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Le blog de hugo,

Pour ma fille, j'apprends à ne plus cacher que nous sommes une famille homoparentale,femmes,parents,homoparentalite

20 Octobre 2017, 01:56am

Publié par hugo

 
 Pour ma fille, j'apprends à ne plus cacher que nous sommes une famille homoparentale
J’ai pensé que cette fois, elle méritait mieux que mes pirouettes.
19/10/2017 07:00 CEST | Actualisé il y a 16 heures
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Man0umi B.
Pour ma fille, j'apprends à ne plus cacher que nous sommes une famille homoparentale.
Il y a eu ce vieil homme dans le bus, il se disait évangéliste, un père pour tous ces jeunes qu'il avait convaincus de faire confiance à Dieu, et qui me demandait devant Romy si son papa s'occupait bien d'elle.
Puis cette gérante d'un restaurant libanais en banlieue parisienne. Elle brassait un air chaud avec ses mains pressées, elle était commerçante et demandait à Romy: "Alors, elle est où ta maman?". Notre minie avait hésité entre Oumi et moi.
Avant, il y avait eu les bandes de notre rue, à qui l'on n'a jamais donné la moindre explication. J'en parlais ici, je me félicitais d'une invisibilité que beaucoup combattent et qui nous permettait, à nous, les bobos perchées dans leur mansarde fraîchement achetée du 93, de passer inaperçues, au pire, de vivre paisiblement, au mieux.
Auparavant, il y a eu ce pharmacien, qui ne comprenait pas pourquoi cette prescription de PMA m'était faite alors que le suivi n'était pas déclaré à la Sécurité Sociale, et que je n'étais pas prise en charge à 100%.
Et ce technicien médical qui, lisant mes résultats d'analyse, me gratifiait d'un goguenard: "C'est le moment madame, dites à monsieur de ne pas lésiner, ni une ni deux, on ne vous demande pas votre avis et ça marchera vous verrez !"
Il y a eu ces mots maintes fois éculés: "la personne avec qui je vis", "son autre parent".
Il y a eu mille danses des foulards pour m'extirper de situations délicates. Ne pas dire l'homoparentalité. Car c'est délicat, de craindre que son enfant adoré soit confronté à la bêtise de l'adultat, de la voir ravie des regards tendres que tous ces inconnus posent sur elle, et de peser toute la teneur des mots que j'échange avec eux, pour ne pas qu'ils la rejettent.
Je ne dis pas, bien sûr, que tous la rejetteraient.
Le monde va mieux, et une famille telle que la nôtre peut aujourd'hui s'installer en Seine Saint-Denis sans craindre d'être pointée du doigt. Mais cette famille, qu'il nous a fallu bâtir dans la banalité des combats d'amour, est fragile de ses particularités.
Elle est forte de son métissage, et tremblante des milles couleurs qui la composent.
Elle porte fièrement ses héritages spirituels, et n'ose pas toujours argumenter quand elle célèbre l'Aïd et Noël.
Elle parle français et arabe, elle a deux langues maternelles et reste glacée quand quelqu'un, si sincère soit-il, s'inquiète que l'un prenne le pas sur l'autre. Surtout s'il s'agit de l'arabe.
Il y a eu, cet été, la prise de conscience acide de mon homophobie intérieure
Le trait grossit, mais la réalité était claire: j'étais de celles qui éludent, et qui n'y voient aucun mal.
J'étais ce jour-là entre Romy et les trois mamans croisées au parc depuis un mois. L'été avait cette lenteur qui permet de parler de tout et de rien, dans un babille sans conséquence. L'une d'entre elles a demandé: "J'ai vu ta fille avec une autre femme, les cheveux longs, une brune. C'est sa nourrice?"
"Sa nourrice? Non, j'en doute, elle ne viendrait pas aussi loin de chez elle. Elle ressemblait à quoi?"
J'allais changer de sujet, par réflexe.
Mais j'ai pensé à ma Romy, au milieu de ces enfants qui seront l'an prochain ses camarades de classe. A son innocence au monde, à tout ce qu'elle ignore du combat que nous lui laissons déjà en héritage. On dit que chaque enfant doit s'écarter du sillon parental, qu'on ne peut que faire l'éclairage doux sur sa route, et garder la porte ouverte en cas d'intempérie.
J'ai pensé que cette fois, elle méritait mieux que mes pirouettes.
Que je ne pouvais pas toujours m'en sortir indemne, sous prétexte de pudeur.
Qu'il me faut apprendre plus de transparence, parce que là où je n'ai jamais eu besoin de me définir par mes amours, elle, aura besoin de s'appuyer sur une irréductible dignité pour grandir telle qu'elle est: la fille adorée de deux mamans.
Alors il y a eu ma voix un peu trop forte, comme toujours quand je suis mal à l'aise:
"Ah oui, ça devait être sa deuxième maman. Ma Femme."
L'argument d'amour, en espérant que ça passe. Romy continuait à jouer, elle n'a pas entendu un mot de nos échanges. Elle n'a pas vu le jour d'après mon hésitation quand nous nous sommes installées à côté des mêmes mamans, et mon soulagement intérieur quand elles ont partagé leur goûter avec nous. Elle n'avait pas vu, des années auparavant, ceux qui ont déserté notre mariage, qui n'ont pas répondu présent, qui ont buté à l'examen de tolérance sous prétexte de convictions. Elle ne sait pas encore, que certains préfèrent leur idée du monde, au monde réel. Alors qu'aurait-elle pu entendre des blessures et des victoires dont elle remet chaque jour les compteurs à zéro?
Il y a eu ce petit pas, cet été.
Dire ce que je ne dis d'ordinaire pas, pour elle, pour sa fratrie à venir, pour ne jamais qu'elle croie qu'il faut taire notre famille. Dire le plus possible sous couvert de banalité, comme je l'ai toujours fait. Dire en espérant qu'un jour, il n'y aura plus d'effets d'annonce.
Ce billet est également publié sur le blog Manoumi.
 
(Le nom de l'auteur a été modifié à sa demande)
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