Exclusif – Féminicides, Egalité, première dame, crop top : Macron répondMis à jour le 1 juillet 2021 à 09h45Exclusif – Féminicides, Egalité, première dame, crop top : Macron répond
Féminicides, égalité salariale, congé paternité, exercice du pouvoir, polémique du crop top… Emmanuel Macron répond. © Benoît Peverelli
SAUVEGARDER
Alors que le forum Génération Égalité de l’ONU Femmes se tient à Paris, et à dix mois de la présidentielle, nous avons questionné le chef de l’État sur les débats qui agitent la société. Féminicides, égalité salariale, congé paternité, exercice du pouvoir, polémique du crop top… Entretien.
par Propos recueillis par Ava Djamshidi, Véronique Philipponnat et Dorothée Werner
Plus de cinquante femmes tuées sous les coups de leurs (ex-)conjoints, en France, depuis le début de l’année. Emmanuel Macron a beau avoir fait de l’égalité femmes-hommes la grande cause de son quinquennat, ce seul chiffre hurle que le combat est loin d’être gagné. C’est vrai, le chef de l’État a ouvert des fronts. Engagé un Grenelle sur les violences conjugales, fait voter des lois sur le harcèlement de rue, l’égalité salariale ou l’allongement de la prescription pour les violences sexuelles sur mineurs, mis en place des dispositifs nouveaux, comme le bracelet anti-rapprochement. Pourtant, de son propre aveu, la France n’est pas exemplaire. À qui la faute ? « Au temps que mettent les mesures à être appliquées », invoque le maître des horloges. Ou à une « bataille culturelle » qui ne fait que commencer. Seulement ?
ELLE. Notre pays est-il exemplaire en matière d’égalité femmes-hommes ?
E.M. On est exemplaire quand on a fini de régler le sujet ; on ne peut pas dire que nous le soyons. La prise de conscience est bien là. Cela m’avait frappé lors de la campagne, en 2017. Le premier sujet qui ressortait était celui des violences dans les transports et de l’insécurité vécue par les femmes. Tout le monde s’est moqué de nous, on nous disait que nous n’avions pas de programme. Ces thèmes n’étaient pas dans les canons de la vie politique. J’ai décidé que ce serait la grande cause du quinquennat bien avant #MeToo, ce formidable accélérateur de prise de conscience et d’exigence. Depuis, nous avons fait des avancées.
Lire aussi >> Emmanuel Macron va créer une « promotion de défenseures des droits des femmes »
ELLE. Sans être encore exemplaires…
E.M. Nous sommes au cœur d’une révolution positive. On est sur un chemin, il faut rester vigilants et utiliser tous les moyens dont on s’est dotés pour aller au bout de cette transformation culturelle.
ELLE. Vous avez mis en place des mesures de lutte contre les violences faites aux femmes. Pourtant, il y a eu plus de cinquante féminicides depuis janvier. Un rapport récent a fait état de dysfonctionnements entre la police et la justice. Que comptez-vous faire ?
E.M. Dès qu’il y en a un, c’est un de trop. Mais avant, le mot « féminicide » n’existait pas dans la sphère politique. Jeune fonctionnaire, en préfecture, on me parlait de « violences familiales ». C’était un continent caché. Maintenant qu’il est visible, il ne faut pas considérer que le combat est fini. En parler, le dénoncer et donner aux femmes les moyens d’alerter, comme on l’a fait dans les supermarchés, les pharmacies, avec des numéros d’urgence, c’est très important. Dès novembre 2017, j’ai lancé l’offensive, on a ensuite tenu le Grenelle à l’issue duquel plusieurs dispositions ont été prises, maintenant il faut les utiliser à plein, comme les bracelets anti-rapprochement.
ELLE. Pourquoi sont-ils si peu nombreux à être utilisés ?
E.M. On pense trop souvent que lorsque l’on vote une loi, le problème est réglé. Il faut le temps de sa mise en place, et c’est là encore un changement culturel pour ceux qui doivent l’appliquer. Les magistrats qui règlent ces problèmes utilisent des instruments auxquels ils étaient habitués : la peine de prison ou le rappel à la loi. Les ordonnances anti-rapprochement que nous avons introduites se sont bien déployées. Le bracelet, lui, était peu utilisé. C’est en train de monter progressivement, même si 145 bracelets posés, c’est trop peu.
