Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de hugo,

les grenades

Inauguration d’une deuxième stèle à la mémoire des victimes de féminicide en Belgique : "Ce fléau continue"

1 Mars 2023, 00:36am

Publié par hugo

 Inauguration d’une deuxième stèle à la mémoire des victimes de féminicide en Belgique : "Ce fléau continue"

© Tous droits réservés

27 févr. 2023 à 08:24

Temps de lecture
4 min
Par Camille Wernaers pour Les Grenades
Les Grenades
Belgique
Regions
Regions Hainaut
Info
Actualités locales
Accueil
Espace public
Monument
Féminicide
Violences faites aux femmes
PARTAGER


Le numéro gratuit pour les victimes de violences conjugales est le 0800 30 030.

Publicité

Après l’installation d’une première stèle à la mémoire des femmes victimes de féminicide en 2021 à Tournai, un nouveau monument sera inauguré ce 9 mars 2023 à Quaregnon, à l’initiative de l'autrice et metteuse en scène belge Céline Delbecq.

Ce projet émerge en effet de la pièce Cinglée, qu’elle a créée en 2019 au sein de sa compagnie théâtrale La Bête Noire, et qui traite des féminicides. "Dans la pièce, le personnage se rend compte, petit à petit, de l’ampleur du massacre en cours en Belgique. Et cela rend vraiment ‘cinglée’… dans la scénographie, on l’a montré avec un sol qui se fissure de plus en plus, jusqu’à se fracturer complètement pour laisser la place à deux stèles sur lesquelles sont inscrits les noms des femmes victimes de féminicides en Belgique", explique-t-elle aux Grenades.


Un projet collectif
La pièce tournait encore lorsque le covid a entrainé son annulation. "A ce moment-là, on a commencé à lire et entendre que le confinement entrainait une hausse des violences faites aux femmes… j’ai envoyé un message à la Maison de la Culture de Tournai, qui soutient la pièce depuis le début, en parlant d’un monument à la mémoire des victimes de féminicide. Ils ont répondu positivement. Je ne pensais pas du tout cela possible ! C’est important de dire que, sans les partenaires, rien ne bouge. C’est un projet collectif. Ils m’ont aidée avec les contacts, notamment politiques et associatifs. Ils ont rendu ce projet possible. Cela n’arrive pas souvent que la culture, l’associatif et la politique travaillent ensemble, il faut le souligner. A Quaregnon, nous sommes aidées par le comédien Sébastien Bonnamy qui défend beaucoup la place de la culture dans le Borinage. Le projet rassemble aussi ces différents acteurs puisque les partenaires sont la Commune de Quaregnon, la Maison Culturelle de Quaregnon, MARS, le Réseau VIF Borain, etc."

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

La pièce que Céline Delbecq et Sébastien Bonnamy interprètent à deux, Les Yeux Noirs, qui s’intéresse à la violence intrafamiliale, sera d’ailleurs jouée le 8 mars 2023 au Centre Culturel de Quaregnon. "Dans mes spectacles, et dans ma vie aussi, je plonge dans des thèmes difficiles… dans des abîmes sociétaux, dans tout ce qui dysfonctionne", ajoute la comédienne.

À lire aussi
Dans le monde, les violences envers les femmes explosent depuis la pandémie

Les stèles installées à Tournai et (bientôt) à Quaregnon sont inspirées de la scénographie de la pièce de théâtre Cinglée : il s’agit d’un morceau fracturé sur lequel sont à chaque fois gravés 100 noms des victimes de féminicide.

"La fracture dans la stèle signifie l’incomplétude de cette liste, le fait que tous les noms n’y retrouvent pas, et aussi que ce fléau continue… Lorsque nous avons inauguré celle de Tournai, 50 autres femmes avaient été tuées depuis le moment de la construction du monument. Nous avons été obligées d’amener une fausse stèle, en papier, le jour de l’inauguration pour terminer la liste, et ne pas oublier ces femmes. Pour la nouvelle stèle de Quaregnon, deux nouveaux féminicides ont déjà eu lieu depuis la fin de sa construction. On dirait bien qu’on aura besoin d’un troisième monument, ce qui ne me fait pas particulièrement plaisir", précise Céline Delbecq.

Il faut lever la honte. Il faut en parler, en utilisant les bons mots


© Tous droits réservés

© Tous droits réservés

© Tous droits réservés
"C’est un problème de société"
Les féminicides ne sont toujours pas recensés en Belgique, même si un projet de loi entend les définir et les comptabiliser. "Nous faisons nos propres recherches pour trouver les noms de ces femmes, et nous nous rendons bien entendu sur le blog Stop Féminicide, qui recense les féminicides en Belgique à partir des articles de presse. Malheureusement, certaines d’entre elles ne sont identifiées que par leur prénom ou leurs initiales sur les stèles, car on n’en sait pas plus en lisant les articles. Il y a aussi la manière dont ces affaires sont racontées dans la rubrique des faits divers ! Dans le dernier article que j’ai lu concernant un féminicide, on parle d’une ‘dispute’, alors que la victime a été battue à mort ! On parle aussi souvent dans la presse de drame familial et de crime passionnel. Ce n’est pas un problème de famille, c’est un problème de société", s’insurge la comédienne.

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

D’où l’importance d’inscrire ces monuments dans l’espace public. "On veut rendre cette question visible de tous et toutes. A Tournai, il y avait la possibilité de poser la stèle dans un cimetière, mais cela n’a pas été retenu. En termes de message et de symbole, c’est très différent de les mettre au milieu de la mort ou au milieu de la vie. Nous voulons que ces stèles soient au milieu du vivant. La stèle se compose aussi d’un banc et je sais qu’à Tournai, des ados viennent y manger leur sandwich sur le temps de midi. On aime beaucoup cette idée, il faut mettre ces stèles dans des lieux de passages, qu’elles soient vues, qu’on puisse se les réapproprier."


© Tous droits réservés
À lire aussi
Le féminicide bientôt reconnu par une loi en Belgique

Céline Delbecq est en contact avec plusieurs familles de victimes, qui sont mises au courant de l’initiative, et qui viennent aux inaugurations. "Je pense que tout le monde devrait venir. Les enfants aussi ! C’est un problème de société, nous avons tous et toutes notre responsabilité dans ce système, auquel on participe. Notre système fabrique ces agresseurs. Il faut lever la honte. Il faut en parler, en utilisant les bons mots", poursuit-elle. Une troisième stèle pourrait être bientôt installée à Bruxelles, et une quatrième en Flandre.

En Belgique, selon le blog Stop Féminicide, au moins 3 féminicides ont eu lieu en Belgique depuis le début de l’année 2023. En 2022, au moins 24 féminicides ont été comptabilisés.

Plus d’informations pratiques sur l’inauguration du 9 mars.


https://www.rtbf.be/article/inauguration-dune-deuxieme-stele-a-la-memoire-des-victimes-de-feminicide-en-belgique-ce-fleau-continue-11158988

Voir les commentaires

Folklore et traditions : où sont les femmes ?

27 Février 2023, 04:01am

Publié par hugo

 Folklore et traditions : où sont les femmes ?

© Tous droits réservés

21 févr. 2023 à 10:20 - mise à jour 21 févr. 2023 à 10:30

Temps de lecture
5 min
Par Maxime Maillet
Vivre ici - Gens d'ici
Regions Hainaut
Regions Liège
Regions Namur
Regions Luxembourg
Hainaut Matin
Liège Matin
Namur matin

Vivacité
Luxembourg Matin

Vivre Ici
Les Grenades
Info
Actualités locales
Accueil
Droits des femmes

Télésambre
Antenne Centre
Télé MB

Matélé
PARTAGER


En cette période de carnaval, on peut s’interroger sur la place des femmes dans nos traditions: le folklore est-il sexiste ? D’après La Libre, sur les 42 activités reconnues comme patrimoine immatériel (carnavals, marches folkloriques, etc.) en Fédération Wallonie-Bruxelles, 22 excluent totalement les femmes. Dans d’autres activités, elles sont timidement intégrées ou reléguées à des rôles subalternes ou de soutien aux hommes.

Publicité

Malgré tout, le folklore est bien vivant: il évolue et se transforme lentement, mais surement. Vivre Ici pointe certaines avancées dans la représentation des femmes dans notre patrimoine.

Ladies Binchoises (Binche)

© Tous droits réservés
Au Carnaval de Binche, les femmes n’ont pas le droit de défiler avec le cortège des Gilles, mais jouent un rôle clé – même si secondaire et privé – dans la préparation de leurs proches. "Le matin, sa place est primordiale lors de l’habillage du Gille : c’est elle qui met le grelot, la barrette et le mouchoir du cou, c’est elle qui aussi tient le masque du Gille lorsqu’il ne le porte pas" expliquait en 2020 Daniel Pourbaix, vice-président de l’association de défense du folklore binchois à la RTBF. " C’est elle qui va entretenir son Gille durant toute la journée. "

A voir : les chapeaux des dames au Carnaval de Binche (2018)

En 2017, des amoureuses du carnaval ont créé la première société composée uniquement de femmes : les Ladies Binchoises. Elles défilent le Lundi Gras – veille du jour des Gilles. "Pas pour faire de l’ombre au Gille, juste pour s’amuser entre femmes" précisait Joelle Brison, présidente de la société interrogée en 2017. Les plus conservateurs n’ont pas trop apprécié cette nouvelle société. "On peut très bien s’occuper correctement d’un Gille, mari ou enfant, et s’offrir un jour de joie le lundi gras, pour soi et pour la femme."

Les Gilles de Binche ne sont pas les seuls à refuser les femmes. Les Blancs Moussis, eux aussi, n’accueilleront " jamais " de femmes en leur rang, avait déclaré en 2019 le grand maître de la confrérie. Le motif : à la base de la tradition, on retrouve une confrérie de moines – pas de femmes donc.

