmes font leur entrée dans les métiers de la musique. Dans le blues et le gospel, ce sont les femmes qui seront pionnières, sachant que cette musique est intimement liée à la défense de la cause des Afro-américains. On pense à Aretha Franklin, Nina Simone et bien d'autres. "Dans une Amérique raciste et misogyne, ce sont les femmes, dans les années 20, les blues women qui ont donné au blues son droit de cité. On retrouve ces souffrances et ces discriminations liées à leur couleur de peau et à leur sexe féminin. (...) Elles dénoncent les violences qui leur sont faites et subliment leur existence à travers leurs chansons".

Sister Rosetta Tharpe en 1957.
Sister Rosetta Tharpe en 1957. © Chris Ware/Keystone Features/Hulton Archive/Getty Images
Des femmes dangereuses
Les femmes musiciennes sont parfois dangereuses pour elles-mêmes, écrit Annie Coste.

"C'est une hypersensibilité, être artiste. Amy Winehouse n'y a pas échappé, elle s'est brûlée à une lumière trop vive et elle n'a pas été aidée par son entourage. On la réduit souvent, comme Aretha Franklin, à son rôle de chanteuse, mais c'était une grande guitariste (...) et elle écrivait toutes ses chansons. Parce qu'en fait, le propos de ce livre est de mettre en lumière celles qui prennent la parole et c'est en ce sens qu'elles sont un peu dangereuses".

► Aretha Franklin, Nina Simone, Alice Coltrane et bien d'autres... retrouvez-les dans cette séquence du Mug ci-dessus.

https://www.rtbf.be/article/ces-femmes-que-lhistoire-de-la-musique-a-effacees-11320582

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Le documentaire "Paragate" au festival En ville ! : à la recherche de l’amour maternel

1 Février 2024, 01:36am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 Le documentaire "Paragate" au festival En ville ! : à la recherche de l’amour maternel

© Tous droits réservés

28 janv. 2024 à 15:05

Temps de lecture6 min
Par Camille Wernaers pour Les Grenades
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Filmé exclusivement en caméra subjective, le documentaire Paragate retrace le parcours de la réalisatrice chinoise Jialai Wang (qui vit en Belgique), alors qu’elle filme ses discussions avec sa mère et sa grand-mère à travers son téléphone.

Dans l’intimité de leurs dialogues à distance commencent à s’esquisser, par bribes, une histoire familiale compliquée et traumatique.

En pleine épidémie de covid, elle assiste impuissante sur l’écran de son téléphone à la dégradation de l’état de santé de sa grand-mère. Quand elle arrive en Chine, sa grand-mère est décédée et la réalisatrice se retrouve face à sa mère, qui s’est quant à elle repliée dans sa pratique religieuse.

Caméra à la main, elle arpente les rues du quartier de son enfance, à la rencontre de ses voisin·es, pour la plupart des femmes âgées, avec lesquelles elle parle du passé ou de leur famille. Elle capture aussi des scènes du quotidien, douces ou plus incongrues.

Très immersif, le documentaire prend une forme presque onirique, et raconte par l’image la difficulté de se lier à ses proches. Paragate est un premier film singulier et profondément humain. Les Grenades ont pu s’entretenir avec la réalisatrice.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe


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"Dans le cadre de mes études en cinéma à l’INSAS, j’ai dû faire un exercice qui nécessitait de brosser le portrait de quelqu’un et j’ai choisi ma mère comme personnage. Je vis loin d’elle, donc je ne pouvais pas accéder facilement à son image, j’ai dû utiliser mon téléphone. C’est comme cela que j’ai réalisé mon premier court-métrage. Cela m’a ouvert plein de portes, artistiques mais aussi personnelles. Réaliser ce court-métrage m’a permis de prendre assez de recul pour comprendre certains choses de mon histoire et à mon passé", explique Jialai Wang.

"J’ai continué à la filmer par la suite. Dans le cadre d’un autre exercice, qui s’appelle Regards croisées, je me suis intéressée à ma grand-mère qui est une figure très importante de mon histoire familiale. Je l’ai également filmée à travers mon téléphone, même si je comptais me rendre en Chine et parler directement avec elle. Elle est malheureusement décédée entretemps, et quand je suis arrivée là-bas, j’étais complètement perdue. Je filmais, mais de manière mécanique. Je n’avais pas du tout prévu d’en faire un film. Plusieurs mois plus tard, de retour à Bruxelles, j’ai parcouru mes rushs et je me suis dit que je devais utiliser cette matière. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai senti que j’en avais besoin" , précise la réalisatrice.

Un aspect intéressant du documentaire est la forte présence des femmes. "Je n’ai pas eu de figure paternelle normale. Mes figures paternelles sont très défaillantes. J’ai grandi dans un univers très féminin, seulement avec ma mère, réagit Jialai Wang. "Les choses se sont toujours mal passées entre nous. Ça se passe toujours mal aujourd’hui avec ma mère. Avec ma grand-mère, c’était une autre histoire, nous nous adorions ! Quand elle est décédée, j’ai perdu une figure maternelle spirituelle, et ma mère a perdu une figure maternelle physique, puisqu’elle s’entendait mal avec sa mère. Ma grand-mère a abandonné ma mère quand elle était petite. Je pense que je suis partie en Chine à la recherche de l’amour maternel, et je me suis rendu compte que ma mère aussi le recherchait. Nous avons peut-être cru pouvoir le trouver, mais cette recherche est vaine. On l’a perdu et il nous faut avancer, toutes les deux."

C’est d’ailleurs le sens du titre du documentaire. "Je trouve d’abord que c’est un mot qui sonne bien, Paragate, Mais c’est aussi la dernière phrase du sûtra du cœur que ma mère et moi récitions tous les jours quand j’étais petite. Cela fait partie de la pratique bouddhiste, c’est très important. Cette phrase signifie aller au-delà. On pense évidemment au sens aller de l’autre côté, à la mort et au lien avec le décès de ma grand-mère, mais il y a aussi le sens du dépassement d’une souffrance personnelle, d’une douleur. Aller au-delà d’un passé traumatique. Il y a plusieurs façons de l’interpréter ", décrypte la réalisatrice.

Le documentaire sera projeté ce 31 janvier à 18h45 au cinéma Galeries dans le cadre du festival de cinéma En ville !

CONCOURS TERMINÉ
Les Grenades vous offrent 2X2 places pour assister à cette projection du documentaire, envoyez un mail avec votre nom sur l'adresse lesgrenades@rtbf.be.


Le festival En ville !
Le festival de cinéma En ville ! s’intéresse aux territoires, réels ou imaginaires. Les cinéastes dont les films seront projetés lors de cette édition 2024, qui aura lieu du 29 janvier au 4 février à Bruxelles, s’amusent des frontières, les explorent ou les explosent.

28 films seront présentés pendant la durée du festival de 14 réalisateurs et 14 réalisatrices.


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Les Grenades vous conseillent aussi
Bye Bye Tibériade de Lina Soualem
Au début de la vingtaine, Hiam Abbass a quitté son village natal palestinien pour poursuivre son rêve de devenir actrice en Europe, laissant derrière elle sa mère, sa grand-mère et ses sept sœurs. Trente ans plus tard, sa fille Lina, réalisatrice, retourne avec elle au village et interroge pour la première fois les choix audacieux de sa mère, son exil choisi et la façon dont les femmes de leur famille ont impacté leurs vies. Véritable tissage d’images du présent et d’archives familiales et historiques, Bye Bye Tibériade est un voyage à travers quatre générations de femmes palestiniennes audacieuses qui préservent leur mémoire intime et collective par la force de leurs liens, malgré l’exil, la dépossession et les déchirements.

