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Thaïlande : pour la Saint-Valentin, faux mariages mais vrais espoirs pour les couples gays et lesbiens

16 Février 2024, 01:46am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 Thaïlande : pour la Saint-Valentin, faux mariages mais vrais espoirs pour les couples gays et lesbiens
Publié le 14 février 2024 à 14 h 31 min
Dans un centre commercial de Bangkok, des couples de même sexe ont obtenu mercredi un certificat de mariage sans valeur officielle, à l'issue d'une cérémonie symbolique aux allures de répétition générale avant la légalisation prochaine promise par le gouvernement thaïlandais.
Photo d'illustration : mariage de deux femmes en AsiePhoto d'illustration : mariage de deux femmes en Asie - CandyRetriever / Shutterstock
Dans un centre commercial de Bangkok, des couples de même sexe ont obtenu mercredi un certificat de mariage sans valeur officielle, à l’issue d’une cérémonie symbolique aux allures de répétition générale avant la légalisation prochaine promise par le gouvernement thaïlandais.

« Je pensais que c’était impossible. Nous méritons d’avoir les mêmes droits que les autres », lance Kan Kerdmeemool, venue de Sakhon Nakhon (nord-est), 67 ans.

Face aux journalistes, elle brandit avec fierté, au côté de sa compagne Pakotchakorn Wongsupa, 72 ans, le papier aux couleurs du drapeau arc-en-ciel – symbole de la communauté LGBT -, délivré par les autorités d’un arrondissement central de la capitale.

Pour la Saint-Valentin, les autorités de la métropole de Bangkok ont proposé d’offrir des certificats de mariage sans valeur légale aux couples de même sexe, qui devaient présenter leurs papiers d’identité pour en bénéficier. Dans l’arrondissement de Pathum Wan, une vingtaine d’amoureux se sont dit « oui » dans la matinée, lors d’une cérémonie tenue dans un centre commercial prisé des touristes.

Réputé être une terre de consensus et de tolérance, le royaume pourrait bientôt devenir le premier pays d’Asie du Sud-Est à autoriser le mariage entre personnes du même sexe. Approuvé en décembre par une majorité écrasante de députés, le texte légalisant ces unions doit encore franchir plusieurs étapes, mais une activiste interrogée par l’AFP espère une adoption définitive d’ici mai.

« C’est un moment historique. Bien qu’il subsiste des traces de patriarcat et des manques dans la loi, nous essayons de faire le maximum », a insisté Naiyana Supapong, qui a pris part aux travaux d’élaboration de la loi.

La nouvelle législation doit conférer à ces couples des droits en matière d’adoption et d’héritage.

Protéger les enfants
L’actuel Premier ministre Srettha Thavisin, et son principal opposant, Pita Limjaroenrat, sont tous deux favorables au mariage entre personnes du même sexe.

En Thaïlande, si des milliers de personnes participent chaque année à la marche des fiertés à travers le territoire, la communauté LGBT+ affirme souffrir de discriminations tenaces dans le pays à majorité bouddhiste.

Ce dernier n’accorde pas de reconnaissance aux personnes trans ou non-binaires qui veulent faire modifier leur genre sur leurs papiers d’identité, a pointé Amnesty International.

« Je pense que ça pourrait être la prochaine étape », a déclaré Ariya Milintanapa, femme trans âgée de 40 ans.

En couple depuis vingt ans avec son mari américain, Lee Ronald Battiata, 65 ans, a pris part à la cérémonie avec ses deux garçons – l’un issu de l’adoption, l’autre d’une précédente union de son compagnon.

Obtenir une reconnaissance légale, « cela va avoir un impact pour les enfants. On se bat pour qu’ils aient une bonne vie (…) Ils pourront hériter, avoir les bons documents pour voyager ou aller à l’école », explique M. Battiata.

« Je pense que la société est prête » pour la nouvelle loi, assure-t-il.

En Asie, seuls le Népal et Taïwan ont légalisé le mariage des couples de même sexe.

La Rédaction avec l'AFP
La Rédaction avec l'AFP
AFP

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https://www.komitid.fr/2024/02/14/thailande-pour-la-saint-valentin-faux-mariages-mais-vrais-espoirs-pour-les-couples-homosexuels/

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Interview long format de Sonia Tir pour son essai « Sortir du placard, LGBT en politique »

23 Janvier 2024, 00:24am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 Interview long format de Sonia Tir pour son essai « Sortir du placard, LGBT en politique »
Publié le 22 janvier 2024 à 14 h 25 min
Qu'est-ce qui a motivé le choix des politiques de sortir du placard ? Pourquoi les femmes lesbiennes restent encore si peu visibles et paient parfois un prix plus fort ? Dans son essai passionnant, « Sortir du placard, LGBT en politique » (Fayard), Sonia Tir analyse les évolutions du personnel politique sur la visibilité et sur les droits des personnes LGBT. Interview.
Sonia Tir (photo Clémence Louise Biau) est l'autrice de « Sortir du placard - LGBT en politique » aux éditions FayardSonia Tir (photo Clémence Louise Biau) est l'autrice de « Sortir du placard - LGBT en politique » aux éditions Fayard
C’est un essai d’une ampleur exceptionnelle que publie en ce début d’année Sonia Tir avec Sortir du placard, LGBT en politique (Fayard). Non seulement par le grand nombre des interlocuteur·rices qu’elle fait parler sur ce sujet encore à haut risque, mais aussi par la diversité des personnalités politiques rencontrées. A l’exception des Républicains, qui lui ont dit non d’emblée, les principaux partis représentés au Parlement s’expriment dans ce livre, à travers un·e ou plusieurs représentant·es. Sonia Tir a circonscrit son analyse aux dix dernières années, en gros depuis le débat puis l’adoption de la loi dite du « mariage pour tous », en 2013, parce que cette séquence a selon elle marqué un tournant, une accélération dans la visibilité des personnes LGBT au sein du personnel politique.

Comment les politiques “out” s’en sortent-ils et pourquoi ont-ils et elles fait le choix de la visibilité ? Pourquoi les femmes lesbiennes restent encore si peu visibles et paient parfois un prix plus fort ? Depuis le coming out en 1998 de l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, vécu par beaucoup comme un acte fondateur, nombre de personnalités politiques LGBT ont émergé et Sonia Tir leur donne la parole pour tenter de comprendre ce qui a motivé leur sortie du placard et ce que cela a pu modifier (ou pas) dans leurs pratiques politiques.

Hasard du calendrier, cet essai passionnant, écrit par une ancienne journaliste et aujourd’hui conseillère politique, sort alors que la France est pour la première fois gouvernée par un Premier ministre gay, Gabriel Attal. Ce qui rend encore plus intéressant les résultats du sondage exclusif qu’elle publie en fin d’ouvrage avec l’Ifop.

Sonia Tir a accepté de répondre aux questions de Komitid.

Komitid : Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour écrire ce livre ?
Sonia Tir : Ce qui a été le plus difficile, c’est que j’ai commencé à écrire pendant la période de la réforme des retraites. Et trouver du temps disponible pour les politiques qui acceptent de répondre, ça a été vraiment la croix et la bannière. Il fallait vraiment qu’ils aient au moins une heure de libre pour pouvoir me parler de leur vie intime, de leur choix politique. Ce ne sont pas des interviews qui se font en 20 minutes. Donc ça a été assez compliqué. Quasiment tous ont joué le jeu de me caler vraiment une grosse heure dans leur agenda. J’ai le souvenir de Clément Beaune que je vois un dimanche en pleine grève et il prend deux heures et demie pour me parler. La deuxième difficulté a été de trouver des femmes politiques lesbiennes qui acceptent de témoigner.

Est-ce que vous pensez qu’un livre comme celui-ci aurait été possible il y a 10 ou 20 ans ?
Je ne pense pas qu’un tel livre aurait été possible. C’est un peu ce que j’explique et ce que le sondage aussi permet de montrer. Il y a eu un vrai basculement de l’opinion à ce sujet. Avant, il n’y avait pas beaucoup de personnalités politiques qui étaient “out”. Celles qui l’étaient faisaient le travail. Je pense à Jean-Luc Romero, qui s’est toujours exprimé, a toujours pris la parole, a pris les coups quand il fallait prendre les coups. Mais ils se comptaient sur les doigts des deux mains. Maintenant, c’est vrai qu’il y a plus de personnes “out”. Ça ne veut pas forcément dire qu’elles parlent toutes. C’est possible dix ans après le mariage pour tous, parce qu’il y a plus de gens, en fait, tout simplement.

La moindre visibilité des femmes lesbiennes, vous venez de l’aborder. Mais quand on lit dans votre essai, le destin d’une femme comme Laurence Vanceneubrock, on constate que c’est peut-être encore plus difficile pour elle, en tant que femme et en tant que lesbienne, d’évoluer dans un monde politique qui reste quand même très masculin et très dur…
Totalement. Laurence, elle est montée très haut et elle est redescendue très bas, en fait, politiquement. Parce que, justement, elle a été trop marquée, trop étiquetée par rapport à son combat pour la PMA. Et on est encore dans des milieux politiques qui sont très masculins, où il y a une sorte de lesbophobie latente, qu’on ressent comme ça. Et Laurence, en fait, elle s’est donnée corps et âme pour la PMA parce qu’elle était ultra concernée. Et je pense vraiment que ça l’a perdu dans son parti. Elle n’a pas eu le temps, parce qu’un mandat, c’est très court, de pouvoir se positionner assez sur d’autres sujets. Et ça lui a été reproché.

« Pour moi, Alice Coffin est un peu un ovni dans le milieu politique, parce qu’elle est à la fois très militante et très politique »

Vous citez régulièrement la militante et conseillère de Paris Alice Coffin. Est-ce que vous pensez que son positionnement est liée à une nouvelle génération uniquement ou plutôt une autre façon de faire de la politique ?
Alice Coffin, elle est souvent citée parce qu’encore une fois, elle, c’est un peu la Jean-Luc Romero de 2024 (rires). C’est elle qui prend les coups. C’est elle qui parle de ce sujet. Alors, il y a d’autres femmes qui s’expriment aussi, mais Alice, c’est celle qui est la plus en avant. Alice, c’est une autre approche. Pour moi, Alice Coffin est un peu un ovni dans le milieu politique, parce qu’elle est à la fois très militante et très politique. En politique, on est quand même censé faire beaucoup de diplomatie. Alice, elle n’est pas comme ça, elle rentre dans le tas et ses sujets, c’est les femmes lesbiennes et la lutte contre les violences sexuelles. Et je pense que ce n’est pas pour rien qu’en plus, elle porte la voix des lesbiennes, parce que c’est dans la radicalité et dans le fait d’être seule, très seule, qu’elle doit se faire entendre.

L’année 2023 a été marquée par la réforme des retraites et par la loi sur l’immigration  mais on a vu aussi pas mal de politiques marqués à droite faire leur mea culpa sur le mariage pour tous, voté dix ans plus tôt. Ces repentis de droite, est-ce qu’ils étaient sincères ou est-ce que c’était un peu le passage obligé ?
En fait, ce n’est pas à moi de dire si on leur accorde le pardon ou pas. C’est aux personnes insultées pendant cette période d’accorder leur pardon ou pas. Ce que j’analyse dans le livre, c’est que leur repentance arrive à point nommé. Ça arrive comme par hasard pour les dix ans du mariage pour tous, comme par hasard quand ils décident tous de quitter leur ancien parti, les Républicains, pour rejoindre le macronisme. Et je pense vraiment qu’une personne comme Gérald Darmanin ou une personne comme Catherine Vautrin, ce sont des animaux politiques au sens propre du terme. Ce sont vraiment des gens qui sont nés dans l’arène politique et ils savent très bien ce qu’ils font. Mais ça ne peut pas gommer le mal qu’ils ont fait. Ils ont agi à l’époque par calcul politicien et maintenant, leur repentance, elle est similaire, en fait. Chaque fois, ce sont des coups de com’ pour moi. C’est un peu ce que Caroline Cailleux me répond dans le livre. Elle fait aussi œuvre de repentance. Mais ce que je précise après, c’est qu’en fait, depuis qu’elle a dit ça, elle n’a rien fait pour les droits LGBT. Elle n’a pas participé à l’ouverture d’un centre LGBT à Beauvais, par exemple. Elle ne s’est pas engagée là-dessus. Elle ne s’est pas exprimée. Moi, je dis que c’est super de dire des mots, mais il faut des actes.

