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MONDE28 août 2013
Il y a 50 ans, le "rêve" du pasteur Martin Luther King
Martin Luther King en 1965
Martin Luther King en 1965
© ED JONES/LANDOV/MAXPPP
Le 28 août 1963, Martin Luther King prononçait son célèbre discours I Have a Dream à Washington aux États-Unis. Comment Martin Luther King, simple pasteur, est-il devenu une figure politique mondiale ? Éléments de réponse avec cet article de Réforme publié en avril 2008, 40 ans après son assassinat à Memphis.
Martin Luther King est né le 15 janvier 1929 à Atlanta, en Géorgie, dans une famille de pasteurs baptistes – son père, son grand-père et son arrière-grand-père étaient ministres du culte. Le jeune Martin Luther, prénoms choisis par ses parents en référence au Réformateur, grandit dans le Sud profond des Etats-Unis où la ségrégation est absolue. Les Noirs ont leurs propres écoles, n’ont pas le droit de traverser la partie « blanche » des autobus, de s’asseoir aux comptoirs des cafés, ni de voter. Il n’y a guère que le dimanche matin, à l’église – noire évidemment –, qu’ils se sentent exister, comme l’écrit le pasteur Otis Moss : « Je suis un homme noir, j’ai beau avoir cinquante ans, on m’appelle “mon garçon”, pendant six jours je ne suis personne, pas même un être humain, mais le dimanche, dans mon église, je retrouve intégrité et plénitude, oui, dans l’église noire, je deviens une personne ! »
Pourtant, le petit Martin n’aime pas la piété effervescente. Il est trop intellectuel pour apprécier les chants, les danses, les transes. Il rêve de devenir avocat, ou médecin, pour prouver aux Blancs que l’on peut être noir et cultivé. Il étudie la philosophie à l’Université, obtient un diplôme de sociologie, mais finit par se soumettre à la pression familiale, étudie la théologie et devient pasteur à Montgomery, dans l’Alabama, en 1954.
Quand, fin 1955, une paroissienne, Rosa Parks, refuse de céder sa place à un homme blanc dans le bus, se retrouve en prison, et que les Noirs décident de boycotter les bus, c’est tout naturellement vers leur pasteur qu’ils se tournent. « A l’époque, l’église est le seul lieu où la communauté noire peut exister dans un monde hostile, explique Louis Schweitzer, pasteur baptiste. Le pasteur est un peu le chef de la communauté, il n’y a qu’un pasteur pour être leader car, en raison de la ségrégation, il n’existe pas de leaders politiques. » Martin Luther King, « jeune pasteur brillant et philosophe », se retrouve donc à la tête d’un mouvement contestataire de façon « non délibérée ». Il s’engage car la cause est juste, mais reste d’abord un intellectuel.
Negro spirituals
Bientôt, une « expérience de conversion » le transforme. Des menaces anonymes par téléphone l’inquiètent. Il cherche des explications philosophiques et théologiques à l’existence du mal. Il fait alors l’expérience d’une rencontre avec Dieu qui l’envoie se battre. « Il passe d’un Dieu philosophique à la redécouverte du Dieu de la tradition noire, le Dieu des negro spirituals, de la libération d’Egypte », poursuit Louis Schweitzer. Cette nuit-là, il retourne à la spiritualité noire américaine, où la personnalité du pasteur, sa subjectivité, sa force de parole galvanisent les foules. « A l’époque, l’autorité des pasteurs, c’était quelque chose ! Martin Luther King est ainsi devenu le leader spirituel d’une nation noire. » Il met alors son autorité au service de la non-violence : son charisme et l’obéissance qu’on lui voue ont permis la discipline non-violente des foules.
Et la méthode marche : le sud des Etats-Unis est petit à petit « déségrégué » ; la loi sur les droits civiques est promulguée le 2 juillet 1964, celle sur le droit de vote le 6 août 1965. Martin Luther King reçoit le prix Nobel de la paix le 10 décembre 1964. Mais, avec son succès, il élargit son combat à la lutte en faveur des pauvres, qu’ils soient noirs ou blancs, et prend position contre la guerre du Viêt-nam.
Une partie de la communauté noire ne le suit pas, et ses adversaires blancs les plus acharnés (dont le FBI) l’accusent d’être communiste – une quasi-condamnation à mort dans une Amérique maccarthyste. Le FBI trouve la faille à exploiter : « Martin Luther King avait une attirance pour les femmes, son comportement pastoral n’était pas exemplaire, reconnaît Louis Schweitzer. Ceci a prêté le flan aux critiques, le FBI l’a utilisé pour le faire chanter. » Et non, « Martin Luther King n’était pas un homme parfait. Mais ne sommes-nous pas sauvés par grâce, et non pas par notre perfection ? », demande dans un sourire Louis Schweitzer, qui insiste : « Au lieu de faire de Martin Luther King un saint, ne vaudrait-il pas mieux mettre en pratique ce qu’il a fait et dit ? »
À LIRE ÉGALEMENT
Martin Luther King, non-violent radical :
Il aurait eu 84 ans le 15 janvier dernier. Martin Luther King a été assassiné le 4 avril 1968 à Memphis, dans le Tennessee – il y a exactement quarante ans. Ce pasteur baptiste et prix Nobel de la paix, qui a vu son peuple exclu des bureaux de vote, n’en croirait pas ses yeux aujourd’hui. Un Noir américain hautement éduqué est dans la course pour la Maison Blanche. Non seulement les Noirs votent, mais ils sont élus, et peuvent briguer la fonction présidentielle. Le combat non-violent de Martin Luther King l’aurait-il emporté, malgré tout ?
Cliquez ici pour lire la suite de cet article.
Les six principes de la non-violence de Martin Luther King :
Voici les 6 points que le révérend avait énoncés et auxquels devaient adhérer tous ceux qui voulaient faire partie de son équipe.
Cliquez ici pour lire cet article.
"Le roc de la dignité humaine" :
Extraits de la Lettre de la geôle de Birmingham. Écrite par Martin Luther King le 16 avril 1963, elle répond à huit ministres chrétiens et juifs d’Alabama, tous Blancs, qui mettaient en cause sa stratégie non-violente.
Cliquez ici pour lire ces extraits.
"Obama réalise le rêve de Martin Luther King" :
Théologien suisse, auteur d’un essai sur Martin Luther King, Serge Molla analyse la filiation entre Barack Obama et le célèbre pasteur assassiné.
Cliquez ici pour lire cet entretien.
Marie Lefebvre-BilliezGrand reporter>> Voir sa fiche
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