Marie-Josèphe Yoyotte, le cinéma en plein cœur
Marie-Josèphe Yoyotte, le cinéma en plein cœur
Extrait du Making of de SIMEON d’Euzhan Palcy.
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16 sept. 2023 à 12:35
•
6 min
Par Berthe Tanwo Njole*, une chronique pour Les Grenades
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Si je vous dis La Boom, vous me répondez Sophie Marceau ou vous vous mettez à fredonner le morceau Reality de Vladimir Cosma.
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Et pourtant, derrière ce film culte de Claude Pinoteau, se cache la patte d’une grande dame : Marie-Josèphe Yoyotte.
Ce nom ne vous dit peut-être rien mais elle a marqué et accompagné les plus grands films du répertoire français. Son métier : monteuse…
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Un documentaire pour se plonger dans sa vie
Le réalisateur Jil Servant s’est penché sur cette personnalité hors norme dans son documentaire, Le cinéma de Marie-Josèphe, qui nous donne l’opportunité de nous plonger dans la vie et l’œuvre de l’artiste.
Pour comprendre ce métier, il faut remonter au début du 20e siècle. Les femmes travaillent dans le milieu cinéma, et souvent en tant que monteuses. On les appelle alors les colleuses : elles avaient de petites mains, étaient habiles et savaient coudre.
De grands noms émergent : Margareth Booth, monteuse star de la MGM aux États-Unis, Sally Menke, monteuse fétiche de Quentin Tarantino ou encore Victoria Mercanton, figure incontournable du montage dans le paysage cinématographique français.
Marie-Josèphe Yoyotte se destine d’abord à devenir comédienne et fréquente le Théâtre de Paris, plus connu sous le nom de Rue blanche, en référence à la rue où se situe le théâtre. Ce n’est que plus tard qu’elle montre un intérêt pour le montage avant d’en tomber définitivement amoureuse.
Extrait du Making of de SIMEON d’Euzhan Palcy.
Extrait du Making of de SIMEON d’Euzhan Palcy. © Tous droits réservés
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Le ton et la vitesse
Née en 1929 à Lyon, d’un père martiniquais et d’une mère bretonne, elle grandit à Paris, à Saint-Germain-des-Prés et parce que sa joie de vivre est communicative.
Elle y côtoie Juliette Gréco, Boris Vian, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et toute la vague de jeunes comédiens et réalisateurs en devenir ! Grâce à ses accointances, elle va se faire la main sur des courts métrages et des documentaires dès 1953.
Son premier long métrage, Marie-Josèphe Yoyotte le doit à Jean Rouch avec Moi, un noir sorti en 1958 et qui suit un groupe de jeunes Nigériens cherchant du travail en Côte d’Ivoire. Le film sera un beau succès d’estime, largement relayé dans Les cahiers du cinéma, revue de référence du cinéma français.
S’étant contentée jusque là de suivre à la lettre les normes du montage de l’époque, avec ce film, Marie-Josèphe Yoyotte y trouve une nouvelle liberté et y apporte sa patte : le montage cut cut. Sans rentrer dans les détails techniques, on met les scènes les unes après les autres sans forcément tenir compte des raccords car, pour Marie-Josèphe, ce qui compte c’est le ton et la vitesse.
Elle impressionne les grands de l’époque, dont Truffaut ! Aujourd’hui encore, ce film est une référence et un passage obligé pour tous les étudiants en documentaire et fiction en France comme nous le rappelle Jil Servant !
Le temps de la reconnaissance
Dès lors les portes lui sont grandes ouvertes : elle a 29 ans quand elle monte les 400 coups de François Truffaut, nominé pour la Palme d’or à Cannes en 1959.
Elle enchaîne avec Le testament d’Orphée de Jean Cocteau en 1960 où elle sera également actrice, suivront Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville en 1961, Le signe du Lion d’Eric Rohmer ou encore La guerre des boutons d’Yves Robert en 1962 !
Après une longue pause, le temps d’adopter deux enfants et de se marier, c’est Yves Robert, également producteur, qui la remet en selle avec le film de Pierre Richard, le distrait en 1970 avant de décrocher son premier César en 1977 avec Police Python d’Alain Corneau. Puis vient, Rue Case Negres de Euzhan Palcy, adapté du célèbre livre de Joseph Zobel.