« Xavier Bettel est un homme exceptionnel, vraiment engagé sur ces sujets. En plus, il incarne avec son mari un couple tellement mignon… »

J’aimerai avoir votre avis sur la phrase, que j’ai trouvé un peu étrange de Ian Brossat qui dit dans votre livre qu’il est « communiste avant d’être gay »…
C’est vrai que lorsque Ian m’a dit ça, je lui ai fait répéter deux fois. Je lui ai fait même relire pour être sûre. Ce qu’il veut dire, c’est qu’évidemment, le fait d’être homosexuel appartient totalement à sa vie personnelle, à son engagement politique, et on pourra toujours trouver un soutien en lui. Mais par contre, son engagement politique profond, c’est le communisme. C’est un peu ce qui se passe au Parti communiste, en plus. On préfère y avoir une approche intersectionnelle de tous les sujets. Avec toujours, en fait, le même prisme, le prisme social. Si on parle à Ian Brossat des droits LGBT, il va tout de suite parler carence dans les retraites, inégalités de salaire, difficultés pour les personnes trans de trouver un travail.

Votre livre montre que de plus en plus de personnes, en particulier des hommes gays, font leur coming-out. Mais la phrase d’après, c’est : “je ne veux pas être porte-parole” ou “je ne veux pas être porte-drapeau” Comment vous interprétez cela ?
C’est le grand tabou qui existe dans notre société française en 2024. On a une évolution positive de la société, comme le montre le sondage dans mon livre. Mais à quel prix ! Au prix de renier les engagements, de ne pas se montrer partout, de ne pas se positionner sur ces sujets. C’est Mathieu Magnaudeix (journaliste à Mediapart, ndlr) qui avait cette formule : ” gay, mais pas trop”. C’est OK de faire son coming-out, c’est bien de le faire, voilà, de communiquer avec les Français sur sa vie privée, de donner des clés pour mieux comprendre un personnage. Mais par contre, on a l’impression que quand même, l’opinion des Français, c’est : on ne veut pas Gabriel Attal sur un char de la Marche des fiertés. C’est quelque chose qui me met toujours un peu mal à l’aise. Je prends l’exemple de Xavier Bettel dans le livre, qui est le vice-premier ministre du Luxembourg. Il n’est pas plus militant, mais en même temps, ça fait partie de son engagement. Quand il est au Conseil européen ou quand il est à la Ligue arabe, il parle du fait qu’il est gay. Et je n’ai pas l’impression que Xavier Bettel soit regardé comme un alien par les autres.

Xavier Bettel, vous lui vous consacrez un long chapitre. Est-ce un exemple pour vous ?
J’avais découvert Xavier Bettel, en fait, par des vidéos qu’on m’avait envoyés en me disant, c’est intéressant ce qui se passe au Luxembourg, c’est un petit pays, mais c’est un grand homme politique. Et je n’ai pas du tout été déçue ! Xavier Bettel est un homme exceptionnel, vraiment engagé sur ces sujets. En plus, il incarne avec son mari un couple tellement mignon, c’est un couple role model en fait. Ce sont deux hommes qui s’aiment et qui s’aiment à travers une vie politique aussi, qui n’ont pas peur d’aller ensemble, main dans la main, de casser le protocole. Xavier Bettel, il fait du bien à la vie politique européenne et mondiale. Il a complètement réglé les problèmes de l’opinion. Lui, il est comme ça et il l’explique. Et en fait, c’est assez intéressant parce que, quand il me dit qu’il voudrait que ce soit un non-sujet, je le crois. Et c’est par ses actions, à lui, que ce sera à un moment un non-sujet. Et je pense vraiment que le Premier ministre français pourrait prendre l’exemple sur Xavier Bettel !

« La droite a vraiment tout perdu à partir du moment où elle s’est réfugiée dans la Manif pour tous »

Dans votre livre, vous analysez la position de la droite. Pensez-vous que son opposition au mariage et autres avancées des droits a pu jouer dans ses défaites, en 2012 et en 2017 ?
Je pense que la droite a vraiment tout perdu à partir du moment où elle s’est réfugiée dans la Manif pour tous. Avant de consulter sa base politique, donc ses élu·es de tous les territoires, elle a commencé à ruer dans les brancards pour aller glaner quelques voix. Et ça a créé une grosse scission. Ils ont perdu déjà de leur âme chiraquienne… Chirac, je n’en parle pas parce que le livre commence en 2013, mais ce n’était pas quelqu’un qui était un opposant aux droits LGBT. Ce n’était pas non plus un militant acharné, mais on n’était pas sur des paroles comme le “lobby LGBT” qu’on peut entendre chez Eric Ciotti (président des Républicains, ndlr). La droite s’est noyée en 2017 avec François Fillon, qui a complètement basculé dans une droite réactionnaire. Ce n’était pas une surprise, car Fillon a un passif électoral sur ce sujet. Il a, dans son bateau, emmené des gens qui sont au gouvernement maintenant, comme Darmanin et Lecornu. En 2017, c’est la Bérezina quand il décide de mettre à côté de lui, dans des meetings, des gens de la Manif pour tous, de Sens commun, quatre ans après la loi, c’est la gifle ! La tête de liste aux européennes, François-Xavier Bellamy, opposé à la PMA, opposé à la GPA, opposé au mariage pour tous, qui faisait partie des Veilleurs à Versailles… Enfin, vraiment, ils n’ont rien compris. Et c’est triste, parce que, dans leur parti, il y a un député, Maxime Minot, qui n’est pas très connu, mais qui a le mérite d’exister, et qui, lui, je pense, doit être très mal à l’aise avec ce genre de prises de position. Et même pire, ce positionnement provoque la fuite de cadres qui vont au Rassemblement national et à l’extrême droite. Je trouve ça délirant que, politiquement, ils ne comprennent pas qu’ils sont censés incarner un arc républicain, encore une fois, et qu’ils laissent des gens partir pour ces raisons-là, et partir plus à droite qu’eux, en fait. Et je trouve ça vraiment dommage.

Si on avait des doutes ou si on se posait des questions sur le positionnement du RN par rapport aux questions LGBT, le chapitre vraiment passionnant,  que vous consacrez à un meeting du RN, est glaçant. Comment avez-vous réagi lors de ce meeting ?
Je pensais savoir où je mettais les pieds puisque quand j’étais journaliste, j’avais l’habitude de couvrir l’extrême droite. Mais là, franchement,
ce qui m’a frappée, d’abord, c’est le lieu. On est sous les ors de la Maison de l’Amérique latine, on est dans un quelque chose de très pompeux, à deux pas du Sénat et de l’Assemblée. Et puis, le deuxième élément, c’est cette ferveur avec Bardella. On a l’impression d’être au gospel. Ce qui m’a effaré, c’est la multitude de fausses informations que j’ai pu entendre sur les personnes trans. Je suis sortie de ce truc-là assez secouée et  je le raconte. Mais je n’ai pas vu énormément de papiers à ce sujet alors qu’il y avait beaucoup de journalistes. Ils n’ont pas traité ce sujet en fait.

Dans votre livre, un membre du RN fait son coming out, il s’agit de Thomas Ménagé, député du Loiret. Est-ce que vous vous y attendiez ?
Je ne m’y attendais pas du tout. J’avais prévu mes interviews avec deux députés du RN “out”, Sébastien Chenu et Jean-Philippe Tanguy et c’est par eux que je suis entrée en contact avec Thomas Ménagé. Ce que je raconte dans le livre, c’est qu’au début, je ne sais pas qu’il n’a pas fait son coming out. Moi, je sais qu’il est gay.Et je me retrouve embarquée dans un truc où il commence à me raconter qu’il était porte-parole de la Manif pour tous, que ses premiers émois sexuels il les a eus lors des manifestations, que son père n’est au courant que depuis six mois. Quand tu lui mets le nez dans les votes de l’extrême droite, il n’a pas l’air de trop comprendre. Donc c’est ça qui est assez intéressant chez lui. Je pense que c’est un garçon qui se pose plein de questions et qui a plein de paradoxes aussi. Mais quand il me dit pourquoi pas ouvrir un centre pour réfugiés LGBT dans sa circonscription, on n’y croit pas et on se dit que ce n’est pas possible. Il a un aréopage autour de lui qui fait que ça ne se passera jamais. Trois députés RN sont “out” à l’Assemblée. Ils font beaucoup de bruit parce que ce sont des porte-paroles, ils sont invités sur les plateaux. Marine Le Pen les aime beaucoup et les protège beaucoup. Mais le reste derrière, ce ne sont pas des copains. Donc, méfiance quand même sur le RN. Même si, je suis désolée de le dire encore une fois, par rapport aux Républicains, il y a un tout petit peu plus peut-être de travail qui est fait. Ils ont répondu en tout cas et ils prennent les coups qu’on leur met. On peut discuter.

« Je ne pensais pas qu’il y aurait 35 % des Français·es qui seraient opposés à voter pour un président gay »

Avez-vous été interpellée ou surprise par certains résultats du sondage ?
Je ne pensais pas qu’il y aurait 35 % des Français·es qui seraient opposés à voter pour un président gay. Ça peut ne pas paraître beaucoup pour certaines personnes. Ça représente plus de 17 millions d’inscrits qui considèrent que l’orientation sexuelle d’un candidat est un frein à un vote. Je trouve ça terrible. Et c’est assez paradoxal, parce qu’en même temps, effectivement, Macron vient de nommer un Premier ministre de la République qui est gay.  Ce chiffre m’a vraiment interpellée. Puis quand on se plonge dans les détails, ces 35 %, ils sont à la fois chez Zemmour, chez les personnes âgées, mais aussi chez les religieux, les évangélistes, les musulmans. Il y a une vraie fracture. Ce qui m’a aussi surpris dans le sondage, c’est quand on a testé les personnalités politiques. Il y a quelque chose que je n’arrive pas à m’expliquer, et je pense que c’est l’exception française, c’est d’avoir Emmanuel Macron et Gabriel Attal très haut et d’avoir Mélenchon et Rousseau, qui les talonnent. Et puis Marine Le Pen, qui n’est pas si bas, en fait. Je n’arrive pas à comprendre comment des gens peuvent considérer que Yannick Jadot, par exemple, est moins pro-LGBT que Marine Le Pen. Il y a un vrai sujet aussi, c’est que la gauche est un peu flemmarde sur ces questions. J’en parlais avec les Insoumis quand j’ai fait mes interviews. Ils ont abandonné ce sujet. Alors, abandonner, c’est un peu fort, peut-être comme mot, parce qu’ils sont présents dans les manifestations, ils sont en soutien quand il faut faire des choses, mais c’est assez mou, quoi.

C’est aussi peut-être parce que la gauche n’a pas fait son devoir d’inventaire sur son attitude, qu’on a pu juger trop laxiste face à la montée de l’homophobie durant les débats sur  le mariage pour tous…
Je pense que oui, il y a un vrai retour de bâton de la mollesse de certaines personnalités de gauche à l’époque des débats, et puis surtout, le fait d’avoir abandonné la PMA aussi. Je pense que c’est quelque chose, et mes interlocuteurs m’en parlent, qui a marqué à gauche.

On a parlé de l’éventualité de voter pour un candidat gay à la présidentielle. Est-ce qu’on n’y est pas avec la nomination de Gabriel Attal au poste de Premier ministre et peut-être futur candidat en 2027 ?
En fait, Gabriel Attal, c’est un personnage très intéressant. Je pense que ça met mal à l’aise pas mal de personnes, pas mal de militants, mais c’est un symbole. En fait, on est que la septième puissance mondiale mette à Matignon un homme gay. Moi, je trouve ça super.
Symboliquement, c’est génial. C’est exactement ça la visibilité. Mais à quel prix ! Quand on voit le gouvernement qui a été nommé, quand on voit la manière dont Attal défend bec et ongles Catherine Vautrin (anti-mariage pour tous.tes, ndlr). C’est quelqu’un qui n’est pas à l’aise avec ça. Il faut rappeler qu’il a été outé et que ce n’est pas lui qui a fait la démarche. Il l’aurait peut-être faite, on ne sait pas. Il n’a d’ailleurs pas voulu me répondre parce qu’il considère qu’il ne veut pas être “marketé” LGBT. Pour lui, c’est un sujet très particulier et je ne pense pas qu’il le prendra à bras le corps. Après, si sa nomination peut permettre à d’autres hommes ou d’autres femmes “out” de mener campagne et de se positionner sur des fonctions comme Président ou Premier ministre, tant mieux, il aura servi au moins à ça. Bertrand Delanoé, en faisant son coming out (en 1998, ndlr) a ouvert la porte du placard. Je le vois quand je discute avec des militant·es ou avec des gens qui s’en réclament. Beaune, Attal, Dussopt, ils ont tous Delanoë à la bouche ! Même des écolos, même David Belliard, il parle de Delanoé. Je pense qu’on doit au moins lui reconnaître ça.

