Féminisation de l’espace public : 10 rues en Wallonie et à Bruxelles qui portent des noms de femmes pionnières
Féminisation de l’espace public : 10 rues en Wallonie et à Bruxelles qui portent des noms de femmes pionnières
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Par Emma Mestriner
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Voici une liste (non-exhaustive) de 10 rues, voiries et places publiques qui portent des noms de femmes en Fédération Wallonie Bruxelles. Elles sont chacune à leur façon des femmes pionnières, des femmes qui ont marqué l’Histoire et qui sont longtemps restées dans l’ombre.
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Fin mars, les bourgmestres wallon.ne.s ont reçu une circulaire les appelant à attribuer plus de noms de femmes aux voiries. Le but ? Féminiser davantage d’espace public. Des rapports l’ont montré : les femmes et les minorités de genre sont sous représentées dans les rues wallonnes et bruxelloises.
Les chiffres parlent d’eux-même : les prénoms de femmes sont dix fois moins représentés que ceux des hommes dans les noms des rues wallonnes. Le constat est similaire à Bruxelles. Selon un comptage établit par par Open Knowledge Begium et la collective "Noms Peut-Être”, en 2020 seulement 6% de rues portaient le noms de femmes et une seule était attribuée à une personne transgenre.
Alors, on vous propose de (re) découvrir le destin de 10 femmes qui ont marqué l’Histoire un peu partout en Fédération Wallonie Bruxelles.
À lire aussi : la secrétaire d’Etat Sarah Schiltz (Ecolo) lance un appel à projets pour féminiser l’espace public
Province de Liège
1. Liège et son esplanade Jeanne Rademackers : la première femme pharmacienne
Située au coeur de la cité Ardente, l’esplanade honore la mémoire d’une certaine Jeanne Rademackers. Elle a été la première femme à décrocher un diplôme de l’Enseignement supérieur en pharmacie à l’Université de Liège. À la fin des années 1800 en Belgique, les professions médicales reconnues (et par conséquent études universitaires qui les précèdent) sont exclusivement réservées aux hommes. L’admission des femmes dans ces branches suscite un vrai clivage sociétal.
Jeanne Rademackers, première femme pharmacienne de l’Université de Liège
Jeanne Rademackers, première femme pharmacienne de l’Université de Liège © Wikipédia via le site web des archives de l’Université de Liège
Jeanne Rademackers fait son entrée académique en 1882. En 1883, elle présente son premier examen : elle le réussit avec une grande distinction. Elle est diplômée en juillet 1885 devenant ainsi officiellement la première femme avec un diplôme de pharmacie à Liège.
2. Herstal et sa place Charlotte Hauglustaine : l’une des meneuses de la grève des femmes de la FN
Verviétoise d’origine, Charlotte Hauglustaine commence à travailler à l’âge de 14 ans. Après avoir occupé un poste dans l’industrie textile, elle rejoint la Fabrique Nationale d’Herstal en 1964.
La grève des femmes de la FN. 1964. "Les femmes de la FN en grève – Sonuma"
La grève des femmes de la FN. 1964. "Les femmes de la FN en grève – Sonuma" © Sonuma/RTBF. Capture d’écran vidéo Facebook
Syndicaliste à la FGTB, elle fait partie des leadeuses du mouvement de celles qu’on appelait les " femmes-machines ", c’est-à-dire les ouvrières de la FN. La grève débute en 1966 et dure 12 semaines. Sa principale revendication : l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
En 2012, Charlotte Hauglustaine est honorée à titre posthume en recevant le grade d’Officière du Mérite Wallon.
Province du Luxembourg
3. Bastogne et son clos Augusta Chiwy : l’héroïne de la bataille des Ardennes (qui a gagné un Emmy Award)
Née en 1921, Augusta Chiwy rêve de devenir institutrice. C’était sans compter sur le commencement de la Seconde Guerre mondiale : elle devient finalement infirmière. La belgo-congolaise installée à Bastogne est surprise par l’offensive allemande en ce mois de décembre 1944. "Dans un hôpital de fortune, elle avait soigné de nombreux soldats américains engagés dans la bataille des Ardennes et de nombreux civils belges. Lors des combats, l’hôpital où elle travaillait fut atteint par un obus et sa meilleure amie, Renée Lemaire, ainsi que plusieurs patients furent tués" précise l’agence de presse Belga.
Augusta Chiwy que l’on surnomme "L’Ange oublié de Bastogne".