Le documentaire est projeté le 30 janvier à 18h45 au cinéma Galeries.


La masterclass de Narimane Mari
Artiste visuelle et cinéaste franco-algérienne, Narimane Mari explore depuis ses premiers films des thèmes aussi fondamentaux que la mémoire, l’art et la mort. Avec les films hybrides et documentaires, Le fort des fous et Loubia Hamra, elle s’attache particulièrement à l’imaginaire du colonialisme. Comme productrice, Narimane Mari a également accompagné dès leurs débuts la jeune garde du cinéma algérien (Hassen Ferhani, Djamel Kerkar…).

Le 1er février à 15h à l’ERG, l’Ecole de Recherche Graphique.

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La fugue et le canon de Cabiria Chomel
La fugue et le canon est un documentaire choral en trois mouvements, sur l’expérience de l’enfermement par plusieurs mineures jugées comme délinquantes. Elles racontent in situ leur passage en IPPJ (Institut Publique de Protection de la Jeunesse). La parole est à nu, les pensées se déploient, le temps s’épaissit. De par leurs expériences et leurs partages, se tisse au fur et à mesure de la pièce une réflexion profonde et complexe sur les dispositifs de protection et de répression des jeunes.

Le 3 février à 11h à la Maison Poème.

Camping du lac d’Eléonore Saintagnan
Éléonore roule vers l’ouest. Elle tombe en panne en plein milieu de la Bretagne. Elle y loue un bungalow, dans un terrain de camping avec vue sur le lac, dans lequel, dit-on, vit une bête légendaire. Contrainte à la flânerie dans ces lieux isolés, elle découvre ses habitant·es, puis les touristes qui s’installent avec la canicule. De mobile home en mobile home, elle observe le présent, convoque le passé et se laisse envahir par la fiction.

Le documentaire est projeté le 3 février à 20h45 au cinéma Galeries.


Il pleut dans la maison de Paloma Sermon-Daï
Sous un soleil caniculaire, Purdey, dix-sept ans, et son frère Makenzy, quinze ans, sont livrés à eux-mêmes et tentent de se débrouiller seuls. Alors que Purdey fait des ménages dans un complexe hôtelier, Makenzy se fait un peu d’argent en volant des touristes. Entre l’insouciance de l’adolescence et l’âpreté de la vie adulte, ils devront se soutenir l’un l’autre dans ce voyage d’une douceur déchirante, qui semble bien être le dernier été de leur jeunesse.

Le film est projeté le 4 février à 18h au cinéma Palace (il s’agit de la séance de clôture du festival).


Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be.

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/article/le-documentaire-paragate-au-festival-en-ville-a-la-recherche-de-lamour-maternel-11320254

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Jeanne Tercafs, l’autre "Camille Claudel belge"

1 Février 2024, 01:29am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 
 Jeanne Tercafs, l’autre "Camille Claudel belge"
Jeanne Tercafs - photo issue de l'album familial
© Tous droits réservés

27 janv. 2024 à 11:42

Temps de lecture6 min
Par Berthe Tanwo Njole*, une chronique pour Les Grenades
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Camille Claudel est une sculptrice française de génie dont les œuvres telles que La Valse, l’Âge Mûr ou La Petite Châtelaine ont fait sa renommée.

Femme sculptrice à une époque où la représentation d’une femme ne correspondait pas au métier de sculpteur, lié a virilité et à la force, d’autres femmes pourtant émergent et se distinguent, de l’autre côté de la frontière, en Belgique comme Yvonne Serruys surnommée "la Camille Claudel belge".

Pourtant, il en est une autre qui mériterait tout autant ce surnom : Jeanne Tercafs.

Raconter cette histoire
S’inscrivant dans la même démarche que Reine Marie Paris, petite nièce de Camille Claudel, qui a œuvré toute sa vie à la faire reconnaître comme une artiste à part entière, Marie-Hélène Tercafs, arrière-petite-nièce de Jeanne Tercafs, s’est donné pour mission d’écrire la biographie de son aïeule en la documentant de façon plus élaborée.

Pour ce faire, elle a fait appel à Patricia Van Schuylenberg, chercheuse dans l’unité Histoire et Politique du Musée Royal de l’Afrique Centrale afin d’en assumer la rédaction. Nous l’avons rencontrée.

"La famille de Jeanne Tercafs avait proposé pratiquement toute l’œuvre de Jeanne au Musée de l’Afrique Centrale dans les années 50. […] J’ai travaillé dans le service d’histoire où ses œuvres étaient conservées et je pouvais les voir. J’ai été attirée par leurs beautés formelles et par la puissance de ce qu’elles dégageaient. [...]  Marie-Hélène a repris contact avec le musée dans le cadre de son projet et elle m’a demandé d’en rédiger la biographie", explique Patricia Van Schuylenberg.

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Une vie à part
Jeanne Tercafs est une dessinatrice hors pair et elle a fait de la sculpture son domaine de prédilection. Passée par l’Académie de Liège et les Beaux-Arts de Bruxelles, elle séjournera quelque temps à Paris, à Montparnasse plus précisément, et affine son style, son mode d’expression et se consacre corps et âme à sa vocation. Elle y développe son goût pour la statuaire monumentale (certaines de ses œuvres atteignent six mètres)

"Ce qui transparaît, c’est la force de son tempérament, c’était une personne avec beaucoup de volonté et qui ne s’arrêtait pas aux obstacles ! Elle avait vraiment une vision […] Elle se sent comme une mission de vie, qui avait à voir avec la création globale", se réjouit Patricia Van Schuylenberg.

Les résultats ne se feront pas attendre : elle est la seule femme invitée au Salon Belge de la galerie Fernand Wyndels avec deux sculptures et sera positivement évaluée par le Salon des Artistes Français, qui a déjà vu passé Camille Claudel ou Yvonne Serruys. Ce salon de notoriété donne notamment accès à des bourses et Jeanne y décrochera la médaille d’or en 1931.

J’ai travaillé dans le service d’histoire où ses œuvres étaient conservées et je pouvais les voir. J’ai été attirée par leurs beautés formelles et par la puissance de ce qu’elles dégageaient

Jeanne Tercafs, étudiante aux Beaux-Arts de Bruxelles – photo issue de l’album familial
Jeanne Tercafs, étudiante aux Beaux-Arts de Bruxelles – photo issue de l’album familial © Tous droits réservés
Une prise de position qui détonne
Jeanne Tercafs fût aussi la première artiste féminine belge à se rendre seule au Congo, non pas pour rejoindre sa famille ou un quelconque fiancé comme il était de coutume à l’époque, mais bien pour exercer son art ! Elle aura d’ailleurs les faveurs de la presse belge lors de son premier voyage le 8 février 1935.

Elle se passionne pour les Mangbetu, issu de la région d’Uelé au nord est de l’actuelle République démocratique du Congo. Elle effectuera un premier voyage en février 1935, rapidement suivi de deux autres en 1937 et 1939.

Toujours seule, célibataire, non-conformiste et libre ! Son intégration auprès des Mangbetu est facilitée par le biais de ses interactions avec les femmes et les enfants.

"Ce qui me touche aussi c’est le fait que c’est une femme qui était entourée de beaucoup de femmes et qui parle aux femmes […] Il y a un lien et une espèce de sororité qui se met en jeu et ça me parle qu’une femme puisse représenter d’autres femmes dans leur beauté, dans leur simplicité et qui soit en dehors des clichés. Je pense que ça parle à l’âme tout simplement", précise Patricia Van Schuylenberg.