Mais globalement, qu’est-ce que ça pourrait changer dans nos relations internationales que Gabriel Attal soit gay ?
En fait, c’est ce que j’explique au début du livre et ce que je raconte de mon histoire personnelle. J’ai grandi dans un milieu très homophobe, très religieux, très compliqué. Et en fait, je pense vraiment que si mes parents, à la télé, ou si on leur avait demandé d’aller voter pour une personne LGBT qui en parlait, qui posait avec son compagnon dans Paris Match, ça aurait déjà permis d’apaiser les choses. Je pense que ça sert à ça, un chef d’État. Un chef d’État, c’est dans la représentation, c’est un symbole. Il faut qu’à l’international, les gens puissent adorer avoir un premier ministre gay. Je trouverais ça super, moi. Et surtout dans des pays où c’est compliqué, où il y a encore des personnes LGBT qui meurent. C’est vraiment très fort, en fait, qu’il en parle. Par exemple, quand il a été élu, il y a eu la une horrible d’un média au Sénégal. Dans un monde idéal, on aurait voulu une condamnation de la part du Premier ministre. Et ça, on l’a pas eu.

Quelles seraient selon vous les chantiers prioritaires pour les personnes LGBT en général et pour les personnes LGBT en politique ?
Je pense que les deux sont liés. Une urgence, c’est de l’argent pour les centres LGBT et encore plus de centres LGBT. On a dû supprimer des chapitres, mais j’avais commencé un chapitre sur les territoires ultramarins. C’est terrible, en fait, ce qu’il s’y passe mais ça intéresse moins les gens. On y parle clairement de “thérapies de conversion”. De gens qui sont en train de fuguer, dans des situations vraiment déplorables, en fait, par rapport à leur orientation sexuelle. Il faudrait qu’il y ait un centre LGBT par département, qu’il y ait une porte qui soit ouverte, que tout le monde puisse la pousser, que les profs puissent donner cette adresse à des élèves. Ce n’est pas normal qu’un enfant de 16 ans qui habite à Mulhouse doive aller à Strasbourg pour pouvoir parler. Le deuxième sujet, et c’est un militant écolo qui me raconte cette histoire : il a peur d’aller porter plainte au commissariat. Ce n’est pas normal. C’est la même chose pour les femmes. Ce n’est pas normal que les personnes LGBT aient peur d’aller pousser la porte d’un commissariat. Et c’est super de faire des conférences comme Darmanin l’a fait. C’est super de nommer un officier de liaison mais, en fait, il faut des formations, des formations, et encore des formations. Il faut réconcilier les gens. Donc, le sujet de la sécurité, pour moi, c’est un sujet majeur. Et le troisième sujet, qui est un sujet dantesque, c’est sur l’Education nationale. Des profs aimeraient pouvoir parler de ces sujets, aborder le questionnement de leurs élèves trans. Exemple dont on m’a parlé : un élève vient voir un prof et lui dit : « Je vais faire ma transition quand je serai majeure. Je ne veux plus qu’on utilise mon prénom, mon dead name, mon prénom de naissance. Est-ce que vous pouvez m’appeler comme ça ? ». Le prof est OK parce qu’il est ouvert là-dessus. Et la hiérarchie lui dit non. Il y a aussi un vrai sujet de désintox à faire là-dessus. A entendre l’extrême droite, il y a des méchantes personnes qui attendent des enfants dans les toilettes des collèges pour les mutiler… C’est au gouvernement de lutter contre ça. C’est aux personnalités politiques de démentir. Enfin,  politiquement, si on parle d’une action au niveau des politiques stricto-sensu, je pense que les partis doivent se poser et se demander pourquoi il n’y a pas de personnes LGBT dans nos têtes de liste, de la même manière que des personnes noires ou arabes. Sans vouloir cocher des cases mais pour essayer de créer une émulation pour que les partis politiques soient une safe place pour les gens qui veulent se lancer. Il y a une grosse action politique à faire là-dessus.

« Sortir du placard – LGBT en politique », de Sonia Tir, Fayard, 300 p., 20 euros
 

Christophe Martet
Christophe Martet
 @MartetChristoph

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Muriel Robin et son épouse Anne Le Nen reviennent sur leur long combat pour avoir un enfant

31 Décembre 2023, 18:17pm

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 Muriel Robin et son épouse Anne Le Nen reviennent sur leur long combat pour avoir un enfant
Christelle Murhula
 Publié le 27 décembre 2023 à 15h15
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MADMOIZELLE  SOCIÉTÉ
Ensemble depuis 20 ans, les deux comédiennes se sont confiées dans l’émission « Sept à Huit » sur leur parcours d’insémination artificielle afin d’avoir un enfant.
« Les choses n’étaient apparemment pas écrites comme ça pour nous » Dans l’émission Sept à Huit diffusée dimanche 24 décembre, Muriel Robin et son épouse Anne Le Nen sont revenues sur leur parcours de combattantes afin d’avoir un enfant par insémination artificielle, la PMA n’étant pas légale pour les couples lesbiens à l’époque.


« J’allais peut-être avoir un enfant, mais j’avais un peu perdu Anne »
Elles expliquent alors avoir « commandé un donneur » mais que le paquet s’était perdu. « Il y avait six doses dedans, ça se perd, donc on va chez DHL et qu’est-ce qu’il y a dans le paquet madame ? Bon on ne peut pas vous dire trop mais on ouvre la boîte en bois, on dévisse une bonbonne, il y a de la fumée qui sort et là-dedans on sait qu’il y a le père de notre enfant », confie Muriel Robin avec humour. Elle et son épouse se rejoignaient sur les tournages pour effectuer le traitement, car « les fenêtres pour les inséminations sont très précises ».

À lire aussi : PMA : les demandes explosent, mais les délais s’allongent

En vidéo Les freins au dépistage du cancer du sein #shorts

Veuillez fermer la vidéo flottante pour reprendre la lecture ici.

Des précisions qui ont amené Anne Le Nen, qui devait porter l’enfant, à faire une fixation sur les calendriers d’insémination et le traitement hormonal qui en a découlé : « J’étais en plein tournage et pourtant, je ne faisais que regarder l’horloge », a-t-elle révélé.

Pour Muriel Robin : « Elle était devenue folle. Il n’y a que les femmes qui peuvent savoir ce que c’est. J’allais peut-être avoir un enfant, mais j’avais un peu perdu Anne », a-t-elle expliqué. Pour Anne Le Nen, il s’agit d’un souvenir très douloureux : « C’était affreux », a-t-elle assuré.

Finalement, les deux comédiennes ont fait le choix de ne pas poursuivre leur parcours, l’insémination n’ayant pas fonctionné. « Nous voilà toutes les deux. Et tout l’amour que l’on a à donner, on se le donne à nous. On fait des enfants autrement ». Aujourd’hui, Muriel Robin s’est par ailleurs maintes fois positionnée pour la PMA pour toutes, avant qu’elle ne soit légalisée en août 2021.


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LA DÉPORTATION DES HOMOSEXUELS

30 Novembre 2023, 20:34pm

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

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DÉBATS DEPUIS 1994, DÉBATS ET COLLOQUES
LA DÉPORTATION DES HOMOSEXUELS
La déportation des homosexuels – Jean le BITOUX et Emile TEMIME 9 avril 1994

Conférence-débat du 9 Avril 1994
Auditorium du Musée d’Histoire (Marseille)
Jean Le BITOUX, journaliste, écrivain
et Emile TEMIME, historien
Association Mémoire des Sexualités
(en collaboration avec le Collectif Gai et Lesbien Marseille-Provence)
Transcription : Anne Guérin – mise en page : Pascal Janvier

La DEPORTATION DES HOMOSEXUELS

INTRODUCTION
La déportation des juifs pendant la guerre de 1939-1945 a été massive et odieuse. On oublie souvent que la déportation a touché aussi de nombreuses autres minorités : tziganes, opposants politiques et religieux, handicapés et malades mentaux, prostituées, mais aussi des homosexuels. 10 000 à 20 000 homosexuels ont été déportés par les nazis, et le régime de Vichy a, là comme ailleurs, prêté mainforte à l’exode et au massacre.
Pierre Seel, l’un des rares survivants a voulu s’exprimer, après avoir longtemps cherché à oublier. Dans un livre à deux voix, avec Jean Le Bitoux, il raconte son histoire. Emile Temime qui connaît bien cette période, nous aidera à resituer le contexte de toutes ces  déportations.
Jean Le Bitoux : En juin 1940, les Allemands envahissent la France après une guerre éclair, contournent les Ardennes et se
précipitent sur l’Alsace-Lorraine, région qu’ils estiment leur appartenir. La région se trouve immédiatement sous un régime d’extrême vigilance et d’extrême répression. La résistance s’organise, mais l’Alsace-Lorraine « normalisée » est annexée au Grand Reich. Arrestations et déportations commencent
aussitôt. Il y a en Alsace-Lorraine plus de résistance et d’incarcérations que dans toute autre région de France. Des réseaux de filature et/ou de renseignement, sont mis en place. Il faut dénoncer à tout prix ceux qui sont allergiques à l’ordre nazi. Des listes de juifs et d’homosexuels sortent des tiroirs et sont remis aux Allemands.
C’est une très vieille habitude policière que de ficher, dans chaque ville, les gens qui ne sont pas comme les autres. Des témoignages fiables nous permettent d’affirmer que ces fichiers furent patiemment élaborés par la police française pendant les années qui précédèrent l’invasion. Un scandale de mœurs avait éclaté en 1934-35. Le procès n’eut jamais lieu mais il fournit à la police un prétexte pour convoquer des dizaines d’homosexuels et les interroger : « êtes-vous au courant de ce scandale ? En avez-vous fait partie ? Connaissez-vous des homosexuels ? Avez-vous un carnet d’adresses ? Donneznous
la liste des homosexuels qui y figurent ». D’un côté, il y eut une volonté de surveiller et punir, mais d’un autre côté il y eut des homosexuels voulant prouver leur innocence dans cette affaire de moeurs. Des noms furent donc livrés, en toute innocence (des membres de la famille, des voisins, des connaissances……)
Les Allemands eurent ainsi à connaître des homosexuels alsaciens et lorrains mais aussi des noms de personnages hauts placés – ecclésiastiques, par exemple – auprès desquels ils pourraient exercer un chantage discret, qu’ils pourraient surveiller davantage et qui deviendraient donc, pour des actes relevant de la vie privée, la proie de l’occupant. Toutes ces personnes devaient constituer un fichier assez important, qui devait être utilisé lors des premières rafles, en 1940/1941.

En mai 41, le jeune Pierre Seel est convoqué par la Gestapo et dès le lendemain il est introduit dans ses locaux et torturé.
Pourquoi son nom figurait-il dans le fichier des homosexuels de Mulhouse ? C’est très simple. Plusieurs années auparavant, à 17 ans, il draguait un peu dans les squares de Mulhouse. Entre le lycée et la maison familiale se trouvait un square qu’il
aimait bien. Et où, un jour, on lui vola sa montre. Indigné, il alla au commissariat se plaindre du vol. Le policier lui demanda
ce qu’il faisait à une heure très tardive dans ce square connu comme étant un square homosexuel. Le policier le réprimande,
archive sa plainte et – Pierre s’en apercevra par la suite – inscrit son nom dans le fameux fichier parfaitement illégal. Lorsque
Pierre se trouvera face à ses tortionnaires, on lui ressortira ce procès-verbal vieux de trois ans. Contrairement à d’autres
homosexuels, qui furent expulsés, Pierre ne pu nier son homosexualité, et fut expédié au camp de Schirmeck, un petit village
Pierre SEEL est ciblé