ELLE. Un tiers des victimes de féminicides alertent la police. Améliorer l’accueil des plaintes dans les commissariats ne passe-t-il pas par plus de policiers mieux formés, des bureaux fermés et discrets, bref, plus de moyens ?
E.M. J’ai du mal à l’entendre. Nous venons de créer 10 000 postes de policiers et de gendarmes. On en a formé 90 000. Là encore, le sujet, c’est d’appliquer ces lois récentes. On a aussi créé 1 000 places d’hébergement en 2020, 1 000 supplémentaires sont en train d’ouvrir, ce qui correspond à une augmentation de 50 % des capacités d’accueil. Il faut ensuite améliorer le fonctionnement de la justice, d’où les rapports d’inspection que l’on a demandés. L’autre aspect, c’est la manière dont les associations, les policiers ou les magistrats se saisissent de ces instruments… C’est en train d’être mis en œuvre. Je suis plutôt confiant mais il faut accélérer, mettre la pression, et je le fais lorsque je me déplace. Et puis il faut continuer la bataille culturelle, et dénoncer toute situation de violence au plus tôt.
ELLE. Certaines hésitent à franchir le seuil d’un commissariat…
E.M. Bien sûr. Beaucoup de femmes ne le font pas parce qu’elles ne vivent pas forcément leur situation comme quelque chose d’anormal. Les hommes violents sont souvent manipulateurs. Il y a une forme de dépendance, de culpabilité, d’emprise qui se déconstruit parfois lentement, en parlant. Les associations font un travail irremplaçable. Ensuite, il faut une écoute bienveillante et responsable. Une dénonciation qui ne sert à rien, c’est un risque pris pour rien, et on sait que c’est un Everest pour beaucoup de femmes. Même s’il y a eu des réticences de la part des forces de l’ordre, je constate une prise de conscience réelle. Un jour, j’ai fait un passage au 3919 et pris l’appel d’une femme qu’un jeune gendarme avait refusé de considérer. Dans la foulée, on a renforcé les formations des policiers, et rendu cette plateforme accessible 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Ça ne va jamais assez vite, mais la pression sur ceux qui agissent au quotidien ne doit pas diminuer. La nôtre, la mienne, celle de la société tout entière.
ELLE. Pourquoi avoir choisi de sécuriser le versement des pensions alimentaires ?
E.M. Au début de la crise des Gilets jaunes, avant que le mouvement ne devienne violent, j’ai été frappé par les images : c’était la première fois que des femmes, mères de famille, souvent monoparentales, se mobilisaient en aussi grand nombre dans un mouvement social. Au début, je n’ai pas bien compris ce qui se passait, je le dis avec beaucoup d’humilité. Mais en les écoutant, j’ai compris que c’était notamment une question de pouvoir d’achat intimement lié au versement des pensions alimentaires. Ce sujet n’existait pas dans le débat politique, or il concerne deux millions de familles. Les pensions alimentaires sont payées de manière irrégulière dans plus de la moitié des cas, ou pas du tout dans un tiers des cas. Quand vous êtes une femme caissière élevant seule vos enfants et que la pension est versée aléatoirement, ça veut dire que vous vivez un drame à chaque fois.
ELLE. Des recours étaient déjà possibles en cas de pensions non payées...
E.M. Oui, mais nous avons rendu le système automatique depuis le 1er janvier. Celui-ci permet de déclencher le paiement de la pension, sans qu’il y ait besoin d’un jugement au préalable, et de le garantir tout le temps. L’État est le tiers de confiance et c’est la CAF qui verse le montant de la pension, et va la prélever sur le compte de l’homme qui ne l’a pas versée. Des centaines de milliers de femmes sont dans une sorte d’angle mort du débat politique. Elles sont chefs d’une famille monoparentale, elles subissent des temps partiels, moyennement rémunérés… Nous menons une politique de rattrapage, non seulement avec les pensions alimentaires mais aussi avec la prime d’activité. C’est très important pour le pouvoir d’achat et la considération. Ce sont des mesures très concrètes d’émancipation des femmes de tous les milieux, tout comme l’aménagement du temps périscolaire, le congé paternité ou l’école obligatoire dès 3 ans. Cela leur permet de récupérer du temps pour elles, pour se reformer, pour travailler. C’est une vraie politique de transformation.
