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Le blog de hugo,

Un directeur de greffe se voit refuser un poste au tribunal en raison de son handicap,handicap,racisme

13 Juin 2017, 23:48pm

Publié par hugo

Un directeur de greffe se voit refuser un poste au tribunal en raison de son handicap

Olivier Addink a été déchargé de ses fonctions et muté dans une annexe du tribunal, où des travaux d’accessibilité ont, depuis, été réalisés.

«  C’est la double peine. On m’a non seulement imposé de travailler dans des locaux inaccessibles, mais en plus on m’a refusé une évolution de carrière.  » Olivier Addink peine à dissimuler son courroux. Alors qu’il travaille dans le milieu judiciaire depuis des années, l’homme est victime d’une injustice. Une injustice liée à sa situation de handicap (il se déplace en fauteuil roulant) qui l’a privé d’un poste qui lui tendait les bras.

En mars 2012, M. Addink rejoint le tribunal de grande instance d’Arras et son palais de justice quelque peu vétuste, sans ascenseur et à la cour pavée. Directeur de greffe adjoint, il s’épanouit dans son travail, même si au départ on lui attribue un bureau sans fenêtre. Un autre bureau lui est trouvé au rez-de-chaussée après quelques mois, suite à un rapport de la médecine de prévention.

 

Le palais de justice d’Arras, un vieil édifice actuellement en cours de travaux. Un projet d’ascenseur est acté.

 

En septembre 2014, l’homme fait une demande de mutation pour devenir directeur de greffe. Son supérieur est en effet parti. Le poste est vacant. «  C’était cohérent, j’étais alors responsable de toute la chaîne pénale  », observe-t-il. Sa demande doit recevoir l’avis de ses chefs de juridiction de l’époque, le président du tribunal de grande instance et le procureur de la République d’Arras. Stupeur, l’avis est défavorable.

« Le bâtiment est presque intégralement inaccessible pour les personnes à mobilité réduite. »

Non pas pour des motifs professionnels liés à sa compétence, mais en raison de «  l’état du bâtiment, qui est presque intégralement inaccessible, tant au public qu’au personnel, pour les personnes à mobilité réduite  ». Un avis contresigné par le chef de cour. M. Addink est sous le choc. Son handicap ne l’avait pourtant pas empêché de travailler au palais de justice d’Arras pendant deux ans… «  Depuis quand on s’oppose à une évolution de carrière parce qu’un bâtiment n’est pas adapté ? C’est quand même à l’administration de se mettre en conformité avec les règles !  »

M. Addink demande des explications au chef de cour. Qui invoque pour sa part un rapport de la commission administrative paritaire. Cette fois, il n’est plus seulement question de l’accessibilité du tribunal, toutefois rappelée, mais aussi de son grade. Lui est A2, il faut être A1. Sauf que, dans les faits et dans de nombreuses juridictions, des A2 deviennent souvent directeurs de greffe.

Ç’en est trop, il saisit les syndicats. «  J’aurais voulu qu’on se prononce sur mes qualités professionnelles, sur des critères objectifs, pas sur mon handicap  », soupire M. Addink. Il reste alors directeur de greffe adjoint, fait son travail, même si le cœur n’y est plus.

En mai 2015, M. Addink est reçu à la chancellerie. Il sort de cinq mois d’intérim à la tête du greffe à Arras. La sous-directrice des greffes à la chancellerie lui indique qu’il va être nommé au poste tant convoité.

Déchargé de ses missions et muté

Mais suite à des conflits larvés au TGI d’Arras, l’inspection générale des services a été saisie en 2015. Un audit a lieu, en juin. En juillet, l’auteur du rapport est nommé au poste de directeur de greffe. Il assigne alors une fiche de poste à M. Addink, sans même s’entretenir avec lui. Un lourd inventaire de missions, en réalité impossibles à remplir de l’aveu même de magistrats. L’une des tâches nécessite d’ailleurs de se rendre à un endroit inaccessible du palais de justice. M. Addink le fait observer. «  Dès lors, je n’ai plus eu accès à rien, aux logiciels de gestion, et je reçois un e-mail du président du tribunal pour un entretien professionnel.  »

Le 10 septembre, alors qu’il pense se rendre à un entretien d’évaluation, il se retrouve face au procureur et au président de l’époque, le directeur de greffe est également présent. On lui annonce qu’il est déchargé de ses fonctions et muté dans une annexe du tribunal, à plusieurs centaines de mètres de là. Il a alors le sentiment d’une sanction disciplinaire qui ne dit pas son nom. Une humiliation. Le surlendemain, il découvre ses dossiers par terre dans son nouveau bureau. M. Addink, sonné, part en arrêt maladie six mois. Il est suivi psychologiquement. Le médecin du travail perçoit une «  souffrance au travail  ».

 

Marianne Bleitrach est l’avocate de M. Addink.

 

M. Addink saisit le défenseur des droits, Jacques Toubon, et prend un avocat, Marianne Bleitrach, également en fauteuil roulant. Une avocate qui maîtrise parfaitement le sujet pour avoir déposé plainte contre l’État et obtenu gain de cause en 2010 sur la question de l’inaccessibilité des palais de justice aux personnes à mobilité réduite. Le directeur de greffe adjoint ne dépose toutefois pas plainte au pénal, même s’il n’écarte pas complètement cette possibilité.

« L’administration a procédé à une différence de traitement fondée sur le handicap. »

Après une longue enquête, le Défenseur des droits rend sa décision. Elle est sans appel et confirme intégralement les propos de M. Addink. «  L’administration a procédé à une différence de traitement fondée sur le handicap de M. Addink, or une telle distinction est formellement prohibée  », écrit le Défenseur des droits. Quant au refus de procéder à des aménagements nécessaires et au non-respect réitéré des prescriptions du médecin, le Défenseur des droits estime qu’ils constituent un «  agissement de harcèlement moral  ». La décision est accompagnée de deux recommandations : prendre des mesures nécessaires pour permettre à M. Addink d’exercer son emploi sur un poste aménagé et procéder à la réparation des préjudices subis.

Des travaux ont été réalisés

Depuis, des travaux ont été réalisés à l’annexe du tribunal de grande instance d’Arras où travaille M. Addink, assure la cour d’appel de Douai, ce que nous avons aussi constaté sur place. Deux places pour personnes à mobilité réduite ont été créées et la cour est désormais « roulante ». Quant à la réparation des préjudices, c’est plus délicat. Seul le préjudice lié à la perte d’activité a été pris en compte, soit… 2 700 €. «  Pour l’instant, on est au tribunal administratif, argue Marianne Bleitrach. On a écrit au ministère de la Justice, on espère avoir un rendez-vous. C’est un dossier fondé sur la discrimination en raison du handicap, cela ne peut être contesté. On ne lui offre que ses pertes sur salaire, mais pas du tout de préjudice moral. C’est incroyable que des magistrats aient pu émettre un avis défavorable à cause du handicap. C’est vraiment attentatoire à sa dignité.  »

La cour d’appel de Douai indique que la demande d’indemnisation a été transmise à la chancellerie et qu’une réponse est attendue prochainement. «  M. Addink est toujours en poste à Arras et n’a pas manifesté d’envie de partir  », conclut la cour. Il faut dire que M. Addink n’est pas du genre à lâcher prise.

 
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