A l’inverse, le carnaval de Charleroi autorise les femmes à être Gille du Pays Noir. De même, d'autres carnavals accordent aux femmes une place importante. C’est le cas au Cwarmê de Malmedy où les femmes prennent une place de plus en plus importante, en plus de revêtir le costume des stars du cortège : les Haguètes.

À lire aussi
Au carnaval de Charleroi, Nancy fait le Gille depuis 1986

Deux femmes au Doudou (Mons)

© Tous droits réservés
La Ducasse de Mons a toujours été très masculine, en particulier dans le combat entre Saint-Georges et le Dragon. Seuls les hommes peuvent jouer les rôles principaux (les Chinchins, les Diables, les Hommes blancs, etc.). En 2001, deux personnages féminins ont été introduits au sein du combat : Cybèle – incarnation de la cité originelle en noir et jaune – et Poliade – allégorie de la cité contemporaine aux couleurs de Mons (rouge et blanc).

Comme le souligne l’article de la Libre, ces rôles sont critiqués, car jugés superficiels. Leur mission est principalement de donner les armes aux autres personnages masculins. Malgré tout, cela reste une fierté pour les deux femmes choisies par la Ville. L’an dernier, Florine, 27 ans, va ainsi jouer le rôle de Poliade. "L’amour que j’ai pour la Ville, le folklore et les traditions est très fort. Je le fais notamment au quotidien dans mon travail à l’office du tourisme. Mon but est de promouvoir toute la richesse de notre patrimoine et de nos traditions. Pour moi, endosser le rôle de Poliade est donc une étape en plus. Je deviens, à ma façon, une ambassadrice de la Ville de Mons" déclare-t-elle à nos collègues de Télé Mons-Borinage.

A voirt : Télé MB a rencontré les futures Cybèle et Poliade

Pour Alisson, une juriste de 29 ans, incarner Cybèle permet de faire vivre la tradition familiale. "Je suis née dans une famille d’acteurs. La Ducasse a toujours fait partie de mon quotidien et on en parlait tout le temps à table. Nos plus belles histoires sont nos histoires de Ducasse. J’ai vraiment été élevée dans une famille où l’on m’a transmis les valeurs de ce folklore. Surtout via mon grand-père qui été l’ancien Saint-Georges. Il m’a transmis les valeurs de Ducasse et je voulais à mon tour transmettre ces valeurs". Le combat se tient le dimanche de la Trinité en matinée. En 2023, ça sera le 4 juin !

Les échasseuses (Namur)

© Margaux Guyot, RTBF.
Fin décembre 2021, les Joutes sur Echasses de Namur intègrent la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cela a été permis par un changement opéré en 2018 : après 600 ans d’une tradition réservée aux hommes, les séances d’initiation à la joute et les entraînements sont ouverts aux femmes et aux jeunes filles. En 2022, la première joute 100% féminine de l’histoire a d’ailleurs été organisée !

Alice Gobiet est l’une d’entre elles. Issue d’une famille d’échasseurs, elle rêvait depuis toute petite de devenir un jour " échasseuse" : "Enfant, j’étais porte-drapeau lors des combats d’échasse. Un jour, je suis devenue trop grande et on m’a dit voilà, c’est fini, on ne veut plus de toi. C’était une frustration. Aujourd’hui, je m’entraine avec plusieurs femmes. C’est une petite revanche " expliquait-elle sur Vivacité Namur Matin en 2021.

Des femmes dans le comité de la Saint Roch (Thuin)

© TéléSambre
Les marches folkloriques de l’Entre-Sambre-et-Meuse ont innové en 2022. L’an dernier, le comité Saint-Roch de Thuin a décidé d’élargir ses critères et d’intégrer dans ses rangs des femmes. " On ne voit pas au 21e siècle pourquoi une dame ne serait pas capable d’organiser une marche, pourquoi une dame ne maîtriserait pas les usages autant qu’un homme, il n’y a pas de raison. Les dames qui vont rejoindre le Comité Saint-Roch connaissent aussi bien le folklore thudinien voire mieux que certains", annonce Gérard Vanadenhoven, le président du Comité Saint-Roch au micro de TéléSambre.

A Gerpinnes, la place des femmes reste un sujet sensible. En 2019, trois compagnies n’avaient pas de femmes dans leurs rangs. Elles occupent surtout des postes de cantinière, de vivandière ou d’infirmière – des fonctions liées au care (le soin des autres).

La Saint-Feuillen et la première femme tambour-majeur (Fosses-la-Ville)

© Tous droits réservés
La Marche de la Saint-Feuillen se tient tous les 7 ans, chaque dernier week-end de septembre, à Fosses-la-Ville (Hainaut). La dernière édition s’est tenue en 2019 où pour la première fois une femme occupait le poste de Tambour-Major. C’est elle qui a donné le rythme !

Depuis 1984, Alexandra Collin marche avec son papa. Musicienne, elle se sentait prête à relever ce défi, mais a dû se confronter au mécontentement d’autres participants et d’abord à un refus de sa candidature avant d’être finalement sélectionnée. " Si un homme s’improvisait comme tambour major sans avoir répété, ce n’est pas grave ! Mais moi qui maîtrise les rythmes de marche, on m’a considérée comme une imposture " déplore-t-elle à nos collègues de TéléSambre.

Qu’importe ! En 2019, Alexandra songeait déjà à réitérer l’expérience lors de la prochaine édition. Rendez-vous donc le 27 septembre 2026.

Les confréries

© Matélé
Pour faire vivre les traditions — notamment gustatives, on retrouve les confréries. Certaines sont d’ailleurs 100% féminine comme celle des Damoiselles de Rochefort. Elles défendent les produits de Bouche de Rochefort, et plus particulièrement les fromages avec des bouchées apéritives inspirées des recettes authentiques des moines trappistes. Les Damoiselles font également la promotion des bières élaborées dans une brasserie locale.

A voir : les 5 ans de la confrérie des Damoiselles de Rochefort (2016)

A Herve, on retrouve aussi la confrérie de la Poule Noire. Depuis 2007, les femmes de plusieurs générations font la promotion de cette race de poule. Elles ont notamment créé un potage, un apéritif destiné aux femmes (le " pisse-poule "), un alcool pour les hommes (le " pisse-coq ") et une tarte aux œufs comme dessert.

NB : la sous-représentation des femmes dans le folklore wallon se manifeste très clairement dans les photos disponibles pour illustrer cet article : elles sont peu peu visibles sur les banques de données d’images et de photos auxquelles nous avons accès. Dans cet article consacré aux femmes, c’est paradoxalement les hommes que nous voyons…


https://www.rtbf.be/article/folklore-et-traditions-ou-sont-les-femmes-10950247

Voir les commentaires

"Nos jours suspendus" de Coralie Bru : un fil tendu entre une mère et sa fille

12 Janvier 2023, 05:13am

Publié par hugo

 "Nos jours suspendus" de Coralie Bru : un fil tendu entre une mère et sa fille

© Tous droits réservés

08 janv. 2023 à 12:30

Temps de lecture
3 min
Par Fanny De Weeze*, une chronique pour Les Grenades
Les Grenades
 
Parmi les sorties de cette rentrée littéraire d’hiver, le premier livre de Coralie Bru nous propose de passer quelques jours loin du tumulte de la ville, avec trois femmes dont les liens indéfectibles seront dévoilés tout au long du roman.

De l’autoédition à un premier roman édité
L’autrice d’origine française partage sa vie entre son métier de cheffe de projet dans le digital et celui d’animatrice dans le podcast Bibliomaniacs (média consacré aux livres).

Si ce roman est son premier livre édité par une maison d’édition, ce n’est pas le seul qu’elle a écrit. En effet, elle s’est déjà essayée à l’exercice avec des romans auto-édités. La différence notable entre les deux réside, comme elle nous le confie, dans le travail effectué avec son éditrice, Lize Veyrard.

Ne plus être seule face au projet, avoir quelqu’un qui aide dans le maintien de la trame, est d’une richesse indéniable et cela provoque une émotion particulière de savoir que des professionnel·les accompagnent les mots de l’autrice.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Des jours suspendus à trois

Quand Lucie, la fille de Julia, rentre chez elle et monte directement dans sa chambre, sa mère sent que quelque chose est en train de lui échapper. Essayant de forcer le dialogue sans pour autant brusquer sa jeune fille de seize ans, Julia apprend que sa fille est enceinte et qu’elle désire mettre un terme à sa grossesse. Une fois le secret dévoilé, Julia et Lucie vont s’unir pour traverser cette tempête.

Voilà pour l’histoire du livre. Il y a dans ce roman une justesse des propos sur la relation entre une mère et une fille. Sur ce fil, tendu et fragile, elles essaient de se tenir en équilibre et de ne pas s’enfoncer dans des abîmes bien trop sombres. Julia a cette intelligence de ne pas accabler Lucie. Elle fera tout ce qui est dans ses moyens pour la soutenir et l’aider, comme de faire appel à Rose, une amie de longue date qui va les accueillir pour quelques jours.

Ces jours suspendus sont l’occasion pour Julia de puiser dans ses souvenirs et de créer des parallèles entre sa relation avec sa propre mère et ce qu’elle a construit avec sa fille. Le passé de la mère nous est alors raconté afin d’en saisir toute la complexité.

À lire aussi
"La vie têtue" de Juliette Rousseau : histoires de transmissions féminines

D’un thème à un autre
Au-delà du thème principal qu’est la relation entre une mère et sa fille à l’adolescence, se trouve aussi un angle de vue autour de l’avortement. L’autrice exprime à travers le personnage de Lucie, la crainte que ce droit lui soit refusé.