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Jeanne Tercafs ne ressemble d’ailleurs pas à tous ses contemporains puisqu’elle prend des positions anticolonialistes. Dès le départ, elle s’isole volontairement des Européens et s’imprègne de la culture et de la vie des Mangbetu.

"Elle critique le fait que des objets artistiques ou même de l’artisanat soient sortis de la région, du Congo et même de l’Afrique, pour être rapatriés dans des musées européens. Elle propose même de créer des écoles sur place pour protéger ce qu’on appelle les arts africains. […] Il y a aussi un mouvement qui veut que les arts africains restent sur place et donc elle s’inscrit dans cette mouvance-là", rappelle Patricia Van Schuylenberg.

Dès son premier voyage, elle crée beaucoup, notamment des bustes de jeunes femmes, comme Odane dans l'oeuvre Odani, femme Moyogo, d’enfants et de jeunes hommes africains ainsi que des bas-reliefs représentant des scènes de la vie congolaise.

Il y a un lien et une espèce de sororité qui se met en jeu et ça me parle qu’une femme puisse représenter d’autres femmes dans leur beauté, dans leur simplicité et qui soit en dehors des clichés

Le Musée royal de Tervuren a acquis cette œuvre le 23-12-1946. Dans ses notes "ethnographiques", Jeanne Tercafs évoque ses relations avec les principales personnes représentées dans les portraits. Odane était l’un des modèles préférés de l’artiste.
Le Musée royal de Tervuren a acquis cette œuvre le 23-12-1946. Dans ses notes "ethnographiques", Jeanne Tercafs évoque ses relations avec les principales personnes représentées dans les portraits. Odane était l’un des modèles préférés de l’artiste. © Marie Tercafs
Ni activiste, ni scientifique mais profondément artiste dans l’âme, elle va utiliser tous les appuis possibles afin de faire reconnaître l’art africain. Mais par manque de moyens financiers, isolée, physiquement et mentalement épuisée, Jeanne Tercafs rentre définitivement en Belgique en 1940 et s’éteindra en 1944.

"Elle n’a pas été écoutée ni reconnue à sa juste valeur. […] Ayant eu une vie très courte, elle est morte à l’âge de 46 ans, Jeanne Tercafs n’a pas eu le temps de mettre en œuvre tous ses projets ambitieux !", regrette Patricia Van Schuylenberg.

Il faudra attendre le 30 juin 2022 pour que le parlement belge vote une loi reconnaissant "le caractère aliénable des biens liés au passé colonial de l’État Belge et déterminant un cadre juridique pour leur restitution et leur retour".

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L’art au féminin
Jeanne Tercafs ne fait malheureusement pas figure d’exception en termes de manque de reconnaissance et de visibilité. Les femmes, dans l’art en général, sont peu voire méconnues.

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Cela s’explique, en partie, par leur exclusion des écoles d’art et des différents concours jusqu'à la fin du 18e siècle. Mais aussi et surtout, ce fameux "male gaze", regard masculin, qui enferme la femme dans des stéréotypes éculés et s’approprie leur corps pour satisfaire un public masculin, qui gangrène depuis toujours nos représentations visuelles et culturelles.

Les femmes sont principalement perçues comme objet de sculpture et de peinture. Il suffit de se donner la peine de rentrer dans un musée et de constater que, dans le désordre, de la Joconde de Léonard de Vinci à la Jeune fille à la perle de Johannes Vermeer en passant par la Vénus de Milo, le Déjeuner sur l’herbe de Manet, l’Origine du monde de Gustave Courbet, le Baiser de Klimt ou la Maja desnuda de Goya, les femmes sont bel et bien surreprésentées.

Dès lors qu’on parle d’elles en tant que sujets, artistes et créatrices, leur visibilité se réduit à peau de chagrin. Et pourtant, depuis toujours, les femmes sculptent, taillent, peignent et produisent des œuvres puissantes et surprenantes. On comprend mieux les difficultés auxquelles a dû faire face une Jeanne Tercafs, 90 ans plus tôt !

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Trois chercheur·ses (Fabian Y.R.P. Bocart, Marina Gertbserg et Rachel A.J. Pownall) ont mené une étude d’envergure sur la présence des femmes dans l’art et passé en revue leurs œuvres dans les plus grands musées au monde entre 2000 et 2017 et le constat est consternant : elles ne sont que 3 à 5% dont les œuvres sont représentées en Europe comme aux États-Unis. En 2021, bien que les artistes féminines vendent deux fois plus que dix ans plus tôt, la vente de leurs œuvres ne représente que 2% du marché de l’art global.

De Nikki Saint-Phalle à Camille Claudel en passant par Jeanne Tercafs ou Germaine Richier, elles ont pourtant marqué notre temps, imprégné nos histoires et parfois, à travers leur art, revendiquer leurs droits. Beaucoup ont élevé leur voix sans toutefois avoir été entendus.

Néanmoins, d’autres leur ont emboîté le pas et sont aujourd’hui leurs dignes héritières : citons au hasard les belges Berlinde De Bruyckere ou Catherine Thiry, la jamaïcaine Jasmine Thomas-Girvan, l’américaine Sarah Peters ou la sénégalaise Seni Awa Camara.

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*Berthe Tanwo Njole est une artiste pluridisciplinaire. Elle réalise également des capsules vidéo sur des personnalités, méconnu·es, oublié·es voire effacé·es de l’histoire pour les faire (re) découvrir au plus grand nombre. Elle partage pour Les Grenades des portraits de femmes qui l’inspirent.

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https://www.rtbf.be/article/jeanne-tercafs-lautre-camille-claudel-belge-11319573

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IVG dans la Constitution française, Gaza, Natalie Portman,… : le récap’ info de la semaine des Grenades

1 Février 2024, 00:11am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 IVG dans la Constitution française, Gaza, Natalie Portman,… : le récap’ info de la semaine des Grenades

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26 janv. 2024 à 15:25

Temps de lecture4 min
Par Sarah Duchêne pour Les Grenades
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Chaque semaine, Les Grenades vous proposent un tour d’horizon de l’actualité sur le genre à ne pas manquer.

"Suffisant, rétrograde et hypocrite" : Sophie Marceau répond à Gérard Larcher, "fermement opposé" à la constitutionnalisation de l’IVG en France
Ce jeudi, à l’Assemblée nationale, 99 député·es ont voté pour l’inscription de la notion de "liberté garantie" pour les femmes d’accéder à l’IVG dans la Constitution. 13 ont voté contre. Le vote sera confirmé le 30 janvier prochain et envoyé au Sénat.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Une étape incertaine après les propos de Gérard Larcher, président du Sénat, qui considère que l’IVG n’est pas "menacée dans notre pays". Lors d’une interview, il avait indiqué être "fermement opposé" à l’inscription de l’iVG dans la Constitution, avant d’ajouter que celle-ci n’était pas "catalogue de droits sociaux et sociétaux".

Sur son compte Instagram, l’actrice Sophie Marceau lui a répondu, sans le nommer directement, en assurant que l’avortement était "bien menacé". "Tant qu’il y aura des hommes comme vous, nous serons toutes en danger", a-t-elle inscrit.


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Donald Tusk, Premier ministre polonais, "prêt" à proposer un texte de loi visant à libéraliser l’avortement
Ce mercredi, le nouveau gouvernement polonais a approuvé un projet de loi ouvrant l’accès libre à la pilule du lendemain sans prescription à partir de 15 ans.

Pour rappel, le gouvernement précédent avait restreint le droit à l’IVG, faisant du pays l’un des plus restrictifs en Europe en matière de droit à l’avortement.