RAPPEL HISTORIQUE

A 30 kilomètres de Strasbourg où, pendant la « drôle de guerre » furent construits à la hâte des baraquements destinés à la
population frontalière à évacuer parce que trop proche du front, au cas où la guerre serait déclarée. Les Allemands
réquisitionnèrent tout ce qui ressemblait à un baraquement tout ce qui pouvait servir de parc carcéral, parce que beaucoup de gens furent arrêtes, raflés, beaucoup torturés. Le camp de Schirmeck avait pour modèle les camps de rééducation allemands.
Il y avait des barbelés des miradors, des baraquements, buanderie, économats, la séparation des hommes et des femmes… Le tout était dirigé par les SS.
M. Karlbück qui dirigea ce camp, avait déjà dirigé deux camps de concentration en Allemagne. Ancien chômeur, il devint
obersturmfürherà 44 ans. Il avait rejoint le parti nazi desannées auparavant. Il devint tout de suite une autorité dans les rangs SS. Il instaura la terreur dans ce camp où se retrouvaient toutes les populations dont le dénominateur commun était la haine
de l’idéologie nazie : communistes, républicains espagnols, résistants, tziganes, « asociaux » (dont Pierre et d’autres
homosexuels).
J’aurais du mal à vous raconter sans émotion cette période qui concerne la « vie » dans le camp de Schirmeck. Ce sont des pages terribles qui font honte à l’humanité. Pierre passe six mois dans ce camp puis on lui dit : « signez ce papier et vous pourrez sortir ». Il n’en croit pas ses oreilles, rentre chez lui, se demandant ce qu’il a signé. Et cela ne tarde pas : il est incorporé sous les drapeaux et envoyé sur le front yougoslave. Toute cette époque de la guerre est pour Pierre une épreuve terrible parce qu’il la fait dans un uniforme qu’il déteste. Après un périple hallucinant dans tous les pays d’Europe en guerre on le retrouve, en 1945, dans sa famille, à Mulhouse. Il a alors 23 ans. Sa famille est très bourgeoise. Papa est le grand pâtissier de Mulhouse. La foi catholique anime parfaitement cette famille, le patriotisme aussi. On demande à Pierre de ne pas parler de ce qu’il a vécu, de ses tortures, et surtout du motif de son incarcération. Pierre va donc se retrouver avec sa honte. Aussi, pendant trente ans, il va faire semblant d’être hétérosexuel, il va se taire, se marier, et même faire des enfants. Dans l’itinéraire de Pierre, ces années-là sont aussi lourdes que celles qu’il a vécues pendant la guerre. Pendant ces
quelques trente années, il reste ainsi figé, portant son lourd secret avec ce malheur derrière lui, et sans avenir devant. C’est l’époque de sa seconde souffrance.
En 1981, Mgr Elchinger, alors évêque de Strasbourg, que l’on peut qualifier d’intégriste puisqu’il est contre l’avortement, contre les mariages entre catholiques et protestants, et évidemment contre les homosexuels (en fait, contre tout ce qui bouge), à l’occasion d’un congrès européen, celui de l’Internationale homosexuelle – l’IGA, l’International Gay Association réunie pour la 1ère fois en France alors que la gauche vient d’arriver au pouvoir – qui se tenaitalorsà Strasbourg, fit preuve d’une réelle homophobie. Les congressistes avaient loué des chambres dans un foyer chrétien. De retour de Rome,
Mgr Elchinger donne une conférence de presse pour annoncer qu’il annule toutes les réservations alors que les congressistes sont déjà dans le train pour Strasbourg, au motif, selon lui, que les homosexuels sont des « handicapés », et que s’ils veulent faire croire qu’ils sont en bonne santé, ils se trompent !
Parce que la déclaration tonitruante de l’évêque fait du bruit dans les médias, Pierre Seel l’entend à la radio. Il est à Toulouse et il a 55 ans. Il est terriblement seul. Sa femme s’est séparée de lui et ses enfants ne le fréquentent quasiment plus. Pierre entend cette horreur, ce crachat sur l’identité homosexuelle, qui vient encore une fois d’Alsace. Il décide alors de parler, d’écrire une lettre ouverte à cet évêque, lettre qui est reprise dans la presse homosexuelle, et qui lui permet de se délivrer d’un très lourd secret. Il rappelle à cet évêque amnésique que l’Alsace a déjà souffert de ce genre d’interdit, de condamnation morale ; et qu’il ne se sent pas « handicapé » en tant qu’homosexuel, que les handicapés comme les homosexuels ont vécu dans les camps, qu’eux aussi ont été exterminés, victimes de l’idéologie nazie, de laquelle il croyait que l’Alsace était protégée.
Cette lettre ouverte n’a pas eu, pour Pierre, l’effet escompté. Il ne s’est pas fait entendre, comprendre, il n’a pas pu convaincre. Et tout à coup il s’aperçoit que pour témoigner, retracer le chemin de la déportation homosexuelle, il lui faut « des preuves ». Lesquelles ? Il n’en a aucune. Nous sommes en 1981. Quarante ans se sont écoulés. Où sonner, à quelles portes, pour avoir la preuve qu’il a été déporté, que d’autres homosexuels d’Alsace ont été raflés, torturés, expulsés ? A qui le dire pour les convaincre ? Pendant dix ans. Pierre a parcouru ce chemin en solitaire. Il ne voulait pas que le mouvement homosexuel s’occupe uniquement de lui, parce que son affaire appartenait au souvenir de toute une population, il ne s’agissait pas de la mémoire homosexuelle mais de toute la mémoire de la guerre. Au ministère des Anciens combattants et des Déportés de guerre, où on aurait dû, depuis longtemps, lui remettre sa carte de déporté, on lui ferme la porte parce qu’il n’a aucune preuve. Comment les trouver alors que les archives de Schirmeck sont presque toutes détruites, alors que celles de la Gestapo de Strasbourg ont repassé le Rhin, d’une façon étrange, à la Libération, alors qu’énormément de documents ont disparu ? Et qui trouver comme témoin d’un drame qui s’est produit il y a si longtemps ?
Pendant ces années difficiles, Pierre veut parler. Mais les papiers manquent. On le voit à la télévision, à la radio. Vous l’avez
certainement vu, vous aussi.On l’a vu dans « Perdu de vue », une émission idiote qui passe sur une chaîne privée, et qui a malgré tout un taux d’écoute, un audimat exceptionnel. Les responsables de l’émission font pression sur le ministère, lui disant : « Il faut retrouver le nom de Pierre Seel dans vos papiers, il faut résoudre ce problème. Alertez les associations de déportés, trouvez-nous les papiers de Pierre. Il est impossible que Pierre soit un mythomane qui raconte des sornettes ».
On a pu retrouver ces papiers. Au dernier moment nous les avons rajoutés dans le livre. Ils prouvent le passage de Pierre à Schirmeck, ils lui ont permis d’avoir sa carte de déporté. La commission se réunit dans quelques jours, le 16 avril. Ce jour-là j’espère que Pierre sera libéré d’un doute qui a longtemps plané sur son témoignage : ce témoignage d’un vieux monsieur qui raconte ce qui s’est passé il y a cinquante ans.
L’homosexualité est frappée, à cette époque, d’un jugement moral. Dans les années 1930/1940, lorsque les homosexuels ont fait l’objet de la haine nazie, ce jugement était encore plus sévère. Cette différence était très mal vécue, surtout dans un pays catholique fervent et patriotique. Pierre en a énormément souffert. Et cela fait partie de son silence… Juste avant la guerre, il avait pourtant affirmé son homosexualité, c’était un petit « zazou », un jeune homme élégant, il vivait une histoire d’amour avec son ami Jo (qu’il verra mourir dans le camp). Il s’assumait, ce qui était assez courageux pour un jeune bourgeois en 1939/1940. Mais à son retour de la guerre, c’est un homme détruit, terrorisé par l’ambiance qui règne à Mulhouse. Son frère aîné devient adjoint au maire. La réputation de sa famille est en jeu. Il ne songe pas à quitter l’Alsace qu’il aime, mais il y reste comme « enfermé », piégé. Son témoignage est un témoignage sur la honte.

L’idéologie nazie a toujours comporté la dénonciation des homosexuels, notamment parce qu’ils ne font pas d’enfants. Or, l’AlsaceLorraine rentrant dans le giron du nazisme, ses habitants étant à peu près des Allemands, et à ce titre ils devaient participer à la stratégie nataliste du régime, de l’idéologie nazi. Les hommes sont faits pour engrosser les femmes, et les femmes ne sont qu’un ventre, lequel appartient au Reich. C’est là le plan qu’a développé Heinrich Himmler visant à la pureté du sang et l’extermination de  tous ceux qui ne sont pas de ce sang-là.
Les homosexuels se trouvent dès lors dans une situation assez ambivalente. On va essayer de les soigner, de les rééduquer, afin qu’ils se rapprochent des femmes, qu’ils produisent quelque chose. Sinon, ils partent au front ; sinon, ils sont castrés, sinon, ils sont exterminés. On a parlé de décadence des mœurs, de perversion. Je ne crois pas que ce thème ait été un élément majeur de l’idéologie nazie. A mon avis, l’important était que la population aryenne se reproduise de façon complètement forcenée, y compris avec les « lebensborn », ces établissements qui étaient comme des usines à bébés, sur le ventre de ces femmes passaient les étalons SS pour faire le plus grand nombre possible de bébés aux yeux bleus et aux cheveux blonds.