À lire aussi
À l’écoute des médecins qui pratiquent les avortements : "C’est être humain, en fait"

L’avortement, comme Coralie Bru l’évoque, est un évènement que toute femme peut un jour connaitre dans sa vie. En choisissant de montrer un avortement à domicile, Coralie Bru a pris le parti de mettre en avant l’expérience de solitude dans lesquelles les femmes se retrouvent.

Julia et Rose accompagnent avec tout le soutien dont elles sont capables la jeune fille. Sans jugement. Grâce à cet appui sans faille, Lucie pourra se relever et continuer sa vie d’adolescente.

À lire aussi
"L’Impensé de l’IVG" de Dominique Costermans : quand un tabou se lève

C’est donc en maniant ces deux thèmes, l’interruption volontaire de grossesse chez une adolescente et la relation mère-fille, que Coralie Bru a construit son roman en puisant d’abord dans les personnes de son entourage, grâce à sa nièce mais aussi dans ses propres souvenirs d’adolescente. Elle nous explique que "pour Lucie j’ai pensé à moi à son âge. Je crois me souvenir assez bien de comment je me sentais, même si elle est très différente de l’ado que j’étais."

Ce qu’a voulu rendre compte et qu’elle réussit en finesse et en délicatesse, c’était de montrer par ce livre les liens d’amour qui unissent mère et fille. De montrer comment un évènement peut renforcer et réparer les rapports parentaux. Elle se confie en exprimant son souhait d’écrire "un livre d’amour, finalement assez chaleureux. J’ai sans doute eu besoin de personnages qui se serrent fort, qui ont une façon expansive d’être ensemble".

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

Ce besoin d’être ensemble se ressent tout au long du livre et c’est avec un sourire que l’on referme ce joli roman après avoir passé avec elles ces doux jours suspendus à se retrouver.

Nos jours suspendus de Coralie Bru, Éditions des Équateurs, 240 pages, en librairie le 11 janvier.

*Fanny De Weeze est une lectrice passionnée qui tient un blog littéraire (Mes Pages Versicolores) depuis 2016 sur lequel elle chronique des romans, des essais et des bandes dessinées.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias


https://www.rtbf.be/article/nos-jours-suspendus-de-coralie-bru-un-fil-tendu-entre-une-mere-et-sa-fille-11133029

Voir les commentaires

Musée des Beaux-Arts de Charleroi : 10% d’artistes femmes exposées, c’est bien plus qu’ailleurs !

22 Décembre 2022, 08:13am

Publié par hugo

 Musée des Beaux-Arts de Charleroi : 10% d’artistes femmes exposées, c’est bien plus qu’ailleurs !
Sur les 120 œuvres exposées dans le nouveau Musée des Beaux-Arts de Charleroi, 13 sont signées par des femmes.
© Aurélie Clarembaux

hier à 10:55

Temps de lecture
4 min
Par Sofia Cotsoglou pour Les Grenades
Les Grenades
Exposition - Accueil
Exposition - Musées
Culture & Musique
Accueil
Charleroi
FEMME
Musée
artistes
PARTAGER


Le Musée des Beaux-Arts de Charleroi a été inauguré en grande pompe le 16 décembre 2022. La collection du pays noir dispose désormais d’un magnifique écrin : les anciennes écuries de la gendarmerie situées au pied de l’emblématique tour de police.

Outre la beauté du lieu, ce qui frappe quand on visite le musée avec des lunettes de genre, c’est la présence non négligeable d’artistes femmes. Sur les 120 œuvres aux cimaises, 13 sont signées par des femmes. Soit 10% de la collection permanente. "10%, seulement ?", me diriez-vous…

On est clairement loin de la parité mais c’est franchement pas mal par rapport à d’autres musées. "On n’a pas de chiffres pour les Musées royaux des Beaux-Arts, à Bruxelles, mais les femmes artistes représentent des cacahuètes", lance Lyse Vancampenhoudt, doctorante à l’UCL qui prépare une thèse sur l’histoire de l’art au prisme du genre. Selon elle, "10% de femmes artistes à Charleroi, c’est tout à fait louable et rien que le fait de mettre ce chiffre en avant en dit déjà long sur l’attention portée à la question".

"Autoportrait" - Gilberte Dumont (1910-1989)
"Nativité" -  Gilberte Dumont – (1910-1989)
Le Musée des Beaux-Arts d’Anvers compte à peine 1,6% d’œuvres signées par des femmes
A titre de comparaison, le Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers qui a rouvert il y a quelques mois après plusieurs années de travaux a complètement raté l’occasion de sortir les femmes artistes de l’ombre. Sur les 614 œuvres exposées dans sa nouvelle collection, on dénombre à peine 10 signatures féminines. Soit… 1,6% !

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Et ce n’est guère mieux ailleurs. Au Louvre, sur les 36.000 peintres référencés, à peine 25 sont des femmes. Quant au musée du Prado à Madrid, il abrite 335 tableaux peints par des femmes sur un total de 35.000 œuvres. Ce qui représente même pas 1% de la collection. Et pire encore, à peine 84 d’entre elles sont exposées dans les salles du musée. La plupart de leurs œuvres dorment en effet dans les réserves.

L’invisibilisation des femmes dans l’histoire de l’art, la marotte d’Eve Delplanque
Eve Delplanque, responsable du Musée des Beaux-Arts de Charleroi.
"Quand je suis arrivée au Musée des Beaux-Arts de Charleroi en 2018, j’ai été surprise de constater que les artistes femmes étaient absentes du projet initial", confie Eve Delplanque, la responsable des musées de la ville. "Or, quand j’ai analysé l’inventaire, j’ai découvert de grandes artistes : Anna Boch mais aussi Mig Quinet, Gilberte Dumont ou encore Marie Rosen. Pour moi, c’était impensable de ne pas les exposer et de les laisser prendre la poussière dans les réserves", insiste-t-elle.

Frappée par l’absence de noms féminins dans ses cours à l’ULB lorsqu’elle était étudiante, elle décide d’en faire son sujet de mémoire. "Je me suis intéressée aux femmes artistes en Belgique au XXe siècle mais j’ai eu beaucoup de mal à trouver un promoteur de mémoire. On me disait que mon sujet n’était pas "assez accrocheur"", se souvient-elle.

En 2016, Eve Delplanque sort un livre sur son sujet de mémoire pour "rendre à ces oubliées de l’histoire de l’art la place qu’elles méritent".

C’est donc sans doute grâce à elle que sept artistes femmes sont exposées dans les collections permanentes du Musée des Beaux-Arts de Charleroi : Anna Boch, Gilberte Dumont, Berthe Dubail, Mig Quinet, Benedicte Henderich, Christiane Loriaux et Marie Rosen.

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

"En juin" – Anna Boch (1948-1936)
"La Sicilienne" – Christianne Loriaux (1927-2013)
"Pegase turfiste" – Mig Quinet (1906-2001)
Sans titre – Marie Rosen (1984-)
Peu présentes dans les musées, les artistes femmes sont aussi moins étudiées
"Des expositions temporaires estampillées femmes, on en fait depuis les années septante et on se rend compte que cela ne permet pas de les sortir de l’ombre", souligne Lyse Vancampenhoudt, doctorante en histoire de l’art à l’UCL. Les expos, c’est bien pour se donner bonne conscience mais ce qu’il faut, c'​est que les artistes femmes soient beaucoup plus présentes dans les collections permanentes.

Lyse Vancampenhoudt parle d’un cercle vicieux : "Les institutions culturelles refusent d’accrocher leurs œuvres car il y a peu de recherches sur elles. Faute de pouvoir les découvrir dans les musées, les étudiant.e.s en histoire de l’art s’y intéressent peu car elles sont peu documentées donc difficiles à étudier".

Exposer des artistes femmes dans les collections permanentes permet donc de créer un cercle vertueux. En étant plus visibilisées, celles-ci sont plus facilement découvertes et augmentent ainsi leurs chances de faire l’objet de recherches et donc d’être encore plus exposées dans les musées.

 

On a aussi voulu mettre en valeur le dur labeur des femmes qui ont travaillé dans les charbonnages et pas seulement des portraits de bourgeoises oisives.

Paul Magnette, bourgmestre de Charleroi

 
"Les rivageuses" – Geroge Brasseur (1880 - 1950)
"Les rivageuses" – Geroge Brasseur (1880 - 1950) © Musée des Beaux-Arts de Charleroi
Outre la présence d’artistes femmes, le Musée des Beaux-Arts de Charleroi surprend aussi par la manière dont sont représentées les femmes. Généralement reléguées au rang de muses prenant des poses lascives dans des tenues diaphanes, on découvre ici le dur labeur des ouvrières dans les charbonnages.

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

"On voulait vraiment mettre en valeur les travailleuses qui ont participé à l’âge d’or de notre région et pas seulement des portraits de bourgeoises oisives", insiste Paul Magnette, le bourgmestre de Charleroi qui a la culture parmi ses compétences. "Pour que les petites filles qui visitent le musée se disent que leur grand-mère a elle aussi participé à la grande aventure du charbon…"

Et c’est pareil pour les petites filles qui ont l’âme artistique. Exposer dans les musées des artistes femmes tombées dans l’oubli d’une histoire écrite par les hommes permet aux filles de se sentir plus légitimes à participer elles aussi à la grande aventure de l’histoire de l’art.