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Elections en Pologne : comment les femmes ont fait pencher la balance

Maternités fermées, pénurie de protections périodiques, manque d’eau, fausses couches : Les ONG témoignent de conditions désastreuses pour les femmes à Gaza
À Gaza, 180 femmes accouchent chaque jour dans des conditions plus que difficiles : la majorité des maternités ont fermé, de nombreux hôpitaux ont été bombardés et ceux qui restent sont débordés. Pascale Coissard, coordinatrice pour Médecins Sans Frontières témoigne que de nombreuses femmes accouchent dans les tentes des camps.

Celles qui ont de la place à l’hôpital doivent repartir très rapidement, en maximum une heure. Sans protections hygiéniques, des solutions de fortune sont trouvées comme découper des pièces de vêtements.

Des témoignages similaires ont été recueillis par l’ONG britannique ActionAid qui rappelle le risque d’infection qu’entraînent ces méthodes. L’ONG Care signale une augmentation de 300% de fausses couches depuis le début des attaques israéliennes en octobre dernier.


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Le 6e état des lieux du sexisme en France a été publié : voici quelques chiffres à retenir
Le 6e rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) désire "s’attaquer aux racines du sexisme". 3 incubateurs sont mis en avant : la famille, l’école et le numérique.

Les chiffres témoignent de différences de traitement au sein de la famille : 70% des femmes estiment ne pas avoir reçu le même traitement que leurs frères dans la vie de famille. Des différences aussi observées à l’école, ce qui entraîne des conséquences sur leurs choix de carrière par exemple. 74% des femmes n’ont jamais envisagé de carrière dans les domaines scientifiques ou techniques.

Côté internet, les contenus pornographiques sont épinglés : 64% des hommes de 25 à 34 ans disent imiter ces pratiques, souvent misogynes et violentes, dans leurs relations sexuelles. Enfin, les stéréotypes restent très ancrés. 37% des hommes considèrent que le féminisme menace leur place.


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Le sexisme est toujours présent dans la publicité : comment lutter ?

"Un homme normal mate le cul d’une femme" : les propos choquants d’un maire en Italie
En plein débat communal sur les violences à l’égard des femmes, le maire de Terni, Stefano Bandecchi a tenu des propos misogynes et dangereux. "Un homme normal mate le cul d’une femme et tente sa chance : si ça marche, il la baise, sinon il rentre chez lui."

Au mois de novembre, il avait déjà tenu d’autres propos choquants : "Un homme qui n’a jamais trompé sa femme n’est pas normal, sinon tôt ou tard, il la tue". Plusieurs partis ont appelé à des sanctions et une démission.


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Eddy Snelders, ex-commentateur sportif et ex-Diable Rouge poursuivi pour avoir filmé des femmes à leur insu dans sa maison de vacances
Dans le cadre d’une enquête pour des faits répétés d’exhibitionnisme, les enquêteurs ont découvert des images prises par caméra cachée dans sa maison de vacances, située dans les Ardennes. Une vingtaine de personnes, surtout des femmes y figurent et notamment des mineures donc sa propre belle-fille.


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"Il n’y a pas de Ken sans Barbie" : Ryan Gosling réagit après sa nomination aux Oscars tandis que Greta Gerwig et Margot Robbie ont été "snobées"
Les absences de Greta Gerwig et Margot Robbie dans les nominations de "meilleur réalisateur" et "meilleure actrice" ont fait réagir, d’autant plus qu’un autre personnage est en lice : Ken.

Et pour beaucoup, c’est un exemple de ce que dénonçait particulièrement le film Barbie. Ryan Gosling, s’il s’est dit "honoré", a toutefois fait comprendre sa déception que ses collègues ne soient pas nommées. "Il n’y a pas de film sur Barbie sans Greta Gerwig et Margot Robbie, les deux personnes les plus responsables de ce film historique, célébré dans le monde entier". "Leur travail doit être reconnu", a-t-il insisté.


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Pour la 1re fois, les réalisatrices dominent la catégorie des nominations aux César 2024
Sur les cinq nominations dans la catégorie "meilleur réalisateur", trois sont des femmes. C’est la première fois que les femmes sont en majorité pour tenter de remporter ce César.

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Aux côtés de Justine Triet et son film Anatomie d’une chute, les longs métrages L’été dernier et Je verrai toujours vos visages de Catherine Breillat et Jeanne Herry sont en lice.


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Posy Simmonds remporte le Grand Prix de la bande dessinée au Festival d’Angoulême : la 5e femme depuis 1974
L’autrice britannique a reçu la plus grande récompense dans le monde de la bande dessinée. En 1997, Posy Simmonds s’est fait connaître avec Gemma Bovery, une BD qui détourne Emma Bovary de Gustave Flauvert.

Le Festival d’Angoulême a mis en avant son regard féministe sur l’actualité, et ses héroïnes fortes et indépendantes.


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"On a vu naître une solidarité entre les femmes" : Nathalie Portman apporte un regard sur #MeToo
Au micro de France Inter, l’actrice Nathalie Portman est revenue sur les débuts du mouvement #MeToo, né grâce aux témoignages des femmes.

Pour elle, de nombreuses femmes ont pris la parole pour se protéger entre elles et se soutenir. "Je suis reconnaissante à l’égard des personnes qui ont osé prendre la parole, qui ont élevé leur voix, qui ont dit ‘j’ai été victime de tel ou tel abus’. C’est très difficile de prendre la parole."


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Qui était Alice Adere-Degeer, l’ouvrière féministe à qui les femmes belges doivent le droit de vote ?

1 Février 2024, 00:04am

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 Qui était Alice Adere-Degeer, l’ouvrière féministe à qui les femmes belges doivent le droit de vote ?

Un Jour dans l'Histoire
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25 janv. 2024 à 17:23

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Par Gérald Decoster

La Première
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C’est l’historien Adrian Thomas, attaché à l’Association culturelle Joseph Jacquemotte qui était l’invité d’Un Jour dans l’Histoire pour évoquer la personnalité d’Alice Adere-Degeer, "mère" de la loi ayant accordé le droit de vote aux femmes en Belgique.

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Alice Adere, une jeune fille plongée dans le monde ouvrier
Née dans un milieu très modeste à Montegnée, le 4 mai 1902, Alice quitte l’école à 10 ans pour travailler comme balayeuse de four à coke dans l’usine sidérurgique et charbonnière d’Ougrée-Marihaye. "C’est dur, c’est épouvantable et il n’y a pas de restriction, en termes de temps de travail, c’est vraiment l’exploitation la plus pure" explique Adrian Thomas.

En 1921, l’usine se met en grève, sous la houlette de Julien Lahaut, futur président du PCB, Parti Communiste Belge, Alice se découvre alors un tempérament militant : "Elle va embrayer dans cette grève, elle va être vraiment une militante acharnée, ce n’est pas pour rien qu’ils vont la licencier rapidement, dans le conflit qui va être terrible".

L’année suivante, elle épouse Joseph Degeer, "un mineur et un militant communiste de premier plan, de la base, vraiment acharné et c’est évidemment un engagement de couple…" De ce fait, en 1931, elle rejoint le PCB, entrant dans le cercle restreint des ouvriers qui s’intéressent à la politique.

Alice Adere
Alice Adere © CArCoB – Centre des Archives du communisme en Belgique
Une solide formation à… Moscou !
Alice ne tarde pas à se distinguer. "Le Parti veut non seulement des ouvriers, mais des ouvrières, des femmes qui puissent diriger des luttes et Alice le fait lors de la grève de 1921, elle se distingue, mais le fait plus encore dans une cimenterie en 1931". Raison pour laquelle le PCB veut la former à cette doctrine politique en l’envoyant à Moscou.

