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Le blog de hugo,

Prostitution : le débat qui dérange,protestants,femmes,prostitution,la reforme,

28 Novembre 2013, 22:59pm

Publié par hugo

SOCIÉTÉ 27 NOVEMBRE 2013
Auteurs
Marie Lefebvre-Billiez
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Prostitution : le débat qui dérange


La nouvelle proposition de loi, soutenue par des députés issus de tous les partis politiques, fait débat au sein des associations et parmi les féministes. Des militants impliqués sur le terrain partagent leurs analyses.


À lire – À noter


De la prostitution
comme sport collectif
Bernard Rouverand
éd. Max Milo, 2012, 128 p., 12 €.


La Bienvenue
labienvenue.com


Fondation Scelles
www.fondationscelles.org
Médecins du Monde
www.medecinsdumonde.org


Mouvement du Nid
www.mouvementdunid.org
Volte-Face
11, bd Édouard-Branly,
95200 Sarcelles.
06 63 78 69 54.
Jeudi 21 novembre, 14 h 30, à l’Assemblée nationale à Paris. Sarah-Marie Maffesoli, membre du syndicat des prostituées Strass, s’insurge contre la nouvelle loi sur la prostitution, discutée par les députés les 27 et 29 novembre. Le même jour à la même heure exactement à Clichy, Rosen Hicher, une « survivante de la prostitution », participe à une conférence de presse pour défendre la loi qu’elle estime protectrice.


Que propose donc cette loi ? L’abrogation du délit de racolage, qui aboutissait à la garde à vue des personnes prostituées, pourtant considérées comme victimes ; la mise en place d’un fonds de dotation spécifique pour aider financièrement les personnes souhaitant sortir de la prostitution ; l’attribution d’une carte de séjour temporaire de six mois et de l’allocation temporaire d’attente pour les personnes quittant la prostitution sans dénoncer leurs proxénètes ; et surtout la pénalisation du client à hauteur de 1 500 euros, ou la participation à un stage de sensibilisation à « l’envers du décor » de la prostitution.


Cette loi, qui n’émane pas du gouvernement, mais des députés eux-mêmes, compte des soutiens parmi tous les partis politiques : la rapporteure Maud Olivier (PS), André Schneider (UMP), Dominique Voynet (EELV), Pierre Laurent (PCF) et Chantal Jouanno (UDI). Mais les féministes ne sont pas d’accord entre elles, et trois pétitions ont été lancées : « 343 salauds » ont légitimé leur recours à des prostituées ; des personnalités du spectacle, dont Catherine Deneuve et Charles Aznavour, craignent que la pénalisation du client ne se retourne in fine contre l’intérêt des prostituées qui risquent de se cacher davantage ; au contraire, une quarantaine d’élus alsaciens, tous partis confondus, ont pétitionné pour la loi et la pénalisation du client.


Pour Yves Charpenel, président de la Fondation Scelles, qui collecte des informations chiffrées et documentées sur le phénomène prostitutionnel mondial, et qui estime que les prostituées sont entre 20 000 et 40 000 en France, « ce qui est bien avec la nouvelle loi, c’est qu’elle se concentre sur les vrais responsables, à savoir les trafiquants et les clients. Car tous les éléments montrent que 80 % des prostituées sont aux mains de réseaux criminels originaires des Balkans, du Nigeria, de la Chine et de l’Amérique latine. Leur seul objectif est de rapporter beaucoup d’argent ».


Des chiffres et une analyse que réfute Tim Leicester, responsable du Lotus Bus de Médecins du Monde, qui offre un accès aux soins à 1 200 prostituées chinoises de la capitale. Selon lui, ces « migrantes économiques n’avaient pas l’objectif de se prostituer. Elles ont déjà exercé d’autres activités, comme nounou, domestique ou ouvrière dans des ateliers de confection, dans des conditions instables et précaires, toujours au noir. Mais face à la pression économique, certaines décident d’exercer la prostitution entre deux petits boulots, le temps de rembourser leurs dettes et de payer les études de leurs enfants ». Pour Tim Leicester, la majorité ne sont pas prisonnières de réseaux et arrêtent véritablement la prostitution quand la pression économique se relâche.