 
Les anciennes écuries de la gendarmerie au pied de la tour de police, nouvel écrin du Musée des Beaux-Arts de Charleroi.
Les anciennes écuries de la gendarmerie au pied de la tour de police, nouvel écrin du Musée des Beaux-Arts de Charleroi. © Sofia Cotsoglou
Sur les traces de ces femmes invisibilisées dans l’histoire – Les Grenades, série d’été

Les Grenades - Série d'Eté
Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement


Connectez-vous
Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/article/musee-des-beaux-arts-de-charleroi-10-dartistes-femmes-exposees-cest-bien-plus-quailleurs-11126564

Voir les commentaires

Parité dans le théâtre belge francophone : chantier en cours , articles femmes hommes, egalite,

20 Juillet 2020, 04:43am

Publié par hugo

 Parité dans le théâtre belge francophone : chantier en cours
Parité dans le théâtre belge francophone : chantier en cours3 images 
Parité dans le théâtre belge francophone : chantier en cours - © Getty Image
JT 19h30 (Boucle de nuit)
JT 19h30 (Boucle de nuit) lazyloadEn Direct
La Une
JT 19h30 (Boucle de nuit)
19.07.2020 -
28 min restantes

Une chronique de Lisa Cogniaux
 Publié le dimanche 12 juillet 2020 à 11h29
Facebook Twitter Pinterest LinkedIn Email138 
Le secteur théâtral n’échappe pas à la règle : la majorité de ses institutions sont dirigées par des hommes. Une étude récente commandée par Elsa Poisot et la compagnie Ecarlate, dirigée par l’ULIEGE en collaboration avec la Bellone et la Chaufferie Acte I, fait le bilan sur les chiffres de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Newsletter info
Recevez chaque matin l’essentiel de l'actualité.

Elle analyse les proportionnalité hommes-femmes à tous les niveaux : directions mais aussi instances d’avis, CA, répartition des subventions, emplois administratifs, techniques et artistiques.

Des chiffres révélateurs
Les premières statistiques qui ont été rendues publiques sont éclairantes : environ 70 % des institutions subventionnées, qui reçoivent 86 % du budget complet alloué au secteur théâtral, sont dirigées par des hommes. 20 % sont dirigées par des femmes et 10 % par des directions mixtes.

L’étude s’est déroulée de septembre à avril 2019 à avril 2020 et les résultats complets seront communiqués lors de trois journées d’étude à la Bellone les 5, 6 et 7 octobre 2020.

Environ 70 % des institutions subventionnées, qui reçoivent 86 % du budget complet alloué au secteur théâtral, sont dirigées par des hommes

Interpellant : c’est la première étude qui se penche sur des résultats chiffrés en termes d’égalité hommes-femmes dans le théâtre belge francophone. Elsa Poisot et la compagnie Écarlate aimeraient continuer ce travail de recherche en se penchant sur la situation les personnes aux intersections des discriminations et les personnes les plus précaires, mais pour l’instant les financements ne sont malheureusement pas garantis.

Constat récent
Pour l’instant, il n’existe aucun quota ferme qui obligerait les institutions à employer/programmer un certain pourcentage de femmes, et nous avons dit que la première étude transversale sur le sujet vient d’être achevée. Le chantier est donc vaste…

C’est seulement depuis quelques années, et notamment sous l’impulsion du groupe F(s), dont l’autrice de cet article fait partie, que la presse, les politiques et les acteur.rice.s du milieu commencent à prendre conscience de l’anormalité de cet état de faits.

Pour rappel, F(s) est une association militante née spontanément le 4 mai 2018 suite à l’énième nomination d’un homme à la tête d’une institution, alors que de nombreuses femmes étaient candidates. Le ras-le-bol et la colère face au sexisme "inconscient" et jamais nommé du milieu a donné lieu à la formation d’un groupe en non-mixité de personnes s’identifiant comme femmes.

►►► A lire : "Moins de cravates, plus de chattes": les militantes féministes dénoncent le sexisme au festival Ars Musica

Le groupe milite pour qu’il y ait plus de femmes aux postes de pouvoir : dans les directions mais aussi les instances d’avis et CA, afin d’atteindre petit à petit une parité autant dans les employés administratifs que dans les artistes programmés.

Pour l’instant, il n’existe aucun quota ferme qui obligerait les institutions à employer/programmer un certain pourcentage de femmes, alors que la première étude transversale sur le sujet vient d’être achevée. Le chantier est donc vaste…

Fissures dans le plafond de verre théâtral ?
2020, 2021 et 2022 sont des années de renouvellement dans le secteur théâtral. Les directions du Varia, de la Balsamine, du Théâtre de Namur changeront pour la saison 2021-2022 ; l’atelier Théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve annoncera sa nouvelle direction d’ici peu ; et enfin, l’atelier 210 et le Rideau, théâtres situés à Bruxelles, viennent d’annoncer qu’ils ont choisi leurs nouvelles… directrices. Au 210, l’artiste Léa Drouet succède à Isabelle Jonniaux, qui a dirigé la programmation artistique du lieu durant 15 ans. Au Rideau de Bruxelles, Cathy Min Jung succède à Michaël Delaunoy, qui vient de terminer son second mandat de 5 ans. Notons que Cathy Min Jung est la première femme racisée nommée à la tête d’une institution théâtrale, dans un milieu où celles-ci sont doublement sous-représentées et discriminées.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Le Varia, La Balsamine, l’atelier Jean Vilar sont déjà dirigés par des femmes (respectivement Sylvie Somen, Monica Gomès, Cécile Van Snick), le Théâtre de Namur par un homme (Patrick Colpé) : espérons que la proportionnalité de femmes nommées aux postes de pouvoir ne sera pas renversée dans les prochaines nominations.

Des femmes compétentes aux multiples atouts
Léa Drouet et Cathy Min Jung peuvent se prévaloir d’un parcours artistique singulier et riche. Les deux femmes ont en commun d’être polyvalentes, aux croisements de plusieurs disciplines et socialement engagées.

Cathy Min Jung, nouvelle directrice du Rideau de Bruxelles
Cathy Min Jung, nouvelle directrice du Rideau de Bruxelles - © Beata Szparagowska
Cathy Min Jung est metteuse en scène, autrice, comédienne, réalisatrice, directrice de sa compagnie Billie on stage ; elle a réalisé un documentaire, écrit trois pièces de théâtre (Les Bonnes intentions – qui a reçu un prix de la critique pour le texte et la scénographie – , Sing my life et récemment La cour des grands, dont la diffusion a été interrompue par le COVID-19), joué pour le théâtre, la télévision et le cinéma.

Elle a également une vision politique proche du féminisme et des mouvements décoloniaux, ainsi qu’une volonté de défendre des politiques culturelles diversifiées et humaines.


Léa Drouet, nouvelle coordinatrice de l’atelier 210
Léa Drouet, nouvelle coordinatrice de l’atelier 210 - © Bea Borgers
Léa Drouet est une metteuse en scène qui aime travailler aux croisements des arts : musique, performance, arts visuels, théâtres. Elle fonde et dirige la structure de production Vaisseau. Notamment programmée aux Kunstenfestivaldesarts en 2018 (avec la performance Boundary Game) et en 2020 (avec le spectacle Violences), c’est une artiste engagée.

Dans ses œuvres, elle mêle les questionnements propres aux sciences humaines à la création artistique. Pour l’atelier 210, elle souhaite une vision pluridisciplinaire : on peut donc s’attendre à ce que la danse, théâtre, musique ou performance se croisent et se répondent dans les saisons à venir. Tant dans son travail que dans son projet pour le 210, elle veut aussi s’interroger sur les rapports de classes, de genres, de races.

Ce qui est réjouissant dans leur nomination n’est pas qu’elles soient des femmes, même si c’est un signe d’avancement positif. Leurs projets, bien distincts, se rejoignent par une réflexion d’inclusion et de diversité qui, peut-être ?, nait aussi de l’expérience singulière d’être en position minoritaire.

Légitimité des "femmes de pouvoir"
L’imposition de quotas permettrait que la parité devienne une habitude ancrée et qu’il soit possible à tou.te.s, homme ou femme, de s’imaginer dans une position de leadership, que ce soit pour diriger une entreprises ou une institution culturelle, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui.

Dans un contexte de backlash féministe, lorsqu’une femme est nommée à un poste de pouvoir il y a toujours un soupçon : et si c’était pour "faire bien" ? Pour "les quotas" ? à l’inverse, on n’imagine rarement qu’un homme soit nommé parce que c’est un homme. Pourtant, dans l’inconscient collectif, la masculinité et la compétence vont encore de pair : beaucoup d’hommes sont donc probablement à des postes de pouvoir parce que ce sont des hommes.

L’imposition de quotas permettrait que la parité devienne une habitude ancrée et qu’il soit possible à tou.te.s, homme ou femme, de s’imaginer dans une position de leadership, que ce soit pour diriger une entreprises ou une institution culturelle, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Et quand je parle de parité, je parle également de représentations égales de toutes les classes sociales et de toutes les origines.

Les perspectives et les subjectivités sont multiples et déterminées par nos positionnements sociaux. Si c’est toujours le même type de profil aux postes dirigeants, nous sommes enfermés dans une subjectivité, une perspective qui ne rassemble qu’une poignée de personnes.

Nommer des femmes, des personnes queers, des personnes ayant l’expérience de la précarité à des postes de pouvoir permettra/it l’émergence de nouveaux récits et trajectoires pour les institutions culturelles. Et peut-être, qui sait ?, de réinventer les modes hiérarchiques de gouvernance…

Au début de son dossier "Visions" pour le Rideau de Bruxelles, Cathy Min Jung écrit un poème en prose qui évoque le soin qu’il faudra apporter aux équipes qui travaillent pour le théâtre, au public.

Cette forme, qui part de l’intime pour s’ouvrir sur le sociétal, me semble éminemment féminine, voire féministe. Pas parce que les femmes sont essentiellement plus empathiques ; mais parce qu’elles ont appris, pendant des siècles, à prendre soin. Institutions culturelles, artistes, spectat.eur.rice.s : dans un contexte précaire, fragile, nous avons besoin plus que jamais de personnes qui tissent des liens et prennent soin des relations.

