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Le blog de hugo,

Portraits de professionnel-le-s sur la mixité,education,enfants,emplois,

25 Mai 2017, 14:19pm

Publié par hugo

DÉBATS
Portraits de professionnel-le-s sur la mixité
Renaud Courtecuisse est éducateur de jeunes enfants à Espace 19 (Centre social & multi-accueil, Paris 19) et membre de l’Association pour la mixité et l’égalité dans la petite enfance (AMEPE) depuis sa création en 2013. Il a réalisé l’exposition « Portraits de professionnel-le-s sur la mixité ».

 

Donner la parole aux professionnel-le-s

Ma démarche a été de recueillir la parole d’une vingtaine de professionnel-le-s sur leur rapport à la mixité dans leur lieu de travail via un questionnaire et des interviews. Je souhaitais écouter leurs expériences et comprendre leurs questionnements sur leur choix de formation et d’orientation professionnelle pour venir travailler dans ce secteur exclusivement féminin.

Nous découvrons, au travers de ces vingt portraits, une nécessité partagée de faire vivre la mixité pour le bien être des enfants et des adultes (parents et professionnel-le-s). Car pour ces professionnel-le-s, la mixité dans les crèches s’enracine d’abord dans les engagements et les convictions de chacun-e  à être auprès des enfants et des familles.

En effet, il ne s’agit pas seulement d’une histoire de genre, être un homme ou une femme, pour assurer la sécurité affective d’un enfant mais bien plus une question de compétences, d’expériences et de pédagogie.

Pour mieux comprendre, je leur ai demandé de me raconter leur parcours scolaire et leurs choix d’orientations qui sont à l’origine de leurs convictions et de leur engagement à travailler dans ce secteur de la petite enfance.

Pour certain-e-s, la conviction à travailler dans ce secteur était là dès le départ comme le témoigne Clotilde, Jeremy, ou Anthony. Pour d’autres comme Jean-Jérome, ou Flavie ce fut au cours d’une reconversion professionnelle qu’est née l’envie de devenir professionnel-le. Mais ce que j’ai compris c’est qu’elles/ils ont tou-te-s en commun le sentiment que cet engagement à vouloir faire ce métier vient interroger avant tout les préjugés et les stéréotypes sur le travail avec les tout-petits. Il vient  aussi questionner la place de l’homme auprès des enfants et de façon plus large redéfinir l’égalité entre les femmes et les hommes dans la société.

En effet, elles/ils ont été nombreux à exprimer les représentations négatives et les stéréotypes auxquels ils ont du lutter, ou se (dé)battre pour y arriver. Par exemple à quelles résistances familiales Camille a t’il été confronté pour  préparer son CAP petite enfance ? Ou bien, par exemple, les obstacles personnels, ou ceux liés à la reconversion professionnelle dont Yoann ou d’Adrien peuvent témoigner pour parvenir à s’engager dans des formations de la petite enfance.

Mais si des obstacles ont été dressés devant eux, par leur propre famille ou par les professionnel-le-s de l’orientation, de l’insertion (stéréotypes du métier : sous payé, dévalorisation des compétences nécessaires pour travailler avec les tout-petits), ces hommes et ces femmes ont gardé leurs convictions intactes pour réussir à travailler auprès des enfants et à faire vivre cette mixité. Puis, au delà des parcours de formation et d’orientation, j’ai voulu aussi interroger comment ces hommes se décrivent en tant que professionnels. Comme pour moi professionnel du secteur,  je voulais interroger ce qui fondent leur identité professionnelle et leurs convictions à travailler avec les enfants. Ce qui les anime à vouloir faire vivre cette mixité si nécessaire pour les enfants et les adultes autours d’eux.

Nous apprenons aussi que les chemins  par lesquels certains professionnels  sont passés sont complexes comme Mathias accusé injustement de geste pédophile, ou quand les références ne sont que des modèles féminins, cela rend la construction d’une identité professionnelle difficile pour Tom,  jeune professionnel.

J’ai aussi interrogé quels regards portent les femmes (comme Pauline, Laure, ou Sandrine) sur ces collègues masculins qui se tiennent à une place particulière, dite « de femme », entre soupçon de pédophilie et d’homosexualité ? Quels regards posent les parents sur ces hommes qui s’occupent de leurs tout-petits ?

Alors pour ces professionnel-le-s, résister aux attentes stéréotypées n’est pas chose facile. Il conviendrait de penser qu’un changement des pratiques nécessiterait de passer par un premier travail de prise de conscience de nos propres comportements. Toutefois une prise de conscience ne suffit pas pour lutter contre les stéréotypes, et pour mettre en place des pratiques égalitaires au quotidien. Elle nécessite une sensibilisation collective et une formation constante de tous les adultes parents et professionnel-le-s.

 

Lutter contre les stéréotypes de genre dans les lieux petite enfance

Or il faut rappeler que la présence des hommes dans la petite enfance est de 1% ou de 3 % suivant que l’on prenne en compte les structures de la petite enfance avec celles des écoles maternelles que certains préféreraient appeler « école première ou pré-élémentaire » !

