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Le blog de hugo,

L’avortement, un droit compliqué à faire valoir en Pologne,femmes,sante,ivg,avortement,

30 Juin 2014, 01:20am

Publié par hugo

L’avortement, un droit compliqué à faire valoir en Pologne
La Pologne connaît un bras de fer sur le droit à recourir à l’IVG. Alors que deux affaires sordides relancent la polémique, une déclaration de foi signée par 3000 médecins fait valoir que la "loi de Dieu prime sur celle des hommes". Les associations féministes se mobilisent et lancent une pétition en ligne.


L’avortement agite le débat public en Pologne. Début juin, l’hebdomadaire Wprost racontait comment une femme s’était vue refuser une interruption volontaire de grossesse par un médecin, le docteur B. Hazan, alors que le fœtus présentait des malformations graves. Pour le praticien, icône du mouvement Pro-life, l’IVG équivaut à une "exécution, une peine de mort". Cette femme devra donc accoucher d’un enfant condamné à mourir aussitôt. Cet événement a été suivi d’une autre nouvelle qui a secoué l’opinion publique : celle d’une fillette de 11 ans, violée par deux de ses cousins, à qui le tribunal a accordé l’avortement. Cela n’a pas empêché des éditorialistes de sermonner publiquement la jeune fille, l’accusant de vouloir "assassiner un bébé innocent". Une campagne médiatique lancée sans que soit prises en compte les conséquences physiques et mentales qu’une grossesse et un accouchement pourraient avoir à son âge.


Pour Martyna Zimniewska de la Fédération pour les Femmes en Pologne,'ce ne sont malheureusement pas des incidents isolés. C’est l’expérience de milliers de femmes lorsqu’elles vont chez un médecin. Si elles ne changent pas d’avis sous la pression, on les garde dans les hôpitaux sans raison, jusqu’à ce que cela devienne illégal d’avorter".Dans la patrie de Jean-Paul II, où neuf citoyens sur dix se disent catholiques, l’accès à l’IVG est presque impossible. Un avortement n’est légal qu’en cas de viol, de danger physique pour la mère, ou lorsqu’une maladie incurable menace la vie du fœtus. En pratique, les femmes y ont rarement accès, même dans les cas où il est légal, du fait d’un recours abusif des médecins à l’objection de conscience.


Un nombre considérable d'avortements sauvages
Selon les chiffres officiels,seuls 752 IVG légaux ont ainsi eu lieu en 2013. Un nombre ridiculement bas pour un pays de 38 millions d’habitants. Parallèlement, entre 80 000 et 200 000 Polonaises avortent chaque année dans la clandestinité selon un rapport du Center for Reproductive Rights. Jacqueline Heinen, sociologue spécialiste de la Pologne ayant longtemps vécu dans le pays, rappelle qu’ "il y a encore quelques années, on trouvait des petites annonces de médecins dans la presse, pour des avortements clandestins 'avec beaucoup de sûreté'. Les mêmes qui refusent l’avortement dans les hôpitaux le pratiquent dans leur cabinet à des prix prohibitifs".Coût d’un avortement dans le privé : près de 3 500 zlotys, soit plus de 800 euros, l’équivalent du salaire mensuel moyen en Pologne.


Outre les complications que peuvent poser ces actes illégaux (les médecins risquent trois ans de prison pour cette pratique), les conditions des avortements clandestins sont parfois sordides (pas d’anesthésie, manque de personnel). Pour Martyna Zimniewska, de la Fédération pour les Femmes, cela va encore plus loin : "Quand elles s'adressent à nous via la ligne d'assistance, elles disent craindre l’humiliation, les critiques ou des traitements médicaux contre leur volonté. Ce qu'elles éprouvent traduit trop souvent un traitement dégradant et inhumain".Celles qui en ont les moyens vont donc en Hongrie ou en République Tchèque pour se faire avorter. Les femmes issues des classes défavorisées ou de la campagne sont contraintes de se tourner vers des avortements sauvages.


Pour 3000 médecins et pharmaciens, "la loi de dieu prime sur celle des hommes"
Depuis la sortie du pays du bloc soviétique, l’Église est revenue sur le devant de la scène. Les médecins, au nom de leur religion, remettent désormais en cause les textes de loi. Une déclaration de foi, lancée le 25 mai par Wanda Poltawska, docteur et chef de file des anti-choix, a déjà été signée par plus de 3 000 pharmaciens, étudiants et médecins catholiques. Déclarant que le corps humain "est saint et inviolable", ces derniers s’engagent à refuser tout avortement et contraception, même si la loi l’autorise. Le problème, c’est que la plupart des signataires pratiquent leur métier dans des hôpitaux publics. Leur déclaration fait bondir Marie-Pierre Martinez, du Planning Familial français : "La clause de conscience est tout à fait légale, mais de là à revendiquer publiquement cette mise en danger, c’est scandaleux. C’est de fait accepter la mise en danger de ces femmes, alors que l’essence même du corps médical est l’accompagnement et la protection de la santé des patients".


C’en est trop pour les associations féministes, qui ont lancé une pétition en ligne. "La Pologne est toujours un pays laïc, et nous ferons tout ce que nous pouvons pour poursuivre dans cette voie", disent-elles. L’association Fédération pour les femmes et la Planification Familiale polonaise appellent le ministre de la Santé, Bartosz Ar?ukowicz, à "faire appliquer la loi, pour qu’un soutien légal soit donné aux femmes à qui les médecins refusent l’accès à des traitements médicaux". Leur pétition, très peu relayée en Pologne, a été diffusée en France par le Planning Familial et par l’organisation féministe du Front de Gauche. Jennifer Bellay, de la Commission féministe du Front de Gauche, explique le sens de la solidarité du mouvement : "La lutte pour l’avortement, ce n’est pas seulement une revendication féministe, c’est une question de droit fondamental qui fait partie de l’émancipation de la femme et de la société". Pour la sociologue Jacqueline Heinen, les droits des Polonaises sont en recul : "Les esprits et les représentations changent très lentement, mais lorsque des acteurs politiques ou religieux prennent des positions aussi fortes, c’est d’autant plus dur d’évoluer".


L’avortement : un tabou politique
Malgré leurs engagements, aucun parti politique n'est prêt à partir en guerre contre l'Église catholique, opposée à tout assouplissement de la législation sur l'IVG. Selon l’association Porozumienie 8 Marca, association féministe organisatrice des Manifaen Pologne, les difficultés des Polonaises viennent du fait que "l’Église se mêle de tout. Elle influe sur la politique, sur l’économie, sur notre quotidien et sur notre santé". En 2011, le gouvernement a financé à hauteur de 89 millions de zlotys (plus de 20 millions d'euros) le "Koscielny Fundusz" ("Les fonds de l'Église"). Dans la patrie de Jean-Paul II, la sécularisation n’est toujours pas à l’ordre du jour.


Célia Coudret - leJDD.fr
vendredi 27 juin 2014

Bartosz Arlukowicz
L’association Fédération pour les femmes et la Planification Familiale polonaise appellent le ministre de la Santé, Bartosz Ar?ukowicz, à "faire appliquer la loi". (Reuters )
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