Lisa Cogniaux est dramaturge et passionnée par les enjeux politiques soulevés dans les questions de représentations.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d'actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_parite-dans-le-theatre-belge-francophone-chantier-en-cours?id=10540436

Voir les commentaires

12 féminicides en Belgique en 2020,femmes,violences,femmes battues,

26 Juin 2020, 03:25am

Publié par hugo

 12 féminicides en Belgique en 2020
12 féminicide en Belgique en 2020
12 féminicide en Belgique en 2020 - © Tous droits réservés
  
12 féminicides en Belgique en 2020
12 féminicides en Belgique en 2020
 
Camille Wernaers
 Publié le mercredi 24 juin 2020 à 16h16
Facebook Twitter Pinterest LinkedIn Email312 
Le 22 juin, deux femmes ont été tuées par leur (ex-)compagnon en Belgique. Marie-Paule Lheureux a été tuée par son mari, Daniel Haumont, qui lui a tiré dessus à bout portant avant de se suicider.

PUBLICITÉ

Ads by Teads
Le même jour, Jessika O. a été tuée à coups de couteau dans son habitation par son compagnon, Steven D., duquel elle venait de se séparer. Il a été arrêté et mis à disposition de la justice. Jessika avait 4 enfants, âgés de 3 à 5 ans.

Christiane, Mégane, Katja, Myriam et d'autres femmes anonymes ont elles aussi été victimes de féminicide cette année. Elles ont été tuées par leur fils ou un agresseur sexuel, le plus souvent par un (ex-)compagnon. Leur nom est recensé sur le blog Stop Féminicide, gérés par des associations de terrain car la Belgique ne comptabilise pas officiellement les féminicides. On ne connait que les cas qui sont traités par les médias : 43 femmes ont été tuées en 2017, 38 en 2018 et 24 en 2019 dans notre pays. Elles sont 12 femmes pour les 6 premiers mois de 2020.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

La séparation, un moment décisif dans les cas de féminicides
Pour reprendre les mots du journal Libération, ces femmes sont tuées à cause de la "mentalité de propriétaire des hommes". Le journal Le Monde a quant à lui réalisé une grande enquête autour des 120 féminicides identifiés en 2018. Les journalistes écrivent : "Un schéma revient de façon récurrente dans ces couples : celui de la prise de contrôle radicale d’un homme sur sa conjointe, un homme qui fait tout pour la maintenir sous sa coupe. Ce phénomène d’emprise peut durer des années jusqu’à ce que la femme décide d’y mettre un terme en voulant reprendre sa liberté.

"C’est ainsi la séparation ou la menace de séparation qui provoque la plupart du temps le passage à l’acte, souvent très violent : pour les auteurs de féminicides, la rupture est vécue comme une dépossession à ce point insupportable qu’ils préfèrent tuer leur compagne plutôt que de la voir échapper à leur contrôle". Le journal constate également que ces violences sont considérées comme "privées" et tues alors qu'il s'agit d'un phénomène de société.

►►►A lire : Retour sur le terme "féminicide" après une tentative de meurtre

Continuum de violences
Depuis 2014, le dictionnaire le Robert a inscrit le mot "féminicide" à son répertoire : "féminicide [feminisid] adj. et n.m. 1. Qui tue une femme. 2. Meurtre d’une femme, d’une fille en raison de son sexe".

C’est ainsi la séparation ou la menace de séparation qui provoque la plupart du temps le passage à l’acte, souvent très violent : pour les auteurs de féminicides, la rupture est vécue comme une dépossession

Anthropen, le dictionnaire d’anthropologie contemporaine définit le féminicide comme "le point d’aboutissement ultime d’un continuum de violence[s] […] s’exerçant spécifiquement à l’endroit des femmes. En d’autres termes, on peut parler de [féminicide] lorsque le viol, l’esclavage sexuel, l’inceste, l’hétérosexualité forcée, les mutilations génitales ou celles effectuées au nom de la beauté comme la chirurgie esthétique, provoquent la mort d’une femme."

►►►A lire : "Continuum", une série de podcasts des Grenades sur les violences conjugales

En 2016, la Belgique s’est engagée à respecter la Convention d’Istanbul très contraignante en matière de violences faites aux femmes. Dans les faits, une majorité des articles de cette convention sont peu, mal ou pas du tout appliqués, selon les associations féministes.


Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d'actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_12-feminicides-en-belgique-en-2020?id=10529009

Voir les commentaires

Le genre, bientôt illégal en Roumanie ?, articles femmes hommes, egalite,

23 Juin 2020, 13:16pm

Publié par hugo

 Le genre, bientôt illégal en Roumanie ?
Le genre, bientôt illégal en Roumanie ?
Le genre, bientôt illégal en Roumanie ? - © Getty Images
 
 Publié le lundi 22 juin 2020 à 14h43
Facebook Twitter Pinterest LinkedIn Email384 
Le 16 juin dernier, le Sénat roumain a adopté la loi 87/2020, qui modifie et complète la Loi sur l’éducation nationale. L’article 7 de ce texte interdit, notamment "dans les unités, institutions d’enseignement et dans tous les espaces destinés à l’éducation et à la formation professionnelle, y compris dans les unités qui offrent une éducation extra-scolaire", "les activités qui visent à diffuser la théorie ou l’opinion de l’identité de genre, entendue comme théorie ou opinion selon laquelle le genre est un concept différent du sexe biologique et que les deux ne sont pas toujours identiques".

Ce texte a préalablement reçu l’accord tacite de la Chambre des Députés et doit à présent être promulgué par le Président de la République roumaine, Klaus Iohannis (Parti national libéral). Il semble désormais acquis que ce dernier refusera de le faire et renverra le texte au Parlement. Toutefois, il sera ultérieurement contraint d’adopter le texte tel que revu par les Chambres. La mobilisation, tant nationale qu’internationale, sera donc cruciale au cours de cette nouvelle étape du processus législatif.

Des conséquences pour les femmes et les personnes LGBT
Si elle est adoptée, cette loi pourrait avoir des conséquences majeures pour les femmes et les personnes LGBTI dans ce pays. D’une part, elle rendra illégale la plupart des dispositifs de lutte contre le sexisme, l’homophobie et la transphobie à tous les niveaux d’étude, de la maternelle à l’université. D’autre part, elle empêchera le fonctionnement des programmes en études de genre et menacera l’existence future de ce domaine d’études, alors que la Roumanie comprend deux masters en études de genre et une scène intellectuelle féministe et LGBTI dynamique.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Si cette loi a été adoptée par surprise, elle s’inscrit dans une intensification des campagnes anti-genre[1] dans ce pays depuis quelques années. Celles-ci ont été marquées par un référendum sur la définition constitutionnelle du mariage en 2018 (perdu par les acteurs conservateurs) et des restrictions récentes à la législation sur l’éducation sexuelle dans les écoles (2020).

Hostilité et violence
Par ailleurs, l’hostilité et la violence contre les militant·es féministes et LGBTI, ainsi que les chercheur·ses en études de genre, a augmenté au cours de cette période. Dans les deux cas, on note le rôle important de l’Église orthodoxe roumaine et d’acteurs étrangers, ainsi que le soutien crucial des controversés sociaux-démocrates roumains… sans lesquels aucune de ces initiatives n’aurait prospéré.

La plupart du temps, ces acteurs ne s’inquiètent pas seulement de la formation de leurs enfants, mais considèrent le genre comme la matrice intellectuelle des réformes éthiques qu’iels combattent, ainsi qu’un complot sournois ourdi par les féministes, les militant·es LGBTI et les chercheur·ses en études de genre.

Il s’agit d’un combat contre une pensée libre et critique, qui ose interroger et contester les hiérarchies et les pouvoirs établis, d’une pensée qui permet l’existence et la subsistance de sociétés ouvertes et démocratiques

Il s’agit à leurs yeux d’une entreprise idéologique totalitaire, d’une tentative de prise de pouvoir de la part de minorités malfaisantes et du projet insidieux d’élites dépravées. C’est aussi le nom d’un projet néocolonial par lequel, par exemple, les autorités européennes et les États occidentaux imposeraient leurs valeurs au reste du monde (y compris en Europe de l’Est).

Attaques contre la liberté académique
Au niveau de l’enseignement supérieur, ce texte constitue une attaque importante contre la liberté académique et l’autonomie des universités. En effet, le Parlement roumain veut intervenir directement, à partir de priorités politiques et hors de tout débat scientifique, dans le contenu de ce qui peut ou non être enseigné à l’université.

Pour cette raison, les principales universités roumaines, dont l’Université de Bucarest, l’Université Babes Bolyai (Cluj-Napoca et l’École nationale de sciences politiques et administratives, ont tout de suite exprimé leur opposition au projet de loi. Ce n’est pas un hasard si les études de genre figurent parmi les premières victimes des attaques contemporaines contre la liberté académique, un scénario qui s’observe dans toute l’Europe (France, Hongrie, Italie, Pologne, Russie,…), au Brésil ou aux Etats-Unis. En effet, celles-ci constituent une cible relativement facile vu leur jeunesse et leur faible institutionnalisation, tout en offrant une charge symbolique puissante.

Ce texte de loi constitue une attaque importante contre la liberté académique et l’autonomie des universités

Si l’exemple roumain peut sembler lointain, il ne s’agit pas d’un cas isolé. Si elle est adoptée, cette loi risque de faire tâche d’huile et de confirmer une tendance amorcée depuis quelques années. En effet, ce texte fait suite à la décision hongroise de désaccréditer les programmes en études de genre en 2018 et son contenu rappelle les mobilisations, nombreuses dans le monde, pour dénoncer l’emprise d’une soi-disant "idéologie" féministe, "homosexualiste" ou trans dans les écoles.