Ces témoignages nous apprennent aussi que l’environnement des crèches, n’est pas un lieu anodin concernant l’éducation à l’égalité car « il est marqué par le genre, au travers des jeux, des objets, des décorations, où les représentations du féminin et du masculin renvoient à des stéréotypes davantage qu’à des rôles égaux entre hommes et femmes» (1). Nous savons que les enfants, dans les familles et dans ces lieux de première socialisation, intériorisent très tôt les stéréotypes de genre, et se conforment aux attentes des adultes. Or la plupart des comportements d’adultes vis à vis des enfants relèvent aussi d’une socialisation inconsciente.

L’Amepe, qui se bat pour soutenir et rendre plus visibles les hommes qui s’engagent auprès des jeunes enfants, est convaincue que ces questions de mixité et d’égalité femmes/hommes dans la petite enfance renvoient au regard paradoxal de la société sur la place de l’homme dans l‘éducation.

Ces questions de place, et d’égalité prennent leurs racines dès l’enfance en chacun-e de nous dans les jeux de représentations et de stéréotypes sexués qui emprisonnent, les femmes tout autant que les hommes dans leurs relations intimes, et dans leurs relations et choix professionnels.

expo

La crèche, lieu témoin des évolutions des mentalités

Au travers de leurs expériences, ces professionnel-le-s nous font partagent leur vision des évolutions des familles et de la société face à l’égalité femmes/hommes. Elles/Ils témoignent aussi des changements de pratiques autour de l’accompagnement des enfants dans les familles.

Les professionnel-le-s se transforment en observatrices/observateurs attentifs des évolutions des mentalités sur l’égalité femmes/hommes. La crèche est en soi, un lieu témoin. Elle est comme une micro société ou vivent les familles et où se vivent les cultures, et les modes de vie multiples et variés qui témoignent de l’évolution de notre société.

En effet, si j’ai interrogé les convictions et les engagements de ces professionnel-le-s à vouloir travailler dans ce secteur, je suis aussi venu questionner les fondamentaux de la mixité.

Quelle société sous-jacente se dessine quand apparaît la mixité dans les crèches ? Voyons-nous apparaître une société traditionnelle qui se transforme sans changer fondamentalement ses valeurs où la place des femmes et des hommes restent bien définis ?

Voyons-nous apparaître une société plus moderne avec des égalités nouvelles entre les femmes et les hommes ?

 

Quelle représentation chacun-e de ces professionnel-le-s avait il de cette mixité ?

Il est en effet intéressant que pour les professionnel-le-s, la mixité est une évolution normale mais qui ne remet pas en cause le modèle social et culturel traditionnel. A l’image des familles où l’homme et la femme sont tous les deux présents et ont des places particulières et distinctes comme le témoigne Anders Farstad (2) en Norvège qui est pourtant le lieu de référence de la mixité dans les structures petite enfance en Europe.

Pour d’autres professionnel-le-s, malgré la différence incontestable entre les femmes et les hommes, l’apparition des hommes en crèche apportent seulement aux enfants et aux équipes une variété « utile »,  « ludique », « pratique ». Sans changer la place prépondérante des femmes auprès des enfants.

Cette mixité nouvelle est plus complexe car elle peut tout autant vouloir renforcer un modèle traditionnel de la place des femmes et des hommes, comme elle peut être l’émergence d’un nouveau modèle social et culturel de la relation entre les femmes et les hommes.

Enfin pour certains professionnel-le-s, les hommes jouent autrement avec les enfants, ils privilégient une relation dans le soin ou dans la réassurance qui pousse à faire grandir les enfants. Ils peuvent aussi materner si c’est nécessaire. Les apparences sont donc bousculés mais pas facile d’en connaître la vrai source égalitaire de cette démarche éducative.

Pour d’autres professionnel-le-s que l’on soit un homme ou une femme, ce n’est pas la question. Ce qui compte c’est la personne que l’on est. Ce que l’on a envie de faire et de faire vivre dans la relation éducative dans laquelle on s’inscrit volontairement. Bousculer les clichés, affirmer une pratique éducative où les garçons et les filles peuvent être libres d’exprimer leurs sentiments, leur envie de faire, d’expérimenter tels ou tels déguisements, de pousser une poussette, de grimper aux arbres. Sans que l’adulte se réfugie dans des clichés ou les garçons doivent être ceci et les filles doivent être cela.

A travers de cette exposition de portraits de professionnel.le.s, l’Amepe invite donc à mener une réflexion commune et à agir avec elle, pour que l’égalité et la mixité deviennent une réalité pour tou-te-s dans les structure petite enfance.

 

Renaud Courtecuisse, EJE, membre de l’Amepe, et administrateur.

1 Rencontre thématique du 12 mai 2014 – Egalité filles-garçons dès le plus jeune âge : un enjeu des politiques petite enfance – Centre Hubertine Auclert.

2 Anders Farstad, responsable du jardin d’enfant de Asker – membre du MIC / Hval Gärd Barnehage à Asker

 

Pour toutes informations complementaires (location de l’exposition) contacter l’Amepe à association.amepe@gmail.com

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