Or les homosexuels étaient réticents à cette espèce d’industrie du bébé. S’ils ne voulaient vraiment pas s’y mettre, il fallait s’en servir comme chair à canon, ou les castrer, ou les exterminer. Autour de cette haine, se sont développées d’autres choses : ce rapport ambigu, ambivalent que nous allons peut-être évoquer, entre nazisme et homosexualité. Souvenez-vous de la « Nuit des longs couteaux ». Cette société très misogyne produisait peut-être de l’homosexualité, tout en haïssant les homosexuels. Cette idéologie super virile et misanthrope, cette ambiance dans les prisons, les milieux sportifs, les armées étaient telles qu’il y a peut- être eu des actes homosexuels. Mais il n’y a pas eu d’homosexuels, d’autant que ceux-ci n’étaient pas tolérés par l’ordre nazi. Bien sûr, il y a eu les SA, il y a eu Ernst Röhm qu’Hitler a fait exécuter, déclarant que l’homosexualité était totalement étrangère à l’univers SS. Là-dessus on peut discuter, mais dès les années 1924, dans un journal national-socialiste, la haine de l’homosexuel est explicitement formulée. On retrouve aussi des discours de Himmler aux SS expliquant que le nombre d’homosexuels en Allemagne (qu’il évalue à trois ou quatre millions) est une véritable menace pour l’Allemagne et pour la natalité. On est en guerre sur tous les fronts, les hommes partent au front, les femmes à l’usine et aux champs, tous doivent procréer, il faut que le régime nazi se reproduise, répète Himmler, car on manque de bébés.
En faisant des recherches, j’ai découvert d’autres témoignages. Comme celui d’un Alsacien de Colmar qui a été raflé peu
après Pierre, et torturé dans les locaux de la Gestapo aux fins de compléter les fichiers d’homosexuels. Mais il a été expulsé (vers la zone française, notamment Belfort) parce qu’il a nié son homosexualité, et qu’il n’y avait pas de preuve. Ou celui d’un grand résistant alsacien, Aimé Spitz qui a été arrêté lors de sa trente-quatrième ou trente-cinquième mission de résistance en Alsace et qui, au début de la guerre, a eu à comptabiliser toutes les populations expulsées d’Alsace, parmi lesquels les expulsés pour homosexualité, dont il a dressé une liste, entre juillet et décembre 1940. Nous avons donc des
preuves du fait qu’en Alsace-Lorraine la seule homosexualité permettait aux Allemands de se déchaîner, parce que nous ne sommes pas comme les autres. Des éléments qui permettent aujourd’hui de construire un dossier. Mais Aimé Spitz, lui, a témoigné juste avant de mourir alors qu’il était déjà âgé. Dans les années 1940 /1950, être homosexuel, c’est être frappé de honte. C’est l’époque de l’association Arcadie, pour qui il fallait se cacher, être comme les autres, propre sur soi, très loin de l’idée de décadence associée aux homosexuels. Cinquante ans après le drame que fut cette guerre et que l’on va bientôt célébrer avec ce grand spectacle loufoque sur les côtes normandes, avec toutes les armées et toutes les télévisions du monde, à 10 F l’entrée, pour regarder débarquer l’armée filmée par la télévision, on peut se demander si le spectaculaire sauve vraiment la mémoire. Je n’en suis pas certain. Je suis choqué par ce grand spectacle. Parlera-t-on des populations qui furent honnies par le Reich ? Des tziganes, très récemment reconnues comme populations déportées ? Sait-on qu’en France 40 000 malades mentaux ont été exterminés faute de nourriture ? Où sont les prostituées de l’époque et qui peut parler à leur place ? Personne. Certaines populations exterminées n’ont plus de mémoire et c’est peut-être là le plus terrible : ce sont des tragédies sur lesquelles nous n’avons plus aucun élément. Il faut donc remercier Pierre Seel de nous avoir fourni des documents, raconté une vie qui se déroule jusqu’à nos jours, des témoignages qui peuvent être recoupés avec d’autres
témoignages, tout aussi rares, en Allemagne. Le premier déporté homosexuel à témoigner là-bas l’a fait en 1988. Le témoignage d’un homosexuel autrichien déporté, Hans Heger a été publié en 1980. C’est dire que de telles mémoires viennent de très loin et attendent beaucoup de temps avant d’oser se dire et oser plaider pour un coin de l’Histoire qui a été oublié. Les « faits de résistance » de Pierre, exhumés par le ministère des Anciens combattants et Déportés, témoignent que l’homosexualité ne passe toujours pas aux yeux d’une génération un peu âgée, de même qu’elle ne passait pas dans les camps.
Il n’y avait dans les camps aucun système de solidarité envers ou parmi les homosexuels, alors qu’on peut deviner que les
politiques en avaient un, et les tziganes aussi. Les autres étaient unis par certains liens de famille, d’idéaux, de foi. Mais les
homosexuels étaient totalement isolés. Ils n’avaient qu’une idée (et Pierre Seel était l’un des plus jeunes du camp) de ne pas
être les boucs émissaires des autres identités, plus collectives, un petit peu moins terrorisées parce qu’elles étaient ensemble, qu’elles pouvaient se livrer à de petits trafics, s’informer. Or, Pierre Seel était seul dans le camp. A l’époque il n’existait aucun sentiment de solidarité des homosexuels entre eux. Il n’y avait pas encore d’associations homosexuelles. (Elles n’ont vu le jour, en France, qu’en 1954). Ils étaient solitaires, terrorisés, persécutés. La conscience et la protection de nos droits n’arrivent qu’après la guerre.
Quand Pierre rentre, en 1945, il doit faire face à la loi anti-homosexuels édictée par le régime de Pétain en 1942. Alors que
grâce au code Napoléon (et à Cambacérès), il n’y en avait plus eu depuis 1792. Cette nouvelle loi était inspirée par l’amiral
Darlan. Celui-ci a expliqué au maréchal qu’à Toulon, autour de l’Arsenal, beaucoup d’homosexuels attendaient l’arrivée des
marins à leur descente des navires, et que si le code militaire permettait de condamner les homosexuels dans la marine
nationale et dans les corps d’armée, par contre rien ne permettait au gouvernement de sévir contre les homosexuels civils.
Cette loi de 1942 fut promulguée avec un formidable empressement, votée à l’unanimité (je crois) sous le régime de Vichy,
par son pseudo parlement. A la Libération, tout le monde pensa, sans doute sous la pression des Américains, à supprimer les lois antisémites du code pénal, d’en faire un toilettage très approximatif. Mais tout le monde oublia d’enlever la loi antihomosexuels, qui ne fut supprimée qu’en 1982, avec la mobilisation du mouvement homosexuel et l’arrivée de M.
Mitterrand au pouvoir. Il s’agit de la suppression de l’alinéa 3 de l’article 331 du code pénal (intervenue le 2 août 1982).
Pourquoi le mouvement homosexuel ne s’est-il pas mobilisé sur la question de la déportation ? Parce que nous n’avions pas de preuves, de témoins. Que des rumeurs. Dans la littérature homosexuelle d’avant 1981/1982 il y avait très peu de chose. Pourtant on peut considérer que la déportation a fait beaucoup plus de martyrs que l’alinéa 3 de l’article 331. Celui-ci a permis des arrestations et des discriminations, mais pas des rafles, des tortures, des exécutions. C’est un dossier très ancien qui remonte aujourd’hui et que nous devons, je crois, porter ensemble parce que la déportation d’homosexuels
est l’une des hontes de l’histoire de l’Europe. Comme l’antisémitisme et le racisme d’aujourd’hui. Si l’Europe doit se construire, elle ne peut le faire en oubliant des pans entiers de son histoire, en pardonnant, par manque de preuves, à des tortionnaires d’hier. Il y a une Journée nationale de la Déportation, le dernier dimanche d’avril. Cette année nous souhaitons la célébrer à Paris mais aussi, je l’espère, dans d’autres villes. Venir avec une gerbe à la mémoire de nos aînés torturés, raflés et exterminés, cela fait toujours mauvais effet. Les associations de déportés sont toujours assez réticentes, et
c’est d’elles que dépend notre intégration ou notre exclusion du cortège officiel.
Car nous avons aussi une mémoire à honorer, nous avons aussi le souvenir de ce qu’ont vécu nos aînés. Nous n’avons pas de filiation, nous ne sommes pas une famille. Les familles peuvent transmettre un patrimoine culturel de génération. Nous ne pouvons transmettre que des documents, et l’expérience de ce que nous avons vécu. De sorte que le lien de mémoire de l’homosexualité est encore plus fragile que celui des autres parce qu’on décide seul d’être homosexuel et c’est ensuite qu’on se construit une identité collective. N’oublions pas que la mémoire, les documents, l’Histoire, sont les premières choses qu’Hitler a détruites à Berlin en 1933, en mettant à sac le Centre Hirschfeld (qui fut le fondateur du mouvement homosexuel
allemand au tout début du siècle). C’est-à-dire quelques 400 000 volumes, sans compter le buste d’Hirschfeld. Ce vilain docteur qui avait eu le double tort d’être juif et homosexuel, promené en pleine nuit dans une retraite aux flambeaux dans les rues de Berlin. Hirschfeld, ayant perdu la nationalité allemande, s’est réfugié à Nice, a tenté de continuer à faire des conférences pour expliquer que l’homosexualité méritait le respect, il a essuyé des coups de feu et est mort d’une attaque cardiaque à Nice, où il souhaitait remettre en place le Centre Hirschfeld, en 1934. Nous devons donc avoir cette exigence
de mémoire. La parole de Pierre Seel est quelque chose d’assez miraculeux, comme ce livre que nous avons pu écrire, en rassemblant les rares documents que nous avions. (Les Allemands sont beaucoup plus documentés que nous parce que leur déportation a été beaucoup plus sanglante). On ne peut pas admettre que le silence soit fait sur cette déportation tragique.
Emile TEMIME : Le cas de Pierre Seel, qui a eu tant de mal à prouver son incarcération à Schirmeck, n’est pas isolé; Il
est tout à fait courant. J’ai travaillé sur les camps, plus exactement sur une minorité peu connue qui est passée par là, à savoir les républicains espagnols à Mauthausen. J’ai découvert certaines choses. Mauthausen est le seul camp de concentration allemand sur lequel nousayons des listes précises de morts et de survivants. Car il y avait dans ce camp un secrétariat qui a pu dresser ces listes et les sauvegarder, nom par nom, alors qu’ailleurs les destructions d’archives nazies ont été systématiques, en particulier pour ce qui est des camps. On trouve aussi des noms de personnes relâchées, mais de façon tout à fait accidentelle. Ainsi y a t-il un débat, entre des gens de bonne foi, sur le nombre de juifs exterminés à Auschwitz, à Treblinka. Car nous n’avons pas ces listes. Il a fallu les énormes travaux de Serge Klarsfeld pour arriver à reconstituer à peu près certains listings, à suivre certaines trajectoires. Mais nous n’avons que des chiffres partiels.
Vous évoquez certaines minorités ayant vécu dans les camps, notamment ceux qu’on appelait les « asociaux ». En réalité, les
homosexuels ne sont pas rangés parmi les « asociaux ». Les tziganes, si. Ils portaient le triangle noir (celui des asociaux) alors que les homosexuels portaient un triangle rose. La logique concentrationnaire est quelque chose d’impeccable et d’implacable, qui a donné des catégories de gens repérables par la couleur de l’insigne qu’ils portent. Mais cela ne suffit pas. Les nazis ont systématiquement déporté les tziganes en tant que groupe. Par contre les homosexuels ont pu être incorporés dans l’armée, ou expulsés comme ceux dont vous parliez tout à l’heure. Ceci vaut aussi pour d’autres minorités. Il faut parler enfin de l’extermination commencée, mais non terminée, des handicapés et des malades mentaux. Certains ont été exterminés, pas forcément dans les camps d’ailleurs, mais dans leur cas les nazis ne sont pas toujours allés jusqu’au bout de leur logique de mort.

Sans entrer dans le détail, il faut remarquer qu’il s’agit là d’un groupe qui est visé mais qui n’est pas entièrement voué à l’extermination dès le départ.
Sur les expulsions : il y a eu, c’est exact, des homosexuels expulsés d’Alsace, mais aussi d’Allemagne, entre juin et septembre/octobre 1940. A ce moment-là, l’idéologie exterminatrice n’est pas encore en vigueur. Un exemple classique, et beaucoup plus connu : l’expulsion des juifs de Bade et d’une partie des juifs d’Alsace, en octobre 1940 précisément, vers la France de Vichy. Certains d’entre eux retrouveront plus tard les camps de concentration et d’extermination lorsqu’en 1942 ils seront raflés et envoyés là-bas. Mais en 1940 la volonté de faire disparaître ces minorités consiste seulement à chasser d’Allemagne les corps étrangers qui sont gênants. Il ne s’agit pas de les arrêter ni de les détruire physiquement. De cela il faut se rendre compte pour comprendre le caractère progressif de la politique nazie vis-à-vis des minorités. Les camps d’extermination n’existaient pas encore véritablement en janvier 1940, époque où parut un document très connu (republié
notamment par Langbeih) classant les camps de concentration en Allemagne par catégorie : or, le seul camp figurant dans la catégorie des camps d’extermination, c’est Mauthausen. Les Espagnols, dont je me suis occupé, étaient envoyés à Mauthausen parce qu’on ne savait pas quoi en faire. C’était un groupe qui gênait. Eux furent donc condamnés à mort dès le départ (quoiqu’ils ne soient pas tous morts). Mais on n’extermine pas encore à Auschwitz en 1940. Ni à Dora, ni à Buchenwald. On y parque les gens, on les maltraite, on leur inflige des sévices, ils en meurent souvent, mais ce sont des camps de concentration. La volonté d’extermination n’apparaît qu’en 1942, avec les camps du même nom. Les victimes sont alors les juifs et les tziganes, regroupés à Auschwitz. Les homosexuels, par contre, furent dispersés. On trouvait des triangles roses dans presque tous les camps d’Allemagne. C’est pourquoi il est si difficile d’en connaître le nombre. Les homosexuels ne constituaient pas une minorité à l’intérieur des camps, c’étaient des individus dispersés.
Une date à corriger : le livre de Heinz Heger à été publié en 1972 à Hambourg. C’est bien tardif, mais c’était tout de même il y a vingt ans que fut publié le premier témoignage sur les déportations des triangles roses. Mais c’est là un point secondaire.
Ce qui l’est moins, c’est le problème de l’homosexualité et de sa répression.Il faut s’interroger sur la volonté d’extermination des homosexuels. De quand date-t-elle? Quant à la législation contre les homosexuels : la loi vichyste de 1942 n’a pas eu une application très répressive. A ma connaissance, il n’y a pas eu véritablement en France de déportations d’homosexuels. Mais il y a eu des arrestations et des poursuites. Par contre, il faut rappeler qu’il existe dès avant Hitler en Allemagne une législation anti-homosexuelle. Elle n’est pas appliquée d’une façon répressive, il y a eu sur ce chapitre une plus
grande liberté en Allemagne, et moins de tabous moraux qu’en France à la même époque. Quant à l’Angleterre, pays de la liberté, elle a eu une législation homosexuelle tout à fait répressive, et qui fut appliquée pendant encore des années après 1945, avec des poursuites, des arrestations, des incarcérations dont certaines ont été très connues. La législation libérale est venue très tard en Angleterre.
La position des nazis sur l’homosexualité est en effet très ambiguë. Certes, celle d’Himmler est très claire. Celle d’Hitler l’est beaucoup moins. Au début des Hitlerjungen et des SA. Bien entendu, il y a un certain recrutement d’homosexuels. Pourquoi ne pas parler de l’homosexualité chez les SA ? Le mot « morale », employé par les nazis, me gène. Sur quoi leur morale était-elle fondée ? C’était avant tout une morale d’efficacité. J’entends par là qu’ils se servaient de l’homosexualité à des fins politiques. On a commencé à arrêter les homosexuels et à les mettre en prison en 1934-35. C’est la « Nuit des longs couteaux », puis l’exécution de SA dont c ertains était responsables de l’incendie du Reichstag. Ernst, qui occupait un poste dans la hiérarchie SS, était homosexuel et fiché comme tel.
Quand on joue au jeu politique qui consiste à justifier le massacre de la « Nuit des longs couteaux », on en condamne les acteurs en tant qu’homosexuels et « amoraux ». Il y a là un mélange de morale classique, puisque on les traite d' »amoraux », et de condamnation pour crime politique. Il y a eu à la même époque un montage politique remarquable contre Von Frisch, dont on voulait ainsi se débarrasser.
C’était le chef suprême de l’armée allemande, il n’était nullement homosexuel, mais il devait passer pour tel : d’où le montage, fondé sur le témoignage d’un homosexuel fiché et tenu par la police, qui déclara avoir été dragué par Von Frisch. Il ne resta plus à Von Frisch qu’à démissionner, comme le voulait Hitler. Même si l’on devait reconnaître par la suite qu’il s’agissait d’un autre Von Frisch. Ainsi les nazis ont-ils utilisé des préjugés courants dans une opinion publique très conservatrice et traditionaliste, pour obtenir des poursuites et des condamnations.
Pierre est arrêté début mai 41 et relâché en novembre. On ne se contente pas de le déporter, on le soumet à des pressions violentes, à des sévices. Les listes d’homosexuels sont fournies aux Allemands par la police française (ce qui n’a rien d’étonnant, depuis le Second Empire le fichage des policiers français est le meilleur du monde). Les Allemands se servent de ces fichiers comme ils le font au lendemain de la « Nuit des longs couteaux ». Ils veulent arrêter les homosexuels, mais surtout se servir d’eux pour attraper d’autres personnes. Et s’ils n’y arrivent pas, ils les expulsent Pierre dit d’ailleurs qu’il a
servi de boîte aux lettres.
Ensuite Seel va à Schirmeck, l’un des premiers camps alsaciens, camp de répression et non d’extermination, car on en sort vivant… Comme Pierre en novembre 1941. Ce que je ne comprends pas, par contre, c’est ce qu’il a dit sur le « lebensborn ».  Pierre n’a jamais voulu lire un seul livre, voir une seule émission sur l’époque de la guerre, il voulait garder sa mémoire intacte. Par contre, en lisant un livre traitant de la haine et de la race, il est tombé sur une photo d’une grande masure, un « lebensborn » à l’est de Berlin et s’est rendu compte qu’il était passé là. Mais c’est seulement en 1991 que ces souvenirs
sont revenus. Ce n’étaient que des impressions. Et pourquoi les nazis l’auraient-ils envoyé là-bas, sachant qu’il était homosexuel et que ce n’était pas en voyant de jolies jeunes filles qui servaient d’usines à bébés qu’il allait changer de sexualité.
Christian de Leusse : Je m’étonne qu’on n’ait pas plus d’informations sur d’autres homosexuels français
de cette époque, hors l’Alsace-Lorraine, dans les autres régions de france. D’autre part, pourquoi Pierre Seel n’a-t-il jamais porté le triangle rose,alors qu’il a porté la barrette bleue ?
Jean Le Bitoux : Pierre a effectivement porté une barrette bleue dans le camp de Schirmeck comme tous les
homosexuels amenés dans le même fourgon que lui. C’était la rafle homosexuelle de ce jour-là : douze personnes. L’étiquetage des homosexuels était bien une pratique allemande. La barrette bleue était réservée aux homosexuels, aux « asociaux » ou encore aux fervents catholiques (et Pierre en était un). C’étaient, selon le témoignage de Spitz, des homosexuels allemands qui portaient le triangle rose au camp de Struthof, construit d’ailleurs,avec son four crématoire, par les prisonniers de Schirmeck.
Emile Témine : Le triangle bleu était celui des apatrides, celui que portaient les Espagnols. Le triangle noir était réservé
aux asociaux. Dans tous les camps allemands. Dont Dora, Buchenwald, Mauthausen…, j’ai vu des triangles roses portés par des homosexuels. Ils ont été également introduits au camp de Struthof en Alsace. Examinons maintenant la législation de Vichy, des années 42/43. La loi contre les avortements, qui autorise une condamnation à mort pour celles qui avorteraient, date de février 1942.
La législation de l’époque trappe aussi les souteneurs, les prostituées, les personnes pratiquant l’occultisme. On a aussi retrouvé des  droits commun et des condamnés pour « motif économique » dans les camps allemands de déportation. Mais je n’ai pas eu connaissance de déportations, depuis la France de Vichy, pour cause d’homosexualité.
Jean Le Bitoux : Moi non plus, je n’ai aucun témoignage dans ce sens.