Cette loi menace aussi les valeurs européennes, telles qu’elles ont été définies jusqu’à présent dans les traités, et contribue ainsi à l’érosion de la démocratie.

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

A l’heure où des discours anti-genre se font de plus en plus souvent entendre dans notre pays (particulièrement en Flandre), il convient de rester vigilant·e. Les assauts contre les études de genre préfigurent souvent des attaques plus vastes.

Une pensée libre et critique
À l’inverse de ce qu’affirment depuis presque 30 ans nombre d’intellectuel·les de droite et d’extrême-droite (tout comme les personnes qui répètent leurs arguments à gauche), ces attaques ne constituent pas un combat pour permettre l’expression de vérités devenues inaudibles sous le poids du "politiquement correct", pour rétablir l’universalité d’une université sous l’emprise de diverses minorités ou pour réduire l’hégémonie académique supposée de la gauche et de l’extrême-gauche.

Cette loi rendra illégale la plupart des dispositifs de lutte contre le sexisme, l’homophobie et la transphobie à tous les niveaux d’étude, de la maternelle à l’université

Il s’agit au contraire d’un combat contre une pensée libre et critique, qui ose interroger et contester les hiérarchies et les pouvoirs établis, d’une pensée qui permet l’existence et la subsistance de sociétés ouvertes et démocratiques.

En bref, les attaques contre les études de genre et la liberté académique constituent une pièce essentielle des processus de recul démocratique que connaissent aujourd’hui de nombreuses sociétés en Europe et ailleurs.

[1] Roman Kuhar et David Paternotte (dir.), Campagnes anti-genre en Europe. Des mobilisations contre l’égalité, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2018.

David Paternotte (ULB) est le président du comité de gestion du master interuniversitaire en études de genre.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d'actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_le-genre-bientot-illegal-en-roumanie?id=10527275

Voir les commentaires

L'écoféminisme et la revalorisation du care pour changer le monde,femmes,ecologie

23 Juin 2020, 13:13pm

Publié par hugo

 L'écoféminisme et la revalorisation du care pour changer le monde
L'écoféminisme et la revalorisation du care pour changer le monde
L'écoféminisme et la revalorisation du care pour changer le monde - © Getty Images
 Publié le lundi 15 juin 2020 à 11h42
Facebook Twitter Pinterest LinkedIn Email269 
Nous vivons une période de crise. Il ne fallait pas attendre un virus pour s’en rendre compte, mais plus que jamais la Covid-19 a mis en lumière les failles et dysfonctionnements de notre système.
 
Précarité, catastrophes écologiques, inégalités de genre, le monde dans lequel nous vivons n’est pas ce qu’il y a de plus rose. Les écarts entre riches et pauvres se creusent, la biodiversité est toujours plus menacée, les défis sociétaux auxquels nous faisons face sont multiples et immenses. Du côté des politiques, les réponses sont loin d’être à la hauteur selon la société civile. Changer de monde, oui, mais comment ? Et si l’écoféminisme était une clé pour sortir de la logique productiviste ? 

►►► A lire : Ecologie et féminisme: retour de la convergence des luttes

Le magazine "Sociétés en changement" publié par l’IACCHOS, l’Institut d'analyse du changement dans l'histoire et les sociétés contemporaines et l’UCL ouvre le champ des possibles. Le dernier numéro est consacré à la perspective écoféministe pour penser la crise de notre écosystème. Nous avons interviewé Pascale Vielle, juriste et chercheuse au CIRTES (Centre interdisciplinaire de recherche Travail, État et Société) et Alain Henry, physicien et économiste au Bureau fédéral du Plan qui ont co-écrit l’ouvrage.

Les limites du productivisme
Comme le rappelle la première partie de leur article, le paradigme politique qui domine nos sociétés depuis le XIXe siècle est le productivisme. "Le PIB, l’économie, la compétitivité guident les prises de décisions", clarifie Alain Henry. Nous le savons toutes et tous, les conséquences de ce modèle sont dramatiques. Au niveau environnemental, la surexploitation de la nature met en danger la planète. Au niveau social, l’écart des inégalités se creuse entre les personnes au niveau de leurs revenus, de leur genre ou de leurs origines.

L’approche écoféministe, centrée sur l’être humain et la réappropriation de sa relation à la nature et à son environnement, placerait le care au centre du système

Le productivisme a atteint sa limite, il faut le remettre en question, nous n’avons plus le choix. "Dans le monde académique comme pour les experts, une immense majorité est convaincue de l’urgence de changer mais ça ne passe pas le cap des politiques. Le développement durable n’est pas une priorité des autorités. La remise en cause du modèle est difficile à accepter pour les dominants", rappelle le chercheur.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Revaloriser le féminin
"L’écoféminisme est une grille de lecture qui dénonce les rapports d’oppression de nos sociétés nature/humanité, masculins/féminins, Nord/Sud, Scientifique/Intuitif", explique Alain Henry. Cette approche propose une revalorisation et une réappropriation du pôle féminin, que ce soit pour les femmes mais aussi pour les hommes. L’objectif ? Plus de bienveillance et de solidarité pour toutes et tous.

La remise en cause du modèle est difficile à accepter pour les dominants

"L’idée est d’assumer la connexion de la terre et du féminin, et de réhabiliter l’ensemble des valeurs "inférieures" du cadre conceptuel d’oppression (le particulier, le concret, l’émotionnel, le naturel, le féminin), pour construire un nouveau modèle de société", peut-on lire dans l’article. Cette vision remet complètement en question le productivisme et sa triple domination de la terre, des femmes et du Sud. "Les écoféministes revendiquent des valeurs, des principes, des postulats qui ont été négligés, leurs revalorisations seraient bénéfiques pour l’ensemble de l’humanité", avance Pascale Vielle, qui s’intéresse à la question du genre depuis 30 ans et à l’écoféminisme depuis plusieurs mois.

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

La confection de masques, un exemple
Comme nous l’avons souligné dans de précédents articles publiés sur les Grenades, la majorité des masques ont été confectionnés par des femmes souvent bénévoles. Selon la chercheuse, "les femmes partent de leur vécu et le transforme en exigences pour l’humanité." La crise du Covid-19, et la place du travail des femmes pour protéger la population illustrent ses propos. "La confection domestique de masques est un exemple des activités de care et de la réappropriation d’un savoir-faire "féminin" ". "En quelques jours, elles se sont formées les unes les autres, ont relocalisé des chaînes de production, ont démontré l’enjeu essentiel du care... En partant de l’expérience des couturières, on peut analyser la mise en place d’un système alternatif à la logique productiviste", éclaire la juriste.  

Les femmes partent de leur vécu et le transforme en exigences pour l’humanité

"Conjuguée aux valeurs de l’écoféminisme, cette approche pragmatique, enracinée au plus près de l’expérience des femmes, conduit en définitive à imaginer une transformation radicale de la sécurité sociale, au service d’une transition environnementale alliée d’une justice sociale", a écrit Pascale Vielle.

►►► A lire : Solidarité en temps de pandémie: une affaire genrée?

Le care au cœur des valeurs
Rappelons par ailleurs que les femmes représentent 80% des personnes qui travaillent dans le secteur de la santé humaine et de l’action sociale.  Selon les auteurs, "l’approche écoféministe, centrée sur l’être humain et la réappropriation de sa relation à la nature et à son environnement, placerait le care au centre du système".

"L’approche pragmatique a été négligée par la science. Le savoir qui s’est transmis de femmes en femmes est un savoir qui avait une valeur mais qui a été évincé. Au fil des années on a délégitimé les modes de transmission des savoirs ancestraux et d’appréhension du réel. Même à travers cet article, on s’est heurté à des réactions dans le champ scientifique", explique la chercheuse. Et pourtant, l’urgence est là.

L’enjeu aujourd’hui est de se faire entendre par les preneurs de décision. "Peut-être qu’il faut descendre dans la rue ?", interroge Alain Henry. "Pour que les gens se mobilisent il faut qu’ils et elles co-construisent leur compréhension de ce qu’il s’est passé, et sur cette base se créeront les mouvements de masse", ajoute Pascale Vielle.

Passé le choc de la crise sanitaire et sociale que nous venons de vivre, il sera temps de nous faire entendre, il en va de la survie de l’humanité, rien que ça !

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d'actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.


https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_l-ecofeminisme-et-la-revalorisation-du-care-pour-changer-le-monde?id=10522279
 

Voir les commentaires

Harcèlement à l'université: "J'en garde des séquelles", femmes ,violences,

23 Juin 2020, 13:09pm

Publié par hugo

 Harcèlement à l'université: "J'en garde des séquelles"
Harcèlement à l'université: "J'en garde encore des séquelles"
Harcèlement à l'université: "J'en garde encore des séquelles" - © Getty Images
 
 Publié le vendredi 12 juin 2020 à 13h15
Facebook Twitter Pinterest LinkedIn Email1031 
Depuis 1993, les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans les auditoires de l’enseignement supérieur, et elles réussissent mieux comme le montraient les chiffres de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2015 et de l'Iweps en 2018. Elles connaissent cependant des obstacles spécifiques sur leur parcours étudiant.

Il n’existe pas de chiffres officiels sur le harcèlement moral et/ou sexuel dans les universités belges. En France, un vade-mecum de 2017 de Association Nationale des Études Féministes a collecté des témoignages de femmes dans les établissements d’enseignement supérieur ou la recherche. Ce texte a été présenté à l'ULiège en février 2018 par la sociologue Erika Flahault, co-autrice du Petit livre blanc sur les violences sexuelles dans les universités.