ELLE. Une femme sur dix est atteinte d’endométriose. Il faut sept ans pour diagnostiquer cette maladie, aucun traitement spécifique n’existe. Avez-vous prévu des mesures spécifiques en la matière ?
E.M. Oui. Cela fait partie de ces maladies douloureuses et très handicapantes pouvant conduire à l’infertilité. Elle est mal et trop tardivement diagnostiquée. Des jeunes filles, des femmes vivent des situations terribles, souffrent et se sentent marginalisées. Il n’y a pas suffisamment de recherche, de formation et de sensibilisation du public. Il faut permettre au plus tôt à toutes les femmes, sur la totalité du territoire, de bénéficier d’une prise en charge médicale et psychologique ainsi due d’un accompagnement adapté. La stratégie est en cours d’élaboration. J’annoncerai des mesures en ce sens dès la rentrée.
ELLE. Malgré toutes les mesures prises pour améliorer la place des femmes dans les entreprises, les hommes gagnent toujours 17 % (Insee) de plus que les femmes à formation et à poste égaux. Qu’est-ce qui ne va pas ?
E.M. Avec l’index de l’égalité professionnelle créé par la loi Pénicaud, nous avons mis en place pour la première fois une obligation de résultat en matière d’égalité salariale, assortie d’une obligation de transparence et d’une notation systématique des entreprises. C’était en 2018. La loi est en train de se déployer dans les entreprises et on observe déjà de premiers résultats : les femmes sont davantage augmentées à leur retour de congé maternité et les écarts de salaires commencent à se réduire. Il faut désormais aller au bout de l’application des textes. C’est maintenant que l’on doit obtenir les résultats, en particulier dans les entreprises les plus importantes et la fonction publique. On ne sort pas facilement de décennies d’habitudes prises qui ont créé un confort dont certains n’ont aucune envie de sortir. Je le vois aussi dans la fonction publique ! Il ne faut rien lâcher.
macron3-2
© Benoît Peverelli
ELLE. Depuis votre élection, les gouvernements sont paritaires. Mais une seule femme occupe un poste régalien, Florence Parly, aux Armées. Et votre cabinet compte 19 conseillères pour 39 hommes. L’exercice du pouvoir leur est-il encore réservé ?
E.M. L’une de mes plus grandes fiertés est d’avoir un groupe parlementaire avec 47 % de femmes. C’est une première dans l’histoire de la Ve République. On l’a fait en essayant de lever l’autocensure, en encourageant les femmes à s’engager. Il n’y a pas de fatalité. J’essaie de nommer celles et ceux qui sont les meilleurs dans leur domaine, qu’il n’y ait pas de plafond de verre pour qui que ce soit, que les gens grandissent. Il y a quelques jours, j’ai ainsi nommé une femme, Laurence des Cars, à la tête du Louvre. Une première.
ELLE. Le congé paternité est passé de 14 à 28 jours le 1er juillet. Certaines entreprises sont déjà très réticentes. Est-ce que vous obligerez vos ministres à le prendre ?
E.M. C’est une avancée sociale et sociétale majeure. Elle est cruciale car elle s’attaque aux inégalités les plus difficiles à toucher, celles qui se nichent à la maison. Avoir le père présent dès la naissance, cela va permettre de poser les bases d’une répartition équilibrée des responsabilités familiales dès le départ. J’ai bien sûr incité mes ministres à le prendre. Le ministre de l’Intérieur m’avait écrit pour poser son congé paternité, mais il a été rattrapé par l’actualité, après un attentat. On a créé ce droit, mais il ne faut pas se tromper de sujet. Il ne faut pas prendre comme références les gens de l’exécutif, à qui l’on ne permet même plus de respirer ou de vivre ! Aujourd’hui, quand un ministre prend ses congés payés, certains trouvent cela anormal.
ELLE. Vous-même parlez de l’importance des exemples…
E.M. Oui, mais le congé paternité était plutôt pris par les cadres supérieurs, dans les grands groupes. Là, on dit qu’il y a une partie qui est obligatoire pour protéger les gens dans des structures plus petites où, pour des raisons culturelles, ce congé a du mal à être accepté. C’est ça, le sujet. Et c’est pour ça que ce nouveau congé n’est pas un droit fantoche, mais est véritablement universel et accessible à tous les pères, indépendamment de l’emploi qu’ils occupent.