En Russie, elle bénéficie d’une formation de la part du Komintern, inventé par Lénine pour "continuer à propager la révolution à travers le monde… L’idée est de préparer des révolutionnaires professionnels et de les renvoyer au pays avec une formation idéologique et pratique très sérieuse, très préparée, très disciplinée".

Cadre du parti et élue à la Chambre des représentants
Alice Adere. 
L’ascension d’Alice est en cours : "une fois qu’elle sera revenue de Moscou, elle va carrément intégrer le bureau politique du Parti communiste de Belgique". Elle entame un combat pour le droit des femmes, ce qui l’entraînera souvent au poste de police : "Elle n’a pas froid aux yeux, elle n’hésite pas mais ça ne va pas l’empêcher évidemment d’être élue député en 1936".

Consciente que le combat risque d’être fort long, c’est en 1937 qu’Alice dépose une proposition de loi pour le droit de vote des femmes, il est rejeté. La guerre interrompra le débat, Alice est arrêtée le 10 mai 1940 : "Le Parti communiste est mis hors la loi du fait du pacte germano-soviétique, la police belge associe les rexistes et les communistes et préfère envoyer les agitateurs qui pourraient perturber les opérations militaires, dans le sud de la France, ce qui ce qui peut paraître un peu curieux…"

Une communiste résistante
Rapidement libérée, elle se remet au travail et est obligée de se mettre au vert dès juin 1941, dans le Luxembourg. C’est de là qu’elle va "piloter à la fois des recrutements de résistants et l’édition de journaux clandestins. Elle va en réchapper toute la guerre alors qu’elle est en haut de la liste, c’est assez rare parce que la plupart des hauts cadres du parti sont arrêtés…"

La dernière ligne presque droite vers le droit de vote des femmes
Réunion de l’Union des femmes, pour le droit de vote, à Molenbeek-Saint-Jean en 1945 : Alice Adere-Degeer est à l’extrême droite.
Réunion de l’Union des femmes, pour le droit de vote, à Molenbeek-Saint-Jean en 1945 : Alice Adere-Degeer est à l’extrême droite. © CArCoB – Centre des Archives du communisme en Belgique
Dès août 1945, c’est avec le catholique Henri Carton de Wiart qu’Alice dépose un nouveau texte de loi visant à accorder le droit de vote aux femmes, hélas, la crise de la Question royale vient de débuter, nouvel ajournement…

Enfin, le 18 février 1948, le projet est plébiscité quasi à l’unanimité, "pour la droite, il n’y a pas de problème, c’est même quelque chose qui pousse Henri Carton de Wiart, celui qui va déposer le projet de loi avec Alice Adere-Degeere et qui va se l’arroger, parce que le Parti communiste représente une force électorale mineure qui est occupée de se rétrécir…"

Évincée… puis réintégrée au Parti communiste
En 1946, le Parti la pousse à représenter la région de Mons-Borinage. Mais le climat de la guerre froide alimente des tensions dans son parti. "Il faut resserrer les rangs et cela provoque la rupture". Alice et son mari sont exclus, jusqu’à sa réadmission au PC en 1965.

Oubliée par la postérité ?
Pour vivre, Alice tient une petite épicerie. Mais qui savait alors que cette commerçante était à la base du droit de vote des femmes en Belgique ? "Cette conquête est le fruit de beaucoup de femmes, ce n’est pas seulement Alice Adere, mais elle s’est retrouvée députée et elle a déposé trois fois ce projet de loi. Donc, on peut lui en donner la maternité, mais d’autres ont mené ce combat, ont lutté avec elle. Il y a aussi la question de la postérité. C’est en quelque sorte le mauvais calcul politique sur le moment même qui fait qu’on n’a pas la culture, dans les partis communistes, de célébrer des individus. C’est le Nous qui l’emporte sur le Je". Alice est décédée le 15 novembre 1977.


À découvrir, l’article d’Adrian Thomas, Alice Adère-Degeer, ouvrière de combat à l’origine du droit de vote des femmes, dans la revue Axelle, n° 256, Janvier-Février 2024.


https://www.rtbf.be/article/qui-etait-alice-adere-degeer-louvriere-feministe-a-qui-les-femmes-belges-doivent-le-droit-de-vote-11318923
 

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Patricia Lefranc, vitriolée à l’acide par son ex-compagnon, devient le visage international des violences faites aux femmes

1 Février 2024, 00:02am

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Patricia Lefranc, vitriolée à l’acide par son ex-compagnon, devient le visage international des violences faites aux femmes

Patricia Lefranc / Visage international des violences faites aux femmes
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23 janv. 2024 à 18:01

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Par Virginie Gonçalves sur base d'un sujet de Danielle Welter
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Le visage de Patricia Lefranc a fait le tour du monde. Il y a une quinzaine d’années, elle a été agressée avec de l’acide sulfurique par son ex-compagnon. Marquée à tout jamais, elle devient aujourd’hui l’ambassadrice d’une toute nouvelle campagne internationale pour prévenir ce type d’attaque.

C’est l'"Asti", l’association internationale des survivants d’attaques à l’acide, qui a lancé la campagne. Son objectif est de rendre les contrôles plus stricts autour des substances corrosives.

La séance photo pour la campagne s’est déroulée à Londres, chez le célèbre photographe de mode John Rankin, pour mettre en lumière les effets dévastateurs des attaques aux acides liés à l’industrie de la mode.

"J’ai appris à me voir après l’attaque. Si j’avais vu cette photo de moi il y a cinq ou six ans, j’aurais pleuré. Mais maintenant, j’ai appris – ça va sembler dur – mais j’ai appris à vivre avec cette laideur. C’est moi", témoigne Patricia.

Selon l’association 10.000 attaques à l’acide se produisent chaque année dans le monde.


https://www.rtbf.be/article/patricia-lefranc-vitriolee-a-lacide-par-son-ex-compagnon-devient-le-visage-international-des-violences-faites-aux-femmes-11317626
 

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Affaire Depardieu : les femmes parlent depuis longtemps

1 Février 2024, 00:00am

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 Affaire Depardieu : les femmes parlent depuis longtemps

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22 janv. 2024 à 18:25

Temps de lecture9 min
Par Camille Wernaers pour Les Grenades
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16 femmes accusent désormais l’acteur français Gérard Depardieu de violences sexuelles et de harcèlement sexuel. Depuis 2020, deux plaintes pour viols ont été déposées par l’actrice Charlotte Arnould et la journaliste espagnole Ruth Baza, ainsi qu’une plainte pour agression sexuelle.

Cette plainte, déposée par la comédienne Hélène Darras qui l’accuse de l’avoir agressée sexuellement lors d’un tournage de film en 2007, a été classée fin décembre pour prescription, a indiqué ce lundi le parquet de Paris.

Même si ces faits sont prescrits, "je m’en fous", avait-elle confié à l’AFP début décembre. En déposant plainte, Hélène Darras a "voulu répondre à la défense, qui minimise nos dénonciations en disant que ce ne sont 'que' des témoignages".

L’acteur dément tout comportement pénalement répréhensible mais ce qu’on appelle désormais l’"affaire Depardieu" continue de faire grand bruit. Surtout depuis le 7 décembre dernier et les images révélées par l’émission Complément d’enquête, dans lesquelles l’acteur français multiple les propos misogynes et sexuels, notamment à l’encontre d’une fillette.

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Pas la première fois
Pourtant, ce n’était pas la première fois que des accusations portées envers Gérard Depardieu étaient révélées au grand public. Plusieurs mois auparavant, en avril 2023, des articles de fond sortaient à ce sujet sur le média en ligne Mediapart, écrits par la journaliste Marine Turchi.