C’est pourquoi il se dit déçu par la loi : il pense que la pénalisation du client aura le même effet pervers que le délit de racolage, poussant les prostituées à se cacher en permanence, et à exercer leur activité dans des conditions dangereuses. Pour lui, le volet social de la loi est nettement insuffisant, alors que la solution est simple : « Donner la possibilité à ces femmes d’être régularisées et de travailler légalement en France. Il faut qu’il y ait plus de voies légales de migrer en France. Ce n’est pas en pénalisant le client qu’on agit sur les causes structurelles. Car quand tu n’as rien, ton corps devient ta seule ressource. »


Justement, plaide Bernard Rouverand, auteur de De la prostitution comme sport collectif (éd. Max Milo, 2012), favorable à la loi : pour lui, cibler le client est pertinent « car c’est lui qui apporte l’argent ».Le pénaliser serait en fait une façon de décourager les candidates à la prostitution d’entrer dans ce « métier ». « Aujourd’hui, les réseaux sont majoritaires, mais il ne faut pas se voiler la face : il y a aussi une prostitution volontaire, de libre choix, par exemple la prostitution étudiante. On ne peut pas juger ces femmes a priori, car elles sont libres. Oui, on a le droit de se prostituer, comme on a le droit de se suicider. » Mais Bernard Rouverand demande : « Tu es libre, mais quel âge as-tu ? L’entrée en prostitution se situe en moyenne autour de 14 ans ! » Dans leurs parcours de vie, beaucoup de jeunes femmes ont subi des abus sexuels dans l’enfance qui ont « affaibli leur respect d’elle-même ». De plus, « la prostitution ne sera jamais un métier comme les autres car il est hyperdangereux. La loi n’autorise aucun autre métier aussi risqué. Pénaliser le client revient à dire que l’on ne veut pas que cette activité se développe chez nous. Ce sera une bonne chose dans un pays qui a un peu une image de tourisme sexuel, car pour un Américain ou un Japonais, venir en France, c’est aller au Lido et se payer une minette ».


Une personne, pas un objet


Pour Nicole Deheuvels, pasteure, conseillère conjugale, et présidente du foyer La Bienvenue, établissement qui a œuvré pour la réinsertion des prostituées à la fermeture des maisons closes en 1946 et qui travaille aujourd’hui à la prévention des risques prostitutionnels chez les jeunes, « cette loi va dans le sens de la dignité humaine. Ce qui me semble très important, c’est le stage de sensibilisation, sur le modèle de celui de la sécurité routière. Ce stage mettra en face du client une personne et non pas un objet. Les clients doivent comprendre que la personne qui se prostitue est comme leur fille, leur femme ou leur mère : on ne peut pas en user comme d’un objet ! ». Et de poursuivre : « Nous ne sommes pas dans un petit plaisir personnel innocent, mais dans un véritable marché : l’exploitation sexuelle est le troisième trafic mondial après la drogue et les armes. » La pasteure estime que, sur ce sujet, « les Églises ne doivent pas être frileuses car il ne s’agit pas d’un moralisme désuet mais au contraire d’un combat très moderne pour la dignité de tous ».


Inceste et prostitution


Danielle Babin est avocate au barreau de Paris, et prédicatrice laïque à l’Église évangélique le Rocher à Montreuil. En 2002, elle a créé l’association Volte-Face, qui aide à la réinsertion de prostituées. Elle organise des conférences-débats sur le sujet en France et en Afrique, en lien avec les Églises. En 2010, sa conférence portait sur le thème : « Inceste et prostitution ». Dans son expérience, 60 % des prostituées ont été victimes d’inceste. « Elles sont soi-disant volontaires mais elles portent en elles le mépris de soi et le rejet d’elles-mêmes. La prostitution ne peut pas être un choix assumé comme les autres, il y a forcément une blessure derrière. »


Interrogée sur la pertinence de la nouvelle loi, Danielle Babin ne mâche pas ses mots : « La pénalisation du client est une toute petite avancée. Le racolage public était un délit puni de 3 750 euros d’amende et de deux ans de prison. Le client, lui, n’encourt qu’une contravention de 1 500 euros. C’est complètement dérisoire et pas dissuasif du tout. » Elle aurait souhaité que la loi aille beaucoup plus loin, notamment en terme d’aide à la réinsertion. « Les budgets ne sont pas à la hauteur. » Alors, elle prend son bâton de pèlerin et en appelle à chacun : « Ce n’est pas les lois qui vont changer les choses. Mais le regard que chacun va porter sur ces femmes : un regard d’amour, de partage et de solidarité. »

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