Augusta Chiwy que l’on surnomme "L’Ange oublié de Bastogne". © BELGA/Eric Lalmand.
Après la guerre, elle parle très peu de son expérience durant le siège. Dans certains documents historiques, elle est même supposée être morte durant l’offensive. Ce n’est que dans les 90’s qu’un historien retrouve la trace de celle qu’on surnomme "L’Ange oublié de Bastogne".
Son incroyable destin et son courage ont inspiré de grands noms du 7ème art. En 2015, Martin King produit un documentaire qui lui est consacré (Searching for Augusta : The Forgotten Angel of Bastogne). Il reçoit, excusez du peu, l’Emmy Award du meilleur film documentaire historique.
Le personnage d’Augusta Chiwy apparaît aussi dans la série Band of Brothers (2001) signée par Tom Hanks et Steven Spielberg.
Elle décède en 2015. Augusta Chiwy a été décorée plusieurs fois (Médaille du mérite civil pour mission humanitaire, décoration de Chevalier de l’Ordre de la Couronne, Citoyenne d’Honneur de la ville de Bastogne).
Province de Namur
4. Namur et sa rue Tine Briac : une star du théâtre en wallon
Décédée il y a tout juste 20 ans, Tine Briac a marqué le paysage de la culture wallonne. La comédienne est connue pour ses talents humoristiques dans des pièces en dialectes wallons savoureux.
Tine Briac, figure phare namuroise du théâtre en wallon.
Tine Briac, figure phare namuroise du théâtre en wallon. © Capture d’écran Youtube, chaîne de Robert Burton
C’est en 1926, qu’elle monte pour la première fois sur les planches de théâtre. Comme le pointe un article de La Libre Belgique, elle les quittera 70 ans plus tard. Tine Briac doit notamment sa notoriété pour ses interprétations dans la pièce Troisième étage (adaptée en wallon namurois Trwèzyinme Etage par Georges Jacques). Dans les années 60’s elle créée sa compagnie (qui existe encore aujourd’hui).
Pour honorer sa carrière, elle a reçu La Gaillarde d’Argent. Il s’agit d’une récompense honorifique remis à une personne namuroise qui a valorisé la Wallonie. Très peu de femmes ont été lauréates de ce prix.
5. Jambes et sa rue Julie Dessy : la créatrice de la célèbre recette des confitures Materne
Julie Dessy pointe le bout de son nez à Wierde. À la fin du 19ème siècle, elle épouse Édouard Materne. Leur première entreprise s’appelle Materne-Dessy. Quelques années plus tard, il est décidé que la marque s’appellera Materne. Bien que le nom de famille de Julie soit totalement passé à la trappe, elle est un pion très important de l’entreprise. Elle prend notamment la tête de Materne quand son mari est en déplacement à l’étranger. Et lorsqu’iels décident de commercialiser les célèbres confitures Materne à partir de 1897, "ce sont les recettes de Julie Dessy qui seront utilisées pour fabriquer la gelée fruitée " précise le site du Syndicat d’initiative de Jambes.
Julie Dessy, la créatrice de la célèbre recette des confitures Materne.
Julie Dessy, la créatrice de la célèbre recette des confitures Materne. © Crédits : Coll. SIJambes, via le site web du Syndicat d’initiative de Jambes
Longtemps invisibilisée notamment dans le nom de la marque, la ville de Namur a décidé de lui rendre femmage* en donnant son nom à l’une des rues de Jambes.
* Hommage rendu à une femme.
Province du Hainaut
6. Cuesmes et son avenue Isabelle Blume : l’une des premières femmes élues au Parlement belge
Dans le petit village de Cuesmes (Mons), une rue rend femmage à Isabelle Blume. Née à Baudour à la fin du 19ème siècle, elle était une figure féministe et de la lutte anti-fascite du Borinage.
Visage d’Isabelle Blume tiré d’une photo de groupe prise lors d’une conversation durant les années 60.
Visage d’Isabelle Blume tiré d’une photo de groupe prise lors d’une conversation durant les années 60. © Wikipédia
Dès son entrée en politique, elle milite principalement pour le droit de vote des femmes. Elle se bat aussi pour ce qu’on appelle à l’époque une " maternité consciente ", c’est-à-dire l’usage de la contraception.