Au cœur de cette enquête journalistique au long cours, qui a duré plusieurs années, on trouve le collectif Paye ton tournage, co-fondé par la monteuse Alice Godart, qui vit et travaille en Belgique dans le milieu du cinéma. Le but de Paye ton tournage était de mettre en avant des témoignages de sexisme dans ce milieu. Très vite, en 2020, Alice Godart est mise au courant des accusations qui pèsent sur Gérard Depardieu.

C’est le début d’un travail de longue haleine de collecte de témoignages dans cette affaire, dont Alice n’est pas sortie indemne. Pour Les Grenades, elle a accepté de raconter cette histoire méconnue : celle d’une longue chaine de femmes qui s’activent dans l’ombre pour réussir à visibiliser et dénoncer publiquement des accusations de violences sexistes et sexuelles.

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Comment tout cela a-t-il commencé ?

Alice Godart : Nous avons lancé Paye ton tournage en 2018 et nous sommes sorties de l’anonymat en 2020, lors des premières assises contre les violences faites aux femmes organisées par le collectif 50/50, qui travaille sur l’égalité et la diversité dans le monde du cinéma français. Lors de cet événement, nous avons lu certains témoignages récoltés par Paye ton tournage. À la suite de cela, j’ai été contactée par une femme de l’AAFA, l’association professionnelle des acteurs et actrices en France. Elle m’a parlé d’une actrice victime de Gérard Depardieu et m’a donné son numéro pour pouvoir la contacter.

Il s’agissait en fait de Charlotte Arnould, et j’ai découvert qu’elle vivait toute seule avec ce secret depuis des années. Elle m’a d’abord demandé si Paye ton tournage avait d’autres témoignages sur Depardieu. Nous anonymisons les témoignages mais nous avons une base de données qui permet de retrouver les femmes qui parlent et qui elles accusent, même s’il arrive que nous perdions leur trace. Elle souhaitait être mise en contact avec d’autres victimes, pour pouvoir compléter sa plainte en dressant un portrait de l’acteur, malgré la solidité sans équivoque de son dossier. Nous avons finalement retrouvé la trace de 7 victimes supplémentaires. Cela nous a donné beaucoup d’espoir.

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Est-ce que ces personnes ont tout de suite accepté de parler ?

Cela a été un long travail pour les rassurer, de plusieurs mois. J’ai énormément parlé avec elles, je les ai mises en contact avec l’avocate de Charlotte Arnould, ce qui a permis d’établir un profil d’agression et d’ajouter des détails à la plainte, mais c’était vraiment éprouvant. D’autant que nous constations toujours plus la grande solitude dans laquelle se trouvait Charlotte Arnould, alors que des films mettant en vedette Depardieu sortaient fréquemment.

J’étais notamment en contact régulier avec une autre actrice, qui ne sortira pas de l’anonymat, pour laquelle je me suis beaucoup inquiétée car elle était suicidaire à la suite des violences vécues. Je répondais à ses appels à 2h du matin, je contactais ses ami·es quand elle ne donnait pas nouvelles, j’ai essayé de lui trouver un nouveau logement, etc. Quand on parle de victimes, on parle de personnes qui sont fragiles et vulnérables et pour lesquelles vous devenez un repère, et bien souvent le seul qu’elles ont. À cause du caractère secret et potentiellement dangereux de ce sujet, je ne pouvais pas passer le relai facilement, c’est à moi qu’elles faisaient confiance.

La confiance des victimes est une question centrale dans les affaires de violences sexuelles. Je suis passée dans l’émission La bande originale sur France Inter pour parler de sexisme dans le cinéma. Quelques mois plus tard, Depardieu était invité dans la même émission pour présenter son film. Des victimes m’ont contactée à ce moment-là parce qu’elles ne comprenaient pas : elles commençaient tout juste à refaire confiance aux institutions et aux médias sur la question des violences sexistes et sexuelles. Je reste très en colère parce que le monde médiatique et le monde culturel étaient au courant depuis longtemps du comportement de Depardieu. Il faut arrêter de jouer les étonné·es.

J’étais devenue une vraie éponge à toutes ces différentes histoires. J’ai fini en détresse avec les victimes

Comment a débuté l’enquête de Mediapart ?

Plusieurs journalistes ont commencé à vouloir en savoir plus, à être curieux·euses par rapport aux témoignages que l’on relayait. La seule personne avec laquelle j’avais envie de collaborer, c’est Marine Turchi qui travaille dans ce média. Je me sentais en sécurité de l’aider à mon échelle dans ce travail avec elle, je savais que l’enquête serait rigoureuse et que les victimes ne seraient pas mises en danger. Elle a accepté. J’ai contacté chaque victime pour leur demander leur accord de participer à ces articles et si elles acceptaient d’être mises en contact avec la journaliste. Cela a fait très peur à certaines d’entre elles : un article, c’était très concret d’un coup, elles ont eu peur de retomber dans leur mal-être en témoignant à nouveau sur ce sujet.

Je dois préciser que je n’ai pas trouvé toutes les victimes, Marine Turchi en a trouvé également de son côté, en enquêtant. L’enquête a duré un certain temps, de 2021 à 2023, et j’ai dû continuer à rassurer les victimes pendant toute cette période car elles étaient persuadées que les articles ne sortiraient jamais. C’est pour cette raison que Charlotte Arnould a posté son témoignage sur les réseaux sociaux en décembre 2021, pour relater qu’un an s’était écoulé depuis la mise en examen de l’acteur et que ça n’avait rien changé, qu’il continuait à travailler comme si de rien n’était. Elle avait besoin de faire entendre sa voix. La sortie des articles a finalement eu lieu en avril 2023.

L’affaire Depardieu n’a pu sortir que grâce à un réseau souterrain de femmes, qui se sont parlé, qui ont travaillé ensemble

Comment cela s’est terminé pour vous ?

Je n’étais pas formée sur ces questions et je ne m’attendais pas à recevoir autant de témoignages concernant Depardieu. Je n’ai pas eu le réflexe de me protéger. J’étais devenue une vraie éponge à toutes ces différentes histoires. J’ai fini en détresse avec les victimes. Je pense que l’affaire Depardieu m’a plongée dans le burn-out et dans les épreuves de vie que j’ai subis par la suite. Aujourd’hui, j’ai appris à mettre mes limites, mais cela a pris du temps. D’autant plus, que mon job est dans le milieu du cinéma. Je devais faire semblant en permanence. Cela m’a fermé des portes dans mon milieu de parler de ce sujet et d’être présente pour les victimes. C’est un secteur qui ne fait pas de cadeau. Je venais de finir mes études et cette affaire m’a dégoûtée de mon métier. On a décidé de ne plus poster de nouveaux témoignages sur Paye ton Tournage. On continue d’autres activités, comme des formations. Les témoignages sont là, il y en a assez, cela n’a plus de sens de continuer à en publier, c’est aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités.

À quel prix ces affaires sortent et arrivent à être connues du grand public ?

Pour cela, je suis heureuse de l’impact que l’émission Complément d’Enquête a eu, même si elle ne révèle rien de nouveau par rapport aux articles de Mediapart. Je suis un peu déçue que l’opinion publique ait changé sur Depardieu uniquement parce qu’on a entendu quelques phrases-chocs, plutôt que le témoignage de 16 femmes, sur 30 années de violences. C’est le côté sensationnel et croustillant qui a pris le dessus et tout le monde se réveille. Au-delà de Depardieu : qui l’a protégé toutes ces années ? Qui a financé ces films ? Ces gens-là vont rester en place. Il y a d’autres hommes violents dans ce milieu, on les laisse faire, on leur donne du pouvoir. Depardieu n’est pas le seul. Cette affaire n’amène pas encore à un questionnement plus large sur le monde du cinéma.