Lire aussi >> Emmanuel Macron : « Je ne vais pas changer de Premier ministre »
ELLE. L’allongement du délai de l’avortement de 12 à 14 semaines demandé par les associations féministes a été rejeté par le Parlement en février dernier, qu’en pensez-vous ?
E.M. Je n’y suis pas favorable. Chaque année, 4 000 à 5 000 femmes vont à l’étranger pour pouvoir le faire, mais c’est avant tout le signe d’un échec de notre prise en charge. L’IVG est une conquête immense pour les femmes et pour les hommes, pour la dignité et l’humanité de tous. Mais je mesure le traumatisme que c’est pour une femme d’avorter…
ELLE. Vous le mesurez… jusqu’à une certaine limite !
E.M. Vous avez raison, je ne le vivrai jamais. Cela ne m’empêche pas de le mesurer avec beaucoup plus de respect que des gens qui pensent que ce n’est rien d’avorter à 16 semaines. Tous les gynécologues le disent, c’est plus traumatisant dans ces délais-là. L’enjeu est donc d’accompagner beaucoup plus tôt les femmes, par exemple en se battant dans toutes les régions où il y a encore des professionnels qui refusent de la pratiquer…
ELLE. Vous souhaitez abolir la clause de conscience des médecins ?
E.M. Non. Je respecte cette clause. La loi ne règle pas tout, il faut mener le combat culturel. Et trouver les moyens, via les associations, de réinvestir ce combat, notamment en accompagnant beaucoup plus tôt les jeunes filles et les jeunes femmes qui ne trouvent pas d’aide assez tôt dans certains quartiers.
ELLE. Soixante et onze hommes reposent au Panthéon, contre cinq femmes. Allez-vous y faire entrer Gisèle Halimi, comme le souhaitent Élisabeth Moreno et les associations féministes ?
E.M. Je n’ai aucun tabou pour faire entrer des femmes au Panthéon, je l’ai d’ailleurs fait à parité, avec Maurice Genevoix et Simone Veil. Mais je ne le ferai jamais sous la pression. Je rendrai un hommage à Gisèle Halimi, mais on ne doit pas considérer que la panthéonisation est la seule manière.
ELLE. Vous aviez promis de moderniser le statut de la Première dame. Vous l’avez clarifié par une charte de transparence. Pourtant, symboliquement, rien ne semble avoir changé. Pourquoi ? Est-il possible, pour une épouse de président, d’avoir une vie civile autonome ?
E.M. En France, le pouvoir est hyper personnalisé, c’est très brutal pour les femmes et les hommes qui partagent la vie de celles et ceux qui occupent ces fonctions. Brigitte imprime sa marque à travers les causes qu’elle défend. Ce qui lui importe, c’est d’être utile. Elle a fait valoir ses droits à la retraite lorsque j’étais ministre de l’Économie, puis a repris du service à travers ses instituts Live où elle enseigne bénévolement. Quelle est la vie civile de quelqu’un qui partage la vie d’une personnalité politique ? Il y a une fonction de conjoint ou de conjointe qui est importante parce qu’on est à l’Élysée, dans une maison où l’on accueille, où l’on reçoit des dirigeants étrangers, où on le fait à deux. C’est un rôle qui doit être reconnu comme tel. Mais politiquement, sur ce sujet, il y a un refus de voir et de faire.
ELLE. Ça reste un sujet tabou…
E.M. Les fonctions politiques dans notre pays ne sont pas des fonctions normales. La fonction de président ne l’est pas du tout. Ce n’est pas vrai que vous commencez à 9 heures et que vous finissez à 19 heures, ce n’est pas possible. Cela embarque forcément les gens qui vivent avec vous. Soit on est honnête collectivement, soit vous considérez que les personnes qui occupent ces fonctions n’ont pas le droit d’avoir de vie privée, et par voie de conséquence n’ont pas de vie équilibrée. Ce n’est pas mon option.
macron4-2
© Benoît Peverelli
ELLE. Universaliste ou intersectionnel, comment définissez-vous votre féminisme ?
E.M. Mon féminisme est un humanisme, c’est une question de dignité des citoyens et citoyennes. Je suis du côté universaliste. Je ne me reconnais pas dans un combat qui renvoie chacun à son identité ou son particularisme.