Des rapports de pouvoir pouvant conduire à des abus
"[Ces témoignages] démontrent qu’il y existe, comme ailleurs, des comportements déplacés, discriminatoires, voire violents, qui nuisent à l’intégrité des personnes et au déroulement de leurs études ou de leur carrière", écrit l’association dans le vade-mecum, qui constate : "Dans les universités, grandes écoles ou encore instituts de recherche, publics ou privés, existent des rapports de pouvoir pouvant conduire à des abus".

Morceaux choisis parmi les différents témoignages recueillis par l'association : "Il y a eu lors de cette année un net abus de pouvoir qui a failli me coûter un redoublement"; "J’étais trop épuisée, perdue, je me sentais sale, je voulais me laver et dormir. J’ai passé une longue période en état de choc"; "Je suis très angoissée lorsque je dois avoir des entretiens ou des réunions de travail seule avec un employeur ou un hiérarchique."

"Dommage que vous n’ayez pas aussi oublié de vous habiller, mademoiselle", paroles accompagnées d’un sourire équivoque

"Myriam vient suivre une première année d’études universitaires en France, pays qu’elle découvre, seule, sans famille ni ami·e·s. Un enseignant vacataire la convoque sous prétexte de lui donner des conseils, lui fait des avances sexuelles à plusieurs reprises, qu’elle refuse. Elle n’arrive pas à faire cesser le harcèlement et ne sait pas à qui se confier. Déstabilisée, elle arrête les cours, ne valide pas son année, décide de déménager dans une autre ville"; "Lors d’un oral, une étudiante se présente à son professeur puis se dirige vers la salle de préparation pour rédiger ses réponses au sujet. Elle s’aperçoit alors qu’elle a oublié son stylo et revient sur ses pas pour demander au professeur de lui prêter un stylo. Ce dernier lui tend l’objet en disant : "Dommage que vous n’ayez pas aussi oublié de vous habiller, mademoiselle", paroles accompagnées d’un sourire équivoque".

►►► A lire : Comment lutter contre les inégalités de genre à l'Université?

"Briser des carrières"
Des rapports de pouvoir problématiques, c'est ce qui est arrivé à Sophie* durant ses études. Pour écrire cet article, il a fallu enquêter plusieurs semaines et rassurer les témoins potentiel.les. “Les professeurs d’universités sont influents et peuvent briser des carrières”. Cette phrase est revenue plusieurs fois, c’est pourquoi les différentes personnes mentionnées dans cet article resteront anonymes. 

Les Grenades ont pu écouter un enregistrement et ont lu une dizaine d’échanges de mails entre Sophie et la hiérarchie de l’ISTI, l’école d’interprétation et de traduction attachée à l’ULB. Dans tous ces différents documents, Sophie mentionne les mêmes faits durant l’année académique 2018-2019.

Pendant mon test d’entrée, j’ai senti son regard sur moi, et je ne me suis pas sentie bien

"En Master, les choses se sont gâtées"
“J’ai décidé de faire un deuxième master universitaire à 32 ans. Je voulais ce diplôme, me former dans les langues, je suis donc entrée en 2015 à l’ISTI, l’Institut Supérieur en Traduction et Interprétation, pour commencer un bachelier. J’avais entendu plusieurs choses, des rumeurs sur l’école mais je n’avais pas fait attention parce que cela ne m’avait pas touchée personnellement. C’est en arrivant en master que les choses se sont gâtées”, se remémore Sophie.

Beaucoup d’étudiant.es quittent l’école après le bachelier, Sophie parle d’”écrémage”. Elle entre dans le master en interprétation après un test d'aptitude. Il faut combiner deux langues, en plus de sa langue maternelle. Dans chacun des cours, elle se retrouve avec seulement deux autres étudiantes. Une majorité de femmes étudient à l’ISTI.

"Une drôle de manière de répondre à une étudiante"
“Avant d’entrer en master, j’ai fait un Erasmus à la KU Leuven. J’ai eu besoin de contacter monsieur D., car il devait signer des papiers. Je ne suis pas arrivée à le joindre, j’ai essayé de le contacter par mail, de laisser des choses dans son casier. J’ai compris plus tard qu’il faisait tout pour être injoignable, il voulait que tout se fasse en face-à-face, nous forcer à venir le voir. Il a tout de même fini par répondre à un de mes mails, d’une manière bien trop intime, en me disant que peut-être que si je le lui demandais autrement, cela changerait les choses. Nous correspondions en néerlandais et j’ai cru que je n’avais pas compris toutes les nuances, mais j’ai trouvé que c’était une drôle de manière de répondre à une étudiante. Les autres professeurs d’université ne nous parlent pas comme ça. J’ai demandé ce qu’elle en pensait à une amie néerlandophone et elle a confirmé mes impressions. J’ai aussi eu un souci pendant mon Erasmus et monsieur D. m’a demandé mon numéro de téléphone privé. J’ai de nouveau trouvé cela étrange”.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Sophie découvre que le même monsieur D. sera un de ses professeurs durant son master en interprétation. “Pendant mon test d’entrée, j’ai senti son regard sur moi, et je ne me suis pas sentie bien. Il m’avait testé informellement auparavant, sans tout le jury, juste lui et moi en classe, j’avais été en alerte tout le long de ce test".

Au début du semestre, une ancienne étudiante de bachelier entre dans la classe. Elle n’a pas passé le test d’aptitude pour entrer dans le master d’interprétation mais elle participera aux cours, explique le professeur. “Dès le départ, il a instauré un double standard, car cette élève a été privilégiée. Et mon but n’est pas de la critiquer, elle, personnellement mais bien de faire comprendre l’ambiance qui s’est installée dans la classe. Plus tard, le professeur s’est défendu en disant que le test n’est pas obligatoire. Je ne connais personne d’autre qui soit entré.e en master d’interprétation sans passer le test. A l’ISTI, ce sont les professeurs qui décident, les règles peuvent être détournées. Dans ce climat de favoritisme créé par le professeur, celles qui accepteront ce type de rapport privilégié seront favorisées et celles qui, au contraire, le refuseront ou le critiqueront seront défavorisées. C’est à ce moment-là qu’il m’est apparu évident que ce professeur cherchait à ce qu’on le séduise, que c’était ce qui était attendu de nous”, souligne Sophie.

La classe, un lieu de drague ?
D’après Sophie, la classe se transforme alors en un lieu de drague entre le professeur et la nouvelle élève, appelée Fiona (le prénom a été modifié). “Très souvent, il nous demandait de sortir pour les laisser en tête à tête. Nous n’avions plus cours. Or, j’ai des enfants et j’ai travaillé pour payer seule mon minerval. Je tenais à cette formation. Quand je l’ai confronté en lui disant que ce n’était pas une situation normale, il m’a juste répondu de ne plus venir si cela ne me plaisait pas. Je ne recevais quasi plus de feedback sur mon travail”, s’insurge Sophie.

Monsieur D. m’a demandé mon numéro de téléphone privé. J’ai trouvé cela étrange

Monsieur D. ne communique pas via son adresse mail professionnelle et ne prévient visiblement pas de ses absences. “Il ne communiquait qu’avec Fiona via Whatsapp et c’est elle qui nous transmettait les consignes pour les travaux ou les cours. Elle servait d’intermédiaire”, précise-t-elle. Un jour, Sophie se retrouve seule dans la classe à attendre le professeur, qui ne viendra pas. Après le quart d’heure académique, ou plutôt la demi-heure académique, elle s’en va. Elle apprendra que d’autres étudiant.es ont vu le professeur quitter l’école avec Fiona peu avant le cours. Pour Sophie, c’est la goutte de trop. “J’ai aménagé mes horaires de travail pour pouvoir étudier et il ne nous prévient même pas qu’il ne donne pas cours”, explique-t-elle.

Sophie décide de contacter le directeur de la section de traduction par mail. Lors d’un rendez-vous avec lui, ce directeur lui dira que ce sont des choses qui se sont toujours passées à l’ISTI. "C’est lui qui a carrément parlé de réputation de harcèlement sexuel au sein de l’école, alors que je n’avais même pas encore abordé ce terme à ce stade-là. Il a aussi dit que des femmes choisissaient sciemment de ne pas étudier dans cette école à cause de ce qui s’y passait", précise-t-elle.

"Des remarques bizarres sur mon travail"
Dans la classe, la situation se dégrade. “Monsieur D. a dû être mis au courant de la réunion avec le directeur parce qu’il a commencé à me critiquer, à me faire des remarques bizarres sur mon travail. Je suis devenue son ennemie. J’avais toujours très bien réussi mes examens jusque là donc il ne pouvait pas m’avoir sur l’aspect intellectuel mais il retournait cela contre moi. Il me disait par exemple que je savais beaucoup de choses mais que cela ne suffisait pas. J’ai également vu Fiona préparer des exercices d’interprétation avec son gsm, c’est pourtant formellement interdit, on ne peut pas faire de recherches”.

Sophie contacte à nouveau le directeur par mail qui lui demande, cette fois-ci, de “modérer ses propos”. “Je suis tombée de haut. On m’a vraiment traitée comme une affabulatrice. J’avais déjà confronté le professeur toute seule et là, la hiérarchie ne m’aidait pas non plus”.

[...] des femmes choisissaient sciemment de ne pas étudier dans cette école à cause de ce qui s’y passait

Sophie vise alors encore plus haut dans la hiérarchie et prend contact avec le président de filière, qui l’écoute d’abord avant de lui imposer une confrontation avec le professeur, en avril 2019. Elle doit répéter toute l’histoire à nouveau. Monsieur D. nie.