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Justement, le sexisme et les violences sexuelles se produisent partout, est-ce qu’il y a des spécificités au monde du cinéma, d’où à tout de même émergé le mouvement #MeToo en 2017 ?

C’est un milieu qui excuse beaucoup de dérives. On vend du rêve ! Si on roule sans ceinture lors d’un tournage et que la police nous arrête, les policiers vont plutôt demander des autographes que donner des contraventions. Il est courant qu’il y ait de l’alcool sur les plateaux, qui sont des lieux de travail. On passe notre temps à déroger aux règles, on applique mal la loi du travail. Il y a aussi le phénomène de starification et tout l’argent qui est en jeu lors d’un tournage…

En ce moment d’ailleurs, l’UPFF, l’Union des producteurs de films francophones, mène un travail sur une clause pour interruption de tournage en cas de harcèlement et de violence sexiste ou sexuelle. Ce serait une sorte d’assurance qui interviendrait si des violences se produisent lors d’un tournage, ce qui permettrait aux équipes d’être moins frileuses si des faits se produisent à cause du potentiel impact financier.

Au-delà de Depardieu : qui l’a protégé toutes ces années ? Qui a financé ces films ?

Concrètement, je constate que ce sont les associations de terrain qui prennent ce travail en charge, et pas du tout les institutions publiques. Ce travail et ces changements très lents se font sur le dos de femmes (et d’hommes) dans des associations ou collectifs, qui donnent de leur temps bénévolement, qui mettent leur carrière en pause ou qui font des burn-out. L’affaire Depardieu n’a pu sortir que grâce à un réseau souterrain de femmes, qui se sont parlé, qui ont travaillé ensemble. À quel prix ces affaires sortent et arrivent à être connues du grand public ? Sans parler des victimes : quelle réparation pour elles ? La plupart d’entre elles ne travaillent plus dans ce milieu, certaines sont sans emploi, sans logement, et se retrouvent dans une grande précarité, alors que leurs agresseurs continuent de tourner et de passer sur les plateaux de télévision.

Avec le collectif Elles font des films, nous avons mis en place trois formations sur la question des violences sexistes et sexuelles en France et en Belgique à destination des professionnel·les du cinéma, mais elles ne sont pas obligatoires pour participer à un tournage. Il faudrait des mesures politiques fortes, et plus de soutiens financiers envers ces associations de terrain. Elles font des films n’a par exemple pas reçu de subsides structurels pour soutenir son travail et a dû se séparer de sa coordinatrice, alors que c’est grâce à son embauche que des projets ont pu se concrétiser.

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Est-ce que vous constatez tout de même des améliorations ?

Oui. J’ai eu beaucoup de mal à faire accepter de travailler sur un sujet de mémoire féministe pendant mes études de cinéma, je me suis retrouvée très seule et j’ai dû tenir tête à l’époque. Aujourd’hui, des mémoires féministes sortent tous les ans de l’INSAS, l’école de cinéma à Bruxelles. Récemment, j’ai été membre du jury pour un mémoire féministe et cela m’a vraiment émue. Je crois beaucoup en la nouvelle génération.

Focus sur le stress vicariant
Évoquer ses difficultés face aux témoignages de violences sexistes et sexuelles collectés peut conduire à une forme de stress. On peut reconnaitre dans cette situation, la notion de " traumatisme par procuration ", ou stress vicariant, qui affecte celles et ceux qui travaillent au contact de personnes traumatisées, que ce soit pour recueillir leurs témoignages ou pour les soigner. "Par empathie, on voit, sent, entend, touche et ressent la même chose que la victime, en écoutant celle-ci raconter ses expériences en détail, dans le but d’atténuer sa propre douleur. Le traumatisme vicariant est la réaction physique qui se produit sur le coup lorsqu’un événement particulièrement horrible est relaté ou découvert ", écrit la psychologue Sophie Debauche. En Belgique, le collectif féministe OXO travaille sur cette question et propose des formations pour mieux s’en protéger.

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Une trentaine de femmes et enfants sans papiers occupent un hôtel à Woluwe-Saint-Lambert

31 Janvier 2024, 23:57pm

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Une trentaine de femmes et enfants sans papiers occupent un hôtel à Woluwe-Saint-Lambert

Woluwe-St-Lambert : Des femmes sans papiers occupent un hôtel
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21 janv. 2024 à 22:01

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Par La rédaction avec Belga
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Une trentaine de femmes sans papiers, dont plusieurs avec enfants, se sont installées samedi matin dans un bâtiment vide situé dans la commune bruxelloise de Woluwe-Saint-Lambert.

Membres du Comité des femmes sans-papiers, les occupantes – dont la majorité se trouve en situation de grande précarité – sont venues s’abriter des températures glaciales. L’endroit où elles ont élu domicile est un ancien hôtel, établi au 101 boulevard Brand Whitlock. Selon le comité, le bâtiment avait déjà servi à héberger des demandeurs d’asile ukrainiens l’année dernière, et était ensuite resté vide plusieurs mois, jusqu’à ce jour.

Laeticia, porte-parole du Comité des femmes sans-papiers de Bruxelles et résidente du bâtiment occupé, informe que l’endroit est approvisionné en eau et électricité.

Le bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert Olivier Maingain ne compte pour l’instant pas prendre de mesures visant à mettre fin à l’occupation. Vu les conditions météorologiques actuelles, il n’est pas question de demander l’expulsion des femmes et enfants sans papiers qui occupent l’hôtel, vide depuis plusieurs mois, estime le bourgmestre. M. Maingain a toutefois précisé à l’Agence Belga qu’il contactera le service fédéral Fedasil pour prendre les mesures d’accompagnement qui s’imposent. Il dit ainsi veiller à ce que le gouvernement fédéral assume ses responsabilités.

 

Sans adresse, impossible d’entamer quelconque procédure de séjour
Cette ouverture s’inscrit dans une longue série d’actions lancées par le collectif "La voix des sans-papiers de Bruxelles", dont fait partie le Comité des femmes ainsi que des militants. "Ces actions ont pour but de visibiliser la situation précaire dans laquelle vivent les sans-papiers d’une part, et d’offrir des solutions concrètes d’autre part", explique le collectif de femmes.

Il ajoute que cette nouvelle occupation se pose en réaction à "l’inaction des autorités politiques quant à des solutions de logement pour les personnes sans papiers à Bruxelles, particulièrement vulnérables à cet égard, en raison de leur situation administrative".

"À défaut d’avoir un logement, et donc une adresse, plusieurs femmes sans papiers n’arrivent pas à entamer une quelconque procédure de séjour. Il faut rappeler ici que la régularisation des personnes sans papiers est aussi une solution pour les sortir de la rue", insiste Laeticia. Le Comité des femmes sans-papiers rappelle sa disponibilité à travailler "en collaboration avec les associations et les autorités publiques, signer des baux d’occupation temporaire et gérer avec soin et sécurité tout bâtiment mis à disposition".


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Cindy se sert de son vécu traumatique pour aider les victimes de violences sexuelles

31 Janvier 2024, 23:55pm

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 Cindy se sert de son vécu traumatique pour aider les victimes de violences sexuelles

Victime d'inceste, Cindy aide les victimes de violences sexuelles
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21 janv. 2024 à 07:59 - mise à jour 21 janv. 2024 à 11:50

Temps de lecture20 min
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Par Gilles Monnat et Adrian Platon

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"Aujourd’hui, mon rôle c’est de dire : 'Si, on peut se relever'." 