X : Y a-t-il eu des condamnations de femmes homosexuelles ?
Jean Le Bitoux : Les hommes et les femmes étant séparés dans les camps, les contacts avec les femmes étaient quasiment
impossibles, notamment dans le camps de Schirmeck. Nous avons quelques témoignages (extrêmement rares) sur des lesbiennes incarcérées, mais c’était surtout en raison de leur mode de vie, de leur volonté insolente, en quelque sorte des lesbiennes fières de l’être, des femmes homosexuelles qui paraissaient plus scandaleuses que ce qu’elles faisaient ensemble. Du moins à Berlin, pendant les années 30, quelques unes s’habillaient en pantalon,
fumaient et se tenaient la main dans les rues. C’était donc davantage leur visibilité que leur intimité, que le code ne réprimait pas puisque l’homosexualité féminine n’était pas sensée exister.
Emile Témine : Le camp de femmes, par excellence, c’est Ravensbrück. On y trouve des prostituées. Parmi les triangles verts, on remarque des « droit commun » au sens large du terme. Il y a eu quelques lesbiennes mais qui n’étaient pas condamnées, ni déportées, pour cela, pour homosexualité.
X : Une historienne allemande et féministe, Claudia Schoppmann a écrit récemment un ouvrage très important sur les lesbiennes. Ce livre, malheureusement n’a toujours pas été traduit en français. Il y est question, entre autres, de l’époque du 3ème Reich. Dans un magazine berlinois, ont été publiés il y a quelques mois, des témoignages presque anonymes sur des lesbiennes déportées. C’est un travail historique qui commence aujourd’hui, mais c’est quelque chose de très difficile, principalement parce que nous n’avons pas à notre disposition d’archives, et que ces personnes (celles qui
furent internées) sont aujourd’hui décédées. Mais nous avons, tout de même, à notre dispositions des indices, et certains amis ont témoigné, attestant que des lesbiennes ont subi de terribles sévices dans les camps, qu’elles y ont été traitées comme les dernières des merdes. Certains travaux ont été financés par un département unique en Allemagne, et même en Europe, je crois, l’Europe qui cherche à aider et même à promouvoir des recherches entreprises par des homosexuels et des lesbiennes, en la matière.
X : Quelles expériences cliniques ont été faites sur des homosexuels et des lesbiennes ?
Jean Le Bitoux : Les nazis voulaient absolument savoir si on ne pouvait pas changer quelque chose dans le
fonctionnement des homosexuels, et comment faire pour qu’ils se rapprochent des femmes. Ceci dans une période très scientiste, où l’on croyait que le progrès pourrait mener à tout, On a donc fait des expériences sur des homosexuels, qui ont toutes échoué. Sauf peut- être auprès de certains homosexuels qui ont dû faire semblant de se « convertir », pour sauver leur peau. Les expériences cliniques allaient dans tous les sens. Celles faites sur les malades mentaux étaient des horreurs, essentiellement des improvisations, sous des prétextes scientifiques, qui répondaient à un désir de torture. Pierre Seel a subi des piqûres dans le thorax qui étaient en réalité un jeu de fléchettes pour des infirmiers.Ces tortionnaires en blouse blanche s’amusaient à faire n’importe quoi, exprimant ainsi leur haine envers leurs proies, en l’occurrence des homosexuels qui s’obstinaient à le rester, ce qui était une insulte à l’ordre nazi.
De même je trouve très grave et dangereuse cette tentative faites par des scientifiques américains de découvrir un gène de
l’homosexualité, il y a six ou huit mois. Cette pseudo découverte devait, espérait-on, amener les homosexuels à se déresponsabiliser, à dire : « vous voyez bien que notre homosexualité n’est pas de notre faute, puisqu’elle est d’origine génétique ». Alors que l’homosexualité devrait être considérée comme un choix responsable, et assumé, et les autres citoyens doivent comprendre cela.
Pendant les années 1930. Hirschfeld a essayé d’expliquer que les homosexuels ne sont ni hommes ni femmes, mais qu’ils
appartiennent à un troisième sexe : phénomène qui, selon lui, devrait intéresser la médecine plutôt que la justice.
Emile Témine : Ce n’est pas du tout dans la logique nazie. Or, il y a toujours une logique dans l’horreur nazie. Par contre,
dans d’autres camps que Schirmeck, des expériences de type médical ont été pratiquées sur des homosexuels.
Emile Témine : Ce qui m’a étonné, dans le livre de Pierre, c’est l’absence des triangles verts, c’est-à-dire des kapos dans les premiers camps de concentration. Pierre était pris en charge que par les SS ?
Jean Le Bitoux : Oui.
X : En temps de dictature, est-ce que les homosexuels ne seront pas toujours exclus et pris pour des boucs émissaires puisqu’ils seront considérés, par le pouvoir en place, les dictateurs comme des asociaux ?
Jean Le Bitoux : Je suis convaincu que les homosexuels, s’ils ne sont pas organisés, s’ils n’ont pas une
parole, s’ils n’ont pas défini les droits qui les protègent, seront toujours pris pour des boucs émissaires, en effet, au même titre que les « sémites », les immigrés, etc. On va chercher dans la conscience populaire la plus primaire les moyens de fabriquer dela haine mais en l’utilisant, comme Le Pen, pour proposer un nouvel « ordre nouveau ». Ce sont là des zones sensibles de fascination / répulsion. Jankélévitch dit « c’est la différence qu’on ne voit pas qui inquiète ». De sorte que l’autre est quasiment accusé de cacher sa différence, pour ne pas m’inquiéter, moi. Par contre si l’autre dit sa différence, un rapport de force social peut s’installer, et nous protéger. Dans le cas contraire, l’homosexualité sera toujours utilisée pour en appeler à un ordre autoritaire.
Emile Témine : Les dictatures se servent toujours des minorités, « asociales » parce que s’écartant d’une norme
imposée par ces dictatures.
Jean Le Bitoux : Les droits des homosexuels d’un pays concernent toute la population, car si l’homosexualité est vilipendée, on pourra toujours accuser un ennemi politique, par exemple, d’être homosexuel afin de s’en débarrasser. N’importe qui peut être ainsi « calomnié ». Il y a le cas de Von Frisch, mais aussi celui du cinéaste arménien dissident Sergueï Paradjanov qui, il y a 15 ans, a été accusé de pédérastie et de viol d’enfant (choses parfaitement ignobles aux yeux de la population soviétique), afin de casser lasolidarité autour de lui.
Emile Témine : Dans cette affaire, ambiguïté et hypocrisie vont de pair. Comme dans le cas du seul ministre de
l’Education nationale qui ait été notoirement homosexuel (il ne s’en cachait pas) et qui a occupé ce poste dans le
gouvernement de Vichy. On légifère contre l’homosexualité, mais on se garde bien de sévir, on l’accepte au contraire
lorsqu’elle concerne certaines personnes bien pensantes.
Jean Le Bitoux : Lorsqu’on se considère comme « la race des seigneurs » on peut s’autoriser à soi ce qu’on interdit
aux autres. C’est peut-être cela qui fonde les SA, ces miliciens qui dénoncèrent violemment Hirschfeld au cours de leurs meetings, et qui l’accusaient de faire de la propagande pour la sodomie, alors que ces mêmes SA la pratiquaient entre eux. Certains aspects de l’ordre nazi ont malheureusement été exportés après leur chute, aux Etats-Unis, où l’on a longtemps cherché comment « soigner » l’homosexualité. Ce fut l’obsession de nombre de médecins et de chirurgiens. Il existait une technique appelée thérapie d’aversion, avec des fils électriques qui réagissaient chaque fois que vous bandiez sur des photos érotiques. Autre technique, il y a eu aussi la lobotomie (originaire d’Allemagne). Technique qui a continué à être pratiquées aux Etats-Unis jusqu’aux années 1970. On retrouve là cette haine de la différence qu’il fallait exorciser chirurgicalement.
X : On cite des chiffres de 5.000 à 20.000 déportés homosexuels. Un historien qui n’y connaissait pas grand-chose a parlé de 200.000. Qu’en est-il de telles statistiques ?
Emile Témine : II y avait quelques dizaines de déportés homosexuels à Mauthausen. Pour les autres camps de concentration, je suis incapable de donner des chiffres. A Dora, il y a eu un moment de relative résistance et il s’est trouvé un homosexuel dans le groupe qui dirigeait le comité de résistance. Ce qui est extraordinaire, parce qu’on ne retrouve rien de tel dans les autres camps, où les triangles roses sont toujours mis à part, à l’écart des autres prisonniers.