ELLE. La réalisatrice afro-féministe Amandine Gay explique pourtant : « Je suis noire et femme, si je l’oublie je deviens juste humaine, mais cela ne m’empêche pas d’avoir des difficultés à trouver un logement et un emploi »…
E.M. Les difficultés structurent une vie, mais ne constituent pas ce qui vous identifie. Je pourrais vous présenter des jeunes hommes blancs qui s’appellent Kévin, habitent Amiens ou Saint-Quentin, et qui ont aussi d’immenses difficultés, pour des raisons différentes, à trouver un job. Les difficultés sociales ne sont pas uniquement structurées par le genre et par la couleur de peau, mais aussi par l’inégalité sociale, l’assignation à résidence éducative, entre autres. S’attaquer à ces problèmes est une nécessité. J’essaie de le faire avec détermination et modestie parce que nous ne sommes pas au bout de ce chemin.
ELLE. Oui, mais ce qu’Amandine Gay dit, c’est qu’elle est d’abord femme et noire, et que cela a des conséquences dans le réel…
E.M. Toute la question est de savoir si cette différence est indépassable. Je vois la société se racialiser progressivement. On s’était affranchis de cette approche et voilà que l’on réessentialise les gens par la race, et ce faisant on les assigne totalement à résidence. On ne naît pas citoyen ou citoyenne, on le devient. Cette question est au cœur du débat démocratique. Or, la logique intersectionnelle fracture tout. L’illégitimité de quelqu’un qui est autre que moi à me représenter, moi et ma sous-catégorie, que l’on peut décomposer en autant de sous-genres, c’est la négation de quelque chose d’universel dans l’aventure républicaine, nationale et humaine. Cela n’empêche pas la reconnaissance, y compris de la part d’irréductible qui participe de votre identité propre. Mais ce qui m’importe le plus, c’est la part de commun que j’ai avec vous. Et les combats que je vais mener en votre nom pour vous permettre d’accéder à une dignité égale à celle de votre voisin. C’est précisément ce qui nous permet de vivre ensemble.
ELLE. Vous avez nommé l’an dernier Gérald Darmanin, accusé de viol, ministre de l’Intérieur. Aux féministes en colère, vous avez expliqué avoir eu avec lui une « relation de confiance d’homme à homme ». Comprenez-vous que cette phrase ait choqué, tout comme sa nomination Place Beauvau ?
E.M. Cette phrase n’était pas sexuée. Et je ne cède pas à la folie ambiante qui consisterait à dire que toute personne qui fait l’objet d’une dénonciation est forcément coupable. Je défends la présomption d’innocence, qui est constitutionnelle. J’ai posé franchement cette question de confiance à Gérald Darmanin comme je l’aurais fait à une femme, c’est-à-dire de personne à personne, d’individu à individu… Formulation moins naturelle, vous le reconnaîtrez, que de dire « d’homme à homme » ! Pendant des décennies, nous avons très mal pris en charge les victimes de violences. Le risque, c’est d’entrer dans une société de la victimisation absolue, qui n’est plus une société du droit, qui entend les parties et fait justice. Si la voix de la victime couvre toutes les autres, vous n’êtes plus dans une société de justice mais de vengeance.
ELLE. Vous avez sept petits-enfants, certains sont adolescents et portent peut-être des crop top dans la rue ou à l’école. Qu’en pensez-vous ?
E.M. Je suis pour la liberté. J’ai été élevé de cette manière, et nos petits-enfants le sont aussi. Mais la liberté ne vaut que lorsqu’il y a des règles de vie commune. À la maison ou chez des amis, c’est une chose. À l’école, je suis plutôt “tenue décente exigée”, aussi bien pour les filles que pour les garçons. Je ne suis pas un défenseur de l’uniforme, mais tout ce qui vous renvoie à une identité, une volonté de choquer ou d’exister n’a pas sa place à l’école. On peut tenir compte de la part de fantaisie d’un ado et tenir bon sur certains principes !
Par Propos recueillis par Ava Djamshidi, Véronique Philipponnat et Dorothée Werner Propos recueillis par Ava Djamshidi, Véronique Philipponnat et Dorothée Werner
https://www.elle.fr/Societe/News/Emmanuel-Macron-son-entretien-exclusif-avec-ELLE-3934484