Sur les conseils de Jean Rouch et de François Truffaut, son parrain de cinéma, la jeune Euzhan Palcy rencontre Marie-Josèphe Yoyotte. Le courant passe immédiatement. Toutes deux originaires des Antilles et plus précisément de Martinique, Euzhan Palcy, comme elle le dit dans le documentaire de Jil Servant, s’était donné pour mission de ramener Marie-Josèphe sur ses terres natales. La famille paternelle de cette dernière étant originaire de la commune de Saint-Esprit, voisine de Rivière-salée où se tournera le film.
La jeune réalisatrice doit s’y rendre pour faire des repérages et embarque la cheffe monteuse afin qu’elle lui serve de scripte pendant son expédition. Marie-Josèphe finira par s’y installer quelque temps, en partie pour les besoins du film.
Tout au long des années 80-90, elle est une référence et enchaîne les montages au rythme de 3 à 4 tournages par an. Des réalisatrices vont également faire appel à ses services comme Nadine Trintignant sur L’été prochain (pour l’anecdote, très proche, Marie-Josèphe Yoyotte vivra un temps chez elle à son retour à Paris), Josée Dayan avec Les Misérables et Le Comte de Monte Cristo, ou encore Isabelle Mergault avec Je vous trouve très beau.
Son deuxième césar, elle l’obtient en 1997 avec Microcosmos, de Claude Nuridsany et Marie Pérennou. Marie-Josèphe Yoyotte explique, toujours dans le documentaire que lui consacre Jil Servant, que ce film est traité comme une fiction.
Un autre réalisateur avec qui elle deviendra très complice est Jacques Perrin. Ensemble, ils travaillent sur Le peuple migrateur et son travail sera une fois encore récompensé : elle remporte son troisième et dernier césar en 2002.
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Le métier de monteur.se évolue et change. Beaucoup finiront par déclarer forfait au vu des nouvelles exigences et l’apparition du numérique : exit les équipes avec des stagiaires, place au travail solitaire et de nuit ! Marie-Josèphe, elle, traverse les époques, de la colle au numérique, en passant par le scotch et la pellicule, elle s’adapte sans trop de difficultés et continue d’être assistée par une équipe, de par son statut !
Les adjectifs ne manquent pas pour la décrire : libre, attachante, humaine, altruiste, à l’écoute, polyvalente et fidèle !
Extrait du Making of de SIMEON d'Euzhan Palcy from Ecran Noir on Vimeo.
Tout au long des années 80-90, elle est une référence et enchaîne les montages au rythme de 3 à 4 tournages par an. Des réalisatrices vont également faire appel à ses services comme Nadine Trintignant sur L’été prochain (pour l’anecdote, très proche, Marie-Josèphe Yoyotte vivra un temps chez elle à son retour à Paris), Josée Dayan avec Les Misérables et Le Comte de Monte Cristo, ou encore Isabelle Mergault avec Je vous trouve très beau.
Son deuxième césar, elle l’obtient en 1997 avec Microcosmos, de Claude Nuridsany et Marie Pérennou. Marie-Josèphe Yoyotte explique, toujours dans le documentaire que lui consacre Jil Servant, que ce film est traité comme une fiction.
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Fidèle elle l’est : Claude Pinoteau (La Boom, La Boom 2, L’étudiante, La gifle, etc.) est l’un des réalisateurs avec lequel elle aura travailler. L’autre étant Alain Corneau avec qui elle travaillera sur son film le deuxième souffle avant de mettre un terme à sa carrière. Nous sommes en 2007, Marie-Josèphe Yoyotte est alors âgée de 78 ans.
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Un parcours hors normes
De son ancêtre esclave Marie-Brigitte, surnommée Yoyotte à son père, officier décoré de l’armée avant de devenir ingénieur chimiste, en passant par des grands-parents agriculteurs, un oncle médecin et un frère, Jean Yoyotte, grand égyptologue, on peut décemment dire que Marie-Josèphe Yoyotte s’est elle aussi démarquée !
En choisissant le métier de saltimbanque, elle s’est hissée au sommet et figure parmi les étoiles des César, plus prestigieuse récompense française du 7e art !
Elle s’éteint en 2017 après 50 ans de carrière et plus de 70 films.
Son parcours est hors norme dans une industrie où les femmes restent sous-représentées.
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*Berthe Tanwo Njole est une artiste pluridisciplinaire. Elle réalise également des capsules vidéo sur des personnalités, méconnu·es, oublié·es voire effacé·es de l’histoire pour les faire (re) découvrir au plus grand nombre. Elle partage pour Les Grenades des portraits de femmes qui l’inspirent.
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https://www.rtbf.be/article/marie-josephe-yoyotte-le-cinema-en-plein-coeur-11256927
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