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CRITIQUE; Le Bleu est une couleur chaude - Nouvelle édition

17 Septembre 2023, 21:36pm

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

HISTOIRE INTERRESSANTE  ,  l histoire d amour interressante  ,  histoire d amour entre deux  femmes  ,  les dessin a  la fin sont  sympa , j aime les dessin , je suis  triste de la fin de  cette histoire , j aurai prefere  une fin plus  sympa , un PACS  ENTRE  LES DEUX  ???  et une  les deux  parents  .   si  j avais une  critique  a  dire  c est de  changer   la  fin de  cette  BANDE  DESSINE , la  fin  serait un  PACS et un gosse  entre  ces deux  femmes  la ,  j ai  trouver  triste la  fin  😭😭😭😭😭😭😭

VIVE  L  AMOUR  ENTRE DEUX  FEMMES  , 

DRAPEAU LESBIEN

 

Le Bleu est une couleur chaude - Nouvelle édition
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Le Bleu est une couleur chaude - Nouvelle édition par Maroh
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Jul Maroh
EAN : 9782344058046
176 pages
GLÉNAT (17/05/2023)
4.75/5   2 notes
Résumé :
Treize ans après sa publication, un album devenu culte.
« Mon ange de bleu, Bleu du ciel, Bleu des rivières, Source de vie… »
La vie de Clémentine bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune fille aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir toutes les facettes du désir. Elle lui permettra d’affronter enfin le regard des autres. Un récit tendre et sensible.
Après 100 000 exemplaires vendus et un succès auréolé d’une Palme d’Or (La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche - 2013), les éditions Glénat proposent une nouvelle édition cartonnée pour redécouvrir cette œuvre bouleversante qui résonne toujours aussi fort.


https://www.babelio.com/livres/Maroh-Le-Bleu-est-une-couleur-chaude-Nouvelle-edition/1557288

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La CEDH condamne la Bulgarie qui refusait de reconnaître le mariage de lesbiennes

7 Septembre 2023, 02:10am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

Deux femmes lesbiennes en train de faire un selfie devant un drapeau LGBT+ // Source : PixelsEffect de Getty Images Signature
ACTUALITÉS MONDIALES
La CEDH condamne la Bulgarie qui refusait de reconnaître le mariage de lesbiennes
Anthony Vincent
 Publié le 06 septembre 2023 à 17h17

MADMOIZELLE  SOCIÉTÉ  ACTUALITÉS  ACTUALITÉS MONDIALES
Après leur mariage au Royaume-Uni, deux femmes bulgares sont rentrées vivre à Sofia, mais leur pays leur refusait ce statut à l’état civil. Voilà que Cour européenne des droits de l’homme condamne ce pays des Balkans (qui n’autorise ni le mariage de couple de même genre, ni l’union civile) pour violation des droits garantissant le respect de la vie privée et familiale.
Bravo les lesbiennes ! La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné le 5 septembre 2023 la Bulgarie pour avoir refusé de reconnaître l’union à l’étranger d’un couple de lesbiennes.


La Bulgarie condamnée pour « violation des droits garantissant le respect de la vie privée et familiale » d’un couple de lesbiennes
Comme le rapporte Komitid, il s’agit de deux ressortissantes bulgares qui se sont mariées en 2016 au Royaume-Uni, où elles vivaient depuis sept ans. Darina Koilova et Lilly Babulkova, 37 ans toutes les deux, habitent désormais à Sofia, la capitale du pays. Sauf que les autorités bulgares refusaient de reconnaître leur statut marital dans les registres d’état civil, les lésant des protections juridiques pouvant aller avec.

Voilà que la CEDH leur donne raison en condamnant la Bulgarie pour « violation des droits garantissant le respect de la vie privée et familiale ». La cour a également demandé au pays de verser 3000 € aux plaignantes pour leurs frais de justice.

À lire aussi : Un site d’infos lesbiennes et un « Netflix du Gouinistan », ça vous tente ? Alors par ici !

Alors que l’opinion publique bulgare reste relativement hostile aux personnes LGBTQI+ en Bulgarie, cette décision de justice pourrait contribuer à modifier sa législation et ses pratiques administratives. À noter que ce pays des Balkans n’autorise ni le mariage ni l’union civile de personnes du même genre.

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Pourquoi l'expo « Over the Rainbow » va vous mettre des arcs-en-ciel plein la vue et le cœur
Crédit photo de la une : PixelsEffect de Getty Images Signature


https://www.madmoizelle.com/la-cedh-condamne-la-bulgarie-qui-refusait-de-reconnaitre-le-mariage-de-lesbiennes-1569541

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Ces lesbiennes ont marqué l’histoire de France et vous n’en avez peut-être jamais entendu parler

27 Août 2023, 14:47pm

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 Ces lesbiennes ont marqué l’histoire de France et vous n’en avez peut-être jamais entendu parler
Maëlle Le Corre
 22 août 2023 à 07h19
  3

MADMOIZELLE  SOCIÉTÉ
Elles ont marqué leur époque, ont eu une influence majeure dans leur domaine artistique, ou ont sauvé des vies… Pourtant leur nom vous est sûrement inconnu. Découvrez ces quelques lesbiennes qui méritent que l’Histoire s’en souvienne.
Si je vous demande de citer quelques noms de lesbiennes célèbres en France, il y a fort à parier que vous pourriez citer Hoshi, Amélie Mauresmo ou encore Adèle Haenel. Mais êtes-vous capable de citer des noms de grandes figures lesbiennes qui ont marqué l’histoire en France ?


Probablement pas, car elles ont trop souvent été invisibilisées. Même encore aujourd’hui, il est courant qu’on occulte, qu’on oublie, qu’on efface cet aspect de leur vie. Les excuses sont nombreuses, du « mais enfin, on n’a aucune preuve ! » au « c’était sûrement sa colocataire », en passant par le chaste et outré « il s’agit de sa vie privée, pas besoin d’en parler ».

Pour réparer les torts, voilà quelques noms à connaître !

Loïe Fuller (1862-1928)
Danseuse pionnière du début du 20e siècle, l’Américaine Loïe Fuller a marqué son art, notamment grâce à une de ses créations, la fameuse danse serpentine. En France, elle a longtemps vécu en couple avec Gabrielle Bloch, avec qui elle collabore pour ses spectacles.

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Loïe Fuller – Metropolitan Museum of Art, CC0, via Wikimedia Commons
Et pourtant, quand cette artiste visionnaire qui a inspiré les peintres du Paris de la Belle Époque fait enfin l’objet d’un biopic en 2016, La Danseuse, le film prend quelques libertés pour évoquer sa vie, allant jusqu’à lui prêter une passion hétérosexuelle malsaine pour un personnage masculin complètement fictif. Comme quoi, même quand on ne se cache pas, la société nous remet au placard aussi sec.


LA DANSEUSE Bande Annonce (Lily-Rose Depp / Soko - 2016)

Elula Perrin (1929-2003)
Figure des nuits sapphiques parisiennes, Elula Perrin a fondé en 1969 le Katmandou, discothèque où les lesbiennes peuvent venir draguer, danser, s’aimer, puis Le Privilège au début des années 90, situé au sous-sol du Palace.

En 1977, elle parlait ouvertement de son homosexualité dans l’émission de Philippe Bouvard, L’Huile sur le feu. Elle est aussi autrice de plusieurs romans aux titres sans équivoque : Les Femmes préfèrent les femmes, Tant qu’il y aura des femmes ou encore Coup de gueule pour l’amour des femmes.

On la retrouve même dans cette émission de C’est mon choix (les vraies s’en souviennent) à 9’22 :


C'est mon choix // Je n'ai pas peur d'être scandaleuse !

Mireille Havet (1898-1932)
Poétesse et écrivaine prodige du début du 20e siècle, Mireille Havet a été une figure sulfureuse du Paris lesbien et a vécu une vie d’excès sans concessions.

De son œuvre, il reste un unique roman, Carnaval, mais aussi son journal, monumental et foisonnant, retrouvé en 1995 par la descendante de son amie Ludmilla Savuitsky puis publié en plusieurs tomes dans les années 2000 aux éditions Claire Paulhan, où elle raconte sa « vie de damnation ».


Mireille_Havet
Mireille Havet par Pierre Choumoff, Public domain, via Wikimedia Commons
Suzy Solidor (1900-1983)
L’incarnation de la garçonne des années folles, c’est elle. Mannequin, chanteuse, patronne de cabarets, modèle pour Francis Picabia, Tamara de Lempicka, ou encore Man Ray grâce à son physique sculpturale, la très mondaine Suzy Solidor a traversé le 20e siècle en assumant ses liaisons avec des femmes (et quelques hommes au passage).


Suzy_Solidor_à_Deauville_1929
Suzy Solidor et son chien – Agence de presse Meurisse, Public domain, via Wikimedia Commons
Elle vit notamment avec l’antiquaire Yvonne de Bremond d’Ars, et a été immortalisée avec elle par l’artiste Léonard Tsuguharu Foujita :


Yvonne de Bremond d’Ars et Suzy Solidor – Foujita
Les deux amies – Léonard Foujita (1930)
Rosa Bonheur (1822-1899)
On a fêté tout récemment le bicentenaire de la naissance de cette grande peintre naturaliste, connue pour ses tableaux représentant des animaux, dont le fameux Marché aux Chevaux.

L’occasion de voir que l’invisibilisation des lesbiennes est toujours d’actualité puisqu’il est toujours aussi difficile pour les médias français de considérer comme lesbienne une femme qui a vécu toute sa vie avec une autre femme et est même enterrée à ses côtés. Probablement de bonnes amies, nous dit-on.


Rosa Bonheur bénéficiait d’un permis de travestissement, document alors indispensable délivré par la préfecture de police afin de pouvoir s’habiller comme un homme. Sa compagne Nathalie Micas en possédait également une.


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Rosa Bonheur par André-Adolphe-Eugène Disdéri, Public domain, via Wikimedia Commons
Andrée Jacob (1906-2002) et Éveline Garnier (1904-1989)
Ce couple a activement participé à la Résistance française pendant l’Occupation, notamment en intégrant le Noyautage des administrations publiques (NAP), et a sauvé des familles juives de la déportation. Et pourtant leur nom est bien rarement cité en exemple.


Leurs noms figurent sur deux allées du square Louvois à Paris, inaugurées en 2019.

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André Jacob et son chat Gaza – Milena Vala, CC BY-SA 4.0,, via Wikimedia Commons
Liane de Pougy (1869-1959)
De Nathalie Clifford Barney à Emilienne d’Alençon, les conquêtes de la demi-mondaine Liane de Pougy sont nombreuses. C’est bien simple, sa fiche Wikipedia ressemble à une saison de The L Word avant l’heure.


Danseuse de cabaret et courtisane, à l’instar des cocottes de l’époque La Belle Otero ou encore Cléo de Mérode, elle a aussi écrit plusieurs livres, dont Idylle saphique.

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Nadar, Public domain, via Wikimedia Commons
Maria-José Léao Dos Santos (1955-2019)
Vous ne la connaissez pas, mais vous connaissez Joe Le Taxi, chanson qui a propulsé la carrière de Vanessa Paradis dans les années 80 … et qui s’inspire de Maria-José Léao Dos Santos. Arrivée dans les années 70 pour fuir la dictature au Portugal, elle est devenue chauffeuse de taxi, trimballant dans les rues parisiennes quantité de stars et d’anonymes, jusqu’à ce que son histoire donne des idées à un célèbre parolier…

Après son décès en 2019, sa compagne Johanne Gabriel a tenu à raconter son histoire.

joe le taxi
À lire aussi : Lesbianisme politique : « L’hétérosexualité n’est pas la seule manière d’organiser sa vie »


https://www.madmoizelle.com/ces-lesbiennes-ont-marque-lhistoire-de-france-et-vous-nen-avez-peut-etre-jamais-entendu-parler-1279699

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Italie : cinq questions sur l'inquiétude des mères lesbiennes rayées de l'acte de naissance de leur enfant

16 Août 2023, 03:06am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

 Italie : cinq questions sur l'inquiétude des mères lesbiennes rayées de l'acte de naissance de leur enfant
Par Clémentine Sabrié
Publié le vendredi 28 juillet 2023 à 07h12