“Il l’a même joué grand seigneur durant cette réunion, en rappelant qu’il m’avait proposé de venir aux cours avec mon fils le jour où la crèche avait fait grève. J’ai dû le recadrer en lui disant que ce n’était pas le débat. Nous avons ensuite quitté le bureau du président et nous avons attendu le professeur dans la classe un certain temps. Quand il est revenu, il était très rouge, énervé. Je ne l’avais jamais vu comme ça. Il nous a demandé de mettre nos gsm sur la table devant lui et que ce serait comme ça à chaque cours dorénavant. Puis, il est resté avec Fiona en tête à tête et nous a demandé de sortir. J’avais peur qu’il consulte mon téléphone, il y avait tous mes contacts avec les délégué.es étudiant.es ou d’autres étudiantes dessus”.

Délit de sale gueule ?
Après ce cours, Sophie décide ne plus revenir, même si cela la pénalise pour les examens et le jury. “J’ai décidé que je m’exercerais par moi-même, ce n’étais plus tenable”, indique-t-elle. Elle réussit tous ses examens écrit mais reçoit la note de 6/20 à son jury d’interprétation oral, dans lequel siège monsieur D. “Oui, j’ai fait des erreurs qui justifient que je perde des points mais pas que je rate complètement. Je n’ai jamais raté un seul examen à l’ULB ou à l’ISTI. J’avais tout réussi jusqu’à présent. Il est néanmoins impossible pour moi de prouver le délit de sale gueule”.

C’est à ce moment-là qu’il m’est apparu évident que ce professeur cherchait à ce qu’on le séduise, que c’était ce qui était attendu de nous

Seule face à ses doutes, elle décide d’abandonner ses études. “Je devais repasser mon jury après les vacances mais j’ai pris ce moment de recul pour me rendre compte de l’enfer que j’avais subi pendant un an. J’en garde toujours des traces. Je n’ai donc pas repassé ce jury. J’ai préféré m’occuper de moi que d’y retourner, j’avais perdu beaucoup de poids parce que je ne mangeais plus les 5 jours de la semaine où j’allais à l’école. Je n’en pouvais plus de tout ce système, de toute l’école qui protège les professeurs”, soutient-elle.

Des commentaires "bien trop personnels"
Une autre étudiante à l’ISTI, proche de Sophie, nous le confirme : “Je peux dire, pour avoir été à son écoute sur une période d’un an et pour avoir vu certains comportements de la part des professeurs, qui faisaient des commentaires bien trop personnels et visés, et ce, toujours envers les mêmes élèves, que je n’ai aucune raison de ne pas croire ce qu’elle dit. Je peux aussi dire que son stress était bien réel, et que je l’ai vue perdre tout plaisir à venir en cours, voire ne plus y arriver du tout, parce qu’elle ne s’y sentait plus bien”.

Sophie contacte tout de même le tout dernier échelon : l’ULB, via la commission pédagogique. “J’ai expliqué aux deux dames devant moi que j’abandonnais mes études mais que je voulais que l’ULB soit mise au courant, qu’il fallait contacter le président de filière à l’ISTI qui avait pris des notes qui devaient dormir dans un tiroir de son bureau. J’ai aussi demandé à ne plus être tenue au courant car j’avais besoin de tourner la page”.

Quelques cas de harcèlements sont rapportés aux autorités chaque année. Parmi ceux-ci, seule une partie concerne des situations de harcèlement de professeurs ou assistants envers des étudiantes ou étudiants

Contactée par nos soins, l’ULB a répondu que les dossiers d’instruction disciplinaire restent confidentiels. La direction de l'ISTI confirme qu’une plainte à ce sujet est traitée en interne par l’université.

Tenter la plainte pédagogique ?
Durant cette année “infernale’, Sophie a contacté différent.es délégué.es étudiant.es, dont deux ont accepté de témoigner anonymement. ”Effectivement, Sophie m’a contactée pour me parler d’un problème avec un professeur, me demandant quelles démarches il était possible d’entreprendre. Elle m’avait expliqué le problème de manière relativement générale, ne souhaitant pas biaiser mon avis. La première étape prônée par la délégation étudiante est toujours le dialogue constructif. Si cela ne fonctionne pas, il faut monter un échelon plus haut dans la direction ou alors tenter la plainte pédagogique, tout en sachant que les conditions pour qu’une plainte pédagogique soit entendue sont relativement strictes (et que ce n’est donc pas toujours la démarche la plus aisée à entreprendre, surtout qu’il est relativement compliqué d’obtenir des informations sur la procédure qui reste méconnue)”, témoigne l’une d’entre elles.

Pour cette déléguée, un autre problème en termes de procédures peu transparentes ou problématiques se rencontre dans l’évaluation des professeurs. “Dès qu’on arrive en master, on se retrouve vite dans des petits groupes de 3-4-5 personnes maximum ou presque, l’anonymat de l’évaluation est mis à mal. Sachant qu’en plus, en master interprétation, les étudiants sont parfois évalués par un seul professeur (et non un jury) à l’oral, certains étudiants risquent effectivement de ne pas oser donner leur avis sur des professeurs par peur des représailles. En outre, le monde de la traduction et de l’interprétation est "petit" et comme quasiment tout se joue à la réputation ou au bouche à oreille, il peut aussi y avoir la crainte qu’un professeur mine les chances de faire carrière au sortir des études. Il est clair qu’il y a un couac de ce côté-là”, affirme-t-elle.

[...] il accusait l’étudiante d’avoir "ensorcelé" un professeur, en rejetant toute la culpabilité sur elle

Selon Sophie, ces différents éléments empêchent les femmes de parler librement. Elle a d’ailleurs peur de parler sous son vrai nom : “Les professeurs ne sont pas uniquement des professeurs. Ils travaillent aux Institutions européennes ou auprès des ministres pour traduire ou interpréter”.

"Les professeurs ont toujours raison"
La peur, c’est ce qu’expliquent ressentir d’autres femmes contactées pour cet article et le deuxième délégué qui témoigne : “Monsieur D. était aussi dans mon jury, donc oui j’y ai pensé. J’étais dans le collimateur avec cette histoire. On sait comment cela fonctionne à l‘université : les professeurs ont toujours raison. Je peux aussi confirmer que j’ai entendu plusieurs fois que des professeurs avaient fait des remarques sexistes aux étudiantes ou des propositions déplacées, dont ce professeur-là”.

C’est plus difficile pour nous, les femmes, de faire carrière. Les femmes doivent se battre pour faire reconnaitre leurs connaissances intellectuelles

Dans une discussion sur un réseau social entre Sophie et un ancien étudiant, que Les Grenades ont pu consulter, celui-ci confie qu’une de ses camarades de classe a elle aussi vécu du harcèlement au sein de l’ISTI.

Une histoire, racontée par l'un des directeurs de l’école, circulait dans les couloirs : l’histoire de "l’ensorceleuse", une étudiante qui aurait "séduit" monsieur D., avec laquelle il a eu une relation. Le directeur avait expliqué aux élèves avoir lui-même recadré le professeur. "Mais il n’a jamais remis en cause l’attitude de l’enseignant, il accusait l’étudiante d’avoir "ensorcelé" un professeur, en rejetant toute la culpabilité sur elle", précise Sophie.

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

“Ils ont réussi à me faire abandonner, alors que j’ai un fort caractère. C’est plus difficile pour nous, les femmes, de faire carrière. Les femmes doivent se battre pour faire reconnaitre leurs connaissances intellectuelles. Elles perdent donc beaucoup trop si elles parlent. Je me suis battue comme ça parce que j’étais plus âgée que la majorité d’entre elles, que j’ai déjà un master et que je travaille donc je "risquais" moins gros. Beaucoup restent conciliantes et veulent correspondre aux attentes des professeurs pour se protéger, c’est normal. Que faire si, parfois, ces attentes vont trop loin ?”, questionne Sophie.

*Le prénom a été modifié

Un nouveau dispositif anti-harcèlement à l’ULB
Selon Laurent Licata, vice-recteur en charge de la politique de diversité et de genre à l’ULB, quelques cas de harcèlements sont rapportés aux autorités chaque année. Parmi ceux-ci, seule une partie concerne des situations de harcèlement de professeurs ou assistants envers des étudiant.es. "Cela semble peu si l’on tient compte du fait que plus de 32.000 étudiant·es sont inscrit·es à l’ULB, et que notre université compte environ 5000 membres du personnel. Mais c’est évidemment beaucoup trop. L’objectif est de prévenir les situations de harcèlement de manière à les réduire à néant", explique-t-il. Le dispositif classique de prise en charge des situations de harcèlement prévoit que l’étudiant·e s’adresse au vice-recteur ou à la vice-rectrice aux affaires étudiantes. Si une instruction disciplinaire est lancée, après enquête et écoute des deux parties, une décision est rendue, qui peut aller jusqu’à la révocation de la personne mise en cause. "A l’occasion de situations que nous avons eu à traiter ces dernières années, nous nous sommes cependant rendus compte que de nombreux étudiant·es ignoraient l’existence de ce dispositif. D’autre part, certain·es étudiant·es ne lui font pas confiance, craignent les représailles ou le jugent inefficace", précise-t-il.

En réponse, une "Cellule de prise en charge des situations de harcèlement envers les étudiant·es" (nom provisoire), qui sera indépendante des structures hiérarchiques de l’université, est en train d’être créée. Elle devrait être opérationnelle dès l’année académique 2020-21. "Cette cellule représentera un espace de parole sécure pour les étudiant·es, garantissant le respect de leur volonté de rester anonymes. La lutte contre le harcèlement, que ce soit au sein des personnels ou lorsqu’il touche des étudiant·es, est une préoccupation majeure de l’ULB. Chaque situation est unique ; chacune génère beaucoup de tension et de détresse", souligne encore Laurent Licata.  

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be


https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_harcelement-a-l-universite-j-en-garde-des-sequelles?id=10513076
 

Voir les commentaires