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, les violences sexuelles concernent 20 à 24% des filles et 5 à 11% des garçons de moins de 18 ans dans les pays occidentaux. Cindy fait partie de ces victimes, son récit est difficile à entendre, mais nécessaire. Agressée sexuellement durant son enfance par un membre de sa famille, puis par un professeur de sport, Cindy a traversé une adolescence compliquée. Arrivée à l’âge adulte, elle poursuit sa vie sans soigner les traumatismes qu’elle porte en elle et devient maman. "A 35 ans, j’avais vécu une vie plus ou moins normale (...) et là je craque du jour au lendemain."

Cindy s’effondre au point de devoir séjourner cinq semaines dans un service hospitalier de neuropsychiatrie. Au moment de sa sortie, le personnel soignant lui conseille de trouver une association pour l’aider, pour l’écouter. Mais elle constate que, dans sa ville, ce type d’association n’existe pas. Elle reprend alors des études et devient pair-aidante : "C’est quand même une petite ville où on dit toujours 'y’en pas tant que ça'. Je suis pas du tout d’accord avec le principe."

En 2019, elle fonde son ASBL De Maux à Mots à Mouscron. Sa force, se servir de son vécu douloureux pour venir en aide aux victimes d’inceste et de tout type de violences physiques, sexuelles et psychiques. Pour nombre de ces victimes, il est plus facile de parler et d’accorder sa confiance et de s’identifier à quelqu’un qui a traversé des épisodes traumatiques similaires ou comparables aux leurs. 

Chaque mercredi, Cindy organise un de groupe de parole et des entretiens individuels. Vews a pu rencontrer les participantes et les participants, et recueillir leurs témoignages. "C'est quelque chose qu’on remarque chez les victimes de violences sexuelles, c’est d’une puissance incroyable, la force de combativité."


https://www.rtbf.be/article/cindy-se-sert-de-son-vecu-traumatique-pour-aider-les-victimes-de-violences-sexuelles-11315148

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"Vieille fille" de Marie Kock : (se) construire en dehors des cases

31 Janvier 2024, 23:51pm

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 "Vieille fille" de Marie Kock : (se) construire en dehors des cases

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21 janv. 2024 à 10:52

Temps de lecture4 min
Par Fanny De Weeze*, une chronique pour Les Grenades
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"Vieille fille", "vielle à chat", sont des termes généralement utilisés pour désigner des femmes qui se sont écartées du chemin attendu par la société, afin de se réaliser autrement, en dehors de cases trop étriquées.

L'une d’entre elles, Marie Kock, propose avec la parution de son livre une réinterprétation du mythe de la vieille fille visant à dépoussiérer les préjugés, à analyser ce qui dérange tant dans cette figure qui s’écarte des normes et à comprendre pourquoi, à notre époque, ces femmes sont encore pointées du doigt en raison de leurs choix de vie.

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D’un cas personnel à une proposition
Journaliste de profession, Marie Kock est l’autrice de deux ouvrages. Le premier était intitulé Yoga, une histoire-monde. Dans ce second livre, Vieille fille, l’autrice prend son cas personnel comme point de départ pour brosser le portrait de ces femmes qui, au fil des siècles, ont semé le trouble.

En mêlant des éléments de sa vie personnelle (qui, au demeurant, n’est pas particulièrement exceptionnelle mais est rendue singulière par une société qui voudrait que chacun·e se mette en couple et procrée), Marie Kock accroche son lectorat par une familiarité et un humour qui font mouche, en évitant autant que possible de culpabiliser les personnes qui ont fait ce choix.

Quand l’autrice se penche sur ces femmes qui, dans l’histoire, ont refusé de se marier et de s’engager dans une vie maritale, elle met en lumière qu’elles ont toujours existé à n’importe quelle époque, et ce malgré la honte qui pouvait s’abattre sur elles.

Que ce soient les recluses ou les béguines, ces femmes ont souvent exprimé leur volonté de vivre comme elles le désiraient. À ce sujet, Marie Kock propose quelques références littéraires où ces personnages sont mis au premier plan, tel que le livre de Carol Martinez, Du domaine des murmures.

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Dans la (pop) culture
Si Marie Kock aborde l’Histoire et les liens qu’elle a entretenus avec les "vieilles filles", l’autrice propose aussi de se pencher sur la pop culture qui perpétue malgré elle l’image écornée d’une femme seule, égoïste, laide et sans relation.

On ne compte plus les films et séries où cette image est galvaudée. Dans l’imaginaire collectif se crée alors une crainte de devenir cette femme, de ne jamais trouver un mari et avoir des enfants. Peu nombreuses sont les histoires qui mettent en avant des héroïnes fières de leur décision et qui la revendiquent sans craindre un évincement de la société.

Ce qui est sous-entendu dans ces fictions, c’est que la solitude ferait souffrir et qu’il faudrait absolument être en couple pour toucher du bout des doigts un bonheur transcendant. Les héroïnes de Disney, les films de Noël, les comédies romantiques, tout concorde à nous prouver que l’amour (hétérosexuel, la plupart du temps) est la clé pour une vie réussie. Le choix de ces femmes dérange par l’autonomie qu’elles revendiquent et par le fait qu’elles ne placent pas les relations amoureuses et sexuelles au centre de leur vie, et que la recherche de séduction n’est plus une priorité.

À ce propos, Marie Kock prend l’exemple d’Ovidie qui, dans son livre La chair est triste hélas, remet en question la sexualité et évoque ses périodes d’abstinence pour se libérer d’une pression à une sexualité forcée. En abandonnant, partiellement, temporairement ou définitivement, la vie de couple, en se retirant du monde de l’amour, ces femmes sont prêtes à se (re) posséder.

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Vivre sa solitude
Dans un monde où la connexion aux autres semble primordiale, les "vieilles filles" empruntent le chemin de la solitude. Ce choix exprime une volonté de liberté de mouvement et de ne pas être cadenassée dans un schéma étriqué.

La société est prompte à ramener ces femmes sur le bon chemin en les culpabilisant et en les effrayant sur la fatalité de finir seule et pauvre.

La vieille fille révèle la précarité financière des femmes, qu’elle ait ou non une palanquée de domestiques à son service, parce qu’elle montre aussi ce qui arrive lorsqu’on ne se résout pas à forger des alliances profitables. Elle est la vérité de la condition des femmes dès lors qu’elles ne sont pas noyées dans le récit de l’amour ou de la famille.


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La proposition
Si l’envie de devenir une vieille fille à chat ou non, de mettre de côté, de la vie amoureuse, que ce soit pour un moment ou pour toujours, de vous retirer de ce qui est attendu par les autres, vous découvrirez dans ce livre, non pas des astuces mais un soutien inconditionnel et une liberté de ton qu’il fait bon de lire et de partager avec son entourage.

Mais une hypothèse quand même : il est possible, quand cela n’est pas souhaitable, de vivre une vie sans cocher les cases auxquelles on se prédestine dès l’enfance, sans vivre avec quelqu’un ni faire un compagnonnage – quelles que soient les formes qu’il puisse prendre –, et qu’il est possible de se passer de cet amour que l’on décrit comme le plus grand, le plus indestructible, l’amour maternel. Il est possible de se construire en dehors de cases, de trouver d’autres façons de créer des structures, pour soi et pour les autres, de trouver l’amour ailleurs, autrement. D’avoir, simplement, envie d’autre chose.

Vieille fille de Marie Kock, Editions Pocket, septembre 2023, 208 pages, 7,70€.

*Fanny De Weeze est une lectrice passionnée qui tient un blog littéraire (Mes Pages Versicolores) depuis 2016 sur lequel elle chronique des romans, des essais et des bandes dessinées.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


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