4 min

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En Italie, les droits parentaux des mères lesbiennes non biologiques sont menacés par le gouvernement de Giorgia Meloni.En Italie, les droits parentaux des mères lesbiennes non biologiques sont menacés par le gouvernement de Giorgia Meloni. © AFP - JULIAN STRATENSCHULTE
La procureure de Padoue, en Italie, a réclamé que l’acte de naissance de 33 enfants soit modifié parce que le document mentionne deux mères. Elle suit une circulaire du gouvernement Meloni demandant d’arrêter d’enregistrer des actes de naissance avec des parents homosexuels.
Les familles homoparentales italiennes sont actuellement menacées par le gouvernement conservateur de Giorgia Meloni, dont la devise est "Dieu, patrie et famille". La procureure de Padoue, en Vénétie dans le nord de l’Italie, a demandé à la justice de rectifier l’acte de naissance de 33 enfants, nés depuis 2017. Ces certificats font la mention de deux mères, parce que les enfants sont élevés par des couples lesbiens. La magistrate demande d’effacer le nom des mères non biologiques, rapporte le journal local Corriere del Veneto. Des manifestations sont organisées ce vendredi en France pour protester contre cette décision.
Pourquoi une telle demande ?
La procureure de Padoue s'appuie sur une circulaire gouvernementale envoyée début 2023. La Première ministre italienne et son ministre de l’Intérieur ont demandé à toutes les municipalités de ne plus inscrire le parent non biologique des enfants issus de PMA (procréation médicalement assistée) ou de GPA (gestation pour autrui) sur les actes de naissance. En Italie, les unions civiles homosexuelles sont autorisées depuis 2016. En revanche, les couples homosexuels n'ont pas le droit d'adopter, ni de recourir à la PMA ou à la GPA, qui sont illégales dans le pays.
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En mars 2023, déjà, la ville de Milan avait annoncé, après avoir reçu un ordre de la préfecture, qu'elle n'enregistrerait plus les couples homoparentaux, hommes ou femmes, sur les certificats de naissance. Puis, à Bergame, le tribunal a officiellement acté le retrait du nom de la mère non biologique d'une fillette de neuf mois. Ce changement s'étend peu à peu au reste de l'Italie, notamment à Padoue.
Quelles sont les conséquences pour ces familles ?
Cette décision de la procureure de Padoue est lourde de conséquences pour les mères lesbiennes. Retirées de l’acte de naissance de leurs enfants, ces mères perdent l’ensemble de leurs droits parentaux. Elles ne sont plus légalement les tutrices de leurs enfants. Ce qui implique des changements dans la vie quotidienne de ces familles. Par exemple, la deuxième mère ne peut pas récupérer son enfant à la sortie de l'école ou voyager seule avec lui.
Il y a aussi des conséquences plus lourdes. Ces mamans non reconnues ne peuvent pas prendre de décision médicale pour leur enfant même pour une urgence. En cas de décès de leur conjointe, les enfants seraient considérés comme orphelins et pourraient donc être placés.
Y a-t-il d'autres craintes pour la communauté LGBT+ en Italie ?
Avant de devenir Première ministre, Giorgia Meloni avait axé sa campagne électorale sur sa vision très traditionnelle de la famille. Elle avait crié haut et fort son opposition à ce qu'elle appelle le "lobby LGBT". Le parlement italien a planché, ce mercredi, sur un projet de loi de Fratelli d'Italia, le parti d'extrême-droite de la Première ministre. Ce texte veut durcir les règles encadrant la GPA, même pour celles réalisées à l'étranger. Actuellement, la GPA pratiquée en Italie peut être sanctionnée par une peine pouvant aller jusqu'à deux ans de prison et jusqu'à un million d'euros d'amende. Fratelli d'Italia souhaite que les GPA réalisées à l'étranger soient reconnues comme un délit en Italie.
Quelles réactions suite à cette décision ?
Ces derniers développements provoquent l'inquiétude de la communauté LGBT+ en Italie et dans le reste de l'Europe. Le réseau EuroCentralAsianLesbian*Community (EL*C) a publié, lundi 24 juillet, une lettre ouverte adressée à Giorgia Meloni et à l'extrême-droite italienne. "Nous savions que vous utilisiez une notion d’exclusion de la maternité pour nous blesser, nous, les lesbiennes et les autres parents qui ne correspondent pas à votre définition étroite", dénoncent les militantes. "Nous savons que ce n’est qu’une étape d’une spirale sans fin contre les droits des lesbiennes et des femmes en général", poursuivent-elles.

Le réseau EL*C appelle à manifester partout en Europe, ce week-end, pour les droits des lesbiennes. Un appel relayé en France par SOS homophobie. "On a constaté, ces derniers temps que les attaques contre les familles homoparentales se multipliaient en Italie", explique Julia Torlet, responsable au sein de l'association. Un rassemblement est organisé, vendredi à 18h, à Paris devant l'ambassade d'Italie, mais aussi à Marseille devant le consulat d'Italie. "C'est important pour manifester notre soutien à nos voisines italiennes, mais aussi parce qu'on a bien conscience que l'Italie est à la frontière avec la France et est membre de l'Union européenne", détaille Julia Torlet.
Ce mouvement conservateur peut-il atteindre la France ?
Les militants français craignent la propagation de ces idées LGBTphobes au reste de l'Europe, notamment en France. "Si des pays voisins commencent à faire passer des mesures comme celle-ci, on a bien conscience qu'en France on n'est pas du tout à l'abri", souligne Julia Torlet de SOS homophobie. "Au moindre basculement politique, ça peut être désastreux, preuve en est le remaniement il y a quelques jours", dénonce-t-elle. La militante cite l'exemple de la nomination d'Aurore Bergé au ministère des Solidarités et des Familles. L'ancienne députée des Yvelines avait reçu, en 2022, Dora Moutot et Marguerite Stern, deux militantes accusées par les associations LGBT+ de transphobie.
À réécouter : Italie : l'inquiétude des familles homoparentales
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Références


https://www.radiofrance.fr/franceinter/italie-cinq-questions-sur-l-inquietude-des-meres-lesbiennes-rayees-de-l-acte-de-naissance-de-leur-enfant-8902599

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Sur Arte, « Un amour discret » ou comment être lesbienne en Pologne et faire famille

15 Août 2023, 01:32am

Publié par hugo 🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️🏳️‍⚧️

  
Sur Arte, « Un amour discret » ou comment être lesbienne en Pologne et faire famille
Publié le 8 août 2023 à 14 h 10 min
Avec « Un amour discret », Arte met un coup de projecteur sur la vie d'un couple de lesbiennes soudainement amené à faire famille.
« Un amour discret » - Capture d'écran Arte« Un amour discret » - Capture d'écran Arte
Comme tous les étés, Arte met à disposition une riche sélection de documentaires dans sa rubrique La Vie en face, où des récits du monde entier sont mis à l’honneur. Les problématiques des femmes noires en France, le quotidien de nonnes, les questionnements des professeurs en fac ou encore la difficile lutte pour se libérer de l’emprise de sectes : la pluralité des sujets et des points de vue offre un regard précieux sur les variations de nos sociétés humaines, entre acquis et manques fatals.

Parmi cette collection de près de 30 documentaires d’environ 50 minutes chacun, Un amour discret (passé par le dernier festival Chéries-Chéris sous le tire original Silent Love), du polonais Marek Kozakiewicz, aborde avec sensibilité les spécificités que les personnes queers doivent gérer pour pouvoir faire famille.

Alors qu’elle vit à Francfort avec sa compagne Majka, Agnieszka retourne dans son village natal polonais à la mort de sa mère. De démarches en démarches, Agnieszka tente de devenir la tutrice légale de son jeune frère, tout en devant cacher sa relation de longue date à l’administration polonaise afin d’éviter toute discrimination homophobe.

Aimer en cachette
Dès lors, le réalisateur filme avec attention le dilemme d’Agnieszka, partagée entre son amour libre en Allemagne et sa couverture dans une Pologne plus conservatrice. Le jeu de miroir est éloquent : les va-et-vient d’Agnieszka entre les deux pays montrent à merveille l’état presque schizophrène dans lequel elle doit se plonger. Un moment compliqué, qui les éloigne et met à l’épreuve leur couple et leur vie privée. Sans en faire trop, Kozakiewicz donne à voir la pression patriarcale qui sévit toujours en Pologne, entre discours masculinistes sur comment être un vrai homme et homophobie largement banalisée.

En parallèle de ces étapes administratives épuisantes, le trio apprend à vivre ensemble en inventant son propre modèle familial, que la caméra épouse avec une délicatesse touchante.

Si les moments de liberté se font rares, le couple ayant peu d’occasion de montrer leur affection en public, c’est dans ceux qu’elles passent avec le petit frère (magnifique scène de vélo) que le film touche le cœur de son sujet : apprendre à faire famille quand rien ne semble nous le permettre. Encore en pleine construction de lui-même, Milosz est bombardé à l’école de morales virilistes et paternalistes. Malgré cette éducation corsetée dont il se fait volontiers le relais par instants, ramenant les discours discriminants au sein même du foyer, il s’ouvre aussi peu à peu à Agnieszka et Majka. Une relation atypique naît entre les trois par la seule force des liens qui les relient et des dialogues qu’ils entretiennent.

Un amour discret, disponible jusqu’en octobre sur Arte, se révèle être un très beau moment sur la création d’un lien étrange et unique, qui va au-delà des lois et des stigmatisations.

Jolan Maffi
Jolan Maffi
 @randomassholent

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« Cruising », de William Friedkin : histoire d'un thriller sombre qui a révolté la communauté gay
Sur Arte, « Un amour discret » ou comment être lesbienne en Pologne et faire famille


https://www.komitid.fr/2023/08/08/sur-arte-un-amour-discret-ou-comment-etre-lesbienne-en-pologne-et-faire-famille/

Un amour discret - Regarder le documentaire complet | ARTE

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La basketteuse lesbienne Brittney Griner reprend sa carrière et ses engagements

30 Avril 2023, 02:41am

Publié par hugo

 La basketteuse lesbienne Brittney Griner reprend sa carrière et ses engagements
Publié le 28 avril 2023 à 10 h 56 min
Quatre mois après la fin de son cauchemar, Brittney Griner, détenue dix mois en Russie, retrouve progressivement les habitudes d'une joueuse de basket de haut niveau.
Britney Griner lors de sa conférence de presse, le 27 avril 2023Britney Griner lors de sa conférence de presse, le 27 avril 2023 - Capture d'écran La Presse
Quatre mois après la fin de son cauchemar, Brittney Griner, détenue dix mois en Russie, retrouve progressivement les habitudes d’une joueuse de basket de haut niveau, mais sa carrière ne la ménera plus à l’étranger et sera aussi consacrée à ceux détenus injustement hors des Etats-Unis, a-t-elle promis.

A trois semaines du coup d’envoi de la saison 2023 de la WNBA, la Ligue nord-américaine de basket féminin, c’est une figure imposée pour les meilleures joueuses du championnat le plus relevé de la planète.

Mais la conférence de presse de Brittney Griner jeudi à Phoenix était très attendue, bien au-delà du monde du basket : celle qui est l’une des figures de la communauté LGBT+ aux Etats-Unis s’exprimait pour la première fois publiquement depuis son retour aux Etats-Unis après avoir été condamnée en Russie à neuf ans de prison pour trafic de drogue selon les autorités russes.

Son équipe, le Mercury, avait beau avoir prévenu en amont qu’elle ne s’exprimerait pas sur ses dix mois de détention en Russie et sur son calvaire qui a pris fin après un échange contre le marchand d’armes russe Viktor Bout, détenu aux États-Unis, Griner n’a pas voulu limiter ses réponses au basket.

Elle a même saisi l’occasion pour apporter son soutien au journaliste du Wall Street Journal Evan Gershkovich et à l’ex-Marine américain Paul Whelan qui sont actuellement détenus en Russie.

« Restez forts »
« Je dirais à tous ceux qui sont détenus à tort : restez forts, continuez à vous battre, n’abandonnez pas », a ainsi lancé Griner, arrêtée en février 2022 dans un aéroport de Moscou avec une vapoteuse et du liquide contenant du cannabis, un produit interdit en Russie.

« Continuez à y croire, a-t-elle poursuivi, car on ne va pas s’arrêter, on ne va pas s’arrêter de se battre, on ne va pas s’arrêter d’attirer l’attention sur tous ceux qui sont actuellement loin de nous », a poursuivi la joueuse de 32 ans.

Alors qu’elle écrit un livre sur sa détention qui devrait sortir en 2024, la double championne olympique (2016, 2020) a expliqué comment elle avait tenu bon durant son séjour notamment dans une colonie pénitentiaire de Mordovie, surnommée la “terre des prisons”.

« Restez éveillés, trouvez une petite routine et respectez-là du mieux possible, c’est ce qui m’a aidé », a-t-elle insisté.

Pour suppporter sa détention, son expérience de joueuse de haut niveau, marquée par un titre de championne WNBA, quatre sacres en Euroligue et deux couronnes mondiales avec les Etats-Unis, a été précieuse.

« Vous savez, j’ai traversé des moments difficiles », a-t-elle reconnu la voix brisée par l’émotion. « Tout au long de la vie, nous sommes confrontés à de l’adversité. Et celle-ci était forte ».

Premier match le 19 mai
Mais ce qui l’a beaucoup aidé, a-t-elle rappelé, c’est de savoir qu’on se battait pour sa libération aux Etats-Unis : « Les informations arrivaient parfois avec un peu de retard (…) Cela m’a donné de l’espoir, ce qui peut être également dangereux parce que quand ça ne marche pas, c’est terrible ».

Une certitude, Griner ne portera plus le maillot d’un club étranger, comme elle le faisait à chaque intersaison depuis ses débuts dans le championnat WNBA en 2013.

« Je le dis clairement : je n’irais plus jouer à l’étranger, si ce n’est quand je représente mon pays aux Jeux olympiques. Si je suis sélectionnée, cela sera la seule raison pour moi de quitter le territoire américain », a-t-elle prévenu.

Depuis 2015, une fois sa saison aux Etats-Unis terminée, Grinner jouait pour le club russe de Ekaterinbourg et c’est lorsqu’elle s’apprêtait à rejoindre cette équipe qu’elle avait été arrêtée le 17 février 2022 en provenance des Etats-Unis.

« Beaucoup d’entre nous vont à l’étranger pour l’argent que cela rapporte, parce que cela nous permet de faire vivre notre famille », a-t-elle rappelé.

La deuxième partie de sa carrière débutera officiellement le 19 mai, avec un match à Los Angeles.


https://www.komitid.fr/2023/04/28/basket-brittney-griner-reprend-sa-carriere-et-ses-engagements/

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