En 1936, elle devient la deuxième femme (après Lucie Dejardin) a être élue au Parlement belge. Son premier discours en tant que députée s’intitule : À travail égal, salaire égal. Elle y siège jusque dans les années 1950. Après avoir fait partie du POB (Parti ouvrier belge), elle rejoint le Parti communiste des années 60 jusqu’à sa mort (1975). Isabelle Blume sera finalement réintégrée à titre posthume au Parti socialiste.
Isabelle Blume a vécu une grande partie de sa vie à Bruxelles sans jamais oublier son Borinage natal.
7. Tournai et son avenue Hélène Dutrieu : la première femme aviatrice belge
Saviez-vous que derrière cette avenue de la Ville aux cinq clochers se cachait une icône de l’aviation belge ? Cycliste, motocycliste, coureuse, automobile et journaliste, Hélène Dutrieu a eu 1000 vies explique cet article détaillé RTBF.
Hélène Dutrieu (1877 - 1961) au contrôle de son avion en 1911.
Hélène Dutrieu (1877 - 1961) au contrôle de son avion en 1911. © Historica Graphica Collection/Heritage Images/Getty Images
Née à Tournai en 1877, Hélène Dutrieu a été pionnière à bien des égards : première femme championne cycliste belge, première femme aviatrice belge et première femme au monde à voler sur hydravion ! En 1910, elle déclare au magazine Fémina : "Je risque ma vie, évidemment. Mais si je ne reviens pas, tant pis !".
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Elle mettra d’ailleurs ses talents au service de l’armée lors de la Première guerre mondiale en effectuant des vols de reconnaissance au-dessus des lignes ennemies allemandes.
En 2011, une pièce de la collection belge en euro est créée en sa mémoire.
>> Dans son émission "Trésors du commun", Notélé est revenu sur l’histoire exceptionnelle de cette Tournaisienne
Province du Brabant Wallon
8. Nivelles et son square Gabrielle Petit : une héroïne belge de la résistance durant la Première Guerre mondiale
Originaire de Tournai, Gabrielle Petit est une figure des femmes de la résistance belge en 14-18. Infirmière de formation, elle a fait de l’espionnage pour l’Angleterre alliée. Elle sera finalement arrêtée avant d’être tuée à tout juste 23 ans en 1916 à Schaerbeek. Une place porte également son nom à Tournai.
>> Début avril, soit 130 ans après sa naissance, un vibrant hommage lui a été rendu à Tournai : le reportage de Notélé
Gabrielle Petit, héroïne de la résistance belge durant la Première Guerre mondiale.
Gabrielle Petit, héroïne de la résistance belge durant la Première Guerre mondiale. © Droits réservés.
Bruxelles
9. Bruxelles et sa rue Chantal Akerman : la première cinéaste belge à recevoir le prix du meilleur film de tous les temps
Née à Etterbeek, Chantal Akerman est une cinéaste lesbienne, fille de survivant.e.s de la Shoah. Elle décède en 2015. Dans son oeuvre, elle aborde des thématiques LGBT, les relations mère-fille, la sexualité ou encore le judaïsme. Selon Bozar Bruxelles, elle est considérée comme l’une des pionnières du cinéma féministe moderne. Parmi ses films marquants, on retrouve "la Chambre", "Les rendez-vous d’Anna" ou encore "Demain on déménage".
Chantal Akerman en tournage.
Chantal Akerman en tournage. © Laszlo Ruszka / INA via Getty Images
En décembre 2022, elle devient la première femme à remporter le prix du magazine Sight and Sound qui interroge près de 1500 professionnel.le.s sur ce qu’iels considèrent être le meilleur film de tous les temps. Le concours a lieu tous les dix ans. Pour cette édition 2022, c’est le film "Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles" de Chantal Akerman qui a remporté la victoire.
>> En 2021, BX1 avait dressé le portrait de la cinéaste bruxelloise
10. Koekelberg et sa rue Gemba : l’une des femmes victimes de racisme à l’exposition universelle
Selon un article de BX1, la commune de Koekelberg vient d’adopter quatre nouveaux noms de femmes pour ses voiries. Elles devraient bientôt rejoindre le paysage bruxellois. Parmi elles, Madame Gemba, forcée de se promener dans le zoo humain de Tervuren lors de l’exposition universelle de 1897. "L’objectif est de mettre en valeur des femmes méconnues, aux côtés de femmes déjà connues" selon une information de Sudinfo.
https://www.rtbf.be/article/feminisation-de-lespace-public-10-rues-en-wallonie-et-a-bruxelles-qui-portent-des-noms-de-femmes-pionnieres-11186535